21. Les Âmes-Soeurs (partie 1)

"Somewhere, between the sacred silence and sleep
disorder, disorder, disorder"

Toxicity - System of a down


Keith n'y croyait toujours pas.

Il se pensait condamné à une vie éternelle sans saveur, et voilà que d'un coup, une magnifique jeune femme du camp ennemi le tirait de sa prison et l'emmenait courir à travers des couloirs blancs et immaculés. En tant qu'ancien mortel devenu ange puis déchu, il en avait vu des situations étranges. Mais celle-là était assurément la plus surprenante. Peut-être parce que pour la première fois, il s'était retrouvé dans une impasse dont il paraissait inimaginable de sortir, et que tout avait semblé réellement perdu. Maintenant, il se sentait presque ridicule en repensant à ses larmes d'il y a quelques instants, persuadé qu'il était d'avoir perdu Lance. Il détestait montrer sa faiblesse. Il avait eu une absence, un trop-plein d'émotions, qu'il regrettait amèrement à présent. Il avait peur que cela le fasse passer pour quelqu'un de sensible, qu'il s'efforçait de ne pas être.

Allura, car tel était le nom de sa sauveuse, ne semblait pas lui en tenir rigueur outre-mesure. À vrai dire, elle n'avait pas du tout l'air intéressée par Keith. À partir du moment où elle lui avait ouvert la porte de sa prison et intimé de la suivre en silence, elle n'avait pas une seule fois tourné la tête. Keith mentirait s'il disait qu'il n'était pas vexé. Était-il si insignifiant et faible pour qu'elle ne prenne pas la peine de vérifier qu'il était toujours là ? Il était quand même un prisonnier de haute importance, recherché par les démons ! Il pouvait s'échapper à n'importe quel moment et aller divulguer tous les secrets des anges !

-Ne crois pas que tu es libre, Kezech. Si je te laisse vagabonder libéré de tes chaînes, c'est parce que je sais que si tu t'éloignes d'un pas, tu ne retrouveras pas ton chemin et tu seras arrêté dans la minute. Moi seule sait où aller pour éviter les gardes. Alors je te conseille de me suivre.

Était-ce encore pire de savoir qu'elle le considérait juste incompétent ? Malgré la piqûre à son ego, Keith devait reconnaître qu'elle n'avait pas tort. Sans elle, il serait incapable de savoir par où aller. Tous les couloirs et tous les halls se ressemblaient ! Il savait que l'Olympe était immense, il avait eu tout le temps de l'observer d'en bas quand il était encore un habitant du Paradis, mais jamais il n'aurait pensé que l'intérieur serait un labyrinthe aussi tortueux. C'était à se demandait comment faisait Allura pour se repérer. Peut-être possédait-elle un sixième sens d'ange supérieur. L'important, c'était qu'elle le sorte d'ici sans rencontrer personne. Comme si on jouait à Pac-man et qu'on évitait les fantômes, remarqua-il. La pensée de ce jeu vidéo fit naître en lui une nostalgie qu'il ne pensait pas ressentir un jour pour son époque d'origine, probablement car des souvenirs de Lance s'acharnant sur le même jeu lui revenaient en même temps.

Lance... Il finissait toujours par revenir à lui. Il avait passé toute le temps dans sa cellule à repasser en boucle sa dernière interaction avec le jeune homme, et c'était toujours aussi douloureux. Il n'avait pas eu l'occasion de savoir si sa révélation à propos de son attirance pour les garçons avait été bien prise ou si jamais il avait perdu à tout jamais son amitié. Même si à la mention du mot amitié, une voix railleuse qui n'existait que dans sa tête laissait entendre quelques doutes quand à la position de Keith sur le sujet. Ok, il avait déjà admis qu'il ressentait quelque chose pour Lance, et alors ? Ça n'arriverait jamais, et rester amis était la seule solution pour qu'il puisse continuer de fréquenter l'humain.

-Mince, jura soudain Allura devant lui, et il se força à rester concentré sur le chemin qu'ils empruntaient. Il aurait tout le loisir de penser à ça une fois que Lance serait sain et sauf.

L'élément perturbateur qu'avait repéré la capitaine était un soldat de grade inférieur qui pour une raison inconnue était planté au milieu d'un couloir, agenouillé devant une alcôve contenant un épais manuscrit usé par les ans. Rapidement, elle plaqua Keith contre le mur du couloir où ils se trouvaient afin de la cacher à la vue. Obéissant, il ne prononça pas un mot. Même si ça lui coûtait de devoir dépendre de quelqu'un comme ça, il savait que c'était un sacrifice à consentir s'il voulait sortir d'ici vivant. Et puis, il avait vécu pire que d'être intimé au silence.

Allura attendit quelques minutes avait de vérifier que la voie était libre, puis elle lui fit un signe de la main. Il la suivit. Le livre était toujours à sa place, mais le soldat avait disparu.

-C'est obligatoire de se recueillir quand on passe devant, expliqua la jeune femme devant l'air perplexe de Keith. Il s'agit de l'Angélus, le livre sacré des anges.

Ses yeux brillaient d'admiration rien qu'en en parlant, et elle-même s'attarda devant, la tête baissée. Il se retint de commenter. C'était le livre-même qui contenait la loi qui avait conduit Keith à être condamné la première fois. Même si elle était en train d'enfreindre les règles pour l'aider, il n'était pas sûr qu'elle apprécie qu'il lui dise ce qu'il pensait de son livre sacré à la noix.

Une fois ce temps de prière terminé, qui heureusement fut bref, ils continuèrent leur chemin à travers le dédale de couloirs et de pièces. À intervalles réguliers, des portes apparaissaient, les chambres de repos des soldats, expliqua Allura. Elle ajouta qu'ils se trouvaient désormais dans l'aile dédiée à la recherche et à la connaissance, et que par conséquent les risques d'être surpris étaient moins nombreux, ces deux secteurs étant peu fréquenté par les gardes. En effet, jusque là, ils avaient dû régulièrement stopper leur marche effrénée pour se cacher dans un renfoncement ou derrière une des rares tapisseries qui ornaient les murs blancs. Keith se demanda où est-ce qu'elle le conduisait comme ça. N'aurait-il pas été plus simple de sortir directement et de filer vers les Enfers ? Peut-être était-ce bien un piège après tout, et qu'elle le menait simplement à l'endroit où son bourreau attendait.

Dans ce fameux secteur des connaissances, le décor changeait radicalement de celui des prisons et des chambres de la Milice. Si la simplicité était de mise là-bas, le faste et le luxe prenaient sa suite ici. Des tableaux anciens tous plus imposants les uns que les autres étaient accrochés aux murs, et des lustres et chandeliers posés sur des meubles baroques. La largeur des couloirs avait doublé, et le sol recouvert de tapis aux riches couleurs, les portes en bois précieux. Au plafond, des peintres avaient reproduit des scènes bibliques et mythologiques. Malgré lui, Keith se retrouva bouche bée devant tant de merveilles regroupée.

-On a le droit de venir ici ?

-Les Archanges sont les seuls à fréquenter ce secteur, et aucun n'y est en ce moment, déclara-elle en agitant les doigts en l'air. Disons que ce qu'ils ignorent ne peut pas leur faire de mal.

Elle avait effectué cette mimique tout le long de leur trajet. Au départ, Keith avait simplement pensé qu'il s'agissait d'un tic un peu bizarre, mais il commençait à se demander si ce n'était pas l'explication du fameux "sixième sens" qu'il lui avait attribué. Sentant son regard posé sur ses phalanges, Allura poussa un soupir.

-Je sais, ce n'est pas censé servir à ça. Disons que la fin justifie les moyens.

Devant son air perplexe, elle réalisa qu'il n'avait aucune idée de ce qu'elle était en train de faire, et s'excusa de son impolitesse. Elle agissait de façon très maniérée, comme l'aurait fait une princesse ou une présidente. Keith, qui accordait peu d'importance à ce genre d'embarassements, se retrouvait presque gêné face à tant de délicatesse.

-C'est vrai que tu n'es pas un habitant de l'Olympe, tu n'as pas accès à ça... Quand j'effectue ce mouvement, les deux doigts qui font comme un «L» dans l'air, un panneau de contrôle apparaît devant moi. Dessus, je reçois mes ordres de mission, mes plannings, mais il y a une autre fonctionnalité, qui n'est censé servir qu'en cas d'urgence. Elle permet d'avoir accès à une carte répertoriant les positions de chaque ange munit de ce même outil. C'est grâce à ça que je peux voir où chacun est.

Keith était sceptique. Si Allura pouvait l'utiliser aussi facilement, pourquoi les autres n'en ferait-il pas de même ? Il formula sa pensée à voix haute, curieux.

-Personne n'a de raison de le faire. Est-ce que des membres d'une même famille voudraient en permanence se localiser dans leur propre maison ? Il n'y a aucun intérêt. Sans menace imminente, ce que chacun fait importe peu, tant que chacun respecte les lois et les tâches qui lui sont attribués.

-Passons sur le fait que personne n'en voit l'utilité. Les Archanges n'ont-ils pas une sorte de vision super puissante qui les informe si on s'introduit ici ?

Allura secoua la tête.

-Ce n'est pas un lieu de haute sécurité. C'est un quartier ouvert à tous, mais comme je l'ai dit précédemment, il est peu fréquenté.

-Et qu'y a t-il de si intéressant pour nous ici ?

Sans un mot, la capitaine s'avança jusqu'à la porte la plus proche, qui paraissait aux yeux de Keith semblable à toutes les autres, et l'ouvrit.

Ce qu'il y avait à l'intérieur dépassait tout ce qu'il aurait pu imaginer. Il s'agissait d'une salle immense, qui était bien trop profonde et trop haute de plafond pour correspondre à la dimension des couloirs traversés. Des dizaines et des dizaines d'étagères s'étalaient à intervalles réguliers, si loin qu'on en voyait pas le bout, remplies à craquer de livres de tous les formats et de toutes les couleurs. Entre elles, des tables en bois, et de temps à autre un escabeau. L'endroit, bien loin d'être sombre, était étonnamment clair grâce au plafond de verre, qui laissait passer les rayons du soleil sur toute la surface de la pièce. Le sol était d'ébène et les murs recouverts de boiseries. Une bibliothèque, la plus fournie qui ai jamais dû exister.

-C'est fabuleux, murmura Keith.

Allura, pas peu fière de son effet, referma la porte derrière eux et ouvrit en grand les bras.

-Kezech, voici la bibliothèque de l'Olympe ! Ici se trouvent tous les ouvrages publiés depuis l'invention de l'écriture. Des pièces introuvables, des ouvrages uniques, récupérés sur Terre au fil des siècles. Le contenu entier de la bibliothèque d'Alexandrie, par exemple, sauvé par Saint Hélius. Les parchemins perdus des pharaons d'Égypte, les recherches des savants des jardins de Babylone, les originaux d'écrivains et d'écrivaines... Tout est là.

Il n'y avait pas de mots pour décrire le sentiment qui envahit Keith à cet instant. C'était un trésor, un recueil inimaginable de connaissances regroupés en un seul lieu. Les archéologues et scientifiques du monde entier aurait tué pour avoir accès à cet endroit. Il était conscient de la chance qui lui était donné d'être ici.

-Certes, c'est superbe, mais il ne faut pas perdre de temps, trancha Allura, qui était déjà partie dans les rayonnages. Nous sommes ici pour trouver un moyen d'accéder aux Enfers.

-Tu veux dire que tu ne sais pas comment y aller ? fit Keith, stupéfait. Mais je pensais...

-Tout comme l'accès au Paradis est réglementé, l'accès aux Enfers n'est accessible qu'aux personnes autorisés. L'entrée est trouvable, mais gardée, et pas discrète. S'ils te laisseront sûrement passer car ils te recherchent, voir la capitaine de la Milice ne va pas leur inspirer confiance. La dernière chose dont on ait besoin, c'est de déclencher une guerre. Je ne sais pas comment entrer autrement que par la voie directe, mais les livres anciens nous diront comment faire.

-Il faut trouver ici un moyen dérobé de pénétrer dans les Enfers ? Mais c'est chercher une aiguille dans une botte de foin ! Et on manque de temps !

-Ce n'est pas aussi désespéré que tu ne le crois. Il y a un classement chronologique et thématique. On peut déjà arrondir les recherches en se concentrant sur les livres écrits pendant la période gréco-romaine traitant des lieux après la mort. C'est de loin les plus fournis dans le domaine. Il y a également la Divine Comédie de Dante qui pourrait s'avérer intéressante, et Paradise lost de John Milton. Ils offrent des versions passionnantes des Enfers.

-Et c'est leurs inventions sans fondements, des romans, qui vont nous guider ? objecta Keith.

-Tous les mythes sont vrais. Toutes les mythologies se recoupent, s'entrecroisent, se répondent. Il faut savoir chercher les clés dans chacune d'elles et les relier aux autres. Mais aucune n'est au dessus, elles se partagent le monde.

Ses yeux parcouraient les rayonnages frénétiquement alors qu'elle faisait appel à toute sa mémoire pour trouver des ouvrages qui pourraient leur être utile. Keith supposa qu'elle avait dû passer beaucoup de temps ici. Il ignorait si les anges avaient une enfance ou quoi que ce soit du même genre, ou s'ils naissaient ainsi. Peut-être étaient-ce d'anciens humains ? Il secoua la tête. Ce n'était pas le moment. Son discours l'avait ébranlé. Il remettait en cause les fondements de ce en quoi il avait cru jusque là.

-Mais je ne vois toujours pas comment des livres de fiction pourraient indiquer l'emplacement d'un lieu réel.

Allura soupira.

-C'est compliqué à expliquer. L'imagination des premiers humains n'était pas seulement foisonnante, elle était également porteuse de pouvoirs qu'aujourd'hui les écrivains et écrivaines possèdent en moindre quantité : ceux de créations. En construisant un monde bâti de toutes pièces dans leurs têtes, ceux-ci prenaient réellement forme dans la réalité dans laquelle ils vivaient. Ou bien c'était des mondes déjà existants qui leur apparaissaient en rêve. La frontière est mince entre les deux, et la vérité n'a jamais été clairement établie. Toujours est-il que dans les oeuvres des anciens poètes, ce qu'ils décrivent existe bel et bien sur Terre encore aujourd'hui.

-C'est complètement fou !

-Pas tant que ça. C'est juste quelque chose de difficile à assimiler. Je ne saurais en parler correctement, et je n'ai pas le temps de m'attarder là-dessus. Retiens pour l'instant que tout ce que tu lis d'époque existe réellement. J'expliquerais en détail plus tard !

Keith hocha la tête, sonné par tant de révélations. Allura était déjà parti explorer des rayonnages un peu plus loin. Avec un soupir, il s'attela à la tâche.

Il déchanta bien vite. La lecture n'avait jamais été son passe-temps favori, et il n'était pas vraiment enthousiasmé par les contorsions syntaxiques dans écrivains d'antan. Pourquoi ne pouvaient-ils pas énoncer clairement les choses au lieu de se cacher derrière des métaphores obscures ? La capitaine lui avait parlé de Dante, mais les chants qui composaient son oeuvre étaient imbuvables. Lassé, il reposa l'énorme manuscrit sur la table la plus proche, et commença à déambuler dans les rayons, cherchant quelque chose de pertinent qui ne le ferait pas bailler d'ennui.

Il songea que la dernière fois qu'il était entré dans une bibliothèque, c'était en compagnie de Lance. Des réminiscences de sa courte période sur Terre resurgirent en masse, envahissant son cerveau et nouant son coeur. Il les revoyaient, assis à l'une des tables, aidé par la responsable alors qu'ils tentaient de comprendre comment Keith était arrivé là et comment il pouvait en sortir. C'est à ce moment-là que Lance avait abordé la notion des «âmes-soeurs».

À ce moment-là, il n'avait aucune idée de ce qui se cachait derrière ce terme étrange, et il ne s'y était pas attardé. Mais quand il lui avait été arraché, quand Lotor s'était volatilisé avec Lance dans ses bras, la déchirure de son coeur avait fait écho à quelque chose d'autre à l'intérieur de lui, comme si son âme elle aussi venait d'être séparée en deux. Il avait tellement souffert qu'il aurait pu accepter dix mille ans de douleur tant que Lance revenait à ses côtés. Des âmes-soeurs, comme disaient les poètes anciens. Un être avec qui la connexion était immédiate. Il se rappelait de la définition que Lance en avait donné. Sa mémoire recréait la scène comme si elle se déroulait sous ses yeux en ce moment. Ses doux cheveux, son regard lumineux, son sourire passionné.

-Pas forcément de l'amour au premier regard, non, mais quelque chose qui lie, indéniablement. Une connexion si forte que tu n'as jamais éprouvé une telle chose. Et au fil du temps, cette connexion se mue en un amour puissant, complexe et profond, qui te fais penser que tu n'as jamais expérimenté l'amour auparavant.

Il s'était cent fois remémoré cette conversation pendant son absence, il avait analysé chaque mot, fouillé dans ses sentiments pour en ressortir une correspondance quelconque. Tellement détruit qu'il était incapable de parvenir à une conclusion cohérente. À présent qu'il était remis sur pieds, envahi d'un nouvel espoir, les phrases prononcées par Lance faisaient battre son coeur plus vite. Il n'osait pas s'avouer ce qu'il avait pourtant déjà accepté au fond de soi : qu'il aimait Lance, et qu'il était son âme-soeur.

Prononcer distinctement le mot dans sa tête le fit frémir. C'était une chose d'avoir une vague idée qui flottait dans l'esprit, c'en était une autre d'apposer clairement des mots dessus, de l'ancrer dans la réalité. Curieusement, il n'éprouva pas de dégoût, ni de rejet, comme ce qui lui venait habituellement à la pensée d'aimer un garçon. Ça lui semblait un sentiment beaucoup trop pur pour être entaché.

En parlerait-il à Lance ? C'était un débat qu'il avait eu des dizaines de fois quand il pensait être seulement attiré par lui. Il décida qu'il verrait sur le moment. Pour l'instant, il avait la moitié de son âme à sauver.

*

Au bout d'une heure de recherche, les deux anges se retrouvèrent à une des nombreuses tables, éreintés. Chacun avait ouvert des quantités d'ouvrages, noté des quantités de lieux possibles où pourrait se dissimuler une entrée secrète pour les enfers. Celui qui revenait le plus souvent était le lieu où le corps de Lucifer avait heurté le sol en étant chassé du Paradis, il y a des milliers d'années de cela. Il se trouvait visiblement dans une faille en Italie, dissimulé sous une des sept collines de Rome, la Cité Éternelle. Allura exposait maintenant les difficultés qu'ils allaient rencontrer pour sortir du Paradis. Une fois sur Terre, ils se fondraient dans la masse, mais pour y arriver, ça n'allait pas être une partie de plaisir.

-Les Archanges sont persuadés que leur forteresse est imprenable, certes, mais ça n'empêche pas la mise en place d'un système d'alarme et de défense. L'orgueil est un péché, et ils savent mieux que personne que trop de confiance est dangereux.

-Et ton plan, c'est simplement de passer par le Tribunal, autrement dit le lieu qui doit être le plus surveillé ?

Elle soupira.

-C'est le seul qui contienne une entrée directe pour la Terre, sans avoir besoin de s'exposer aux regards des gardes qui nous verront assurément quitter l'Olympe. On part de l'intérieur même.

-Admettons. Comment est-ce qu'on passe devant les sentinelles ? C'est pas vraiment un lieu de passage.

Elle avait dessiné un plan de la salle, et rajoutait des détails restitués au fur et à mesure par sa mémoire. Son trait était droit et précis. Elle aurait été talentueuse, si elle avait pu continuer à pratiquer.

-Moi, je passe sans problèmes. Toi, c'est une autre affaire. Par tous les dieux, comment va-t-on se débrouiller ?

Convaincu que sa participation serait inutile, Keith se leva pour déambuler entre les rayons, cherchant du regard un livre qui pourrait les intéresser afin de résoudre le problème.

Il attira tout d'abord son attention grâce à sa couverture d'un blanc immaculé, qui tranchait avec les ouvrages délavés et vieillis tout autour. Il semblait neuf, alors qu'il était classé parmi les plus anciennes possessions de la bibliothèque. Intrigué, Keith le sortit pour voir s'il traitait du sujet qui les intéressait. Mais à sa grande surprise, aucun titre, aucun nom ne figuraient sur la couverture. Il se mit à le feuilleter, mais fut bien vite déçu. La langue utilisée n'était comme nulle autre qu'il connaissait, composée de signes étranges. Il devait s'agir d'un dialecte ancien d'anges, qu'il ignorait. Alors qu'il s'apprêtait à le remettre à sa place, la voix d'Allura le fit sursauter.

-Kezech, j'ai peut-être une solution...

Elle stoppa quand elle posa les yeux sur le livre blanc. Sa bouche s'ouvrit, puis se referma. Keith eut peur un instant de l'avoir cassé. Mais elle se reprit aussi vite, et désigna l'ouvrage du bout du doigt :

-Où as-tu trouvé ça ?

-Ici, sur cette étagère, répondit l'ange confus.

Elle s'avança, s'empara du livre, et l'ouvrit en son centre, les yeux perdus dans le vide. Elle semblait totalement transformée, transfigurée par ce qu'elle y lisait. Puis soudainement, elle le lâcha et s'écroula à terre en se tenant la tête à deux mains.

-Aaaah !

-Allura ? Allura, ça va ? s'affola Keith.

Elle tremblait à présent, les yeux grands ouverts, le corps secoué de soubresauts. Keith, paniqué, regarda autour de lui comme si les livres amassés là allaient subitement lui conférer un pouvoir de guérison. Il n'avait personne à qui appeler, personne ne savait qu'ils étaient là. En désespoir de cause, il s'agenouilla à côté d'Allura, lui tenant l'épaule.

-Ça va aller, ça va aller, bafouilla-il. Qu'est-ce qui se passe ? Allura !

Elle se stoppa, les yeux fixés au plafond, le corps relâché. Puis brusquement, elle commença à s'élever dans les airs, tout en se redressant. Ses cheveux se mirent à flotter autour d'elle, formant un halo blanc qui avait quelque chose de divin. Ses bras s'écartèrent, paumes tournées vers Keith, et sa bouche murmurait des choses qu'il ne comprenait pas. Elle était en transe, plus d'un mètre au dessus du sol, sans aucune conscience de ce qui lui arrivait.

-Merde, merde, merde ! jura Keith, qui donna un coup de pied dans le livre qu'elle avait laissé tomber. Qu'est-ce que tu lui as fait, toi ?

D'un geste rageur, et aussi dans l'espoir que l'effet inverse se produise, il l'ouvrit et le brandit aussi haut qu'il le pouvait. Ce qui arriva ensuite dépassa tout ce qu'il aurait pu imaginer. L'écriture sur le livre se mit à briller, en écho aux yeux d'Allura. Elle posa une main sur le livre, et la lumière se fit plus forte. Il s'éleva à son tour. Puis tous deux retombèrent sur terre, assez violemment. Le tout n'avait duré qu'une dizaine de secondes. La capitaine de la Milice grimaça et se frotta le crâne. Keith, bouche bée, ne pensa même pas à effectuer un mouvement. Quand il reprit ses esprits, ce fut pour articuler un bête :

-Mais... qu'est-ce qui s'est passé ?

Allura avait bien vite repris son sérieux. Haletante, elle se leva, et feuilleta à nouveau le bouquin, cette fois sans qu'aucun phénomène mystérieux ne vienne troubler la quiétude des lieux. Puis elle se tourna vers Keith, les yeux brillants de larmes :

-C'est mon peuple qui a écrit ce livre, Kezech. C'est l'écriture des miens. Un livre qui devait leur être sacré, c'est...

Elle se tut.

-C'est... ? insista Keith.

-Un livre de prophéties, acheva-elle enfin, en caressant la couverture immaculée. Mon peuple y consignait les prédictions d'une oracle, qui rythmaient leur vie, jusqu'à...

Elle ouvrit la dernière page. Là, un dessin figurait entre deux lignes de texte illisible pour Keith. Deux jeunes filles dos à dos, les mains jointes, la tête en arrière, de la lumière qui entouraient leurs deux corps. Il reconnut avec stupeur l'une d'entre elles. Il s'agissait d'Allura. L'autre avait des cheveux blonds et une peau pâle.

-C'est la dernière prophétie du livre. Parce qu'ensuite, mon peuple a été massacré par les démons. Et je comprends pourquoi. Cette prophétie... Elle annonce la venue de deux âmes jumelles, deux âmes-soeurs, qui une fois réunies pourront plier l'univers à leur volonté. Et ces âmes venaient de mon peuple.

*

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Calypso

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