13. Keith Kogane
[TW HARCÈLEMENT, VIOLENCES]
-Keith ? Tu n'aurais pas vu mes fiches de préparation, par hasard ?
Un grognement sortit de la bouche de l'ange, qui gisait inerte sur le lit de son protégé, la tête enfouie dans l'oreiller.
-Je n'entends pas bien ce que tu essayes de me dire, là, fit remarquer Lance. Ouhou ? Tu as vu mes fiches ou pas ?
Keith espérait que son absence de réaction conduirait Lance à abandonner l'affaire, mais c'était mal le connaître. Une demi-seconde plus tard, il sentit un point peser sur son dos et une main fourrager dans ses cheveux.
-Keith, youhou !
Cette fois, sa réponse ne se fit pas attendre : sentir la main de l'humain sur sa tête avait déclenché en Keith bien plus de choses qu'il ne l'aurait voulu, et son premier réflexe fut de se retourner violemment, projetant son protégé contre le mur à côté. Sur le coup, il n'avait pas pensé aux conséquences : la seule injonction qui avait traversé son corps avait été un «Arrête!» plus fort que tout. Il ne savait même pas pourquoi il avait fait ça, mais il se sentait étrangement... Gêné ? Il était sûr que ses joues auraient été cramoisies s'il avait actuellement eu du sang dans ses veines au lieu de ce liquide pailleté, qui selon Lance le faisait ressembler à une boule disco.
S'étant redressé d'un bond au contact du brun, il faisait maintenant face à ce dernier, qui se frottait la tête, un air de souffrance sur le visage. Le regret l'envahit aussitôt, aussi fort qu'une vague déferlant sur son esprit.
-Bordel, Keith, qu'est-ce qui t'as pris ?
-Pardon, pardon, pardon, je suis désolé, je voulais pas, j'ai paniqué et -
-Mec, si tu voulais pas que je te touche, tu aurais dû le spécifier avant ! geignit Lance d'une voix aigue. Je viens d'une famille de cinq enfants, alors pour ce qui est du contact physique, j'ai pris l'habitude, mais si tu veux pas, dis le au lieu de me jeter dans les murs !
-Pardon, murmura Keith, qui s'écarta un peu plus du jeune homme. J'ai juste des ... Frontières avec les gens. C'est juste que... J'imagine que je suis pas vraiment habitué à ce qu'on me touche de manière... Enfin je ne me souviens pas de ma vie sur Terre, évidemment, mais je crois que le contact avec les autres n'était pas forcément ...
-Affectif ? suggéra Lance, toute douleur oubliée et maintenant complètement pris par ce que racontait l'ange.
Ils se tenaient tous les deux dans la chambre que Hunk et Lance se partageaient, sur le lit de ce dernier, chacun à une extrémité maintenant que les limites avaient clairement été établies.
Keith hocha la tête piteusement. Ne pas se rappeler de sa vie ici était une chose, mais qu'il lui reste juste assez de bribes de souvenirs pour gâcher sa vie présente en était une autre. Il avait des flashs, de coups qu'il avait reçu, de sa tête plongé dans des toilettes, d'inscriptions qui disaient des choses désobligeantes tracées au marqueur indélébile sur sa peau pâle. Il n'avait aucune idée de pourquoi il avait subi de telles choses, ni qui en étaient les responsables, encore moins de si ces harcèlements étaient la cause de sa mort. Mais parce qu'il s'en rappelait vaguement, cela l'empêchait de prendre un nouveau départ et d'apprécier complètement sa nouvelle vie ici en général, comme là avec la désagréable sensation qui l'avait traversé dès lors que le corps de Lance était entré en contact avec le sien.
-Affectif, répéta Keith en hochant la tête. Ce n'est pas contre toi, c'est juste que le toucher physique me dégoûte, me révulse presque... Je ne sais pas si j'arriverais un jour à toucher vraiment quelqu'un. Sans les sous-entendus que ça implique, je ne voulais pas faire référence à ça, mais je... Oh et puis merde, je m'embrouille encore plus...
-Non, je comprends. Vraiment, il n'y a aucun mal à ne pas vouloir être en contact physique avec les autres, chacun a ses propres limites que les autres doivent respecter, et toucher les autres n'est pas la norme. Il y a des personnes tactiles et d'autres qui le sont moins, mais aucune de ces catégories n'est moins bien que l'autre.
Keith releva enfin les yeux, rencontrant les pupilles bleus du Cubain, qui lui firent rater un battement de coeur. Lance était magnifique. Il était magnifique à l'extérieur et à l'intérieur, même si cela, Keith avait mis du temps à le réaliser.
-Merci, dit-il simplement. Ce que tu dis... Ça m'aide.
Le sourire qui s'afficha sur le visage de Lance valait tout l'or du monde. Keith aurait voulu être capable de créer un sourire comme ça en continu, qu'à chacune de ses phrases, il lui adresse un sourire aussi éclatant. Il s'apprêtait à prendre son courage à deux mains et à le lui dire, mais à ce moment la porte s'ouvrit brusquement sur Hunk qui semblait plus pressé que jamais.
-Lance !
Le jeune homme bondit du lit, toute trace de la discussion qu'il venait d'avoir effacé.
-Qu'est-ce ce que tu fiches sur ton lit ? La cérémonie commence dans dix minutes, et Alfor t'attend au stand d'astrophysique !
Le brun lança un bref regard là où se tenait Keith, avant de quitter le lit et de se diriger vers son bureau pour fouiller parmi la masse de papier amassée là.
-Tu vas me dire que tu n'as pas tes feuilles prêtes ? gémit Hunk. Je t'avais dit de te préparer à l'avance !
-J'avais demandé à ...
Le nom de Keith mourut sur ses lèvres. Il ne pouvait pas révéler l'existence de l'ange, même à son meilleur ami. C'était un secret qu'il gardait pour lui, bien au chaud. Il mentirait s'il disait que ça l'embêtait tant que ça de faire des cachotteries à ses proches. En un sens, il était content d'avoir une petite part de sa vie qui n'appartenait qu'à lui, alors qu'il avait tant l'habitude de jacasser sur le moindre événement qui le concernait. Sa relation avec Keith était un petit trésor qu'il chérissait précieusement, et le fait que personne d'autre ne soit au courant de cette dernière la rendait encore plus... spéciale ? Il n'aurait pas su exactement comment le définir, mais toujours est-il qu'il aimait cela.
-Enfin, bref, je ne les ai pas trouvé.
-T'abuses, Lance ! Pidge nous attend en bas. Iel est censé être sur le stand de Professeur Coran depuis un quart d'heure.
-Pardon ! gémit son ami. Laisse tomber les feuilles, j'improviserais.
-Tu es sûr ?
-Oui, j'ai une bonne mémoire, je me rappellerais des idées principales.
Assis sur le lit, Keith assistait à l'échange entre les deux jeunes hommes, incapable d'y participer. Aujourd'hui était un jour spécial pour les élèves de la Garnison : c'était les portes ouvertes de l'école, ainsi que la fête célébrant ses 150 d'existence. Lance, Hunk et Pidge étaient chacun chargés d'assister leurs professeurs pour présenter aux futurs étudiants les matières proposés ici. Évidemment, ils étaient tenus d'en faire une publicité positive, et il savait que Hunk avait passé des heures à préparer des arguments en béton pour vanter les mérites des études ici.
Lance n'avait pas montré une telle motivation, et c'était compréhensible : vu toutes les remarques qu'Iverson lui avait adressé, il était évident qu'il n'était pas enclin à faire la promotion de ses méthodes. Malgré tout, il aimait les cours d'astrophysique avec le professeur Alfor, et c'était uniquement pour lui qu'il s'était décidé à donner le meilleur de lui-même, pour lui faire plaisir. Keith l'avait aidé à organiser ses idées jusqu'à former un plan construit, qui, il en était sûr, allait lui remonter sa moyenne. Maintenant que les deux partageaient plus de choses, et arrivaient à se parler sans que les choses s'enveniment trop, ils découvraient mutuellement qu'ils arrivaient à s'apporter de bonnes idées. Mais Keith n'avait sincèrement aucune idée de l'endroit où Lance avait pu perdre ses feuilles préparées avec tant de soin. Quand ce dernier lui lança un dernier regard désespéré avant de suivre Hunk, il haussa les épaules. Résigné, le brun referma la porte derrière lui.
Le silence tomba sur la chambre. Keith avait évidemment prévu de le rejoindre, mais avant, il y avait quelque chose qu'il souhaitait vérifier. Il ne savait pas comment cette idée lui était venue : une intuition, peut-être ? Toujours est-il qu'elle ne l'avait pas quitté et qu'il n'arriverait pas à se la sortir de l'esprit sans s'assurer qu'elle n'était rien de plus que son imagination.
Il se leva et se dirigea vers la fenêtre. Dehors, le temps n'était pas des plus joyeux : la pluie tombait drue sur le parc de l'école, une météo peu surprenante pour une fin de mois d'octobre. Les stands, qui étaient prévus pour être disposés un peu partout dans la cour, avaient dû être rapatriés dans la grande permanence, la salle qui servait aux examens. Toutes les fenêtres étaient allumés, créant une impression d'une dizaine de petites lucioles collées un peu partout sur les bâtiments. Keith appuya son front sur la vitre et ferma les yeux. Le bruit apaisant des gouttes qui s'écrasaient contre le carreau formait une berceuse, calme et posée. Il resta comme cela plusieurs minutes, écoutant simplement la pluie tomber et les lointains murmures d'une personne parlant dans un micro quelques fenêtres plus loin. Il se sentait bien. Apaisé. Aucun tourment ne dévorait son coeur, aucun flash-back désagréable ne le hantait. Pourtant, il fallait qu'il aille fouiller dans son passé, volontairement cette fois.
Avec un soupir, il se décolla de la vitre, et la sensation du verre froid s'attarda sur son front quelques secondes avant de disparaître. Il était content d'être toujours capable de ressentir de petites choses aussi insignifiantes qu'un contact glacé, car cela le confortait dans l'idée qu'il était toujours un peu vivant. Il marchait, il parlait, il ressentait des choses : les personne mortes ne font pas cela, pas vrai ? Il ignorait si sa condition était réversible. Mais il fallait bien qu'il commence à se renseigner quelque part. Rester dans l'ignorance et la passivité n'avait jamais été son point fort : il avait le besoin impérieux d'agir. Découvrir les causes de sa mort lui semblait le seul moyen de parvenir à en savoir un peu plus sur sa vie actuelle. Peut-être connaître son passé, sa vie terrienne débloquerait quelque chose en lui ? Il n'en était pas sûr, mais c'était la seule chose qu'il pouvait faire pour l'instant, tant qu'il n'en savait pas plus sur le Paradis ou les Archanges. Lance aurait désapprouvé, et c'est pour cela qu'il se retrouvait seul dans cette tâche. Son protégé n'aurait pas voulu qu'il se force à souffrir pour trouver d'où il venait, pourtant Keith était convaincu que c'était le seul moyen.
Pour l'instant, les seuls indices qui lui restaient de son existence ici étaient des moments agressifs, pleins de violence et de haine. Avait-il connu le bonheur ici ? Qu'importe ce qui lui était arrivé autrefois : il n'avait maintenant plus rien à perdre.
Fermant à nouveau les paupières, Keith se concentra au maximum pour tenter de faire revenir à la surface de sa conscience sa mémoire humaine. Elle devait être là, quelque part : les bribes qui lui revenaient parfois en étaient les preuves. Il se força à revoir sa tête plongé dans une cuvette de toilettes, ses yeux qui brûlaient, ses cris désespérés étouffés par l'eau qui s'engouffrait dans ses poumons, dans son nez, dans sa bouche, partout, la pression d'une main sur sa nuque, les cris railleurs de plusieurs personnes derrière lui. Il se força à revoir les silhouettes moqueuses qui le poussaient à terre dans les vestiaires de sport, qui vidaient son sac et lui donnaient des coups de pieds. Il revit les ciseaux d'un de ses tortionnaires au dessus de sa tête, et quelques mèches de ses cheveux tomber au sol. Il revit les bousculades, les insultes, et se força à aller toujours plus loin, à se remémorer toujours plus d'horreurs, dans l'espoir de découvrir un nom, un visage, un indice, n'importe quoi pour identifier l'endroit où il habitait où les personnes qui l'entouraient. Au bout d'une dizaine de minutes de ce traitement, il dû arrêter, vidé de ses forces, sa tête lui faisant atrocement mal.
C'est comme s'il y avait un barrage dans son esprit, quelque chose qui lui faisait obstacle, qui entravait ses souvenirs humains. Il n'arrivait pas à passer outre. Avec rage, il donna un coup de poing dans le mur, puis un autre, puis un autre, jusqu'à ce que sa main saigne. Des larmes d'impuissance roulaient sur ses joues, qu'il essuya bien vite. Il ne voulait pas pleurer, personne ne méritait qu'il verse des larmes pour lui. Puis, la colère toujours bouillante en lui, mêlée à une tristesse non contenue, il ouvrit la porte et s'engouffra dans le couloir, bien décidé à retrouver Lance, et à oublier tous ces souvenirs qui prenaient à présent toute la place.
Dans ses flash-backs, il n'entendait pas les voix de ses agresseurs, mais il les imaginait parler. Il savait qu'ils l'insultaient et lui disaient des choses horribles, mais il n'avait aucune idée desquelles. Il ne savait pas pourquoi il avait subi autant de choses, et cela le minait. Qu'avait-il fait pour qu'on s'attaque à lui comme ça, qu'on lui enlève son humanité ? Le Keith des visions était petit, innocent, terrorisé. Il aurait aimé revenir dans son passé et se faire un câlin à lui-même, lui dire que tout allait bien se passer. Mais le Keith de ce passé était mort, et Keith d'aujourd'hui était tout ce qui restait de lui. Il se devait de se rendre justice, et de faire payer ses agresseurs. À cet instant, il se jura de tout faire pour leur faire payer, non seulement ce qu'ils lui avaient fait vivre à l'époque, mais ce qu'ils lui faisaient vivre maintenant.
Tout à ses pensées, il loupa la salle dans laquelle Lance était supposé faire sa présentation, et dû revenir sur ses pas une fois calmé. Il se mit à attendre devant la porte, le temps que ses yeux sèchent et que les tremblements de sa main diminuent. Il savait qu'il n'aurait pas dû replonger volontairement dans son passé, il n'était pas capable d'endurer cela seul, il avait besoin de Lance, c'était la seule certitude qu'il avait. Lance était le seul à pouvoir le sortir de là. Pour chasser les mauvais souvenirs, il fit appel à l'image du cubain. Ses cheveux chocolats délicatement bouclés aux extrémités, sa peau mate et dépourvu de toutes imperfections, ses yeux d'un bleu si pur bordé de longs cils noirs, ses taches de rousseurs comme autant de petites étoiles couleur cannelle sur ses joues. Son sourire à dix mille volts. Peu à peu, sa respiration se calma. Il n'était pas seul, il n'était plus seul. Lance resterait avec lui, il le voulait. Lance était celui qui pouvait l'empêcher de céder à ses impulsions, sa balance, son équilibre.
Quand il fut enfin sûr d'avoir réussi à se composer un visage à peu près normal, il pénétra dans la pièce. Depuis tout à l'heure, il entendait vaguement les bruits qui parvenaient de l'intérieur sans vraiment y faire attention. Mais maintenant qu'il pouvait pleinement se concentrer sur ce qui l'entourait, il lâcha un petit cri de surprise émerveillé. La salle avait été complètement redécorée pour l'occasion. De grands draps bleus avaient été étendus sur les murs pour les dissimuler à la vue du public, et les lumières avaient été assorties d'un filtre de la même couleur, ce qui créait une ambiance mystique et intrigante. Les tables avaient été reculées contre les murs, laissant la place pour de géantes planètes en papier mâché suspendues au moyen d'un ingénieux système de cordes et de poulies, ce qui faisait qu'elles tournaient atour de la pièce.
Lance se tenait au centre de tout cet assemblage, debout sur une table aux côtés du professeur Alfor qui semblait fier de son élève. Les nombreuses personnes qui visitaient l'établissement avec des élèves guides demandaient à s'arrêter pour écouter ce qu'il avait à dire, et la salle était pleine à craquer, autant qu'elle pouvait l'être sans que les planètes tournantes ne gênent personne. Keith se faufila de son mieux à travers la foule compacte pour atteindre Lance, qui s'illumina en le voyant. À cet instant, l'ange sentit un curieux sentiment lui tordre le vent, mais, envahi par la fierté et le bonheur de voir Lance si heureux, il n'y prit pas garde. Tout était si beau, la lueur bleue, les planètes brillantes, Lance au centre de cet univers improvisé, et le contraste était si fort après les réminiscences de son passé et il était tellement submergé de soulagement et de joie, qu'il ne réfléchit pas et serra le cubain dans ses bras.
Ils titubèrent sous la violence de cette étreinte, et après quelques secondes de battement Lance entoura à son tour le corps de l'ange de toutes ses forces. Ils restèrent ainsi quelques minutes, puis Lance se rendit compte que pour un spectateur extérieur, le voir faire un câlin au vide avec un air attendri et les yeux fermés devait être assez étrange, et il se recula. Ses yeux croisèrent ceux de Keith, et lui aussi, la chaleur de la pièce, cette ambiance bleuté et les voix des visiteurs lui montaient à la tête, rendant l'instant un petit peu magique. Il rougit, sûrement, mais il n'avait pas le temps de s'attarder sur le comportement de l'ange : sa présentation allait commencer. Il se racla la gorge, évitant les regards intrigués du public
-Mesdames, messieurs, et ceux qui ne sont ni l'un ni l'autre, bienvenue à la Garnison ! commença-il d'une voix encore un peu tremblante. Ici, vous êtes arrivés dans une pièce qui, comme vous pouvez le constater, n'est pas comme les autres que vous avez pu voir jusqu'ici. Non, personne n'est là pour vous présenter une matière de la façon la plus ennuyeuse possible, comme tout le lycée a l'air de le faire. Ici, vous êtes arrivés dans la salle qui abritera les plus belles heures de votre vie, et les plus passionnantes : les heures d'astrophysique !
Laissant Lance continuer son petit speech, Keith s'assit derrière lui, obtenant ainsi une vue parfaite sur les regards de l'assemblée, qui suivaient le cubain comme s'il s'agissait de la chose la plus intéressante au monde. Ils étaient tous hypnotisés par ses mouvements ; il suffisait qu'il désigne un endroit de la salle pour que tous les yeux s'y dirigent. Keith les comprenait : il avait assurément un charme de leader, et une voix faite pour diriger les foules. Être au centre de l'attention, c'était son truc, et il savait comment agir une fois l'attention du public fixé sur lui. Keith n'avait aucune de ses qualités, ou du moins c'était l'impression qu'il avait. Pour lui, Lance était un leader-né, et les gens comme lui étaient de ceux qui les assistaient fièrement.
Quand la présentation fut terminée, un bon quart d'heure plus tard, les applaudissements de la foule retentirent plus fort que jamais. Alfor posa une main sur l'épaule de son élève, un sourire fier aux lèvres. Lance était tout content, il répondait avec enthousiasme aux questions des parents et futurs étudiants venus demander des précisions, agitant les mains pour exacerber son propos. Keith l'observait de loin, une douce chaleur se répandant dans son corps. Il était heureux d'être tombé sur quelqu'un comme Lance pour exercer sa fonction d'ange gardien, il n'aurait pas pu tomber mieux.
Une fois que les derniers visiteurs furent partis et que ceux du tour d'après pas encore arrivé, et qu'Alfor annonça qu'il partait se chercher un café, Lance se retourna vers l'ange, un sourire immense lui traversant le visage.
-Alors, t'en as pensé quoi ?
-Tu es génial, lâcha Keith de but en blanc.
Pris au dépourvu, l'humain ouvrit de grands yeux écarquillés et rougit de façon significative. L'ange était d'habitude plutôt avare de compliment, et celui-ci venait tellement du coeur qu'on ne pouvait douter de sa sincérité.
-Tu exagères, je n'ai fait que présenter la matière...
-Oui, mais de la meilleure façon possible ! Tu les a intéressés Lance, tous, même ceux qui au début faisaient la tête. Ils étaient fascinés. Tu es fait pour ça ! Je te garantis qu'ils vont tous s'inscrire à la Garnison l'an prochain.
-...Merci, Keith. Ça me fait vraiment plaisir.
-Pas de problèmes.
Il y eu un moment de silence, puis quelque chose sembla traverser l'esprit de Lance.
-Oh, flûte, j'avais complètement oublié, mais il y a une chose que je voulais vérifier.
-De quoi est-ce tu parles ? s'enquit l'ange, intrigué.
-Je ne peux pas laisser Alfor tout seul, les prochains vont sûrement arriver dans pas longtemps, ils doivent être encore à la cérémonie d'accueil, mais il faut que j'en ai le coeur net...
-Lance, de quoi tu parles ?
Il planta ses yeux bleus dans ceux de Keith, une lueur déterminé au fond de ses pupilles.
-Je crois que je t'ai déjà vu avant.
Le choc que cette phrase occasionna pour l'ange fut comparable à celui éprouvé quand Nina lui avait révélé son nom et par la même occasion, la vérité sur le paradis. Aussitôt, un besoin urgent que Lance lui raconte tout le traversa, et il agrippa les épaules du jeune homme, les yeux fous.
-Où ça ? Tu en es sûr ?
-Il faut que j'aille vérifier, bredouilla Lance, mais j'y ai soudainement pensé tout à l'heure... Suis moi.
Il l'entraîna à travers un dédale de couloir, qui paraissait tous semblables à Keith tant il était focalisé sur une seule chose : la découverte de son identité humaine. L'espoir grondait en lui comme une mer en colère, et il savait que c'était déraisonnable de s'accrocher à une chance aussi mince, mais malgré tout il faisait confiance à Lance, s'il pensait l'avoir vu il devait avoir raison, il ne lui aurait pas fait croire quelque chose d'aussi important, il...
-Voilà. C'est là.
Keith regarda autour de lui. Ils se trouvaient dans une pièce peu peuplée, dans laquelle seulement une dizaine de personnes déambulaient et s'intéressaient à ce qui était affiché sur les murs.
-Je ne comprend pas...
-C'est la pièce réservée aux souvenirs de l'école des années 50 jusqu'à 2000. Iverson m'avait montré une photo des années 80, et je n'y avais pas pensé jusqu'à maintenant mais je crois bien que... Oh mon dieu.
-Quoi ? Lance, qu'est-ce que...
Suivant la direction du doigt pointé de son protégé, Keith sentit son coeur inexistant plonger dans sa poitrine et un haut-le-coeur lui remonter. Sur le mur en face d'eux se trouvait une affiche vieilli sur laquelle son visage s'étirait, maussade, et identique en tout point à celui d'aujourd'hui. En s'approchant, n'osant y croire ses yeux, il crut qu'il allait vomir.
En mémoire de Keith Kogane
Élève de la Garnison 1984-1986
Repose en paix
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