CHAPITRE XV - ISM

Base de l'ISM, planète Lumen, mercredi 23 mai 2356

Pas de capitaine Meecham, « responsable des relations publiques », pour cette fois. Juste le capitaine Rossner, du service de sécurité de la base, arborant une mine de six pieds de long et le capitaine Elmanassir, secrétaire du Marine General Carsen, raide et crispé dans son uniforme de militaire-bureaucrate. Peut-être qu'enfin, l'ISM prenait conscience du sérieux de l'affaire. En tout état de cause, Lock n'était pas disposé à ménager le général : il devait même avouer qu'il prendrait un certain plaisir à le mettre sur la sellette.

C'était encore le petit matin sur Lumen. L'aube pointait tout juste à l'horizon, une ligne pâle derrière les hautes structures de la base. Une brume humide flottait dans l'air, l'imprégnant d'une froide moiteur qui ajoutait à l'inconfort des deux hommes debout devant la voiture de fonction, tirés trop tôt d'un lit douillet.

Lock se retourna brièvement vers ses deux agents : Berry semblait aussi détendue qu'à l'accoutumée, mais son regard clair brillait d'une lueur sauvage qui trahissait son impatience de voir Carsen en difficulté. La dureté du Marine General envers Cid et son dédain pour Rag lui avaient attiré une haine féroce de la part de la jeune femme. En dépit de sa position de « cadette » du trio, elle n'en était pas moins farouchement protectrice de ses deux « aînés ».

Le gencon, quant à lui, présentait un visage impassible, mais Lock le devinait terriblement mal à l'aise. Avant leur départ, il avait contesté l'opportunité de sa présence :

« Lock, le général sera déjà bien assez offensé d'être considéré comme un suspect potentiel. Il a très mal pris mon intervention la dernière fois. Si je vous accompagne, ça ne peut qu'envenimer la situation... »

Le capitaine avait fixé son très raisonnable sergent avec contrariété :

« Il est hors de question que je laisse les convictions biaisées de Carsen déterminer ma conduite, Rag. Je ne pensais pas que tu pouvais être sensible à l'opinion d'un type dans son genre ! »

Comprenant qu'il ne parviendrait pas à fléchir son capitaine, le sergent s'était soumis à sa décision, sans grand enthousiasme. Lock soupçonnait qu'une bonne partie du trouble du gencon venait de sa crainte de voir le fossé entre Carsen et sa fille s'élargir d'autant plus qu'il aurait des raisons d'en vouloir à l'ISO et ses représentants. Mais Cid avait montré qu'elle était capable de faire passer sa mission avant ses problèmes de famille : elle n'avait pas forcément besoin d'avoir un ange gardien à l'écoute de ses moindres états d'âme. D'ailleurs, il n'était pas plus mal que le Marine General soit contraint de respecter l'agence où Cid avait choisi de faire carrière.

Mais à présent, Lock se sentait saisi de remord : ce n'était pas parce que Rag laissait le plus souvent glisser les marques de discrimination dont il était victime qu'il n'en souffrait pas. S'il ne se révoltait pour ainsi dire jamais contre les attaques qui le touchaient personnellement, ce n'était ni par indifférence, ni par défaut de courage ou d'amour propre, ni même par absence de conviction - il n'hésitait jamais à prendre la parole pour défendre les droits des genhum, chaque fois que cela lui était possible -, mais uniquement parce qu'il voulait éviter de placer son équipe dans l'embarras ou d'entraver son travail.

À l'idée qu'il allait exposer le jeune homme à la vindicte probable du Marine General, juste pour prouver à Carsen qu'il ne tenait aucun compte de ses opinions, Lock ne se sentait pas particulièrement fier de lui. D'un autre côté, Carsen n'était sans doute pas parvenu à ce poste sans être capable d'exercer un certain contrôle sur lui-même ni de comprendre au vu d'une situation quelle était l'attitude la plus raisonnable à adopter.

Tandis que Lock prenait pied sur le tarmac, Elmanassir s'avança pour le saluer :

« Capitaine... Le Marine General se tient à votre disposition. Si vous voulez bien monter... »

Le capitaine de l'ISO nota que le grouillot avait délibérément ignoré sa comptech et son sergent. Il fit passer Berry avant lui pour la laisser prendre place la première à l'arrière du véhicule, puis attendit que Rag ait activé le verrouillage du Paragon avant de monter à son tour.

Pendant le court trajet de la piste d'atterrissage au Centre de Commandement, un lourd silence régna dans la voiture. L'aube diffusait une lueur étrangement mordorée, tamisée par la brume et répercutée par les parois de verre, de métal et de plastacier, donnant aux installations de la base un aspect presque irréel. Par les fenêtres du véhicule, Berry regardait défiler les bâtiments scintillants. Muet et immobile, Rag gardait les yeux fixés devant lui. Ses doigts pianotaient légèrement sur son genou, un geste infime qui pourtant trahissait la nervosité que devait éprouver le sergent.

Lock posa la main sur le bras du jeune homme ; les prunelles dorées se braquèrent aussitôt sur lui. Le capitaine sentait la crispation des muscles puissants sous son contact ; il accentua légèrement sa pression et hocha presque imperceptiblement la tête, espérant que le gencon comprendrait que quoi qu'il puisse arriver, Lock serait de son côté.

♦ ♦ ♦

Campany, planète Arcadium, mercredi 23 mai 2356.

Le soir tombait sur Arcadium ; tournée vers le hublot de la navette intra-atmosphérique, Cid concentrait son attention sur le paysage qui s'étendait sous ses yeux : une ville gigantesque, à perte de vue, d'étranges formes géométriques, des flèches et des dômes piqués de lumières de toutes nuances qui fleurissaient au fur et à mesure de la baisse de la clarté ambiante. Elle s'efforçait de ne pas laisser l'appréhension la submerger, même si elle sentait ses doigts se crisper sur l'accoudoir de son siège.

« Tout va bien, Cidryn ? »

Elle s'arracha à la contemplation de Campany et se tourna vers son compagnon de voyage :

« Ça va, Tob. »

Tobias Kincaïd la considéra avec un regard sceptique. Cid esquissa une ombre de sourire : les sourcils perpétuellement froncés de Kincaïd lui prêtaient un air si rébarbatif que toutes ses autres expressions semblaient constituer différentes nuances de cette sévérité. Il était pourtant bel homme, avec ses traits classiques et ses yeux d'un bleu intense. À l'époque où il était le lieutenant de Lock et elle, une jeune "bleue" à peine sortie de l'Académie de l'ISO, il l'impressionnait davantage que leur capitaine. Lock pouvait faire preuve d'un caractère difficile, mais il savait aussi se rendre proche des membres de son équipe. Pour apprécier Tob, il fallait apprendre à voir l'homme droit et attentif qu'il était réellement sous sa rigidité coutumière.

Tob laissa planer un instant de silence avant de lâcher subitement :

« Tu y repenses, quelquefois ? »

Cid le fixa sans comprendre ; elle ouvrit la bouche pour le questionner, mais la referma en réalisant de quoi il parlait. Une mission sur Arcadium qui avait mal tourné, des années plus tôt ; leur équipe avait bien failli perdre deux de ses membres. Elle en avait été profondément secouée, mais elle se doutait que pour Tob et Lock, cela avait été bien pire : ils avaient porté pendant des mois les stigmates invisibles de la culpabilité. Mais les blessures, physiques et psychologiques, avaient guéri et tout le monde en était ressorti plus fort, mieux préparé aux aléas de leur métier.

D'un autre côté, si Tob pensait que ces mauvais souvenirs étaient à l'origine de son trouble, elle ne voyait pas l'intérêt de le détromper :

« Ça m'arrive. Mais ça fait longtemps que je n'en rêve plus la nuit. »

Tob hocha la tête et tourna son attention vers l'extérieur du véhicule, tandis que le pilote mis à leur disposition par le consortium ISIS orientait avec fluidité l'appareil vers le ponton d'abordage émergeant comme une corniche sombre et luisante du flanc de la tour. Il se posa avec tant d'habileté que la prise de contact fut presque imperceptible. Les deux agents de l'ISO débouclèrent leur ceinture pendant que la portière s'effaçait pour leur livrer le passage.

Cid fut soulagée de quitter l'atmosphère confinée de la navette. Pour éviter toute gêne aux résidents de la luxueuse Campany, l'astroport le plus proche avait été aménagé sur une vaste plate-forme au milieu de l'océan septentrional ; les Soffies avaient dû subir deux heures de vol avant d'atteindre la tour ISIS. Elle trouva l'air de Campany étonnamment pur et d'une fraîcheur un peu piquante. Une légère brise agitait les fines mèches autour de son visage.

Deux personnes les attendaient sur le ponton : une femme mince et élégante vêtue d'une longue tunique mordorée et, à deux pas derrière elle, un homme grand et large d'épaules, dont les yeux se dissimulaient sous des lunettes réfléchissantes. La femme s'avança à leur rencontre :

« Capitaine Kincaïd, Lieutenant Carsen, soyez les bienvenus à la tour ISIS. Je suis Coral Yathagan, l'assistante personnelle de misser Paraden. »

Cid nota un très léger accent dans sa voix : probablement turc, d'après son patronyme. Contrastant avec sa peau mate, ses yeux, tirés de l'ombre par les spots qui illuminaient impitoyablement le ponton, se révélèrent étrangement clairs : une teinte noisette où l'ambre le disputait au vert. Une ICHM à interface nomade ornait sa tempe. Ses traits ciselés n'exprimaient qu'une froide amabilité.

Cid remarqua qu'elle n'avait pas fait mine de présenter l'homme qui l'accompagnait, cintré dans un costume noir qui tenait plus de l'uniforme que de vêtement civil. Un agent de sécurité, très probablement. Une silhouette trop sculptée, un visage trop régulier pour ne pas être issu des cuves de production de l'ancienne branche vedette d'ISIS. Elle réprima un léger frisson.

« Si vous voulez bien me suivre... »

La voix dépassionnée de Coral Yathagan la tira de ses réflexions. Elle lui emboîta le pas, au côté de Tob, tandis que le garde se plaçait un peu derrière eux.

♦ ♦ ♦

Base de l'ISM - Centre de Commandement, planète Lumen, mercredi 23 mai 2356.

Le Centre de Commandement se situait dans un secteur un peu excentré par rapport aux autres installations de la base. Il ressemblait à un gigantesque empennage argenté surgissant du sol, comme si l'appareil dont il faisait partie s'y était enfoncé tout droit. En descendant de la voiture, Berry s'arrêta pour le contempler avec scepticisme et Lock fut obligé de la pousser légèrement pour sortir à son tour.

Sans s'embarrasser de faire la conversation, Elmanassir les guida dans le vaste hall dont les murs plaqués d'acier bleuté s'ornaient des emblèmes de différents corps de la Marine Spatiale et d'insignes commémoratifs des campagnes du Déploiement. Le sol sous leurs pas se constituait de dalles vidéo où des représentations figurées des systèmes colonisés poursuivaient leur lente rotation.

« C'est à ça que servent nos impôts ? » glissa Berry à Lock qui eut peine à réprimer un sourire.

Derrière eux, Rossner se racla la gorge.

Arrivé au niveau de l'ascenseur, le secrétaire activa les droits d'accès au niveau supérieur du bâtiment et la cabine s'éleva sans un bruit dans son tube de verre dépoli. Lock commençait à se demander si elle s'arrêterait un jour quand ils atteignirent le palier, largement éclairé par une vaste baie à travers laquelle la lumière ambrée se déversait à flots.

Le bureau du Marine General se dissimulait derrière une immense porte métallique à deux battants, ornée de scènes allégoriques des hauts faits de l'ISM. Berry examina d'un air plus que critique les silhouettes martiales en bas-relief. Préférant prévenir que guérir, Lock lui prit le bras et glissa à son oreille :

« Je compte sur toi pour bien te conduire, Berry. »

La comptech esquissa une grimace et hocha la tête :

« Promis, Lock », murmura-t-elle à contrecœur.

Elmanassir se soumit au module de reconnaissance génétique ; la porte ouvragée s'ouvrit sur une large antichambre circulaire, meublée de moelleux canapés bleu sombre. Plaqués sur les murs, de vastes écrans diffusaient en continu des reportages promotionnels, qui en appelaient au courage, au sens du devoir et à l'honneur des futures recrues. Lock sourit ironiquement en songeant qu'en son temps, il avait lui-même été séduit par les promesses d'aventure et de dépassement de soi. La jeunesse était souvent bien naïve...

Une seconde porte, moins ornée, menait au Saint des Saints. Le capitaine se demanda si Carsen possédait un autre bureau quelque part dans l'immeuble, dédié au travail et non aux réceptions officielles. Si ce gigantisme surchargé avait pour but de frapper le visiteur de stupéfaction respectueuse, c'était loupé : Lock n'était pas le moins du monde impressionné... Pas plus que Berry, à la façon dont elle plissait le nez. Quant à Rag, il demeurait grave et taciturne, regardant droit devant lui comme s'il avait marché vers l'abattoir.

Une fois la seconde porte déverrouillée, Elmanassir et Rossner s'effacèrent chacun de part et d'autre pour laisser les trois agents de l'ISO s'avancer. Comparé aux autres pièces, le bureau du Marine General paraissait incroyablement austère. On y retrouvait les mêmes matériaux luxueux, mais employés dans un but strictement utilitaire. Une large verrière l'illuminait, accentuant la sensation de vide. Chaque meuble n'était qu'une esquisse épurée, réduite à sa plus simple expression.

Le maître des lieux se leva d'un mouvement fluide.

♦ ♦ ♦

Campany - Tour ISIS, planète Arcadium, 23 mai 2356.

Cid avait peine à contrôler son anxiété ; elle se demandait qui avait hérité de la part la plus difficile. Elle n'ignorait pas que pendant que Tob et elle-même interrogeraient l'insaisissable Paul Paraden, Lock, Berry et Rag devraient faire face à son père. Elle éprouvait une reconnaissance certaine envers son capitaine pour ne pas lui avoir imposé de nouveau ce calvaire, mais sa mission de substitution tempérait quelque peu ce sentiment. Elle lança un regard vers Kincaïd, espérant que la présence d'un officier plus âgé et expérimenté lui éviterait d'avoir à trop s'exposer.

En raison des murs translucides de verre fumé, il était difficile de se repérer dans la suite de couloirs. À travers ces parois transparentes, chaque espace était impitoyablement mis à nu : l'enfilade des bureaux, quasiment tous déserts et d'une netteté inhumaine, les salles de réunions et de détente, parfois une zone légèrement opacifiée qui devait correspondre aux sanitaires ou à une pièce de rangement...

Elle baissa les yeux, contemplant son reflet sur la surface brillante du marbre étoilé. Elle avait l'impression d'avoir changé de taille et de voyager à l'intérieur d'une de ces précieuses lanternes de verre ciselé que sa mère ressortait pour les grandes occasions. Juste... un décor, en équilibre dans le vide. Même Coral Yathagan et leur vigile personnalisé avaient quelque chose d'artificiel, comme de parfaites figurines animatroniques. Elle secoua légèrement la tête pour dissiper sa sensation de malaise.

Yathagan porta la main à son ICHM : sans doute transmettait-elle à son supérieur la nouvelle de leur arrivée. Quand ils parvinrent devant une porte dépolie, Cid crut qu'ils avaient enfin atteint le but, pour découvrir qu'il s'agissait d'un ascenseur. La cabine les emporta à travers plusieurs niveaux aveugles pour les déposer directement dans le vaste bureau du président d'ISIS.

Situé au sommet de la tour, il semblait flotter au-dessus de la ville. Au travers des murs de verre, il était difficile de distinguer la frontière entre les lumières des bâtiments et le ciel étoilé. Un éclairage tamisé, dont la source se dissimulait habilement dans les montants de métal mordoré, jouait sur les matériaux nobles du mobilier.

Il les attendait, appuyé négligemment contre son luxueux bureau de néoteck. Quasiment aucune image de lui ne circulait dans les médias : sa discrétion sur ce point contribuait à créer une aura de mystère autour de son personnage. Et si on le prétendait généralement séduisant, charmeur, brillant, certains démentaient ces qualificatifs et les attribuaient à une communication savamment orchestrée.

Cid n'avait, pour sa part, jamais douté de ce qu'elle trouverait devant elle. Elle n'avait pas éprouvé le besoin de fouiller les bases de l'ISO – du moins pour autre chose que les données factuelles sur le groupe ISIS.

Il était parfaitement à sa place dans cet écrin au luxe subtil, dont chaque élément semblait choisi pour mettre en valeur l'occupant des lieux. De taille moyenne et d'une élégante sveltesse dans un complet d'un bleu nuit d'une coupe admirable, il dégageait une présence qui s'imposait non tant par sa force que par un pouvoir de séduction presque irrationnel. Son apparence avait été travaillée avec une bonne dose de sophistication, mais dans le but de souligner les atouts dont, contrairement à ce prétendait la rumeur, il avait naturellement hérité. Les traitements de rejuvenation et les interventions esthétiques avaient figé son physique quelque part en seconde moitié de trentaine – il était difficile d'imaginer qu'il comptait presque deux fois plus d'années.

Cid aurait pu demeurer sur une impression immédiate de beauté stéréotypée, sans percevoir la détermination dans ces traits réguliers, mais sans délicatesse excessive, la force dans cette mâchoire aux contours ciselés, la fermeté dans cette bouche aux lèvres bien dessinées, la vive intelligence dans ce regard d'une intense couleur turquoise, profondément serti sous les deux lignes droites et nettes de ses sourcils. Mais Cid savait quoi chercher... quoi voir.

Un sourire qui paraissait parfaitement spontanéité anima son visage :

« Capitaine Kincaïd... Lieutenant Carsen... ? Soyez les bienvenus à la tour ISIS.

— Misser Paraden... répondit Tob avec assurance. Nous vous remercions de votre coopération.

— C'est tout naturel... Plus vite nous aurons éclairci cette affaire, mieux ce sera pour tout le monde. »

Cid s'effaça légèrement derrière son collègue, laissant la voix de ténor aux inflexions veloutées effleurer ses sens. Un charme presque tangible s'exsudait de toute la personne de Paul Paraden. En avoir conscience ne signifiait pas pouvoir y résister.

« Asseyez-vous », ajouta-t-il en désignant d'un geste élégant deux fauteuils couverts de cuir authentique.

Il se tourna vers son assistante :

« Vous pouvez nous laisser, Coral. »

Yathagan se retira en silence. Cid ne put s'empêcher de noter que le départ de l'agent de sécurité aux lunettes miroitantes n'avait pas été sollicité. Elle pouvait sentir sa présence derrière son dos... et cela ne la rassurait pas le moins du monde.

Paraden contourna son bureau et s'installa dans son siège, jambes croisées, dans une pause élégamment détendue. Il passa une main dans les mèches soyeuses de ses cheveux blond foncé et reporta son attention sur Tob :

« Je suis à votre entière disposition.

— Bien, Misser Paraden, répondit Tob avec une courtoisie dénuée de concession. Nous sommes ici pour avoir de plus amples informations sur les activités de la société GÉTECH, en tant que société filiale d'ISIS..."

À voir Kincaïd, assis avec raideur et disposé à garder ses distances avec l'homme qui était tout à la fois le charmeur et le serpent, Cid se dit que sa propre position, dans un retrait silencieux , lui offrait un avantage certain. Elle pouvait se cantonner au rôle d'observatrice et déterminer si ce qu'elle s'attendait à trouver en lui était bel et bien là... ou non. Il était toujours plus simple de détourner les assauts si l'on connaissait leur origine et leur nature.

♦ ♦ ♦

Bureau du Marine General Carsen, Base de l'ISM - Centre de Commandement, planète Lumen, mercredi 23 mai 2356.

Si le Centre de Commandement de la base n'avait pas particulièrement convaincu Lock, il en allait autrement du responsable des lieux. Le Marine General Jan-Thor Carsen aurait lui-même faire office d'allégorie en chair et en os du parfait officier de l'ISM. Lock songea brièvement que cet homme connu pour son profond mépris des genhum aurait bien pu sortir d'un tube à essai, avec sa haute silhouette aux épaules larges et aux hanches étroites, son visage aux traits d'une vigoureuse perfection sur lesquels l'âge ne paraissait pas avoir de prise, ses cheveux presque aussi pâles que ceux de Berry et ses yeux d'un bleu glacé qui semblait pouvoir déchiffrer la moindre de vos pensées. Sur son impeccable uniforme outremer, seuls ses insignes de général et un semis de décorations rappelaient sa position éminente. Il se dégageait de lui une présence presque écrasante.

Pendant un moment, Lock se sentit dans la situation d'une proie sous le regard d'un grand fauve. L'unique réflexion cohérente qui traversa son esprit fut que Cid devait décidément tenir de sa mère... Mais l'incongruité de cette idée lui permit de reprendre suffisamment le contrôle de lui même pour esquisser un salut militaire, imité par Rag, tandis que Berry se contentait d'un signe de tête. Il s'avança d'un pas et déclara d'un ton ferme, mais respectueux :

« Mon Général... Capitaine Philip Lockhart des Forces Spéciales de l'ISO. Voici l'agent technique Bérénice Férier et le sergent Ramon Guttirez. Nous comptons sur votre entière coopération, dans l'intérêt général. »

L'officier supérieur posa sur Lock un regard scrutateur, comme s'il cherchait à évaluer les forces et les faiblesses d'un adversaire potentiellement dangereux, mais avec lequel toute négociation n'était pas exclue. Il n'accorda qu'une brève attention à Berry, avant de tourner le bleu incandescent de ses yeux vers un Rag qui tentait de se rendre aussi discret que possible.

Le Marine General demeura un moment silencieux, le visage saisi d'une infime crispation. Puis il prit une longue inspiration, appuya les deux mains sur son bureau et déclara d'une voix tendue, à travers des mâchoires contractées :

« Sortez immédiatement d'ici, Lockhart, et emmenez vos... agents avec vous. Capitaine Rossner, raccompagnez-les à leur navette... »

FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE

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