CHAPITRE X - MYSTERE

Interspace, Cargo léger Moonshine Runner - Cabine de Rebecca M'Bari, dimanche 20 mai 2356.

« Becka ? »

La mécanicienne leva le nez et aperçut Jerem à la porte de sa cabine. Son « skipper » paraissait étrangement hésitant. Il passa la main dans la mèche blanche de sa tempe droite, dans ce geste machinal qui trahissait toujours de son embarras. Ses yeux gris-bleu examinèrent brièvement les quartiers impeccables avant de se poser sur la table de travail. Le terminal de Becka était allumé, ainsi que l'imposant module de diagnostic ; des composants soigneusement agencés finissaient d'en couvrir la surface, témoignant de l'intense activité de la jeune femme.

« Salut, Skipper ! » lança Becka avec un large sourire.

Pas plus qu'elle-même, il ne fut dupe de la cordialité forcée de sa voix. Il fronça légèrement les sourcils ; levant son coude gauche, il l'appuya sur le côté du sas :

« Becka, est-ce que tu as dormi cette nocturnale ? » demanda-t-il d'un ton préoccupé.

Il connaissait déjà la réponse ; la mécanicienne frémit légèrement sous l'intensité réprobatrice de son regard et détourna les yeux. Même si elle ne remettait pas en cause la position de Jerem en tant que capitaine du Moonshine Runner, elle avait pris l'habitude d'interagir avec lui d'égal à égal. Elle profitait parfois de l'ascendant qu'elle était capable d'exercer sur lui, de par son assurance et son expérience. Mais quand Jerem passait en mode protecteur, il entrait intégralement dans la peau du capitaine qu'il ne se donnait pas la peine d'être le reste du temps.

Avec un soupir, elle leva de nouveau la tête et pivota pour le dévisager. Elle ne put s'empêcher de noter les cernes sombres sous les yeux clairs du travler :

« Pas plus que toi », répliqua-t-elle en haussant les épaules avec désinvolture.

Elle se pencha sur les simulations qu'elle venait de lancer, les coudes appuyés sur le bureau, le regard planté dans des scénarios graphiques qu'elle ne voyait pas vraiment.

« Becka ! »

La mécanicienne sursauta presque, surprise par l'autorité de son ton, celui qu'il n'employait en général qu'avec Mirella, la seule personne à bord qui devait parfois être rappelée à l'ordre pour effectuer son travail. Becka adorait Miri, mais elle n'était qu'une gamine un peu paumée et même si elle avait beaucoup mûri ces dernières années, elle avait encore besoin d'être encadrée.

La mâchoire de Jerem se crispa ; un avis d'orage menaçait dans son regard :

« Ça suffit, Becka. Je sais très bien que tu as passé toute ta nuit à travailler : je peux vérifier à distance l'activité de ton terminal. »

Les yeux de la mécanicienne s'élargirent :

« Tu m'espionnes, maintenant ? laissa-t-elle échapper avec plus d'étonnement que de contrariété.

— Tu fais partie de mon équipage, rétorqua Jerem. J'ai besoin de vous tous. En bon état. »

Elle laissa échapper un petit rire, dissimulant sous l'ironie l'émotion qui lui serrait la gorge : elle était parfaitement consciente que le « besoin » exprimé par Jerem ne s'arrêtait pas au domaine professionnel. Malgré un léger agacement, sa sollicitude lui allait droit au cœur. Mais le skipper n'était pas du genre à étaler ses sentiments. Pas plus qu'elle, en fait.

« Je veux savoir ce qui te travaille, poursuivit-il. Je sais que tu as failli être réduite en « purée d'étoiles », comme tu dis si bien... Mais ce n'est pas la première fois. Je pense qu'il y a autre chose. »

Il plissa légèrement les yeux, la fixant avec une insistance qui ne se relâcherait pas aisément. Elle recula son siège, dont l'assise magnétique glissa silencieusement sur le sol métallique, et se pencha en arrière, les bras croisés derrière la tête :

« Tu as raison, admit-elle à contrecœur. Mais ce ne sont que des suppositions un peu... farfelues. Je ne voulais pas t'en parler avant d'en avoir confirmation. Au moins, de savoir que c'était possible - et comment... »

Le skipper esquissa un sourire amusé :

« Je crois que ça ne te fera pas de mal d'en parler. Même si je ne capte rien. »

Elle sourit à son tour, étrangement soulagée, bizarrement rassurée par son soutien :

« Viens. Je vais tout t'expliquer. »

Il s'avança en boitant et s'assit avec précaution sur la couchette. Becka savait qu'il portait une genouillère sous sa combinaison de vol, pour soulager les ligaments froissés de sa jambe gauche. L'articulation, déjà abîmée par sa chute lorsque la pesanteur artificielle du vaisseau inconnu s'était rétablie, avait subi des dommages supplémentaires quand il l'avait aidée à réintégrer le Moonshine Runner. Ce n'était sans doute rien que du repos et un traitement léger une fois revenu au sol ne pourraient réparer, mais Becka ne put réprimer un sentiment de culpabilité en songeant qu'il avait été blessé par sa faute.

Tout en s'installant le plus confortablement possible, Jerem lui adressa un sourire d'encouragement. Becka oubliait parfois combien son « skipper » pouvait se montrer perceptif... Particulièrement quand elle ne s'attendait pas à ce qu'il le soit. Elle tourna légèrement l'écran du terminal afin qu'il puisse suivre de sa position. Sur sa surface apparaissait une restitution en trois dimensions de l'appareil mystérieux, qui pivotait lentement sur elle-même.

« J'ai trouvé le modèle auquel il appartient dans la base des références de l'ordinateur de bord : c'est un appareil de type militaire, comme nous l'avions supposé. Un transport de troupes CSW-523 de chez HARP. Récemment déclassé par un modèle plus récent. J'ai importé ses paramètres dans le simulateur. »

Elle lança un coup d'œil derrière son épaule : Jerem affichait un intérêt poli, en attendant de savoir où elle voulait en venir.

« À présent... regarde bien. Voici ce qu'il s'est passé d'après la description de Mirella et les ondes de choc repérées par les senseurs du Moonshine. »

L'image tridimensionnelle du transport de troupes fut secouée par une déflagration qui fragmenta sa partie arrière. Un petit nuage de débris fut éjecté, puis les pièces maîtresses semblèrent se décrocher du corps principal pour dériver lentement. La seconde explosion, qui avait affecté l'espace ventral, manifesta des caractéristiques similaires.

Becka tendit la main pour arrêter la simulation juste à ce moment-là :

« Alors, qu'en penses-tu ? » demanda-t-elle avec expectative, en se retournant vers Jerem.

Le skipper frottait pensivement sa courte barbe, comme s'il avait une idée en tête, mais n'osait pas la formuler.

« Peux-tu la relancer, s'il te plaît ? » sollicita-t-il avec hésitation.

Becka s'exécuta et fit face au capitaine pour juger de ses réactions. Adossé contre le montant de la couchette, les bras croisés, la jambe gauche allongée sur la couverture, Jerem observa de nouveau la scène sous des paupières mi-closes. Un peu avant la seconde explosion, il se pencha légèrement en avant et leva la main :

« Attends... »

Elle stoppa la simulation, sans intervenir immédiatement afin de le laisser formuler ses remarques.

« Maintenant que j'y pense, j'ai trouvé étonnant que le Moonshine n'ait subi aucun dégât alors qu'il se trouvait si près d'une explosion. Je comprends mieux maintenant pourquoi aucun fragment n'a traversé le bouclier énergétique. Les fragments éjectés étaient trop petits. Pour les autres... leur vélocité est très faible. C'est un peu comme si... »

Il fronça les sourcils, cherchant l'expression exacte :

« Un peu comme si, acheva-t-il enfin, le vaisseau avait été... démonté. »

Les yeux de Becka se mirent à briller :

« Exactement, fit-elle d'un ton triomphal. Le vaisseau a été démantelé par les charges. Un peu comme dans les chantiers de démolition hors-sol. »

Jerem passa une main pensive dans sa mèche blanche :

« Je n'y connais pas grand-chose, mais c'est sans doute bien plus compliqué de placer ce style de charge que de réduire un vaisseau en miettes... »

Becka hocha la tête :

« Justement, Jerem, déclara-t-elle d'un ton grave. Comme tu l'as dit toi-même, ce type de démantèlement correspond à celui qu'on emploie dans les chantiers de démolition d'épaves. Les charges sont placées aux points faibles de la structure et leur force est strictement contrôlée, afin d'éviter que les déflagrations n'affectent le reste du chantier. »

Le skipper demeura un moment silencieux, la main sur la nuque, le regard baissé et la mine pensive. Relevant les yeux vers Becka, il fronça les sourcils et prononça à mi-voix :

« Quand nous étions à bord de ce vaisseau, je me suis dit un moment que c'était comme si... comme si quelqu'un faisait tout pour nous forcer à prendre ce garçon à bord. Tu penses que l'appareil a été démantelé pour nous empêcher de revenir en arrière ? »

La mécanicienne haussa les épaules :

« Je ne pourrais pas l'affirmer. Mais en tout cas... C'est comme si celui... ou ceux qui l'ont fait sauter voulaient éviter à notre vaisseau d'être endommagés. »

Le poing serré de Jerem retomba sur sa cuisse ; ses yeux flamboyèrent :

« Ils ont quand même bien failli te tuer ! » lança-t-il rageusement.

Becka soupira : elle savait que le travler avait été plus affecté qu'elle par le danger auquel elle avait été exposée. Autant par son caractère naturellement protecteur que son éducation martienne, Jerem estimait qu'aucune vie humaine ne devait être perdue s'il était possible, d'une façon ou d'une autre, de l'éviter. La mécanicienne, façonnée par les rues de Bossangoa et les équipes d'intervention, considérait qu'on ne pouvait pas grand-chose contre la fatalité et qu'il fallait accepter le fait qu'une mort accidentelle pouvait survenir, si ce n'était pas le bon jour.

La peur rétrospective et un sentiment de culpabilité non mérité avaient sans doute tenu Jerem éveillé pendant les longues heures de la nocturnale, celles que Becka avait passées à rechercher les éléments qui lui avaient échappé, l'empêchant de maîtriser la situation. Affrontant ses traits crispés par la colère et la peur rétrospective, Becka expliqua d'une voix calme :

« Nous ne devions pas être blessés. C'est parce que le module s'est mal arrimé que j'ai dû me rabattre sur une solution d'urgence. »

Remettant la simulation à zéro, elle lui montra l'enchaînement des explosions :

« La première déflagration a eu lieu à l'arrière. La seconde dans la partie ventrale. La zone de contrôle a été atteinte en dernier. Je me demande même si l'ordre n'a pas été déterminé par l'endroit où nous nous trouvions... Afin de nous laisser tout le temps d'évacuer. »

Les sourcils froncés, Jerem la regarda comme si elle était un peu folle, ou plutôt, comme s'il espérait qu'elle était un peu folle. Mais avant qu'il puisse dire quoi que ce soit, la sonnerie de l'intercom, dans la version la moins stridente qui n'impliquait aucune urgence, retentit dans la cabine :

« Com ouverte, prononça Becka à haute et intelligible voix.

— Becka ? répondit Mirella à l'autre bout de la liaison. Est-ce que Jerem est avec toi ? »

Le skipper se tourna vers l'intercom :

« Je suis là, Mirella. Il émerge ?

— Il est passé en phase d'éveil.

— Très bien, nous arrivons. »

Tandis que Jerem tentait maladroitement de se mettre sur ses pieds, Becka bondit hors de son siège, sans tenir compte de ses contusions et de la raideur qu'une nuit assise dans son fauteuil avait suscitée dans ses muscles. En passant à côté de son skipper, elle lui tendit une main secourable qu'il accepta machinalement.

Ils allaient enfin en savoir plus sur leur mystérieux passager.

***

Interspace, Cargo léger Moonshine Runner - Infirmerie du vaisseau, dimanche 20 mai 2356.

Après une batterie de tests, les capteurs-analyseurs de l'infirmerie n'avaient pu déceler aucune contamination externe ou interne chez le jeune homme endormi. Il avait alors été débarrassé de la tenue isolante et sa biocombinaison avait été connectée au système de support local. Il se trouvait à présent allongé sur la couche médicalisée dans l'alcôve de l'infirmerie, le visage à demi dissimulé sous un masque à oxygène.

Il aurait dû entrer en phase de réveil bien plus tôt, mais afin de laisser son organisme se reposer encore un peu et se remettre du traumatisme de l'hibernation, autant que pour éviter un éveil brutal durant la nocturnale, son sommeil avait été prolongé plusieurs heures par une sédation légère. Becka vérifia rapidement les données sur l'écran de contrôle :

« Ses fonctions vitales apparaissent comme normales. Il ne devrait plus tarder à s'éveiller à présent. »

Avec des gestes doux, elle ôta le masque et laissa la tête blonde retomber confortablement sur l'oreiller, écoutant sa respiration régulière d'enfant endormi. Le jeune homme avait perdu sa teinte marmoréenne : le sang coulait sous la peau claire et lisse, d'une étonnante perfection, lui restituant les couleurs de la vie. Dans la lumière similidiurne, ses cheveux court et soyeux luisaient d'un éclat d'or pâle.

L'infirmerie du Moonshine Runner n'était rien moins que spacieuse : entre la table d'opération, le fauteuil d'examen et le siège devant le terminal, l'espace avait été prévu juste assez grand pour pouvoir rentrer une civière et permettre à l'infirmier de bord de circuler avec aisance. Josse et Mirella observaient leur nouveau passager par-dessus l'épaule de Becka. Jerem se tenait un peu en retrait, appuyé contre le mur, tentant de mettre le moins de poids possible sur sa jambe abîmée. Le capitaine du Moonshine commençait à ressentir les effets d'une intense fatigue, autant physique que morale ; la douleur de son genou se réveillait, en dépit du patch analgésique apposé à la saignée de son bras gauche. S'il retournait maintenant à sa cabine, peut-être trouverait-il enfin le sommeil dont il avait tant besoin... mais ce n'était clairement plus le bon moment.

D'après ce que Becka avait pu déterminer des résultats des analyses et des scanners, le garçon était bien plus jeune que sa taille et sa masse musculaire pouvait le laissait penser : seize ans au grand maximum, sans doute moins. Des traces résiduelles d'hormones de croissance confirmaient que sa maturité avait été artificiellement stimulée. Il possédait un groupe sanguin AB+ de receveur universel – une caractéristique partagée par la plupart des genhum. Becka n'avait ni les moyens techniques ni l'expérience pour effectuer des analyses génétiques poussées, mais le module de diagnostic avait repéré des éléments divergeant du génome humain classique et vivement conseillé que le propriétaire de l'ADN soit examiné au plus vite, pour exposition probable à des agents mutagènes.

Jerem n'éprouvait rien de particulier à l'égard des genhum, ni dégoût ni mépris, ni pitié excessive. Il n'avait pas eu l'occasion d'en côtoyer – pas même dans la marine spatiale : après la loi d'émancipation, plusieurs années s'étaient écoulées avant qu'ils ne commencent à être officiellement intégrés dans les rangs de l'armée. Ils demeuraient avant tout... des étrangers. Mais la jeunesse, la vulnérabilité du garçon, comme le traitement qu'il avait subi à bord du vaisseau déserté, l'incitait à la compassion. Il n'avait pas envie de penser à ce qu'ils pourraient bien faire de lui à leur arrivée au port : autant considérer un seul problème à la fois.

Il se pencha légèrement pour regarder Mirella, notant la fascination qui jouait dans ses yeux. L'âge véritable de leur passager avait un peu refroidi ses ardeurs à le connaître mieux, mais elle demeurait troublée par la beauté de son physique. Jerem ne put s'empêcher de remarquer les traits tirés de la jeune femme et l'aspect grisâtre de sa peau olivâtre : il supposa qu'elle n'avait pas plus trouvé le sommeil que lui ou que Becka. Et Josse... Josse était fidèle à lui-même, curieux, spéculateur, des dizaines de théories en roue libre sous son crâne.

Le temps se déroulait à l'infini, chaque seconde se transmutait en minute, chaque minute en heure. Le garçon continuait à dormir, dans une gracieuse sérénité, tandis que les nerfs des travlers s'effilochaient lentement. Jerem commençait à sentir des crampes dans ses épaules et sa jambe valide. Il s'étira légèrement et changea d'appui, réprimant un juron quand son genou gauche protesta douloureusement. Le regard attentif de Becka fusa vers lui :

« Ça va, Skipper ? » demanda-t-elle avec sollicitude.

Sans attendre sa réponse, elle puisa dans sa poche un nouveau patch analgésique qu'elle lui tendit. Jerem ne trouva rien à dire ni à faire d'autre qu'accepter. Et dire que c'était lui qu'elle traitait de « mère poule »...

« Ça y est ! »

L'exclamation excitée de Mirella fut immédiatement suivie d'un « Sssshhhhut » énergique de la part de Josse. Mirella n'avait pas rêvé : les cils dorés frémissaient légèrement. D'autorité, Becka les fit reculer :

« Laissez un peu d'air à ce pauvre garçon, tous les deux. Il va être assez désorienté comme ça, pas la peine de l'envahir. Déjà, avec le skipper et moi, ça suffira largement. Jerem ? »

Sur son invitation non formulée, la capitaine quitta son appui contre le mur et vint se placer au chevet de la couchette, à côté de Becka. Il réalisa qu'il ne saurait absolument pas quoi dire au jeune rescapé. Il décida de laisser faire la mécanicienne : son assurance parlait pour elle.

Lentement, péniblement, les paupières du garçon s'ouvrirent, pour se refermer presque immédiatement sous l'assaut de la lumière trop vive pour sa vision trop longtemps inexercée. Aussitôt, Becka baissa l'intensité de l'éclairage :

« Tout va bien, murmura-t-elle d'une voix rassurante, vous êtes en sécurité. N'allez pas trop vite. Réveillez-vous tranquillement. »

Jerem doutait qu'il puisse comprendre, à ce stade, le sens des paroles de la mécanicienne, mais le ton qu'elle employait semblait le rassurer. Il prit une profonde inspiration, crispa légèrement les paupières avant de les soulever sur des iris d'un bleu pâle et intense, l'exacte couleur que chacun s'attendait à découvrir.

Aussitôt, ses yeux pivotèrent vers les deux visages suspendus au-dessus de lui. Même si le reste de ses traits demeurait impassible, ils exprimèrent en quelques secondes toute une gamme d'émotions : confusion, étonnement, méfiance, interrogation... Les paupières voilèrent le regard azuréen, volontairement cette fois.

« C'est très bien, poursuivit Becka avec douceur. Vous devez vous sentir affaibli et désorienté : c'est tout à fait normal à la sortie de l'hibernation. »

Elle posa une main légère sur son bras ; Jerem vit le muscle se contracter brièvement sous son toucher, mais le garçon finit par se détendre. Il rouvrit les yeux et fixa Becka d'un air interrogatif :

« Votre vaisseau a été endommagé. Nous vous avons sorti de l'épave et ramené à bord de notre appareil, le transport léger Moonshine. »

Elle esquissa un large sourire :

« Vous êtes en sécurité. Tout va bien ! »

Le jeune homme fronça les sourcils ; il détourna la tête, contemplant le plafond au-dessus de lui. En dépit de son apparente apathie, à la concentration dans son regard, Jerem soupçonna qu'il était en train d'analyser les différentes données du problème pour trouver la réponse la plus adéquate. Il n'y en avait probablement aucune, ni pour lui ni pour eux, mais l'en avertir n'aurait pas été très charitable.

Il s'avança légèrement, toussa un peu pour attirer l'attention de l'inconnu, avant de déclarer de son ton le plus civil – celui qu'il n'employait que pour discuter avec les commanditaires chatouilleux :

« Vous êtes le bienvenu à bord. Je suis Jeremy Straszinsky, propriétaire et capitaine du Moonshine, et voici la mécanicienne de bord, Rebecca M'Bari. Comment vous appelez-vous ? »

Les yeux du garçon s'élargirent légèrement. Ses lèvres s'entrouvrirent et d'un filet de voix, tout juste intelligible, murmura :

« Je ne peux pas répondre. Reformulez.... s'il vous plaît. »

Jerem se redressa et lança un regard inquiet vers Becka : l'hibernation avait peut-être endommagé son cerveau, même si les scanners ne l'avaient pas repéré... La mécanicienne, aussi surprise et perturbée que lui par la réponse inattendue, répéta soigneusement, comme si elle s'adressait à un enfant ou à un adulte à la compréhension limitée:

« Votre nom. Nous voulons savoir votre nom. »

Il secoua imperceptiblement la tête :

« La question... n'est pas... pertinente », répondit-il, un peu plus vigoureusement cette fois.

Becka ferma les yeux et essuya son front de son poing serré. Après un moment de silence, elle leva de nouveau le regard, les traits durcis en une expression impénétrable. Bras croisés, elle demanda d'une voix monocorde :

« Veuillez décliner votre référence. »

Jerem tourna vers la mécanicienne un visage surpris ; derrière lui, il entendit Mirella prendre une brusque inspiration et Josse se racler nerveusement la gorge.

Mais il n'y avait pas le moindre étonnement dans la voix juvénile, encore fragile, mais parfaitement claire, qui s'éleva dans l'alcôve :

« Catégorie : Archange. Modèle : Mikâ'él. Deuxième génération. Référence 12335. »




INDEX

Nocturnale :

Phase de nuit artificielle à bord des vaisseaux spatiaux en vol. 

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