Chapitre 77 Tyler (Tome 2)

« Vous pouvez d'ores et déjà faire votre check-in sur notre page web » était le titre de l'e-mail que je venais à peine de recevoir de la part de Delta Airlines, la compagnie aérienne pour laquelle Elena, Drew et moi avions jeté notre dévolu au moment de réserver nos billets d'avions. Cela remontait à un mois plus tôt, nous nous étions tous les trois retrouvés chez Andrew et avions faits pas mal de recherches avant de nous décider pour un jour ainsi qu'un horaire.

L'avion décollait dans exactement une semaine précise et j'avais sept jours devant moi afin de faire le check-in, ils allaient nous distribuer des places au hasard, ce qui voulait dire que nous ne serions pas assis ensemble, étant donné qu'on était partis sur le tarif le plus rentable.

Nous avions également un endroit où vivre, ce qui nous avait carrément enlevé un poids des épaules. Tandis qu'Elie s'était acharnée pendant des semaines à trouver un appartement, un beau jour, Drew avait débarqué en disant que notre logement était enfin prêt. Surpris, Elie et moi nous étions regardés, sans savoir de quoi il voulait parler, car nous en cherchions toujours un. Ce fut là qu'il avait eu la bonne idée de nous dire que son oncle – celui-là même pour qui il travaillerait une fois qu'il aurait terminé sa licence à Columbia – avait un appartement à Brooklyn, avec deux chambres, deux salles de bain, un salon, une cuisine... bref, tout ce que nous recherchions et que nous n'arrivions pars à trouver pour un prix raisonnable. Sans oublier qu'il le louait meublé. Et comme il s'agissait de son neveu, le loyer était pour ainsi dire inexistant, car payer cent cinquante dollars pour un endroit où vivre à New York, pour moi, ce n'était que dalle. En gros, ça ferait cinquante dollars par personne.

Lorsqu'il nous l'avait annoncé, nous avions eu énormément de mal à le croire, ça avait été littéralement le choc. C'était beaucoup trop beau pour être vrai, pendant un moment, nous avions cru qu'il nous faisait marcher, mais non, tout était bien réel.

Ainsi, nous partions tous la semaine prochaine, même Reid, mais lui, il se rendrait dans le Connecticut en voiture, m'ayant dit qu'il avait pas mal de cartons à emmener et qu'il avait été accepté dans une fraternité du campus de Yale. Il avait l'air heureux de quitter Dayton, tout autant, sinon même plus, que moi. Lorsque je l'avais vu lundi pour qu'il me remette les cinquante mille dollars, nous avions passé un peu de temps ensemble et avions discuté, comme aux bons vieux temps et je devais avouer que c'était quelque chose qui me manquait vraiment. Cette année avait été remplie de changements pour nous tous, nous avions grandis et laissé nos différents de côté, même si au début, ça m'avait été très difficile. Je me méfiais énormément de lui, puis après le coup qu'il m'avait fait en dévoilant à Elena que je dealais toujours alors que je lui avais promis que c'était terminé, là, j'avais bien cru pouvoir le tuer. Mais une fois nos rancœurs mises de côté, nous avions pu trouver un terrain d'entente et sans lui, jamais je n'aurais pu payer cette dette exorbitante au gang.

Désormais, cette somme se retrouvait cachée dans une boîte sous mon lit. J'attendais la date la plus proche de mon départ afin de remettre cet argent à ce connard de Jay Santos, comme ça, il ne pourrait pas m'embrouiller. Je ne le ferai pas le jour avant, mais peut-être lundi. Oui, sans doute, c'était plus prudent.

Parfois, seulement lorsque mon cerveau commençait à réfléchir un peu trop à tout un tas de conneries, je me disais que tout allait tellement bien, que forcément, il y aurait quelque chose qui viendrait foutre la merde dans ma vie. Je n'y pouvais pas rien et cela ne voulait pas dire que je souhaitais que ça arrive, mais simplement, j'étais tellement habitué aux mauvais plans, que lorsque la mer était sereine pendant trop longtemps et que tout semblait aller comme sur des roulettes, eh bien... quelque chose me faisait tiquer. Quelque chose me soufflait à l'oreille qu'elle allait se déchaîner à nouveau et foutre ma vie en l'air encore une fois.

Pour être honnête, dès mes douze ans, ma vie était partie doucement en sucette. D'abord tous les problèmes qu'il y avait eu avec les Reid après que Mrs Reid ait découvert la liaison que ma mère entretenait avec son mari depuis de nombreuses années. Ultérieurement, le fait de s'être faite blacklister par cette sale peste n'avait pas aidé, elle était tombée dans une dépression qui l'avait maintenue au fond du trou pendant pas mal de temps, pour ensuite découvrir qu'elle était atteinte d'un cancer en phase terminale, ce qui m'avait poussé à m'endetter jusqu'au cou avec ce gang à lacon, puis la suite... Je soupirais, en effet, ma vie n'avait pas été de tout repos ces dernières années, c'était à ce point, que lorsqu'il y avait le calme plat, je m'attendais à ce que le pire survienne. Lorsque je me reposais trop sur mes lauriers, il y avait cette petite voix à l'intérieur de ma tête pour me rappeler encore et encore de rester bien ancré dans la réalité. Parfois j'avais beau la faire taire, mes insécurités reprenaient le dessus.

J'avais beau vouloir paraître quelqu'un de confiant, les gens qui me connaissaient vraiment savaient parfaitement que c'était loin d'être le cas. J'avais énormément de doutes, en l'occurrence, sur moi-même et parfois l'idée de ne pas mériter ce que j'avais venait s'insinuer dans mon esprit pour faire quelques petits ravages.

Selon Webber, cela serait dû au rejet de mon père. Nous avions eu cette conversation quelques semaines avant que le lycée ne prenne fin, lors de ma dernière séance avec lui. Ça m'avait fait tout drôle de lui faire mes adieux, car même si je ne m'étais pas rendu à tous mes rendez-vous, je mentirais si je disais qu'il ne m'avait pas aidé tout au long de cette année. Il m'avait souhaité toute la chance du monde dans cette nouvelle vie que j'allais entreprendre à New York aux côtés d'Elie et il n'avait pu s'empêcher de sourire en repensant à elle, ainsi qu'à combien elle avait évolué au cours de cette année et qu'il se sentait presque aussi fier qu'un père en voyant tous ses progrès.

Soudain, mon téléphone qui était posé sur ma table de nuit se mit à vibrer. Couché sur mon lit, les bras posés derrière la tête et regard rivé sur le plafond, ce bruit agaçant me sortit de mes contemplations et mit fin à mes doutes stupides.

Sans prendre la peine de vérifier de qui il s'agissait, je décrochai et collai l'appareil à mon oreille.

— Allô ?

— Ça te dit d'aller au Havana ? dit la voix de Tony.

Je fronçai les sourcils. Pourquoi diables voulait-il aller un jeudi soir à ce club de Houston ? Je doutais énormément qu'Elena veuille s'y rendre, elle était crevée ces derniers jours avec tous les préparatifs.

— Mayim t'accompagne ?

— Ma copine est avec la tienne, soupira-t-il. Soirée filles avant le départ d'Elie, tu t'en souviens ?

Ah bon ? J'étais censé être au courant ? Peut-être que Mayim racontait tous ses faits et gestes à mon meilleur ami, mais j'aimais qu'il y ait un peu de mystère entre ma copine et moi, j'étais reconnaissant de ne pas être au parfum de tout. Puis franchement, qu'est-ce que cela pouvait bien me faire ?

— Bon, pas tout à fait soirée filles étant donné que Drew est également de la partie, mais bref, tu m'as compris, ronchonna-t-il.

Je levai les yeux au plafond, définitivement, je n'avais pas besoin de toutes ces informations. Tant mieux s'ils étaient ensemble et profitaient de ces derniers jours.

— Les gars sont au Havana, ils me disent qu'on aille les rejoindre. Ça te dit ?

Pourquoi pas ? Ce serait un bon moyen de dire au revoir à Julio, j'ignorais quand je le reverrais et il avait toujours été super sympa avec mes amis et moi. Puis, j'étais certain qu'il serait ravi en entendant que je quittais ce trou du nom de « Texas ».

— D'accord, soupirai-je. Donne-moi dix minutes pour que je prenne une douche et j'arrive.

— Je t'attends devant chez toi, conclut-il avant de raccrocher.

Mes vêtements se retrouvaient pour la plupart dans les gros bagages que j'avais déjà presque finis de remplir, je n'avais laissé que le primordial, à vrai dire, il n'avait pas été dans mes intentions d'aller faire la fête avec mes amis. L'autre jour, au moment de la remise du diplôme, on s'était bien déchirés la gueule, bon, certains plus que d'autres et je n'en faisais pas partie, même si cela n'avait pas empêché Elie de me passer un sacré savon. Bon d'accord, après l'avoir faite poiroter pendant quatre longues heures, je l'avais bien mérité. Puis tout s'était bien terminé, elle n'avait pas été en colère contre moi pendant très longtemps, l'on pouvait dire que je savais m'y prendre pour l'amadouer et l'emmener sur mon terrain.

En repensant à cette nuit-là, je laissai échapper un ricanement et sortis de ma chambre, où je retrouvai Tanis couchée sur le canapé, en train de regarder une série télévisée. Il s'agissait de deux types qui créaient un espèce de cercle de sel avec un pentagramme à l'intérieur.

— Qu'est-ce que tu regardes ?

Elle se tourna vers moi et me toisa comme si j'étais un pauvre débile qui viendrait tout juste de débarquer sur la planète Terre.

— T'as vécu où ces quinze dernières années pour ne pas savoir quelle série c'est, franchement ?

Dernièrement, elle me les brisait vraiment avec ses petites remarques cinglantes. Je savais qu'elle m'en voulait toujours de partir et de la laisser seule avec grand-mère, mais se comporter d'une manière aussi détestable n'allait pas me faire changer d'avis. La seule chose qu'elle arrivait à faire, c'était à m'énerver.

— J'ai d'autres choses à foutre que de regarder la télé, lui balançai-je pour bien qu'elle comprenne que je pouvais être le plus casse-burnes des deux.

C'était ma spécialité, alors je n'allais pas permettre à une gamine de quatorze ans de me parler sur ce ton dégueulassement hautain.

— Heureusement que tu te barres la semaine prochaine, cracha-t-elle son venin en me foudroyant du regard. Je vais pouvoir changer de chambre !

— Si ça peut te faire plaisir, marmonnai-je en me dirigeant vers la salle de bain, les nerfs à fleur de peau.

Je m'étais toujours très bien entendu avec ma sœur, mais dernièrement, nous étions comme chien et chat, nous ne cessions de nous prendre le bec pour des futilités. Puis, peu importait ce qui sortirait de ma bouche, elle trouverait toujours un moyen de se vexer et de contrattaquer.

Je fermai la porte derrière moi un peu trop brutalement et ouvrai le jet d'eau avant de commencer à enlever tous mes fringues. Peut-être bien que j'étais nerveux ces derniers temps, je n'allais pas dire le contraire, mais à chaque fois que j'essayais une approche avec elle, limite elle me sautait à la jugulaire. Et elle n'était comme ça qu'avec moi, avec notre grand-mère ça allait comme sur des roulettes, alors ce n'était pas cette foutue crise d'adolescence à la noix ! Non, elle m'en voulait personnellement de partir à l'autre bout du pays et elle ne laissait aucune occasion lui échapper pour me le rappeler. J'étais celui qui partait, elle, elle restait dans ce trou qu'était Dayton.

Son égoïsme commençait sérieusement à me taper sur le système ! Ne voyait-elle donc pas que j'étais heureux avec Elena et que je voulais être avec elle ? Voyait-elle au-delà de son propre nombril ? Apparemment pas.

J'entrai dans la douche et tirai le rideau un peu trop violemment, mais l'eau chaude retombant sur mes épaules et mon dos me tranquillisa presque instantanément, me permettant de faire le vide à l'intérieur de moi.

Elle n'avait jamais été amoureuse, elle était trop jeune pour ça, mais une fois qu'elle le serait, elle comprendrait mes choix, de cela j'en étais certain.

***

La route jusqu'à Houston se fit dans le calme, même si Tony se rendit parfaitement compte que j'étais assez tendu. Après m'avoir demandé ce qui n'allait pas, je lui expliquais rapidement sans m'étaler dans les détails. Il n'empêchait que le comportement exécrable de ma sœur me frustrait, m'exaspérait et me mettait d'une humeur de chien. La manière de m'exprimer vis-à-vis de cette sale gosse de quatorze ans fit bien rire mon ami, mais je ne voyais vraiment pas ce qu'il pouvait y avoir de drôle là-dedans.

Lorsque nous arrivâmes devant le Havana, malgré le fait qu'on soit un jeudi, il y avait une file d'attente qui longeait le coin. Après tout, l'été était presque là et plein de monde était déjà en vacances, surtout des lycéens. Certes, ils n'avaient pas le droit d'être là – un peu comme moi et mes amis d'ailleurs –, mais qui ne tentait rien à rien. Si le videur ne t'avait pas sous une dent rien qu'en voyant ta tête, alors il y avait des chances pour que tu puisses accéder à l'intérieur, même si tu avais moins de vingt-et-un an. Puis avoir une fausse carte d'identité sur soit, ce n'était jamais en trop, ça évitait certains problèmes, mais pouvait en occasionner d'autres. C'était une lame à double tranchant, comme l'on disait.

Sans même avoir à attendre, Tony et moi nous dirigeâmes vers l'entrée, puis Sam – le videur – nous fit un check et nous laissa entrer sans poser aucune question, comme toujours. Tout le personnel nous connaissait et s'il y avait un nouveau, il suffisait de dire que nous étions des amis de Julio pour qu'il aille vérifier auprès d'un ancien et que ce dernier lui donne son feu vert. Je ne leur en voulais pas de se montrer concis, ça ne me gênait pas d'attendre quelques secondes, tant que le type était courtois. S'il souhaitait jouer les grands durs « ici-personne-ne-rentre-parce-que-je-suis-le-big-boss-et-toi-une-petite-merde », disons qu'il avait des chances de perdre son job.

Certaines filles qui faisaient la queue nous hélèrent en nous proposant tout un tas de gâteries si on les faisait entrer. Autrefois, ça m'aurait fait marrer, désormais, je trouvais ça désolant et dégradant. Elles étaient prêtes à sucer un mec qu'elles ne connaissaient pas juste pour entrer dans une boîte de nuit ? Franchement, je trouvais ça grave.

L'été dernier, j'avais énormément trainé dans cet endroit et c'était d'ailleurs ici que j'avais connu la plupart de mes conquêtes d'un soir. Les choses avaient énormément changé pour moi en une année, jusqu'à ma manière de penser, je trouvais ça presque flippant l'influence que ma relation avec Elena avait eue sur moi.

Est-ce que j'avais déjà aidé une fille à accéder au Havana pour pouvoir la baiser ? Non, je n'étais jamais tombé aussi bas et je n'avais jamais été aussi désespéré. J'aurais aimé m'entretenir avec l'une de ces gamines là-dehors – j'étais certain que sous leur couche de maquillage et leurs talons aiguilles se cachaient des gosses de l'âge de ma sœur – et leur demander ce qui se passait dans leurs vies pour s'offrir sur un plateau d'argent à un mec totalement inconnu. Il y avait manifestement un sacré problème d'amour propre et pour être honnête, ça me désolait. Cependant, je n'étais pas leur père, leur frère ou leur petit-ami, alors je n'avais pas mon mot à dire, alors je laissais tout simplement tomber.

— Ces filles sont dingues ! gueula Tony à travers la musique reggaeton qui fusait des grosses enceintes du club.

Je me contentai de hausser les épaules et de le suivre parmi la foule. Nos amis se trouvaient comme toujours au premier étage, le célèbre carré VIP que Julio avait la gentillesse de nous prêter lorsque nous venions, en troupe ou seuls.

Les gens bougeaient au son de la chanson de Maluma qui passait en cet instant, et je devais passer à travers eux. Ils étaient tellement serrés les uns contre les autres, que j'ignorais comment est-ce qu'ils arrivaient à bouger. Encore heureux que le local avait un étage, sinon, je me serais carrément étouffé parmi tout ce flot d'individus. Il y avait beaucoup plus de gens par rapport à d'habitude, mais encore une fois, on était jeudi, cette affluence aurait dû avoir lieu pendant le week-end et non la semaine. Je commençai sérieusement à me sentir à l'étroit alors qu'on venait à peine d'arriver.

Après une véritable odyssée pour atteindre les escaliers qui menaient au premier, nous arrivâmes enfin auprès de nos amis. Nando, Nacho, Quito, Diego et même Pablo étaient là, la troupe réunie au complet, contrairement à l'autre jour où Pablo avait été absent.

— Encore une soirée entre célibataires, hein ? ricana Fernando, déjà bien éméché.

Ce débile disait avoir un foie à épreuve de balles, mais s'il continuait à boire comme s'il n'y avait pas de lendemain, il allait bientôt avoir besoin d'un nouveau. Je n'avais jamais été un ange, j'avais déjà déconné avec la boisson, dire le contraire serait être hypocrite, mais lui, j'avais l'impression qu'il se bourrait la gueule toutes les semaines. Selon lui, c'était la seule manière dont il arrivait à s'amuser en soirée.

— Plus pour longtemps, continua Pablo. Qui se mariera en premier ? Tyler ou Tony ? Ça vous dit de parier ?

Je levai les yeux au plafond en prenant place sur la banquette et en appuyant mes coudes sur la table. Il avait intérêt à ne pas ma gonfler ce soir, je n'étais vraiment pas d'humeur.

Diego sortit dix dollars de sa poche et dit haut et fort :

— Je mise sur Tyler, déjà qu'il va vivre avec sa dulcinée, je pense qu'il sera le premier à qui on passera la bague au doigt.

— Moi aussi, continua mon autre cousin. Cette fille le tient littéralement par les cojones.

En signe d'avertissement, je lui mis un coup de pied sous la table. Il esquissa une moue de douleur et saisit qu'il était en train de dépasser les bornes. Puis mon regard noir dut également le convaincre de se mordre la langue.

— Eh bien, moi, je parie sur Tony, poursuivit Quito en déposant à son tour un billet de dix sur la table. Il est toujours fourré avec Mayim et elle fait ce qu'elle veut de lui.

Je devais avouer qu'il n'avait pas tort, depuis qu'il était avec elle, mon ami s'était beaucoup ramolli. Ils se comportaient parfois comme un vieux couple qui était marié depuis plus de cinquante ans, c'était marrant à voir.

— Moi aussi, déclara Nacho. Ouais, Antonio, tu seras le premier de nous tous à passer devant l'autel. Je te donne cinq petites années de plus de liberté, mon gars.

Tout le monde ricana, moi y compris, hormis l'intéressé qui serrait les dents à l'extrême et qui semblait – visiblement – regretter sa décision de venir ici.

— Moi, je repose tous mes espoirs sur Mendoza, relança Nando. Il donnerait sa vie pour Elena et ça... c'est beau putain !

D'accord, il était déjà complètement pété, il ne lui restait plus qu'à se mettre à chialer comme à chaque fois qu'il avait trop bu. Il allait commencer à nous dire à quel point il nous aimait et tenait à nous, mais le lendemain, lorsque l'effet de l'alcool aurait disparu, il nierait tout en bloc. Oui, on connaissait tous très bien les cuites légendaires de Fernando Guzman.

— Enlevez-lui son verre, marmonnai-je, avant qu'il ne se mette à tous nous draguer.

Oui, c'était déjà arrivé. Je n'allais pas nier qu'il s'agissait d'une situation très drôle, mais très embarrassante également.

— Vous ? Sur qui pariez-vous ? demanda Quito.

— Sur Antonio, bien évidemment ! le narguai-je en posant un autre billet sur la table.

Ce dernier leva les yeux au ciel, pour finalement dire :

— Eh puis merde, je parie également sur moi-même !

Nous éclatâmes tous de rire à l'unisson. Ça faisait quatre contre trois, et visiblement, c'était moi qui perdais la partie et pour une fois, ça ne me gênait pas. Pour être honnête, j'étais bien trop jeune pour penser au mariage, à avoir des gosses, une maison, un crédit immobilier et tout ce qui s'en suivait. Bon, j'y avais déjà réfléchi, c'était quelque chose que je voulais dans un futur – hormis le crédit immobilier bien évidemment –, mais nous étions jeunes Elie et moi, nous avions plein de choses à vivre ensemble avant de franchir ce pas. Alors même si je vivais avec elle, me marier et fonder une famille n'était pas ma priorité pour le moment, c'était avant tout de vivre notre vie à fond, ensemble. Le reste viendrait dans quelques années.

— Bon, bah, on se retrouve dans cinq-six ans et on en reparle, hein ? s'esclaffa Pablo en récoltant le jackpot.

— T'as intérêt à pas fondre ce fric ! l'avertis-je en voyant parfaitement ses intentions, je n'étais pas tombé de la dernière pluie.

— Si jamais je le fais, t'inquiètes, nous avons tous une assez bonne mémoire, répliqua-t-il, je rembourserai l'argent.

J'abandonnai et le laissai faire, ne voulant vraiment pas me prendre la tête avec lui, c'était vraiment l'ultime chose que je souhaitais et dernièrement, c'était ce qui arrivait tout le temps. Depuis qu'il avait frappé Drew, les choses entre nous étaient assez tendues et ce qui m'énervait le plus, c'était qu'il agissait comme si de rien était, même devant Diego. Certes, ce dernier avait perdu la mémoire sur ce qui était arrivé le jour de son accident, mais feindre le déni comme le faisait Pablo était quelque chose de malsain, tout comme le fait d'avoir tabassé son ex-petit-ami.

Nous n'en avions jamais parlé, pas même avec Drew pour être honnête, selon Elie, c'était la meilleure chose à faire, mais moi je trouvais que faire comme si jamais rien n'était arrivé entre eux n'était vraiment pas la solution. Il leur fallait sans doute du temps, mais j'aurais au moins aimé que mon cousin se repente et affronte les choses en face, mais visiblement, ce n'était pas près d'arriver.

La soirée continua à battre son plein, même si je ne m'amusais pas spécialement, pas parce que je ne consommais pas de l'alcool comme les autres, mais parce que je ne le voulais tout simplement pas. Ainsi, je pouvais laisser Tony s'amuser, il se réprimait toujours car il avait tendance à être notre chauffeur, mais ce soir, je pourrai conduire à sa place au moment de rentrer.

Après quelque temps sur place, Julio se laissa voir et vint à notre encontre afin de nous saluer. Nous prîmes la peine de nous écarter des autres pendant un petit moment et en apprenant que j'avais eu mon diplôme et que je partais la semaine prochain pour New York, il me félicita en me donnant une bonne accolade. Certes, je n'avais pas encore quitté le gang, mais c'était presque fait.

— Ta mère serait fière de toi, mon grand !

Oui, tout le monde me disait ça ces derniers jours et même si je ne croyais pas vraiment à ces choses du paradis ou de l'enfer tels qu'elles étaient relatées dans la bible, j'espérais vraiment que ma mère serait quelque part, heureuse de voir le chemin que j'avais fini par emprunter.

Je m'étais contenté de lui sourire et de lui faire des adieux anticipés, car il y avait vraiment peu de chances pour que je revienne au Havana avant un long moment.

***

Après plus de quatre heures à l'intérieur du club et étant près de deux heures du matin, nous décidâmes de mettre les voiles. J'étais fatigué et voulais rentrer chez moi, puis surtout, la route allait encore prendre un petit moment. Je n'avais pas bu une seule goutte d'alcool de toute la soirée, ce qui n'avait pas été très marrant, je devais bien l'avouer, mais j'avais eu ma dose quelques jours plus tôt et je ne tenais pas à remettre ça. Puis bon, mon abstinence avait permis à Tony de se lâcher par rapport à d'habitude, ce qui n'était pas plus mal.

— Les clés, dis-je lorsque nous fûmes près de la voiture.

— Je ne suis pas bourré, certifia-t-il.

Non, en effet, il marchait normalement sur ses deux pieds, mais si les flics nous faisaient un contrôle, on serait bien dans la merde lui et moi. Alors autant que ce soit quelqu'un qui n'avait pas consommé qui prenne le volant.

— Je m'en fous, donne-moi tes clés.

Après avoir tiré la tronché et marmonné quelques mots incompréhensibles, il finit par me les lancer.

— Tu vois ? Ce n'était aussi difficile, hein ?

— Ferme-la et monte ! ronchonna-t-il en ouvrant la portière côté passager.

Je soupirai et souris, Tony avait tendance à devenir grincheux après quelques verres, contrairement à Fernando, ils faisaient un parfait contraste.

Une fois à la place conducteur, j'insérai la clé dans le contact et démarrai le moteur, pour rapidement sortir du parking et m'engouffrer sur la route en direction de Dayton. À ces heures, le chemin était vraiment très peu transité, à ce point, que nous étions les seuls à rouler.

— Ça ne va pas te manquer tout ça ? demanda Tony, soudain.

Je plissai le front et arquai un sourcil, mais je ne quittai à aucun moment la route des yeux. Qu'est-ce qu'il voulait dire par là ? L'endroit n'allait pas vraiment me manquer, je ne dirais jamais le contraire, pour ce qui était des personnes qui faisaient partie de ma vie, c'était une toute autre question. J'espérais qu'à cause de l'alcool il n'allait pas devenir sentimental, sinon ça risquait d'être gênant.

— La bande va me manquer, répondis-je cependant. Ne plus vous voir tous les jours, je suppose qu'au début, ça va être difficile de m'habituer.

Il hocha doucement la tête, lui aussi avec le regard droit devant lui. Il semblait vouloir me dire quelque chose, il mordillait l'intérieur de sa joue. Ils allaient tous me manquer, en particulier lui, il était mon meilleur ami, mon confident, la personne à qui je faisais le plus confiance et qui m'avait toujours soutenu, dans les bons comme dans les mauvais moments de ma vie. Jamais je n'oublierai tout ce qu'il avait fait pour moi au fil de ces dernières années, il était devenu tel un frère pour moi et malgré le fait que je ne sois plus là, notre lien ne se briserait pas pour autant, j'en étais certain.

Mais sa copine allait rester dans le coin, elle allait à l'Université de Houston, tandis que lui, il allait prendre ma place à temps plein chez Dom. Ils se verraient tout le temps, c'était une situation totalement à l'opposée d'Elie et moi.

— Ça va me faire bizarre de ne plus voir ta tronche de cake tous les jours, finit par dire Tony, ce qui m'arracha un sourire.

— Moi aussi je t'aime, rallai-je en tournant ma tête vers lui et en mimant un bisou.

— Argh ! Ta gueule ! ronchonna-t-il sur le point de s'esclaffer.

Je le disais sous un ton de plaisanterie, mais c'était la vérité. Il s'agissait de mon meilleur ami et je l'aimais, jamais je n'avais voulu qu'il ait des soucis à cause de moi et je ferais également tout pour lui, car je savais qu'il en ferait de même pour moi. Avec lui, mes arrières étaient toujours assurés.

Le silence se refit dans l'habitacle et alors que je roulais à une vitesse plus qu'acceptable, j'entendis les sirènes de police, pour ensuite, distinguer les couleurs rouges et bleues dans l'obscurité de la nuit, tout juste derrière nous.

— T'as dépassé la vitesse autorisée ? se surprit Tony.

Pas aux dernières nouvelles. Se pouvait-il qu'un phare arrière ait grillé ? Ou encore qu'une roue ait crevé ? J'en doutais, je l'aurais remarqué.

— Gare-toi sur le côté avant qu'ils ne s'excitent, me conseilla mon ami.

Agacé, je m'exécutai. Je n'avais jamais eu de problèmes avec les poulets, mais je ne les appréciais pas spécialement. Ils faisaient pour le plus souvent excès de la force et se croyaient tout permis lorsqu'ils arrêtaient quelqu'un. Un rien les faisait sauter tel un ressort.

Une fois le véhicule immobilisé, je demandai à Tony les papiers de la Mustang et les posai sur mes jambes avant de placer mes mains à plat sur le volant. Mon ami m'imita en les plaçant sur le tableau de bord. Nous étions deux latinos, alors autant prendre le plus de précautions possibles. Je ne tenais pas à me prendre une balle parce que l'un de ces deux flics était sur le qui-vive.

Rapidement, une lampe-torche vint toquer doucement contre la vitre et, sans mouvements brusques, je l'abaissai, avant de reposer à nouveau ma main là où elle se trouvait auparavant.

— Bonsoir Monsieur l'Agent, dis-je en tournant le visage vers lui.

Son acolyte se trouvait du côté de Tony et tous deux, nous aveuglaient avec l'éclairage de leurs saletés de lampes planquées sur nos yeux. Je ne pouvais pas voir leurs visages.

— Descendez du véhicule !

D'accord, on était tombés sur le connard de service, je le sentais. Pourquoi ne me demandait-il pas les papiers avant ? Normalement, c'était après les avoir vérifiés et seulement s'il y avait un problème qu'on demandait aux occupants de la voiture d'en sortir.

Je lançai un coup d'œil à mon ami par-dessus mon épaule et il avait l'air tout aussi étonné que moi. Toutefois, afin de ne pas créer de problèmes inutiles, nous nous exécutâmes sans rechigner.

Lorsque j'ouvris ma portière, le flic recula de deux pas et porta automatiquement sa main à son arme, prêt à la dégainer si besoin. D'accord, alors j'avais affaire à un putain de Rambo, c'était bien ma veine ça.

Une fois dehors, je fermai doucement la portière et levai automatiquement les bras, je les portai même à ma tête. Oui, je n'avais pas envie de finir comme tous ces pauvres types qui se faisaient tirer dessus parce qu'ils étaient simplement nerveux de s'être fait interpeller par la police. Je devais me montrer malin, mais pas trop, afin de ne pas les sortir de leurs gonds. Bref, je savais où se tenait ma place et en plus, je connaissais mes droits, voilà pourquoi leur attitude commençait sérieusement à me taper sur le système, car apparemment, il n'y avait rien qui justifiait cette interpellation de leur part. Le fait de ne pas me demander les papiers du véhicule m'avait fait vraiment tiquer, je ne le sentais vraiment pas.

Mon instinct était à l'affut, mais j'essayais de le maîtriser, car sinon, j'allais finir par commettre une connerie et franchement, je tenais à l'éviter. Je ne m'étais jamais fait arrêter lorsque je dealais, ce serait complètement absurde qu'on le fasse maintenant, alors que je ne portais aucun produit illicite sur moi.

— Ouvrez le coffre, continua-t-il en pointant de sa lampe-torche à l'arrière de la voiture.

Je fronçai les sourcils. Qu'est-ce qui pouvait leur faire penser qu'il y avait quelque chose à l'intérieur ? Car visiblement, ils n'avaient aucun prétexte pour nous arrêter et « notre instinct » n'était pas une réponse acceptable. Il fallait des faits, quelque chose d'assez contentieux pour faire ça.

Toutefois, après avoir soupiré un grand coup et m'être dit de ne pas essayer de me montrer plus malin qu'eux, je hochai la tête et ouvris à nouveau la portière, afin d'appuyer sur le mécanisme qui ouvrait le coffre depuis l'intérieur.

L'autre policier fit le tour par devant avec Tony et se dirigea ensuite à l'arrière, tandis que son camarade nous surveillait de près, mon ami et moi, la main de plus en plus pressante sur son arme. Putain, il avait intérêt à se détendre ! Nous n'avions rien fait de mal !

Je pouvais enfin les discerner un peu mieux, ils étaient plus ou moins du même âge, dans la trentaine je dirais, l'un brun et l'autre blond, tous les deux blancs.

Le blond ouvrit le coffre et l'examina, pour finalement, saisir quelque chose. J'entendis des bruits d'emballages, comme s'il était en train de déchirer quelque chose. Mais qu'est-ce qu'il foutait ? Soudain, il recula d'un pas et cracha par terre, pour ensuite, revenir vers l'autre demeuré.

Mais c'était quoi leur fichu problème à la fin ?

Ce fut alors qu'il dégaina son arme et la pointa sur nous. J'écarquillai les yeux, ne comprenant absolument plus rien à rien. Celui qui nous faisait face en fit de même et mes oreilles commencèrent à bourdonner, je n'entendais absolument plus rien. Ils gueulaient, mais je ne comprenais que dalle, tout se mélangeait dans mon esprit.

— À genoux, bordel ! hurla le brun en me pointant avec son flingue.

Doucement, je me baissai, toujours aussi abasourdi, et ce fut là que je vis l'autre se ramener avec un paquet dans les mains, d'où s'échappait une espèce de petite poudre blanche. Non... putain, non !

Le pire dans tout ça, c'était que je reconnaissais le sachet en question, à cause du petit sceau noir en forme de corbeau et parce que mon nom de famille était inscrit sur un côté : il s'agissait du kilo de coke que j'avais acheté plus d'un mois auparavant et que j'avais revendu à Hector... mais qu'est-ce qu'il fichait dans le coffre de Tony ?

— Ce n'est pas à nous ! se défendit mon ami.

— Ferme ta gueule, sale chicano !

— À terre ! gueula l'autre.

Mon cœur battait la chamade et un froid immense commençait à me submerger de la tête aux pieds. Bon sang, c'était un coup du gang ? Ils nous avaient piégés ?

— J'ai dit à terre, connard !

J'avalai ma salive et doucement, je m'allongeai à plat ventre sur l'asphalte, tout comme Tony, qui semblait aussi tétanisé que moi. Je gardai mes bras séparés du reste de mon corps et soudain, je sentis un genoux s'enfoncer au niveau du creux de mes reins, m'arrachant une complainte. L'un des deux flics m'attrapa une main qu'il plaça sur mon dos, avant d'en faire de même avec l'autre afin de me mettre les menottes.

Et mes droits ? Ils devaient me les citer au moment de m'enfiler leurs saletés !

— C'est au cause de racailles dans votre genre qu'on ne veut plus de saletés d'hispaniques dans notre pays ! marmonna celui qui était en train d'attacher Tony. Vous n'êtes tous qu'une bande de criminels ! 

Génial, en plus, c'étaient des racistes !

Et moi qui pensais que tout allait pour le mieux dernièrement, j'avais eu raison de m'imaginer que quelque chose de tordu aller m'arriver tôt ou tard. 

Les emmerdes finissaient toujours par me rattraper. 

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Voilà ! J'espère que ce chapitre vous a plu ! 

Eh oui, sacré retournement de situation, mais malheureusement, ce n'est pas fini. Je n'ai qu'une chose à dire, rien n'est ce qu'il paraît ! Ça va bien au-delà, même de ce que Tyler peut imaginer. 

On se retrouve VENDREDI PROCHAIN à 20h pour la publication du chapitre 78, qui sera à nouveau un point de vue de Tyler ! 

Je vous souhaite un bon week-end ! 

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