Chapitre 73 Tyler (Tome 2)
Après être sortis de la salle d'audience à cause de l'ajournement de deux heures, je me dirigeai vers là où se trouvait Elie : dans l'une des salles pourvues pour le procureur et les victimes, afin qu'elles n'aient pas à croiser en dehors la défense.
Je n'avais techniquement pas le droit d'être là, mais je devais impérativement parler à ma petite-amie, savoir qu'elle allait bien, qu'elle tenait le coup. La voir assise là, avec tous les regards rivés sur elle alors que l'accusation faisait son job en l'interrogeant avait mis tous mes nerfs à fleur de peau.
Ainsi, je frappai à la porte qui se trouvait devant moi et attendis quelques secondes, avant que la poignée de la porte ne tourne et s'ouvre sur Miles, l'air pas très heureux de me voir. J'ignorais quel était le problème de ce type, mais je le soupçonnais d'avoir été amoureux d'Elena lorsqu'ils étaient plus jeunes. Mais que faire ? Peut-être que s'il n'avait pas merdé de cette manière, il aurait eu sa chance.
— Ty ! s'exclama Elie en me voyant.
Elle vint à ma rencontre et ne calcula même pas son ancien ami, il était évident que ce n'était pas parce qu'elle aidait la sœur de ce dernier à obtenir justice qu'elle allait lui pardonner tout le mal qu'il lui avait fait. Et avec raison ! Si j'avais pu, je lui aurais refait le portrait !
Elena se jeta dans mes bras et me serra contre elle de toutes mes forces. Je me doutais qu'elle n'était pas venue dans cette pièce de son plein gré et que l'ajournement que le procureur avait demandé n'était qu'une ruse afin de pouvoir s'entretenir avec elle. Je lui avais laissé suffisamment de temps, désormais, elle était mienne et je voulais lui changer véritablement les idées. Nous avions une heure et demie devant nous et je n'allais pas la gaspiller à entendre un bureaucrate déblatérer tout un tas de conneries.
Nous ne pouvions pas sortir du bâtiment à cause des centaines de journalistes qui se trouvaient dehors, mais les lieux étaient suffisamment grands pour qu'on n'ait pas à croiser un seul membre de la défense.
— Jeune homme, revenez plus tard, me dit le procureur de son sale petit air hautain.
Je serrai alors Elie d'autant plus fort contre moi et déposai un baiser sur le sommet de sa tête. Ils étaient en train de la mener à bout, elle n'allait pas tenir le contre-interrogatoire si ce type continuait à insister. En tant que témoin, elle avait le droit de s'évader pendant cette pause, lui rabâcher encore et encore les mêmes sujets afin qu'elle ne fasse aucun faux pas n'allait pas l'aider, simplement lui foutre la pression et la faire commettre plus d'erreurs.
Je me séparai d'elle et alors qu'elle me contemplait de ses yeux suppliants, je fixai le procureur et le détaillai sans aucune gêne. À vrai dire, je savais qu'il ne faisait que son boulot, mais certaines de ses questions m'avaient fait grincer des dents, surtout à cause de son manque de délicatesse. Certes, Elie allait devoir faire face à pire en se faisant interroger par la défense, mais il n'empêchait que ce gars était censé la rassurer, pas l'enfoncer davantage.
— Objection, me moquai-je, c'est sa pause, cela fait trente minutes que vous vous acharnez sur elle. Laissez-la respirer, je crois qu'elle l'a bien mérité.
Après tout, elle n'était pas obligée d'être ici, elle était venue et s'était imposée cette horrible tâche afin d'aider Grace, elle l'avait fait de bon cœur sans ne rien demander en retour. Avoir un peu la paix pendant ce temps d'ajournement lui revenait de droit.
Semblant outré par mon insolence, le procureur me scruta dans les moindres détails, à demi-bouche-bée, et sans même attendre une réponse de sa part, j'attrapai la main d'Elena pour l'entrainer avec moi le long du couloir.
Nous nous éloignâmes le plus possible et bifurquâmes dans un autre corridor, ignorant complètement vers où il menait. Lorsque nous fûmes suffisamment loin, je m'arrêtai devant l'une des fenêtres qui laissait entrevoir tous les journalistes qui se trouvaient devant le tribunal. En ce moment, ils étaient en train d'interviewer le salopard qui défendait Jackson, pourtant, le père d'Elena n'était pas dans les parages.
— Je me demande bien ce qu'il peut être en train de leur raconter, murmura Elie en fixant l'homme à travers la vitre.
— Te casse pas la tête, soupirai-je en prenant appui contre le mur et en attrapant une de ses mains.
Son regard resta pourtant rivé sur lui, comme si à cette distance elle avait pu l'entendre ou encore lire ses lèvres. Si j'étais venu la chercher, ce n'était vraiment pas pour qu'elle se mette à cogiter, plutôt l'inverse.
— Tu t'es très bien débrouillée.
— Tu parles, marmonna-t-elle en se détournant enfin de la fenêtre. J'étais bien trop nerveuse, imagine ce que cela va donner lorsque la défense m'interrogera ?
À vrai dire, je préférais ne pas y songer. Je pensais toutefois qu'elle s'en était très bien sortie, elle avait gardé son calme en toute circonstance et ses réponses avaient toujours été très claires ainsi que précises.
— Je panique beaucoup trop et je me disperse dans mes pensées, m'avoua-t-elle. C'était une chose de me préparer avec Davis, c'en est une tout autre de devoir parler devant tout un auditoire, avec des personnes que je n'ai jamais vu de ma vie, avec mon agresseur à quelques mètres en train de m'observer et de me narguer.
Je fronçai les sourcils. Depuis où j'étais assis – le fond de la salle –, j'avais à peine aperçu Jackson, ou du moins, je n'avais vu que son dos, mais Elena pouvait parfaitement voir son visage et échanger des œillades avec lui. Ça devait drôlement la déstabiliser, elle aurait dû avoir le droit de témoigner sans avoir à faire face à son bourreau.
— Il ne peut plus te faire de mal, répondis-je en me plaçant derrière elle et en passant mes bras sous sa poitrine afin de la serrer contre moi.
— Je crois que même le fait qu'il respire me fait du mal.
Son aveu me surprit, la sincérité que j'y décelai m'ébranla jusqu'au plus profond de mon être. Malgré le temps qui passerait, ce que ce salopard lui avait fait, l'avait marquée à jamais et même si elle faisait tous les efforts du monde, elle devrait vivre avec cette tragédie jusqu'à la fin de sa vie. Il ne s'agissait pas d'oublier ou de tourner la page comment beaucoup avaient tendance à dire, ce qui lui était arrivé avait forgé la personne qu'elle était devenue aujourd'hui.
— Ce genre de personnes ne devrait pas exister, murmura-t-elle, la voix prête à se briser. Il n'a aucun remord, Ty, et quand bien même on le foutrait en prison, que crois-tu qu'il va faire lorsqu'il ressortira ?
— S'il ressort.
Elie se retourna dans l'étau de mes bras et posa doucement ses mains contre ma poitrine, les yeux baissés et en mordant sa lèvre inférieure.
— Il n'est jugé que pour un viol, pas pour les vingt-huit autres qu'il a commis.
— Tu ne pourrais pas le poursuivre à la fin de ce jugement ?
— J'ai retiré ma plainte, je suis déjà un témoin douteux, alors imagine en tant que plaignante. Mes preuves ne seraient pas recevables.
— Quel système de merde, vraiment ! m'énervai-je. Et les autres filles qui ont accepté des pots de vins...
— Ce ne serait pas recevable non plus. Il a bien recouvert ses traces, il est loin d'être bête. Je ne sais même pas si les jurys vont me prendre au sérieux, vu que j'ai retiré ma plainte, c'est décrédibilisant.
— Davis le sait déjà, alors pourquoi te demander de témoigner ? demandai-je, perdu.
— On ne tente rien à rien. S'il est condamné à dix ans de prison ferme, ce sera toute une réussite.
Ce n'était pas suffisant, il devrait pourrir pour le reste de son existence en taule et qu'on lui fasse subir exactement la même chose qu'il avait faite à ses victimes. Il n'en méritait pas moins, ce ne serait que justice. Ou dans ce cas, le karma.
Elena poussa un long soupir, ferma les yeux et posa sa tête contre mon torse avant de me serrer contre elle. Je caressai tendrement ses cheveux et humai leur parfum si alléchant.
Nous restâmes dans cette position pendant ce qui me sembla être une éternité, avant qu'elle ne se sépare, dépose un tendre baiser sur mes lèvres et me remercie de lui avoir vidé l'esprit pendant quelques instants. Malheureusement, bonne-élève qu'elle était, elle devait retourner auprès du procureur afin de se préparer au mieux pour le contre-interrogatoire.
J'aurais aimé la retenir et lui certifier qu'elle n'avait pas besoin de ce type pour s'en sortir, mais je lui mentirais. Elle devait mettre toutes les chances de son côté et il fallait que je la soutienne, même si je crevais d'envie d'être encore un peu seul avec elle. Elle avait une mission aujourd'hui et je ne devais en aucun interférer, car quoi qu'il advienne, je serais toujours là pour elle.
— Je t'aime, murmurai-je à son oreille avant de la laisser partir.
Elena me sourit de toutes ses dents et déposa un autre baiser sur le dos de ma main, qu'elle tenait encore dans la sienne.
— Ensemble contre le reste du monde.
J'esquissai un sourire en me souvenant de la première fois que je lui avais dit ces mots. Ils étaient devenus notre manière de nous dire « je t'aime ».
— Oui, mi angel. Ensemble.
Puis je déposai un rapide bécot sur ses lèvres et la laisserai repartir de là où je l'avais emmenée. Elle avança rapidement dans le couloir, bifurqua et disparut de ma vue.
Quant à moi, je me dépêchai de retourner devant la salle d'audience, là où se trouvaient les autres en ce moment. Il ne me fallut vraiment pas longtemps pour les rejoindre.
Ils étaient assis sur des bancs et je me rendis compte que Kate n'était plus là, ce que je trouvais assez étrange, mais bon, peut-être qu'elle était sortie prendre un peu l'air ou tout simplement partie aux toilettes se rafraichir.
Mayim et Tony étaient assis ensemble, main dans la main, et semblaient inquiets, tout comme Reid et Drew qui se trouvaient côte à côte. Pendant tout l'interrogatoire de l'accusation, ils avaient été tout autant en tension que moi, j'avais même entendu les dents de Greyson grincer plus d'une fois. Lorsque je m'étais levé d'un bond alors qu'Elie semblait s'être perdue dans ses pensées, il avait attrapé mon avant-bras pour me forcer à me rasseoir.
— Tu as pu la voir ? me demanda Andrew.
Je me contentai de hocher la tête et de prendre place sur le banc également.
— Comment va-t-elle ? Elle garde son sang-froid ? poursuivit Mayim.
— Je trouve qu'elle gère très bien la situation, intervint Reid. J'ignore si j'aurais pu répondre à de telles questions.
Oui, moi-même je ne savais pas si j'en serais capable. Elena était vraiment quelqu'un de fort et de déterminé, il n'y avait aucun doute là-dessus. Je l'avais su dès le début, jamais je n'en avais douté, mais là, elle me le démontrait encore et encore. Ce sentiment de fierté ne faisait que grandir à chaque jour qui passait, peu de personnes auraient accepté de témoigner dans ce genre de cas. Elle aurait dû être morte de peur, peut-être qu'au fond d'elle c'était bien le cas, mais elle faisait semblant comme une véritable pro.
— Le plus dur doit encore arriver, rappela Tony. La défense ne la ratera pas, ils vont vraiment prendre le moindre petit détail et le détourner afin d'avoir l'avantage sur la situation.
— Je ne pourrais jamais être avocat, dit Drew d'un air écœuré. Savoir que ton client est coupable et devoir le défendre, je trouve ça vraiment horrible. Ils ne reculent devant rien en plus, ce sont de véritables charognards...
— Hé ! intervint Greyson. Ne généralise pas, tu veux ? Je te rappelle que je vais étudier le Droit à Yale !
Il s'était donc enfin décidé. D'après ce qu'Elena m'avait dit, il voulait vraiment emprunter ce chemin, mais il avait peur de la réaction de ses parents.
— Ce jugement doit être très instructif alors, rétorqua le blondinet en levant les yeux au plafond.
— Où est Kate ? ne pus-je m'empêcher de demander.
Tous se regardèrent mais personne ne me répondit, ce que je trouvais vraiment étrange. Que pouvaient-ils bien cacher ?
Reid se leva, rangea ses mains dans ses poches et marcha quelques pas, avant de se gratter l'arrière de la tête.
— Le père d'Elena est venu la voir et ils ont préféré continuer la conversation ailleurs.
Je soupirai d'exaspération. Vraiment ? Cette espèce de pourriture voulait lui parler et elle s'exécutait ? Mais à quoi pensait-elle franchement ? Déjà que la visite de Liam à Elena la veille c'était le pom-pom, alors là il dépassait complètement les bornes ! Mais qu'est-ce qu'il cherchait à la fin ? Se racheter une conscience ?
J'aurais voulu lui dire qu'il arrivait avec plus de deux ans de retard.
— Elle n'avait pas l'air heureuse, si tu veux tout savoir, m'informa mon demi-frère.
— Elle avait plutôt l'air de vouloir le déglinguer. T'aurais vu le regard qu'elle lui a lancé, les poils de ma nuque se sont redressés ! frissonna Drew.
Oui, les regards des femmes O'Neal pouvaient être terrifiants, je savais de quoi je parlais, et je me doutais qu'Elena tenait ça de quelqu'un.
— Tu crois qu'il trame quelque chose ? me demanda Tony.
— Je pense qu'il n'est vraiment pas net, répondit Mayim à ma place. D'abord il va voir Elena à un jour de son témoignage et désormais, il cherche à prendre contact avec la femme avec qui il est en procédure de divorce ? C'est louche.
— Peut-être qu'il a compris ses erreurs et cherche à se racheter, proposa Drew.
Ce serait trop beau pour être vrai. Non, j'ignorais de quoi il s'agissait, mais je ne lui faisais aucunement confiance. Il devait sans doute vouloir avoir des informations pour ensuite les refiler à l'autre avocat, je mettrais ma main à couper pour cette hypothèse.
Jamais il n'avait semblé se repentir de ce qu'il avait fait subir à sa fille, alors pourquoi maintenant ? Il avait enfin vu la lumière après ces deux années de déni total ? Ou tout simplement parce que Jackson avait avoué à ses défenseurs avoir bel et bien violé vingt-neuf filles ? Ou du moins, Grace ? Après tout, avec un aveu, et avec les diverses accusations qui pesaient contre lui, il ne fallait pas être un génie pour savoir qu'il l'avait fait plus d'une fois.
— J'en doute, marmonnai-je en me levant.
— Où tu vas ? me questionna Drew.
— Pisser un coup ! Tu veux venir me faire de la compagnie peut-être ? ironisai-je.
Ma réponse les fit tous rire et je vis l'ex-copain de Pablo baisser le regard en comprenant que sa question m'avait agacée. Je n'aimais pas qu'on contrôle mes moindres faits et gestes, depuis toujours.
Tendu tel un arc, je me dirigeai vers les sanitaires qui se trouvaient au rez-de-chaussée et lorsque j'entrai, quelle ne fut pas ma surprise en voyant qu'à quelques mètres de moi, en me tournant le dos, se trouvait Jackson Hayes en train de siffler tranquillement tandis qu'il pissait.
Je me souvins de sa petite balade dans les bois et je dus faire un effort considérable pour ne pas éclater de rire. J'aurais peut-être dû me barrer et aller aux toilettes du premier étage, mais je n'étais pas le genre de mec à se défiler. D'ailleurs, il ne savait pas qui j'étais, du moins, il n'était pas au courant que j'étais le gars porteur d'un masque de clown qui avait pointé un pistolet non-chargé sur sa tête. Encore moins que j'étais celui qui avait filtré ce beau petit dossier à la presse et à cause de qui tous ces journalistes ne lui lâchaient pas la grappe depuis des semaines maintenant.
Je m'avançai, tranquillement, et laissai un urinoir entre nous deux. En me voyant arriver, il m'observa sans pour autant cesser ses sifflements agaçants. J'aurais vraiment aimé lui mettre une raclée en cet instant, pourtant, je devais être intelligent. M'en prendre à lui en ce moment n'aiderait pas Elena, même si je rêvais de lui faire ravaler son sale petit sourire de violeur.
— Je t'ai vu dans l'auditoire, dit-il après de longues secondes d'un silence pesant où on n'entendait que l'écoulement de notre pisse dans les canalisations ainsi que son sifflotement incessant.
Techniquement, n'étant pas un témoin, je pourrais très bien lui parler, mais je préférais l'ignorer, tout simplement parce que rien que le fait que de le regarder en face me donnait des envies de meurtre. Alors lui taper la discute, ce n'était tout simplement pas envisageable.
Toutefois, j'adorerais voir sa tronche s'il apprenait que j'étais le gars qui lui avait foutu la trouille de sa vie, quelques mois plus tôt, à la sortie d'un night-club. Je payerais très cher même pour voir sa réaction.
— No hablar inglés ?* me demanda-t-il avec un accent espagnol pourri.
D'ailleurs, ce blaireau n'était même pas capable de conjuguer le verbe correctement, il l'avait laissé à l'infinitif au lieu de le mettre au présent.
— D'accord, soupira-t-il, encore un sale immigrant mexicain qui ne sait pas parler la langue du pays.
Je dus faire preuve de toute ma retenue pour ne pas lui éclater la tête contre le miroir qui parcourait le mur qui nous faisait face, ou encore, contre son propre urinoir.
Violeur, raciste... ce mec était vraiment la totale. Il avait absolument tout pour plaire, dis-donc !
Il se la secoua deux fois avant de la ranger dans son froc et tirer la chasse d'eau, pour ensuite, passer derrière moi afin d'aller se laver les mains. Je pressai également la chasse après avoir fini et allai également me laver les mains. Cette fois, nous fûmes côte à côte, à peine quelques centimètres nous séparaient l'un de l'autre.
— Je vois que les gens comme toi se lavent aussi, commenta-t-il.
Comment pouvait-il savoir que j'étais mexicain ? À mon apparence, personne ne penserait que je n'étais pas à cent pour cent caucasien, alors il n'y avait qu'une hypothèse qui s'offrait à moi : il savait pourquoi je me trouvais dans cette salle et qui j'étais pour Elena, Liam avait sans aucun doute dû lui dire, bien évidemment.
— Tout autant que les vermines dans ton genre, rétorquai-je. Garde cette même hygiène lorsque tu seras en prison, mais attention aux douches.
Il tourna son visage vers moi et me foudroya du regard. Pour être honnête, je plaignais énormément les types qui se faisaient violer en taule par d'autres codétenus, après tout, le viol était quelque chose d'horrible, non seulement pour les femmes, mais pour les hommes aussi. Pourtant, je ne ressentirais aucune pitié pour ce salopard qui me faisait face.
D'ailleurs, après avoir fait la une des journaux, les taulards s'empresseraient de vouloir lui faire sa fête. Il ne tiendrait pas plus d'une semaine sans se faire agresser, j'en étais certain.
— Ta voix me dit légèrement quelque chose, dit-il alors que je commençais à m'éloigner. On ne se serait pas déjà rencontrés par hasard ?
Si seulement il savait !
Je me retournai et le dévisageai, de haut en bas, sans me gêner un seul instant. Je voyais parfaitement ce que les filles pouvaient voir en lui pour lui succomber, mis à part le fric de sa famille, il avait une bonne allure, athlétique, bref, tout pour lui. Il n'était rien d'autre qu'une belle pomme pourrie de l'intérieur, il appâtait ses victimes grâce à son apparence pour commettre ses méfaits, et lorsque les femmes se rendaient compte du pot aux roses, il était trop tard.
— Si on s'était rencontrés en-dehors de ces tribunaux, tu ne serais sans doute plus là.
— J'ignorais qu'Elena aimait les racailles désormais, ricana-t-il. Elle a bien changé, cette petite chaudasse.
Je serrai les mâchoires, tout comme mes poings. Je ne devais en aucun cas le toucher, il ne faisait que me provoquer afin de me faire aller sur son terrain et je ne voulais surtout pas tomber dans son piège. J'étais bien plus malin que ça.
— Elle a un corps magnifique, tu ne trouves pas ? Et depuis notre dernière rencontre, elle n'est devenue que plus belle. Je donnerais n'importe quoi pour que nous nous retrouvions dans la même situation qu'il y a deux ans, je suis bien tenté de la regoûter.
Mon cœur commença à battre la chamade et tout un fluxd'images plus ignobles les unes que les autres commença à défiler devant mes yeux. Je devais me calmer, sinon, j'allais encore perdre pied, comme lorsque j'avais tabassé Schmidt, sauf que cette fois, je ne pouvais pas me permettre de déconner comme ça. Pas alors qu'une sentence, sa sentence, était en jeu.
Toutefois...
— Qu'est-ce que ça fait de creuser sa propre tombe ?
Il pouvait prendre cette question au sens figuré – c'est-à-dire en faisant illusion à sa propre perte – ou au littéraire, ça le ferait cogiter pendant un petit moment. Étais-je le gars qui l'avait fait creuser un trou au fond des bois à poils ? Ou n'étais-je qu'un type qui lui demandait simplement ce que ça faisait de se retrouver dans un tel pétrin ? Il n'avait aucune preuve de cette nuit-là et jamais il ne pourrait être certain de rien.
Quoi qu'il en fut, ça le travaillerait et c'était suffisant pour moi.
Jackson écarquilla les yeux en comprenant le sens de la question et recula d'un pas, il avait l'air vraiment effrayé. Sans doute le souvenir de ces visages masqués et de cette arme qui avait été pointée sur lui pendant des heures ne devait en aucun cas être très plaisant.
Après lui avoir tourné le dos, je sortis des sanitaires et laissai échapper un énorme soupir, alors que mes membres tremblaient frénétiquement. J'avais rêvé de lui faire avaler toutes ses dents à cet enfoiré de première !
Je retournai là où se trouvaient les autres et en me voyant arriver, Reid s'approcha de moi et me demanda si j'allais bien, car j'étais tout livide. Il y avait de quoi, c'était comme si on venait de me balancer un saut d'eau gelée en pleine face. Toutefois, je ne dis absolument rien par rapport à cette agréable rencontre, je préférais le garder pour moi.
***
Le temps de l'ajournement terminé, nous entrâmes à nouveau dans la salle d'audience, même si Kate n'était toujours pas là, et prîmes place sur les bancs à disposition. Assise à quelques rangées derrière l'accusation, mon regard alla vers Elena qui prit place encore une fois sur l'estrade, à gauche du juge.
Elle semblait tranquille, apaisée, du moins, pas morte de peur, et c'était déjà ça de gagné. Je m'attendais vraiment au pire avec cette deuxième partie de son témoignage.
Le juge frappa à plusieurs reprise son maillet afin de demander le silence complet dans la salle avant que le contre-interrogatoire par la défense ne commence. Il y avait encore pas mal de brouhaha et il exigea encore et encore le silence pendant au moins cinq minutes.
— Le contre-interrogatoire peut débuter ! annonça-t-il enfin. Maitre Keller, veuillez commencer !
L'avocat de la défense se leva et se dirigea vers l'estrade, afin d'être plus près de sa victime.
— Merci, votre Honneur !
— Lèche bottes, marmonna Reid à côté de moi.
Keller scruta Elena pendant quelques secondes, mains derrière le dos, je ne pouvais voir son visage, mais par sa posture, je me doutais qu'il jubilait en ce moment. Sa première question allait être une première attaque qui ferait l'effet d'une bombe sur Elie, le but de la défense étant de la déstabiliser et de lui faire dire des choses incohérentes afin de décrédibiliser son témoignage aux yeux des jurys.
— Elie... je peux vous appeler ainsi, n'est-ce pas ?
— Elena ou Miss O'Neal serait beaucoup plus approprié, Maître, rétorqua le juge, ne tolérant visiblement pas ce genre de familiarités dans sa cour.
— Bien, Elena dans ce cas. D'après ce que vous avez dit un peu plus tôt, vous avez accusé mon client de viol, puis vous avez retiré la plainte car il vous aurait menacé de faire virer votre père du cabinet d'avocats de Mr Hayes... pensez-vous vraiment qu'un gosse de dix-sept à l'époque pouvait avoir ce genre de pouvoir ? continua-t-il en s'adressant cette fois au jury.
— Objection ! intervint le procureur. Maître Keller doit s'adresser au témoin et non au jury !
— Retenue ! Adressez-vous au témoin, je vous prie, lui demanda le juge, en bougonnant comme à son habitude.
— Désolé, je cherche juste à comprendre ce témoignage, car ça n'a tout simplement pas de sens. Comment un gosse de dix-sept ans pourrait prendre ce genre de décisions ? C'est tout simplement insensé !
— C'est pourtant comme ça, répondit Elena en le regardant droit dans les yeux.
— Ou c'est plutôt que vous avez couché avec lui de votre plein gré, que vous avez regretté et que vous avez décidé de lui faire du chantage...
— Objection ! Spéculations !
— Retenue ! Posez des questions au témoin, Maître Keller ! Je ne me répéterai pas !
L'avocat de la défense avait l'air nerveux, voire même énervé. Il se précipitait beaucoup trop, c'était comme s'il ne savait pas quels questions poser. Il attaquait, ce qui était une très mauvaise stratégie.
— Elena, d'après votre témoignage, toute cette situation et ce « viol », continua-t-il en faisant des guillemets avec ses doigts, vous ont énormément traumatisée, à un tel point, que vous avez même tenté de vous suicider, n'est-ce pas ?
— En effet.
Il hocha la tête, fit le silence pendant quelques instants en regardant avec attention Elie et finalement, dit :
— Êtes-vous active sexuellement, Elena ?
Mes yeux s'écarquillèrent en entendant une telle question sortir de la bouche de ce type, mais surtout, je voyais parfaitement là où il voulait en venir.
— Pardon ?
— Vous avez parfaitement entendu. D'après ce que j'ai cru comprendre, vous avez un petit-ami. Avez-vous des relations sexuelles avec lui ?
Pour beaucoup de personnes, le fait qu'une femme violée puisse continuer à s'épanouir après avoir souffert n'était pas concevable, c'était comme si elle était obligée de se terrer quelque part dans le noir et ne plus avoir le droit de vivre sa vie.
Car dans cette société pourrie dans laquelle on vivait, la victime était toujours coupable, d'une façon ou d'une autre.
*********************************
LEXIQUE :
No hablar inglés : Ne pas parler anglais
*********************************
Voilà ! J'espère que ce chapitre vous a plu !
Finalement, le jugement durera un chapitre de plus, parce que je voulais vraiment qu'il y ait une rencontre entre Tyler et Jackson, puis commencer le contre-interrogatoire de son point de vue mais le terminer du point de vue d'Elie, la suite va être vraiment éprouvante.
On se retrouve VENDREDI prochain à 20H pour la publication du chapitre 74, qui sera donc un point de vue d'Elie.
Bon week-end !
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top