Chapitre 71 Elena (Tome 2)

— Bien ! déclara Maître Davis, l'avocat de Grace. Je pense que tu es prête.

J'aurais aimé penser comme lui, mais mes jambes tremblaient et je ne cessais de soupirer, j'avais l'impression d'avoir le poids d'une enclume en plein milieu de la poitrine.

Cela faisait déjà plus d'une semaine que le jugement avait débuté et je devais témoigner le lendemain, je serais appelée à la barre un peu avant dix heures du matin et je stressais déjà.

Mr Davis fit le tour de la table de conférence à laquelle nous étions assis depuis désormais plus de deux heures et vint se placer à côté de moi. Il posa une main amicale sur mon épaule et je me retournai vers lui.

Même s'il m'avait mis la pression depuis notre première rencontre, je savais qu'il l'avait fait pour m'aider, afin de me préparer au mieux aux questions déplacées de la défense. Je devais m'attendre au pire, les avocats de Jackson n'hésiteraient pas un seul instant à me mettre en pièce et à me décrédibiliser, il fallait que je garde mon calme en toute circonstance, ne pas paniquer était la clé, car ils joueraient avec n'importe quelle faille. C'était leur boulot de retourner mes propres contre moi, de les déformer et de m'énerver afin que je m'embrouille afin que je ne sache même plus ce que je disais.

Après toutes ces semaines de préparation, Davis disait que j'étais prête, mais j'en doutais vraiment beaucoup. Je ne voulais pas laisser passer cette opportunité de faire payer ce connard tout le mal qu'il avait fait. Déjà, le fait d'avoir rendu cette affaire médiatique grâce à Tyler, Reid et Ethan qui avaient fuité les dossiers dans la presse était un énorme avantage, je ne voulais absolument rien gâcher.

— La clé, Elena, c'est de garder ton calme, me répéta-t-il, et d'être cohérente dans tes propos.

Oui, je devais simplement m'en tenir aux faits, à la vérité, pas à mes opinions, le jury n'en aurait rien à faire de ça. Je devais toujours répondre le plus honnêtement possible, ne pas me laisser tourner la tête par l'avocat de la défense. Demain, je ne me ferai pas seulement interroger par Mr Davis, mais également par le procureur du district, qui faisait tout autant parti que nous de l'accusation.

— Je serai tout près, tout comme le procureur Hawthorne et au moindre soucis avec la défense, nous serons là pour protester et te protéger du mieux que nous le pourrons.

Miles m'avait contacté quelques jours auparavant, encore une fois pour me remercier de m'exposer de la sorte et de soutenir sa sœur de la manière dont il avait été incapable de le faire avec moi. C'était beaucoup plus simple à dire au travers d'un combiné plutôt qu'en face à face. Mais il se trompait, je ne le faisais pas pour Grace, je le faisais pour moi-même et ce jugement était une opportunité de tourner la page une bonne fois pour toutes. Le fait de confronter Jackson pouvait tout simplement se dérouler de deux façons : me briser complètement ou alors me libérer à jamais.

— Il ne faut surtout pas que tu aies peur, continua l'avocat, voyant que je ne répondais pas, trop perdue dans mes pensées. C'est essentiel que tu gardes ton calme en toute circonstance.

— Je sais, murmurai-je, vous m'avez bien préparée.

Il esquissa un sourire et se leva, les mains dans les poches de son pantalon à pinces. Il était vraiment grand, pas plus que Tyler, mais il avait une autre carrure, beaucoup plus épaisse, ce qui le rendait sans aucun doute beaucoup plus imposant.

— Quant à ton père, continua-t-il comme en marchant sur des œufs, il ne pourra pas t'interroger.

— Conflits d'intérêts ? devinai-je.

— Tu n'es pas la fille d'un avocat pour rien, me complimenta-t-il.

J'aurais préféré ne pas l'être.

— Rentre chez toi et repose-toi bien, Elena.

— Vous aussi, maître.

Je me levai, pris ma veste ainsi que mon sac et sortis de la salle de conférence, avant de passer devant Maya – la secrétaire de Davis –, de la saluer gentiment et de prendre l'ascenseur qui me mènerait jusqu'au garage souterrain où se trouvait ma voiture.

Il était plus de vingt heures désormais et dans moins de quatorze heures, je me retrouverais assise à la barre avec d'un côté le juge et de l'autre, le jury, ainsi que les avocats des deux parties, tout comme mon père et mon violeur. Est-ce que j'appréhendais ce moment ? Oui, il me prenait littéralement aux tripes, voilà pourquoi j'essayais de ne pas trop me projeter à ce moment-là. Je devais toujours garder à l'esprit que je ne serais pas seule, au contraire, j'allais être très bien entourée. Tyler viendrait, tout comme Mayim, Drew, Reid, Tony ainsi que ma mère. Mes frères ne seraient pas présents, chose normale, je ne voulais vraiment pas qu'ils soient là, ils n'avaient rien à faire là.

Les portes de l'élévateur s'ouvrirent et je m'engouffrai dans le sous-sol, à la recherche de ma voiture, les clés en main. Je la garai presque toujours au même endroit, j'y avais pris l'habitude depuis désormais presque un mois. L'endroit était toujours très silencieux, bien trop à mon goût, au début, ça me fichait la trouille, mais désormais, j'étais habituée. Cet endroit était surveillé par de nombreuses caméras et n'importe qui ne pouvait pas s'introduire dans ces locaux, il fallait avoir un badge, comme celui que je détenais et qui trainait au fond de mon sac. D'ailleurs, j'allais devoir le sortir pour pouvoir quitter les lieux.

Mes pas resonnèrent derrière moi, provoquant un certain écho dans le garage, j'étais vraiment la seule dans les parages, ce qui me rassurait. Soudain, en arrivant à ma voiture, à quelques mètres, je discernai quelqu'un appuyé contre la portière du côté conducteur. Il ne me fallut pas très longtemps pour deviner de qui il s'agissait.

Plus maigre que dans mes souvenirs, son costume semblait le porter, au lieu de l'inverse : mon père. Qu'est-ce qu'il fichait ici ? Il n'avait pas le droit d'être là et je ne comptais en aucun cas lui taper la discute. J'imaginais très bien pourquoi il était venu me voir, je n'étais pas stupide à ce point. Pour lui, toute cette affaire était un jeu qu'il devait gagner pour le prestige de son cabinet et de son client, il venait sans aucun doute me faire du chantage afin que je laisse tomber mon témoignage, sauf, que c'était illégal de faire quelque chose ainsi.

Mon cœur se mit à battre la chamade, plein d'appréhension, tandis que j'avançais en faisant comme s'il était invisible, même s'il m'empêchait d'entrer dans ma Ford. Il l'avait fait exprès afin que je ne puisse pas l'éviter. Il avait complétement tort, je pouvais toujours entrer de l'autre côté, je n'avais aucun problème à me déplacer sur les sièges.

Toutefois, je ne comptais pas me laisser intimider. Je lui avais tenu tête une fois, je n'allais pas me gêner maintenant.

— Pousse-toi, lui dis-je une fois devant lui, sans même ciller une seule fois et d'une voix relativement plate.

Je ne devais à aucun moment le laisser me sortir de mes gonds, ça lui ferait beaucoup trop plaisir de voir à quel point il me déstabilisait.

— Il faut qu'on parle, Elena, déclara-t-il en un soupir et en me regardant droit dans les yeux.

Ça me faisait très bizarre de voir à quel point nous nous ressemblions physiquement, mais ô combien nous étions différents de l'intérieur. Extérieurement, je me paraissais bien plus à mon père qu'à ma mère, mais mon cœur était juste l'inverse.

Le pire dans tout ça, c'était le fait que je regrettais toujours autant le père qu'il était avant mon agression, même si je savais tout ce qu'il avait fait pour cette famille. Mon corps voulait le serrer contre moi, mais ma tête, bien plus sage, me retenait. Je me rendais compte que je n'étais toujours qu'une petite fille qui recherchait l'approbation de son paternel, malgré le fait de lui vouer une haine incommensurable après tout ce qui était arrivé.

— Je n'ai rien à te dire, répondis-je enfin en reprenant mes esprits. Tu n'as pas le droit d'être ici et tu le sais.

Il était l'un des avocats de Jackson, il ne pouvait pas s'adresser à moi.

— Je ne suis pas venu en tant qu'avocat, mais en tant que père.

— Ah bon ? Étrange, parce que tu n'es pas le mien, rétorquai-je, voulant frapper là où cela faisait mal.

Il serra les mâchoires face à me réponse, mais garda tout de même son calme. Il ne bougea pas d'un pouce et je compris alors que tant qu'il ne me dirait pas ce qu'il voulait, il ne me laisserait pas tranquille.

— Es-tu prête à faire face à Jackson ?

— Qu'est-ce que ça peut bien te faire ? Tu n'en as jamais rien eu à foutre, alors continue dans cet état d'esprit-là et laisse-moi tranquille.

— Il n'y aura pas de quartier pour toi demain, tu en es consciente ? continua-t-il en faisant la sourde oreille à ce que je venais de dire.

— Laisse-moi tranquille, Liam.

Je ne voulais pas parler avec lui, ne le voyait-il pas ? Ne se rendait-il pas compte que je ne souhaitais même pas le voir ? Que c'était bien trop difficile ? Tout qu'il avait fait à notre famille à cause de Hayes, c'était vraiment quelque chose d'horrible. Il avait trompé ma mère avec diverses femmes, il avait négligé ses enfants, il m'avait fait culpabiliser pendant des années après mon viol et il avait fait du chantage à ma génitrice afin qu'elle reste à ses côtés, malgré le fait qu'il ait déjà d'autres femmes.

— Je ne le savais pas, Elena, murmura-t-il enfin.

Je fronçai les sourcils. De quoi parlait-il ?

— J'ai juste été l'avocat de Jackson une fois, lors de cet accord entre la famille et celle de la victime. Je faisais confiance à son père, j'ignorais qu'il y avait eu des cas précédents, je te le promets.

Sa révélation fut pour moi comme un poignard en plein cœur. Il continuait à nier ?

— Je ne te crois pas.

C'était un menteur, il l'avait démontré à plusieurs reprises et là, il jouait de ruses afin de m'atteindre, alors que je témoignais le lendemain. Il jouait avec moi, avec mes émotions, il tentait de m'amadouer afin de me faire aller sur son terrain. Tout ça ne signifiait absolument rien pour lui, il voulait simplement gagner la partie.

— Tu crois sérieusement que je t'aurais laissé aller avec lui si j'avais pendant un seul instant cru qu'il était coupable ?

— Tu m'as giflée en rentrant à la maison et lorsque j'ai dit ce qui était arrivé, alors oui.

— Je suis navré de t'avoir fait ça et pour tout ce qui a suivi, je... je ne voulais pas l'admettre. Je ne t'en voulais pas à toi, mais à moi.

Je fronçai les sourcils, de plus en plus perdue. Mais qu'est-ce qu'il racontait ? Se pouvait-il qu'il aille voir un psy ? Qu'il soit suivi d'une quelconque manière ou c'était simplement une ruse pour m'amadouer ?

— Je sais que tu ne me pardonneras jamais et je le mérite, tout ce que j'ai fait... il n'y a pas de mots pour me qualifier.

— En effet et je suis navrée, mais je ne crois absolument rien de ce qui sort de ta bouche. Comme par hasard, tu attends ce soir, tout juste quelques heures avant mon témoignage, pour me balancer tout ce que je rêve d'entendre depuis plus de deux ans.

Je ne lui faisais en aucun cas confiance et j'étais sûre et certaine qu'il ne faisait tout ça que pour me déstabiliser et ainsi avoir une emprise sur moi, demain au tribunal. Mais je ne le laisserai en aucun cas faire. Il ne m'atteindrait à aucun moment, de cela, il pouvait en être certain.

— J'ai été quelqu'un d'horrible et à cause de mon ambition ainsi que de mon aveuglement, j'ai perdu la chose la plus importante que j'avais.

Ma gorge se serra, bien malgré moi. Il avait l'air sincère, de parler avec son cœur et de croire ce qu'il disait, mais moi, je ne voulais me laisser impressionner par ce soudain « changement », car j'étais certaine que tout ceci n'était que du bluff pour avoir une emprise sur moi demain. C'était sa stratégie, m'atteindre à travers les sentiments, mais j'étais bien plus forte que ça.

— Jamais je ne te demanderai de me pardonner, simplement de comprendre.

— Comprendre quoi ? Que tu as préféré les Hayes à ta propre famille ?

Parler de tout ceci mettait mes nerfs en pelote, je ne voulais en aucun cas penser à toute cette affaire, cela servait tout simplement à m'accabler, rien d'autre.

— Je n'ai pas besoin que tu viennes me le dire, je le sais déjà. Maintenant, pousse-toi, on m'attend.

Je souhaitais couper court à cette discussion, je ne voulais vraiment plus rien entendre. Mes nerfs étaient déjà très à fleur de peau et pousser cette parlote plus loin ne ferait que me faire davantage de mal. Et surtout, elle ne rimait strictement à rien. Ce n'était rien d'autre qu'un manège afin de me déstabiliser, pour que demain je perde tous mes moyens lorsque je le verrai.

Je n'étais pas assez bête pour continuer cette discussion inutile, même si au fond, j'aurais voulu croire en sa sincérité et que tout redevienne comme avant. Mais ce n'était rien d'autre qu'une utopie, plus jamais rien ne serait comme avant et tout ça, c'était à cause de lui.

— Elena, tu es ma fille et je t'aime, je veux que tu le saches.

— Si tu m'aimais vraiment, tu ne défendrais pas la personne qui m'a violée, harcelée et presque poussée au suicide, répondis-je sans aucun hésitation. Ça a beau être ton travail, ce que tu fais n'est pas éthique. Il n'y a que l'argent et ta réputation qui t'intéressent, tu n'aimes personne, mis à part toi-même.

— Tu ne peux pas comprendre mes motivations et tu n'es pas obligée de le faire, mais quoi qu'il advienne, je t'aimerai toujours, même si je sais que tu me détestes. Je ne t'en veux pas et je n'attends pas de toi que tu me pardonnes, car je ne mérite rien de tel. Je suis responsable de mes actes, mais j'ai le droit de les regretter.

Je fermai les yeux et lâchai un soupir saccadé, l'entendre dire tout ça était beaucoup trop beau pour être vrai. Cela faisait deux ans que j'attendais qu'il me dise quelque chose de semblable, en réalité, je me rendais compte qu'il me racontait tout ce que je rêvais d'entendre. C'était beaucoup trop facile et je n'étais pas dupe.

Je pourrais certifier qu'il s'agissait simplement une tactique de la défense afin de me déstabiliser, de me faire taire. Mais je ne fermerai plus jamais ma bouche et plus jamais je ne ravalerai mes propos.

— Au revoir, Liam, dis-je tout simplement en le contournant, en ouvrant ma voiture et en m'engouffrant dedans.

— Tu es forte, Elie, et je suis vraiment fier de toi, me lança-t-il avant que je ne referme la portière.

Je me dépêchai de tourner la clé dans le contact afin de démarrer ma Ford et partir le plus vite possible de là, loin de lui, afin qu'il ne me voit pas m'effondrer et que je lui fasse un tel plaisir.

Une fois le moteur allumé, j'appuyai sur l'accélérateur et sortis du garage aussi vite que je le pus, en laissant mon père derrière moi, tandis que je le voyais à travers le rétroviseur fixer ma voiture pendant que je m'éloignais de plus en plus de lui. 

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Voilà ! J'espère que ce chapitre vous a plu ! 

Pensez-vous que Liam est sincère ou qu'au contraire, il cherche à atteindre Elena afin de la destabiliser pour le lendemain ? 

Enfin bref, on se retrouve MERCREDI 15 JANVIER À 17h pour la suite ! 

Je vous souhaite un joyeux Noël ainsi qu'une bonne année (en avance pour le coup)

Tamar. 

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