Chapitre 61 Elena (Tome 2)
*********** Avant de reprendre votre lecture, je vous suggère de relire les chapitres 59 et 60 afin de vous remettre dans le bain ***********
***
Couchée sur une serviette à même le sable de la plage, je me prélassai au soleil un peu avant midi.
Depuis que je m'étais levée à quatre heures, j'avais à peine pu fermer l'œil. Je somnolai sur place et l'astre au-dessus de ma tête ne faisait qu'accentuer ma fatigue. J'avais conscience de ce que j'avais fait à Ty quelques heures plus tôt : je l'avais puni pour son comportement, en même temps que je m'étais punie moi-même en lui refusant ce que je voulais le plus. Mais je devais lui rappeler que rien dans ce monde n'était acquis et donc, que moi non plus. Son comportement la veille m'avait grandement déroutée, non seulement moi, mais aussi nos amis.
Lorsque j'étais arrivée dans la cuisine à pas de loup et que j'avais vu son dos tatoué de ce gigantesque corbeau aux ailes déployées, mon sang s'était glacé dans mes veines. C'était la première fois que je le voyais, mais j'avais pu faire semblant sans qu'il ne se doute d'absolument rien. Sa peau était encore un peu rouge, mais avait l'air de bien cicatriser, après tout, cela faisait environ trois semaines qu'il se l'était fait faire.
— Donc si j'ai bien compris, dit Mayim qui se trouvait couchée à côté de moi, tu l'as allumé à quatre heures du matin et ensuite tu es repartie te coucher ?
— En résumé, oui.
Je n'étais pas particulièrement fière de ce que j'avais fait, toutefois j'espérais qu'il aurait compris la leçon comme ça. Ce n'était pas une question de rancune, loin de là, mais il devait bien comprendre que s'il se comportait comme un crétin en bousillant notre première journée de vacances, il y aurait des conséquences. C'était mathématique pourtant.
— Waouh, je suis certaine qu'il a été obligé de se l'asticoter pour pouvoir dormir, ricana-t-elle.
— Ce n'est pas mon problème, ronchonnai-je, n'ayant pas forcément envie d'entrer dans ce terrain-là.
Ce n'était pas vrai, bien évidemment que c'était mon problème, étant donné que c'était moi qui l'avais mis dans un tel état d'excitation. Toutefois, je n'arrivais pas à me sentir totalement coupable. Après ce qui s'était passé sur la jetée, j'étais rentrée complètement hébétée à la maison, tout en ne cessant de me demander ce qui avait bien pu lui traverser l'esprit pour réagir de cette manière.
J'avais adoré ce baiser ainsi que le fait qu'il se soit octroyé le droit de dépasser ces limites qu'il ne franchissait que dans l'intimité d'une chambre, pourtant, j'avais senti que quelque chose clochait, qu'il n'allait pas bien et que le fait de m'embrasser et de me toucher de la sorte, était une manière d'échapper à tout ce qui le torturait à ce moment-là. Ce que c'était ? Lui seul le savait.
Et même si j'avais dit que ça ne m'intéressait pas de lui demander ce qui le tourmentait, j'en crevais d'envie ! C'était bien plus fort que moi. Après être retournée dans ma chambre, j'avais passé ce qui restait de nuit à me demander ce qui avait bien pu arriver. Et toutes les hypothèses qui m'étaient venues à l'esprit, étaient reliés à sa mère et à son père. Peut-être était-il déjà venu dans cette maison lorsqu'il était petit ?
Ça me paraissait peu probable, il avait dit plus d'une fois que son père ne lui avait jamais montré la moindre once d'affection et il n'avait appris la vérité à son sujet qu'à l'âge de douze ans.
— En fait, continua Mayim en m'enlevant à mes contemplations, désolée pour le repas d'hier.
Je ne pus m'empêcher de pouffer. Ce ne serait pas moi qui la critiquerait en tout cas, derrière les fourneaux je n'étais pas du tout douée, mis-à-part pour la pâtisserie. C'était un vrai miracle que mes frères soient encore en vie après avoir mangé mes nombreux petits plats ratés, pas étonnant que Chris se moque de moi et de mes talents culinaires à la moindre occasion. Après avoir tant souffert, il avait bien le droit de me charrier avec.
— Ce n'était pas censé être le résultat final. Je n'oublierai jamais la tête que Tony a faite, il avait l'air tellement choqué par ce désastre culinaire.
Bien qu'elle en parle d'un air peiné, elle avait l'air d'être à deux doigts d'éclater de rire, tout autant que moi.
— Si ça peut te remonter le moral, je ne suis pas mieux, alors relax. Si les garçons veulent bien manger, ils n'auront qu'à faire eux-mêmes la cuisine.
C'était bien vrai ! Ils n'avaient qu'à nous éblouir avec leurs talents de cuisiniers, s'ils savaient si bien s'y prendre. Je savais que Tyler se débrouillait comme un chef derrière les fourneaux, mais en ce qui concernait Tony, je n'en savais trop rien, mais en vivant seul, je me doutais qu'il avait dû apprendre à la dure.
— Je sens que ça va être de superbes vacances, chantonna mon amie en souriant de toutes ses dents.
— Alors les filles ? dit soudain une voix que nous connaissions toutes les deux parfaitement. On se tourne les pouces ?
En me retournant, je vis Tony et Tyler arriver avec leurs serviettes respectives et les poser sur le sable, avant de s'y asseoir. Tous deux portaient leurs shorts de bain et montraient leurs torses avec fierté. Lorsque Ty se retourna, je vis à nouveau l'énorme tatouage arborant son dos et un autre frisson me parcourut de la tête aux pieds. Je n'allais pas dire que ce n'était pas beau, c'était même très artistique, mais c'était ce que cela représentait qui me donnait la chair de poule.
— On parle, répondit sa petite amie.
— Rien de bien nouveau.
Les deux amis ricanèrent à leur vanne pourrie et je baissai un peu mes lunettes de soleil sur mon nez afin de lancer un regard foudroyant sur Tyler. Les blagues sexistes, trop peu pour moi.
Il sembla se rendre compte que je le contemplais, car il se racla la gorge, cessa de rire comme un pauvre abruti et prit un air sérieux avant de se coucher sur sa serviette, les bras derrière la tête.
— Si c'est pour faire ce genre de commentaires, vous pouvez déjà aller voir ailleurs, répliqua Mayim. On ne va pas arrêter de parler, alors si ça vous dérange...
— Barrez-vous, marmonnai-je en me recouchant, face au soleil.
— Quelle mouche vous a piquée à toutes les deux ? demanda Ty. Vous êtes d'un agressif, sérieusement...
— Tu demandes vraiment ce qui nous arrive ? continua ma meilleure amie en se retordant sur sa serviette afin de faire face à nos copains. T'as vraiment envie de savoir, Tyler ? Ou tu t'en fais déjà une idée ?
Je l'entendis pousser un soupir, suivi d'un grognement et tous deux prirent leurs cliques et leurs claques en marmonnant quelque chose – que je ne pris même pas la peine de déchiffrer – pour partir à quelques mètres de nous, afin d'avoir nos espaces respectifs.
— Ils sont vraiment d'un bête consommé lorsqu'ils le veulent, commentai-je.
— Oui, mais on les aime quand même, soupira-t-elle, amusée de ma remarque.
Oui, elle avait bien raison. Malgré les conneries, on les aimait quand même, quoi qu'ils puissent faire ou dire, ils avaient un don également pour vite se faire pardonner. Et Tyler avait cette manière d'être, de faire comme s'il ne s'était rien passé, qui me frustrait. J'ignorais comment il faisait pour feindre, mais c'était quelque chose qui de toute évidence lui était innée. Mais désormais, j'arrivais à voir à travers les mailles du filet et je savais parfaitement lorsqu'il faisait semblant.
Ou du moins, c'était ce que j'aimais croire.
***
Après avoir mangé à midi quelque chose de léger, nous avions passé le reste de la journée à nous prélasser sur la plage, tout en jouant à des jeux de cartes ou même de société. L'endroit était pour ainsi dire désert, il n'y avait absolument personne, juste nous quatre, à croire que les personnes de la veille s'étaient évaporées ou cuvaient encore leur gueule de bois dans leur chalet.
Les garçons s'étaient joints à nous et nous nous étions pris le bec avec eux car ils trichaient ouvertement et sans aucune honte ! Ce n'était vraiment pas croyable !
Nous avions fait des parties filles contre garçons et à chaque fois, ils usaient de subterfuges pour nous tromper et ainsi nous faire perdre. Et non, je n'étais pas une mauvaise perdante, loin de là ! Je n'étais pas Chris ! Mais ces débiles aimaient visiblement nous voir rager pour ensuite nous accuser d'être de mauvaises perdantes.
— Continue comme ça et tu vas te la mettre derrière l'oreille pendant un mois, avait menacé Mayim son copain.
Là, il avait fait beaucoup moins le malin. Son visage s'était décomposé et avait pris une expression bien moins joyeuse, ce qui avait provoqué l'hilarité de Tyler, mais Mayim l'avait également calmé très vite en lui rappelant ce qui était arrivé quelques heures plus tôt et qui risquait de lui arriver à nouveau ce soir s'il continuait sur cette voie.
Et Drew avait bien raison, le sexe faisait changer n'importe qui d'avis. Ainsi mon copain s'était calmé et avait cessé de faire le malin, tandis qu'un sourire triomphant s'affichait sur les lèvres de mon amie et moi.
Ainsi, après avoir joué dans les règles de l'art et alors que le soleil se couchait, nous décidâmes d'aller préparer le diner, qui consistait en un barbecue, c'étaient donc les garçons qui s'en occupaient, tandis que Mayim et moi allâmes couper des légumes et aligner une salade à l'intérieur. Ça, nous pouvions le faire sans que ça ne tourne à la catastrophe.
— Tu as vu la tête de Tony lorsque je l'ai menacé sans sexe pendant un mois ? s'esclaffa-t-elle pendant qu'elle coupait une tomate en rondelles.
Je ne pus m'empêcher de rigoler en revoyant son expression dans mon esprit. Ça avait vraiment été un moment très hilarant, je devais bien l'avouer.
— C'était très drôle.
— Et celle de Tyler ? On aurait dit qu'il venait de voir un chiot se faire écraser. Mais ils l'ont bien cherché, finit-elle, fière d'elle.
Ça pour l'avoir cherché, ils l'avaient fait.
Nous continuâmes à parler de tout et de rien tandis que nous préparions cette partie du repas et après un long moment, les garçons entrèrent avec la viande déjà prête dans deux récipients différents. Bon sang, ils avaient fait à manger pour un régiment entier !
Ils déposèrent tout ça sur la table que Mayim et moi avions dressée entre temps et vinrent chercher les boissons ainsi que les légumes et la salade, qu'ils reluquèrent avec méfiance. Tony approcha même son nez afin de flairer des odeurs suspectes. D'accord, on n'était pas des chefs, mais on savait préparer une foutue salade tout de même !
— C'est la spécialité d'Elie, entendis-je Tyler murmurer.
Je lui jetai un regard par-dessus mon épaule, mais il partait déjà avec son éternel meilleur ami vers la salle à manger.
J'espérais vraiment que le repas serait beaucoup plus détendu que le reste de la journée et qu'ils ne s'amuseraient pas à nous mener à bout, sinon je voyais Mayim tout à fait capable de mettre à exécution sa menace. Ce n'était pas quelque chose qu'elle avait dit en l'air pour effrayer son copain.
— Ils vont se tenir à carreau, t'inquiètes pas, me rassura-t-elle.
Je me contentai de lui sourire puis de la suivre jusqu'à la salle à manger et contrairement au reste de la journée, les garçons cessèrent de se comporter comme de vrais gamins pour se transformer en véritables gentlemen. Leur changement de comportement était même assez comique.
Nous mangeâmes à notre faim cette fois-ci et je devais bien avouer que c'était délicieux. La viande était parfaitement cuite, juste ce qu'il fallait pour bien la déguster. Elle était tellement tendre, que la chair se détachait de l'os sans aucune difficulté.
Tony nous complimenta pour la manière dont nous avions bien découpé les légumes ainsi que fait la vinaigrette de la salade, ce qui n'avait pas manqué de faire pouffer Tyler qui s'était ensuite dépêché de nous féliciter à son tour, tout en se raclant la gorge pour masquer son hilarité. Définitivement, je les imaginais très bien lorsqu'ils étaient plus jeunes en faisant les quatre cents coups ensemble, je n'avais aucun mal à vrai dire. Et ça me faisait sourire, bien malgré moi.
L'ambiance du repas fut beaucoup plus joyeuse que celle de la veille, à vrai dire, elles n'étaient en rien comparables. Tyler semblait débarrassé de ce qui le tracassait, il parlait et plaisantait à chaque fois qu'il le pouvait, tandis que moi, je me contentais de l'écouter et de le contempler, cherchant à trouver le moindre indice pour comprendre son comportement de la nuit passée. Mais je ne vis rien, il ne laissait absolument rien transparaître, c'était ce à quoi il était le plus doué : cacher ses émotions pour faire le pitre à la place. Et cette protection qui était la sienne avait tendance à me taper un peu sur le système. Parfois je pensais qu'il n'y avait plus de secrets entre nous, que j'avais fait mes preuves et obtenu sa confiance et que donc, il pouvait me parler ouvertement de ce qui pouvait le torturer, mais à croire que j'étais encore très loin du compte.
Il m'arrivait même de penser que jamais je ne le connaitrais véritablement, qu'il garderait toujours cette part de mystère qui attisait ma curiosité, alors que d'autres fois, je pensais sincèrement le connaître comme le creux de ma main. Mais finalement, on ne connaissait jamais totalement quelqu'un, les secrets étaient quelque chose de naturel et faisaient aussi partie d'un genre d'intimité qu'un partenaire n'avait pas le droit de franchir. Tout le monde avait le droit à cette petite part de mystère dans son existence.
***
Après avoir débarrassé la table et tout mis dans le lave-vaisselle, nous entreprîmes d'aller faire un tour pour digérer le repas, qui je devais bien l'avouer, commençait à me peser sur l'estomac. Le fait de bouger était sans aucun doute la meilleure chose que nous pouvions faire.
Le soleil se couchait, peignant l'horizon d'orange, rose et rouge. La lune n'était visible nulle part, mais elle ne tarderait sans aucun doute pas longtemps à pointer le bout de son nez. Certaines étoiles étaient même déjà visibles sur le firmament.
Nous descendîmes jusqu'à la plage et nous promenâmes pieds nus sur le sable qui commençait à refroidir au fur et à mesure que la nuit tombait, marchant dans le silence et profitant du son de l'eau lorsque les vagues allaient et venaient. Nous la longeâmes de long en large et finîmes sur la jetée, où nous fîmes certaines photos lorsque nous arrivâmes tout au bout.
Mayim me prit dans ses bras et me serra de toutes ses forces tandis que Tony immortalisait cet instant, je me souviendrais de lui comme du moment où ma meilleure amie s'était transformée en boa constrictor. J'ignorais qu'elle avait autant de force, bon sang !
Ce fut alors le tour d'elle et de son petit-ami, et bien entendu, ce fut moi qui pris le cliché... ou plutôt les clichés. Je fis plusieurs photos alors qu'ils changeaient de position ou même d'expression faciale. À travers l'objectif du portable de Tony, je ne pus m'empêcher de remarquer à quel point il avait l'air de l'aimer, sa manière de la regarder... on aurait dit qu'il faisait face au soleil même. C'était tellement beau et intense, que pendant un instant, je me vis obligée de détourner le regard, ayant l'impression d'empiéter sur leur intimité. En voyant ma réaction, Tyler ne put s'empêcher de pouffer à quelques centimètres derrière moi.
Soudain, je le sentis se pencher sur moi et son souffle chatouiller mon oreille, tandis que tous les muscles de mon corps se tendaient tel un arc et que ma respiration se coupait.
— Fait pas ta timide, murmura-t-il, visiblement très amusé.
Puis il déposa un baiser sur ma joue en même temps que son téléphone apparaissait dans mon champ de vision et qu'il prenait un selfie de nous. Je ne pus m'empêcher de sourire. Et avant même que je ne m'en rende compte, Mayim attrapa celui que j'avais dans les mains et nous poussa Tyler et moi jusqu'au même endroit où nous nous étions retrouvés la veille, un peu près vers ces heure-là, alors que le soleil était en plein déclin et qu'il nous illuminait de ses couleurs particulières. Cela faisait une très jolie toile de fond, vraiment pittoresque.
Ainsi, afin d'immortaliser l'instant, Tyler se plaça derrière moi, colla son torse à mon dos, passa ses bras autour de mon torse et me serra contre lui, tout en enfouissant son visage dans le creux de mon cou. Je sentis son sourire contre ma peau et je ne pus m'empêcher d'en faire de même pendant que je m'accrochais à ses avant-bras puissants.
Les secondes passèrent et nous restâmes dans cette même position, sans même bouger d'un pouce. Elle avait quelque chose de rassurant qui faisait battre mon cœur à la chamade, oubliant même que nous n'étions pas seuls. Toutefois, ce fut Ty qui rompit le contact en premier, malgré mon vouloir. J'aurais pu rester comme ça jusqu'à la fin des temps.
— Je t'envoie la photo, dit Mayim en me sortant de mes pensées.
Je me contentai de sourire légèrement et de prendre une certaine distance avec mon petit-ami, pendant qu'il enfonçait ses mains dans ses poches avant de commencer à se balancer doucement d'avant en arrière et à se mordre l'intérieur de sa joue droite. Je reconnaissais ce genre de gestes, il les faisait lorsqu'il était nerveux, ou angoissé.
Mon portable vibra et je n'eus même pas besoin de vérifié qu'il s'agissait du cliché envoyé par mon amie via une application. Je la regarderais plus tard, pour l'instant, je me concentrai sur Tyler. Son regard se porta sur moi, me fixa pendant quelques secondes puis se détourna afin de prendre appui contre la rambarde et contempler la mer.
Tony murmura quelque chose à l'oreille de mon amie et cette dernière me lança un regard entendu, suivi d'un petit sourire en coin. Tous deux firent demi-tour et nous laissèrent seuls Tyler et moi, au bout de cette jetée alors que la nuit tombait de plus en plus et que le soleil disparaissait par-delà l'océan qui nous faisait face.
Doucement, je me rapprochai du garde-corps, ainsi que de Ty, sans pour autant le toucher. J'étais tellement près de lui, que je n'avais qu'à bouger mon bras d'un millimètre vers la droite pour l'effleurer, pourtant, je ne le fis pas et me contentai de l'imiter, mon regard surveillant l'horizon.
— Tu ne vas rien dire ? finit-il par me demander au bout de quelques minutes de silence où on n'entendait que le bruit des vagues à quelques mètres sous nos pieds.
— Que veux-tu que je dise ? soupirai-je en tournant mon regard vers lui.
— J'en sais rien, grogna-t-il, mais pourquoi est-ce que tu ne me poses pas de questions par rapport à hier ? Ça fait partie de ta punition ?
Je ne pus m'empêcher de pouffer. Alors c'était ça qui le torturait ? Que je ne lui pose pas de questions ?
— Je te l'ai déjà dit, si tu veux en parler, d'accord, mais je ne te poserai aucune question. Je suis là pour t'écouter, mais je ne vais pas te supplier de me raconter ce qui t'a chamboulé hier.
Alors que techniquement, en disant que je ne le ferais pas, j'étais justement en train de le faire.
— T'es compliquée, maugréa-t-il.
Cette fois, je ricanai ouvertement. Non mais franchement, c'était l'hôpital qui se foutait de la charité là ! Si moi j'étais compliquée, alors lui il était quoi ? Frustrant serait sans aucun doute le mot approprié pour le qualifier.
— Dis-moi ce que tu penses.
— Par rapport à quoi ?
— À hier. Je suis certain que ta petite tête n'a pas arrêté de travailler. Quelles sont tes théories ?
— Je ne veux pas jouer à ce jeu, répondis-je sincèrement. Peu importe ce qui m'a traversé l'esprit.
— Mais je veux savoir, insista-t-il en prenant une grande goulée d'air.
Qu'est-ce qu'il pouvait être têtu comme une mule celui-là alors !
— Je pense que ça a un rapport avec ta mère et ton père. Voilà ! avouai-je enfin.
Ty me fixa sans même battre des paupières un seul instant, puis un sourire étira le coin de ses lèvres, avant qu'il ne se détourne de moi pour contempler à nouveau le soleil couchant.
Alors... j'avais vu juste ? Ou je m'étais complètement gourée ?
— Tu me connais mieux que ce que je croyais, murmura-t-il en baissant la tête. Oui, en effet, c'était en rapport à eux. Ma mère partait tous les ans pendant une semaine je ne sais où...bon, maintenant je sais. Elle venait ici, avec lui.
Je fronçai les sourcils. Alors... il n'était jamais venu dans cette maison auparavant ? Comment pouvait-il savoir que sa mère y avait séjourné ? Je n'avais vu des photos d'elle nulle part. Mais peut-être...
— Elle aimait beaucoup faire des photos, alors lorsque j'ai vu l'extérieur de la maison, je l'ai tout de suite reconnue.
— Et qu'est-ce qui te tracasse ? C'est le fait qu'elle soit venue ici avec ton géniteur ?
Ou alors c'était le fait que son paternel n'était pas aussi monstrueux qu'il voulait le croire. Peut-être bien qu'il était là le problème.
Cette maison au bord de la plage était un endroit qu'il partageait avec Maite et avec personne d'autre, et il n'était pas revenu après sa mort, mais pourtant, il gardait la maison intacte, se préoccupant qu'elle soit entretenue. Il prenait soin d'elle, mais surtout, il prenait soin des souvenirs qu'il avait créé à l'intérieur de cette dernière.
Est-ce que ça le rendait moins détestable ? Je n'en savais rien, mais il était évident que ça mettait en conflit Tyler.
— Peut-être qu'il l'aimait vraiment.
Mon petit-ami me lança un regard en coin qui me glaça le sang, mais ne dit pourtant rien, se contentant de contracter les mâchoires à en faire grincer ses dents. Il ne voulait pas l'admettre, mais j'étais certaine d'être dans le vrai. Même si Mr Reid avait fait des erreurs impardonnables, peut-être bien qu'au fond, il aimait vraiment Maite, à sa manière.
— Oui, peut-être, finit-il par admettre, mais cela n'efface pas tout ce qu'il a fait par la suite. L'argent qu'il investit dans cette maison ne sert à rien. Au lieu de garder intacte le souvenir de ma mère, il aurait pu lui sauver la vie.
Il serra les poings et ferma les yeux, vraiment à cran. Toute cette histoire devait sans aucun doute lui retourner le cerveau, ainsi que les tripes. Il avait sans aucun doute remis certaines choses en doute, ce qui était compréhensible, le comportement de son père était assez perturbant, après tout, il ne s'était pas battu pour Maite lorsqu'il en avait eu l'occasion, démontrant ainsi sa totale indifférence face à ce qui pourrait lui arriver à elle ainsi qu'à son propre fils, la chair de sa chair.
— Mais qu'importe désormais, n'est-ce pas ?
Je m'approchai un peu plus de lui et attrapai entre mes mains l'un de ses poings serrés pour le lui caresser doucement. Il sembla se détendre et me regarda enfin droit dans les yeux, les siens brillaient et étaient légèrement rouges, toutefois je me perdis dans l'intensité de ses iris sombres, tels le café noir.
— Ne te ferme plus comme ça, d'accord ? S'il te plait. J'ignore si je peux t'être d'une quelconque aide, mais je peux t'écouter et te libérer d'un poids. Tu n'es pas obligé de tout porter sur tes épaules, je suis là maintenant. Et à deux, tout est plus simple, tu ne trouves pas ?
Tyler me sourit et plaça une de mes mèches rebelles derrière mon oreille, comme à son habitude, puis posa sa main au niveau de ma nuque pour finalement, plaquer ses lèvres sur les miennes et m'embrasser tendrement pour répondre à ma question.
Ce baiser était vraiment très différent à celui que nous avions échangé la veille, à cet endroit même. Il était plus doux et remplit de quelque chose que j'interprétais comme de la gratitude, car malgré tout ce qu'il pouvait faire ou dire, j'étais toujours là pour le comprendre et le soutenir.
Ty rompit notre étreinte et déposa son front contre le mien, avant d'effleurer mon nez du sien.
— On rentre ? demanda-t-il.
Son regard avait désormais une intensité nouvelle, mais j'avais l'impression qu'elle allait me consumer tout entière. Quelque chose au fond de moi s'enflamma et une chaleur immense m'envahit.
Est-ce qu'il en avait autant envie que moi ? Si je me fiais au ronflement de son pantalon de quelques heures plus tôt dans la cuisine, alors oui, sans aucun doute.
— Tu as l'air fatiguée, continua-t-il en caressant mes cernes. On va dormir ?
Les mots restèrent coincés à l'intérieur de ma gorge tandis qu'il attrapait ma main et enlaçait ses doigts aux miens. Moi ? Fatiguée ? Certes, je n'avais pas dormi grand-chose cette nuit, mais je n'étais pas pour autant éreintée.
Puis avant même que je n'ai pu organiser mes pensées, Tyler se plaça de dos devant moi, s'accroupit, attrapa mes jambes et me souleva dans les airs pendant que j'entourais mes bras autour de son cou et mes jambes autour de sa taille.
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Bon ! I'm back ! 😉
J'espère que ce chapitre vous a plu, et je peux dores et déjà vous dire d'attacher vos ceintures parce que le chapitre 62 va envoyer du lourd ! Je me suis vraiment lâchée et j'ai réellement pu le faire parce que j'ai décidé de raconter leur première fois du point de vue de Tyler. C'était peut-être plus difficile à écrire, mais c'est un challenge que je me suis imposée (pourquoi faire dans la facilité quand on peut tout compliquer?) et je l'ai surmonté !
Donc, on se retrouve MERCREDI PROCHAIN À 17H pour la publication du chapitre 62, qui pour le coup sera considérablement long !
Bonne semaine !
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