Chapitre 33 Elena (Tome 2)


J'étais à peine restée deux heures chez-moi, entre manger et préparer mes affaires, le temps était passé relativement vite. Une fois arrivée chez mon amie, j'avais été accueillie par Mrs Reid qui mettait – ou faisait mettre plutôt – en place les dernières décorations. Les musiciens avaient passé leur après-midi à s'entrainer vaguement, tandis que Greyson semblait déjà excédé par tout ce cirque.

En me voyant arriver, il m'avait contemplée, mais ne m'avait pas adressée la parole. À vrai dire, toute sa famille me tapait sur le système maintenant que je savais de quoi il était véritablement question. Surtout Mrs Reid, c'était vraiment une garce de la pire espèce. J'aurais voulu lui dire ce que je pensais d'elle, mais je n'avais pas le droit de m'emmêler, mais si jamais elle osait dire quelque chose sur Tyler comme la dernière fois, alors je ne me gênerais aucunement.

Drew et moi avions passé le reste de la journée à aider Mayim à choisir une robe, étant donné que sa tante lui avait commandé une bonne vingtaine de genres différents. Mais aucune ne plaisait à mon amie, elle disait avoir l'air d'une meringue et je la comprenais. La plupart des robes avaient la jupe en tulle et cela donnait un effet très...meringué. Il n'y en avait que trois qui lui plaisaient plus ou moins. Drew et moi lui conseillâmes celle qui était de couleur bordeaux et en dentelle, ça faisait joli et classe à la fois, sans en faire trop non plus.

Cela faisait désormais deux heures maintenant que nous étions enfermés dans la chambre de Mayim en train de nous préparer. J'étais maquillée et coiffée, mes cheveux avaient été légèrement bouclés pour leur donner plus de volume. C'était Drew qui s'était occupé de m'aider, tout en choisissant les couleurs de mon maquillage pour qu'il fasse un contraste avec les tons de ma robe de cocktail bleue. Il s'agissait de celle que ma mère m'avait offerte pour mon anniversaire, à peine deux mois plus tôt, et que je n'avais mis qu'une seule fois.

En ce moment même, j'étais en train de l'enfiler devant un miroir et mon ami m'aidait à remonter la fermeture. Étant donné qu'elle n'avait pas de bretelles, le décolleté en cœur me faisait vraiment un très beau buste, je ne l'avais pas remarqué la dernière fois que je l'avais mise.

— Donc, tu as passé la nuit chez Tyler, dit Drew l'air incrédule, et il ne s'est rien passé ?

Sans le vouloir, un petit sourire vint arborer le coin de mes lèvres en me souvenant de tout ce que nous avions fait cette nuit. C'était tellement intense... que j'étais encore recouverte de frissons de la tête aux pieds.

Et comme toujours, Drew était bien curieux.

— Ça ne sert à rien d'insister, reprit Mayim en passant sa tête par l'entrebâillement de la porte de la salle de bain, elle ne va rien dire !

Et elle avait bien raison. C'étaient mes amis, mais ils n'avaient pas besoin de connaître ce genre de choses, il s'agissait d'une affaire entre Tyler et moi, ça ne regardait personne d'autre. C'était beaucoup trop intime et privé pour le raconter.

— Toujours pas de home run ?

— Non, soupirai-je, toujours pas de home run.

Même si sur le moment ça m'avait fait un choc qu'il ne veuille pas, Tyler avait entièrement raison. Nous ne devions pas commettre les mêmes erreurs du passé et nous précipiter, après tout, nous avions tout notre temps.

Les yeux de Drew s'écarquillèrent et il me prit par les épaules afin de me retourner. À chaque fois que je le regardais, je ne pouvais m'empêcher de rigoler : il était en chemise blanche avec un nœud papillon noir et... en caleçons. Mais quand allait-il mettre son pantalon à pinces à la fin ?

— Dis-moi au moins que vous vous êtes gamahuchés, s'il te plait !

Je fronçai les sourcils. Hein ? Gama... quoi ?

Voyant ma tête d'incompréhension, il ricana.

— Gamahucher veut dire...

— Je ne veux pas savoir ! l'interrompis-je en me défaisant de son emprise, sachant d'avance qu'il s'agissait sans aucun doute de quelque chose de bien sexuel.

Il rit plus fort en voyant à quel point j'étais gênée. Comme toujours, Drew avait le don pour rendre ce genre de moments vraiment gênants avec ses questions trop déplacées. Mais... ça faisait partie de son charme, je devais bien l'admettre.

— Bon, soupira Mayim en sortant de la salle de bain et en éteignant la lumière, vous en pensez quoi ?

Elle avait lissé ses cheveux bouclés, ce qui donnait l'impression qu'ils étaient plus longs que d'habitude, et ça lui allait à ravir. La robe lui arrivait un petit peu au-dessus du genoux, comme la mienne, et ses talons aiguille lui faisaient de très belles jambes. J'allais en porter des similaires et je me demandais comment est-ce que j'allais faire pour rester debout toute la soirée, ça allait être une véritable épreuve pour moi. J'aurais aimé mettre des converses à la place.

Je m'imaginais bien : en robe de cocktail et converses, ça rendrait dingue Mrs Reid.

Soudain, on cogna à la porte et vu que j'étais la plus près de celle-ci, j'ouvris.

Je me retrouvai nez à nez avec Grey, qui portait un costume bleu nuit qui lui allait comme un gant, dire le contraire ça aurait été mentir. Il me contempla pendant quelques instants, la bouche légèrement entrouverte, ne sachant plus quoi dire et... ça me fit sourire. Sa réaction me rappelait celle de Ty lorsqu'il m'avait vue dans la robe que j'avais portée pour Thanksgiving.

— Tu veux quelque chose ? demandai-je enfin.

Le son de ma voix sembla le ramener à la réalité et il secoua la tête pour se remettre les idées en place, avant de dire :

— Euh... ouais, les invités commencent à arriver. Alors descendez.

— D'accord, si Drew veut bien enfiler son pantalon, on sera là dans cinq minutes.

— Bien, je vais le communiquer à mon hystérique de mère, répondit-il en essayant de se montrer décontracté, alors que ça avait l'air d'être tout à fait le contraire.

Il semblait ne pas du tout être dans son élément. J'avais déjà remarqué l'autre jour qu'il trouvait que cette fête c'était une grosse blague. Mayim ne connaissait pratiquement personne, c'était vraiment n'importe quoi comme anniversaire. J'aurais tellement préféré faire autre chose avec elle plutôt que devoir nous farcir cette fête snob...

— En fait, Elie ? renchérit Grey alors que j'allais refermer la porte.

— Oui ?

Il me fixa pendant quelques secondes et se frotta la nuque, l'air gêné.

— Cette robe est très jolie.

Je souris en voyant qu'il rougissait comme une pivoine. J'ignorais ce que ça avait dû lui coûter ce compliment, mais sans doute beaucoup d'efforts.

— Merci, ton costume n'est pas mal non plus, le complimentai-je en lui faisant un clin d'œil et en fermant le battant alors qu'il s'éloignait dans le couloir, un sourire amusé arborant ses lèvres.

En vrai, lui et Tyler se ressemblaient plus qu'ils ne voulaient l'admettre.

Je me tournai alors vers mes amis pour retrouver Mayim en train d'essayer de fermer la fermeture éclair du pantalon de Drew, qui semblait lui résister.

— Je crois qu'elle est coincée.

— Et je vais faire comment moi si je veux aller pisser ?! s'énerva notre blondinet préféré.

— Tu n'auras qu'à te retenir !

Je ricanai depuis mon coin face à leur discussion, car c'était vraiment comique : Mayim essayant de faire pression sur la fermeture, sans succès, et Drew essayant de se mettre dans une position qui rendrait la tâche plus facile à notre amie. Si j'avais pu, je les aurais filmés.

Même si la soirée s'annonçait merdique, au moins, nous étions ensemble. Tout de même, ce qui m'aurait vraiment réconfortée, cela aurait été que Tyler vienne. Mais quelles chances y avait-il pour que cela arrive ? Certes, je lui avais écris une lettre, mais son but n'était pas de le faire venir, plutôt pour qu'il cesse d'avoir honte de quelque chose dont il n'était pas coupable. Le seul fautif dans cette histoire, c'était Mr Reid.

— Tu l'as coincée avec ta chemise ! se plaignit Mayim. Et je ne vais pas mettre les mains là-dedans !

— Depuis quand tu es pudique ? insinua-t-il en bougeant à deux reprises ses sourcils. Elena, tu peux venir aider cette incapable ? continua-t-il.

Elle lui lança un regard noir et il la ferma, ce qui me fit rire de plus belle.

— Je crois qu'elle s'en sort très bien. Je préfère de loin rester ici.

— Merci pour la solidarité, marmonna Mayim dans sa barbe.

Drew me suivit dans mon hilarité et bientôt ce fut le tour de notre amie. Puis alors la braguette fut opérative de nouveau.

— Fait gaffe la prochaine fois en refermant !

— Oui, maman !

Drew mit sa veste, moi mes talons et nous fûmes fins prêts à descendre. Au moment où j'allais ouvrir la porte, Mayim me saisit par le bras et dit :

— Armons-nous de patience, car cette soirée va être une véritable torture.

C'était bien de nous le rappeler au cas où nous n'en serions pas suffisamment conscients.

— J'ai des penchants sadomasochistes, je devrais m'éclater alors, plaisanta Drew d'un air vraiment nonchalant, même s'il essayait de cacher un petit sourire qui faisait frémir le coin de ses lèvres.

Mayim et moi lui mîmes en même temps un coup dans chacune de ses épaules, avant de rigoler légèrement. Ce garçon avait le don ou de rendre un moment ultra gênant ou alors vraiment drôle. Il essayait toujours de tout tourner à la dérision, sans doute parce que c'était plus facile que d'affronter le véritable problème face à face. Mais j'aimais sa philosophie de vie, je devais bien l'avouer.

***

Après plus d'une heure, statique et appuyée contre le mur, je me tournai vers Drew et lui dis :

— Tue-moi, s'il te plait !

La musique était vraiment barbante, l'ambiance était chiante et les gens snobs. Je ne connaissais personne, les visages les plus jeunes je me doutais que c'étaient des gens du lycée, mais à qui ni Mayim ni moi avions jamais parlé. Drew me mettait au parfum de qui était qui et combien d'argent sa famille avait dans son compte bancaire. Il me disait des noms de famille, les métiers des parents de ces gosses de riches et je les oubliais presque instantanément tellement je n'en avais rien affaire. Tous portaient des tenues ostentatoires et ils rigolaient à gorge déployée en buvant leur champagne sans alcool... bref, leur jus de pomme comme je disais.

— Et te faire rater cette magnifique fête ? ironisa Drew. Jamais.

Il m'arracha un sourire, alors que nous étions tous les deux seuls, Mayim devant recevoir tous les invités un par un. Je la plaignais vraiment. Elle se trouvait dans le hall d'entrée du manoir serrant pleins de mains de personnes qu'elle ne connaissait pas et qui n'avaient rien affaire d'elle. C'était vraiment triste.

Tous les adultes qui se trouvaient à cette soirée étaient des actionnaires et étaient un peu séparés des « jeunes ». Il y avait bien une bonne centaine de personnes, ce que je trouvais étrange car Grey n'avait pas dit non plus le nom de tellement de personnes « importantes » se trouvant dans notre lycée. Alors sans aucun doute, certains de leurs invités spéciaux avaient emmené leurs enfants, ça ne m'étonnerait même pas.

La maison des Reid avait été décorée pour l'évènement de manière très élégante, je devais bien l'admettre, sur ce coup je ne pouvais pas critiquer le travail de la maîtresse de maison. Elle avait un bon goût et surtout de l'argent, ça c'était évident. Il y avait pas mal de guirlandes, mais cela restait très soft et dosé.

J'ignorais où ils avaient fichu tous les meubles, mais en tout cas, ils avaient disparu pour faire en sorte que la pièce soit plus grande. Beaucoup plus grande.

En regardant la décoration autour de moi, je tombai sur des visages connus comme celui de Z.J ainsi que d'un ou deux gars avec qui je voyais Grey trainer de temps en temps. Puis de l'autre côté de l'immense salon transformé en salle de réception et de danse, je vis Cassidy Schmidt en train de parler avec entrain avec plusieurs filles qui lui tournaient autour.

Je pouffai, excédée. Même si son fils lui avait clairement dit qu'il n'était pas invité, cette harpie l'avait quand même fait venir. J'imaginais que l'argent de son paternel était vraiment plus important que les désirs de sa progéniture. Elle n'était vraiment pas croyable. Franchement, je plaignais vraiment Grey et ...d'ailleurs, je ne l'avais plus vu depuis qu'il était venu nous prévenir et cela remontait à bien plus d'une heure maintenant.

— Salut, Elena ! me salua Z.J en venant vers moi.

La dernière fois que nous avions parlé, l'affaire avait failli déraper. Sa petite scène au réfectoire l'autre jour, je n'étais pas près de l'oublier de sitôt, alors il pouvait aller voir ailleurs si j'y étais.

Je me demandais encore de quel droit il avait osé se mêler ainsi de ma vie privée. Sur le moment, ça m'avait glacé le sang, mais là il n'avait pas intérêt à venir avec la même rengaine, parce que sinon, cette fois je n'allais mais vraiment pas me gêner une seule seconde pour lui rentrer dedans.

Voyant que je ne lui accordai pas le moindre regard, il changea sa route et me laissa tranquille. Tant mieux, je ne tenais pas à lui parler.

— Tony se fait désirer, observa Drew en regardant l'heure sur son portable.

— Oui, j'aurais pensé qu'il serait des premiers à arriver.

— Personnellement, si j'étais Mayim, je ne lui en voudrais pas de zapper cette chose que les snobs appellent « fête ». Et cette musique ! s'énerva-t-il en lançant un regard foudroyant aux musiciens qui étaient en train de jouer du Bach. Ils ne peuvent pas jouer quelque chose de plus joyeux ? C'est un anniversaire, pas un enterrement, merde !

Comme je comprenais sa frustration. Nous ne pouvions même pas danser... et qui de nos jours dansait des Waltz ? Personne ! Du moins, pas la jeunesse.

— Et il n'y a même pas d'alcool ! continua-t-il à plaindre.

Je devais bien avouer que moi aussi j'aurais bu un verre, car la soirée s'annonçait... chiante au possible.

— Sales bourges, marmonna-t-il en s'appuyant contre le mur, un air boudeur collé sur son visage.

J'espérais que la fête se terminerait tôt et que nous pourrions aller dormir, car si ça continuait à être aussi barbant, j'allais m'endormir sur place. Pourtant les autres avaient l'air dans leur élément, même les gens de notre âge. Sans doute étaient-ils habitués à ce genre de réceptions bien pénibles.

Puis soudain, Drew me prit la main et me traina derrière lui alors qu'il se dirigeait vers les grandes baies vitrées qui donnaient sur l'immense jardin de la demeure.

— Où on va ?

— Se bourrer la gueule, je ne vais pas tenir si je n'ai pas un minimum d'alcool dans le sang !

Comme je le comprenais ! Après avoir passé une heure dans une ambiance aussi merdique, moi aussi j'avais envie de me soûler pour que la soirée passe un peu plus vite ou du moins... ne pas être consciente qu'elle se déroulait trop lentement.

Nous sortîmes dans le jardin, ce que je trouvais bizarre. Pourquoi n'allions-nous pas dans la cuisine ?

— La cuisine ce n'est pas par-là, Drew, plaisantai-je.

— On va aller directement se servir dans leur cave à vin.

Je mis le frein, trouvant que c'était une très mauvaise idée. Les bouteilles se trouvant à cet endroit devaient coûter la peau des fesses, il y avait sans aucun doute des grands crus datant depuis des années. Je ne trouvais pas ça très judicieux d'aller nous servir là.

— On ne va pas la dévaliser, ricana-t-il en voyant ma réticence. En plus, ces gens sont pétés de thunes. Tu crois qu'ils vont remarquer quelque chose ? Allez, viens !

Puis je me laissais entraîner, même si je n'étais pas vraiment à l'aise avec ce que nous allions faire. Toutefois, Drew avait raison : ils ne remarqueraient rien si on leur volait une petite bouteille. Ils n'allaient pas en crever.

La cave se trouvait dans un autre bâtiment adjacent au manoir. Une fois Mayim nous l'avait montré, il s'agissait d'une petite maison avec une pièce et un sous-sol où se trouvaient tous les grands crus des Reid. Apparemment, Mr Reid aimait collectionner les Chardonnays, les meilleures années bien entendu.

Arrivés devant la porte de la cave, Drew essaya de l'ouvrir, mais elle était fermée à clé. Il siffla, énervé, et lui donna un léger coup de pied.

— Tu n'aurais pas une barrette ?

Je ricanai. Il était vraiment désespéré s'il croyait qu'il allait pouvoir ouvrir la porte de cette cave avec une simple barrette !

En regardant de plus près la serrure, il ne me fut pas difficile de dire qu'il s'agissait d'une spéciale et que par conséquent, tous les effort de mon ami allaient être vains.

— Vous n'êtes vraiment pas discrets, dit une voix rauque à notre gauche.

En nous tournant vers elle, nous découvrîmes Grey assis sur un muret de pierre en train de boire du champagne à même le goulot. J'étais certaine qu'il avait la clé.

— Au lieu de jouer les McGiver, allez dans la cuisine, il y a des bouteilles de champagne dans le frigidaire. Mais ayez au moins la descence d'être discrets, pas comme là.

Je le contemplai, il n'avait pas vraiment l'air au mieux de sa forme. Certes, la fête était vraiment horrible, mais tous ses amis étaient à l'intérieur, alors pourquoi était-il là ? Tout seul en plus ?

Ce que m'avait dit Tyler hier me revint en mémoire : « Reid a toujours été spécial, dans le sens où il n'était pas à l'aise avec les autres enfants, quelque chose coinçait. Il a toujours eu du mal à s'exprimer, à dire ce qu'il ressentait ou même à comprendre les sentiments des autres. »

En voyant ses parents, ce n'était pas du tout étonnant.

Il reprit une gorgée de sa boisson alcoolisée et ses yeux bleus pénétrants se posèrent sur moi, pour ne me quitter du regard ne serait-ce qu'une seconde. Il avait l'air seul et... déprimé.

— Merci pour l'info, dit Drew.

Et il partit devant, mais en voyant que je ne le suivais pas, il se retourna et me fixa, avant de me demander :

— Elie, tu viens ?

Mais j'avais la sensation que Reid me suppliait de rester avec lui, de ne pas le laisser tout seul. Il y avait cet air dans ses iris... celui que je connaissais tellement bien car je l'avais vu plus d'une fois chez Tyler. Ce regard-là me brisait le cœur.

— Vas-y, je te rejoins dans quelques instants.

Il nous observa Grey et moi à tout de rôle avant d'acquiescer et s'en aller.

Lorsque la porte de la maison se referma quelques secondes plus tard, je m'approchai du demi-frère de Tyler doucement, comme s'il s'était agi d'un animal sauvage pris au piège.

Je me plaçai devant lui et nous nous toisâmes pendant ce qui me sembla durer très longtemps, sans pour autant prononcer un mot.

Il faisait un peu frisquet et j'étais sortie de la maison sans prendre une veste, je commençai à avoir la chaire de poule. Grey poussa un soupir, posa la bouteille à ses côtés, enleva sa veste et me la tendit. Je la regardai cependant pendant quelques instants, un peu surprise.

— Enfile-la ! dit-il en voyant que je ne réagissais pas. Tu vas être malade sinon.

Puis je la pris doucement et le remerciai d'un petit sourire. Je devais bien admettre que c'était très prévenant de sa part. Je la mis sur mes épaules, pouvant encore sentir la chaleur de son corps imprégnée dans le tissu de sa veste qui réchauffait la partie de mon corps frigorifiée par ce temps de février.

— Pourquoi tu es là, avec moi ? me demanda-t-il après un autre long moment de silence gênant.

— Ça t'embête ?

— Tu ne m'embêtes jamais, répondit-il sans hésitation. Mais je me pose la question.

J'esquissai un nouveau sourire en coin et allai m'asseoir à ses côtés sur le muret, à peine à quelques centimètres de lui.

Nous entendions le brouhaha provenant de l'intérieur, ainsi que le son de la musique classique. Ça semblait énerver Grey tout autant que moi.

— Je suis désolé... qu'il ne soit pas venu.

Sa remarque me toucha. Définitivement, Greyson Reid était un véritable mystère pour moi et j'ignorais si un jour j'arriverais à le connaître, mais dernièrement, il me surprenait beaucoup.

— Tu avais raison.

— J'aurais pu avoir tort.

Je haussai les épaules, afin d'enlever de l'importance à l'affaire.

— Je comprends ce qui le pousse à ne pas vouloir venir.

Il se figea et tourna la tête doucement vers moi, pour ensuite froncer les sourcils tout en me jaugeant.

— Tu comprends ?

Je hochai la tête doucement.

— Oui, Grey. J'ai compris tout ce que tu essayais de me dire lundi. J'ai vu ton père et ça a été une évidence pour moi.

Ses yeux s'écarquillèrent légèrement, mais garda son calme toutefois. Je trouvais sa réaction un peu étrange, étant donné qu'il avait déjà essayé de me dévoiler leur lien de parenté, ce soir-là, lorsque Tyler et moi avions discuté dans l'une des nombreuses chambres d'amis de la demeure. Puis il avait recommencé le jour où j'avais compris ce qu'il en était. Avait-il changé d'avis ?

— Alors... tu sais que lui et moi...

Le mot resta coincé en travers de sa gorge. Peut-être qu'il ne s'attendait pas que je lui en parle avec tellement de naturel, mais j'ignorais comment aborder la chose autrement.

— Êtes demi-frères ? Oui, je le sais.

Il cessa de respirer pendant quelques instants, pour ensuite lâcher un long soupir, l'air vraiment soulagé, comme débarrassé d'un énorme fardeau.

— Est-ce que tu...

— L'as dit à quelqu'un d'autre ? l'interrompis-je. Non, ça ne me regarde pas.

Grey prit une autre lampée de son champagne et ensuite me tendit la bouteille, que je regardai avec hésitation.

— Bois !

Je ne me fis pas prier et portai le goulot à mes lèvres avant d'avaler une gorgée de cet alcool pétillant, pour ensuite lui redonner. Je sentais encore la sensation des bulles de gaz sur ma langue.

— Tyler t'en a parlé ? Comme ça ?

Je n'allais pas rentrer dans les détails, ce qui était arrivé ou non restait entre Ty et moi, ça ne regardait personne d'autre. Mais je pouvais lui faire un bref résumé.

— Ce n'était pas aussi simple. Je lui... ai juste donné son espace, sans le bousculer et il est venu à moi de son plein gré.

Il soupira encore une fois et sembla se détendre.

— Tu dois vraiment avoir une piètre image de moi alors, murmura-t-il après quelques secondes de réflexion.

Je l'aurais peut-être dû, mais à l'époque c'était juste un gamin. Le fait qu'il ait pris parti pour son père et sa mère était quelque chose de normal, n'importe quel môme aurait fait pareil. Mais ce que je ne cautionnais pas c'était son comportement actuel, le fait qu'il ait fait exprès d'insulter Maite juste pour faire du mal à Tyler ou tous les coups bas qu'il avait fait juste pour le blesser. Ça, je ne lui pardonnais pas.

Il avait voulu semer la zizanie dans notre couple pour le torturer, également. Il s'était servi de moi pour l'atteindre. Et ça, c'était vraiment petit.

— Vous étiez meilleurs amis, soupirai-je, et tout est parti se faire voir à cause de cette révélation.

— Ouais, les choses de la vie.

— Pourquoi ? Pourquoi essayer de lui faire du mal ? Je ne comprends pas.

Je le vis serrer les mâchoires ainsi que les poings, pour ensuite boire une autre gorgée de champagne, mais cette fois, il ne m'en proposa pas, sans doute sachant que je refuserais.

— Je suppose qu'il t'a raconté quand ma mère a tout découvert. Nous étions là, nous avions tout entendu et nous étions suffisamment âgés pour comprendre de quoi il était question. Il a voulu défendre sa mère et j'ai voulu défendre la mienne, alors on s'est bagarrés.

— Je sais.

— Au fond de moi, ça n'allait pas. Les semaines ont passé et nous nous sommes ignorés, c'était comme si nous n'avions jamais été amis. Plus d'une fois, j'ai voulu aller le voir et faire comme si rien n'était jamais arrivé... mais je ne l'ai jamais fait, je n'y arrivais pas. Il avait déjà des amis, alors que moi pas, c'était lui mon seul ami. Et je lui en ai voulu, car à cause de tout ça, j'ai dû m'entourer d'hypocrites et de profiteurs pour ne pas me retrouver tout seul.

Je fronçai les sourcils. Alors... Grey avait la sensation que Tyler l'avait abandonné alors s'en prendre à lui était sa manière de se venger ? C'était assez tordu.

— Il a toujours eu ce que j'ai voulu, marmonna-t-il.

Je le regardai, vraiment incrédule face à ce qu'il venait de dire.

— Des amis loyaux qui donneraient leurs vies pour lui. Une mère aimante qui vivait pour lui. Et... toi, une fille qui se contrefout de son statut social et qui l'aime juste pour ce qu'il est et non pour ce qu'il a. C'est tout ce dont je rêve, me dévoila-t-il.

Mon cœur se serra dans ma poitrine, prenant peu à peu conscience que les souhaits de Grey étaient vraiment humbles et profonds. J'avais toujours cru qu'il était quelqu'un de superficiel et qui ne donnait pas de valeur aux choses qu'il avait, mais en réalité, c'était tout le contraire. Il valorisait la plus petite chose, au fond de lui.

En réalité, la seule chose que ce garçon voulait, c'était être aimé, que ce soit par sa famille, ses amis ou même une fille. Je compris alors qu'il avait mis tous ses espoirs sur moi, voilà pourquoi il disait être amoureux de moi.

— J'aurais tout donné pour être né à sa place et ne pas avoir à porter le fardeau de la famille Reid, continua-t-il d'un air dégoûté. Il ignore la chance qu'il a.

Toutefois, sa dernière phrase me mit dans tous mes états.

— La chance qu'il a ? m'énervai-je un peu trop malgré moi.

Il me regarda, surpris. Franchement, il était aveugle ?

— Il peut vivre la vie comme il l'entend, elle est simple.

Ce garçon ne voyait définitivement pas au-delà du bout de son nez. Ses propos étaient tellement égoïstes, que je sentis une colère folle se déverser en moi.

— Il ne vit pas sa vie comme il l'entend ! Son père l'a toujours renié et sa mère est morte lorsqu'il avait quinze ans ! Il a intégré un gang pour payer son traitement car ton père avait fait en sorte que l'assurance qu'il payait ne soit plus renouvelée, alors il s'est endetté jusqu'au cou. Il paye encore cette dette ! Tyler ne deale pas par plaisir, mais parce qu'il n'a pas le choix ! Alors arrête de dire que sa vie est simple, car tu ne sais strictement rien !

Face à ma révélation, il fronça les sourcils, comme s'il ne comprenait absolument rien de ce que je venais de lui dire. Non, la vie de Tyler n'était pas rose, tout comme je doutais que la sienne ne l'était pas. Tout le monde avait ses problèmes et même l'argent ne pouvait rien arranger à ça. Peut-être rendre ce problème moins pénible, mais pas l'effacer.

Le manque d'affection de Grey se dépeignait sur son comportement actuel et tout l'argent du monde ne pourrait jamais arranger un tel vide en lui. Il avait toujours été entouré par des gens n'ayant qu'après son argent, l'influence de sa famille etc... pas parce qu'ils tenaient à lui en tant que personne, qu'être humain. Alors il s'était recroquevillé derrière ce rempart émotionnel qu'il s'était construit au fil des années. Les seuls qui l'avaient franchi, c'était Tyler et sa mère.

— Mon père a tout fichu par terre, murmura-t-il.

— C'est malheureusement des choses qui ne peuvent être arrangées. Mais ce conflit permanent entre Tyler et toi peut cesser, vous ne savez même plus pourquoi vous vous battez. Je t'en ai vraiment voulu lorsque tu m'as fait voir la vérité sur ses activités illicites, lui avouai-je. Je t'ai maudit pour ça, car tu m'avais fait douter et tu avais brisé ce que lui et moi avions construit.

— Je n'ai peut-être pas bien agi, mais... c'était pour te rendre service. Je te le promets, je ne voulais surtout pas te faire de mal. Mais les mensonges ne mènent jamais nulle part, mis à part à la souffrance.

Ses derniers mots resonnèrent dans ma tête tel un écho. Bien malgré moi, il avait raison et je comprenais pourquoi il s'était vu dans l'obligation de m'ouvrir les yeux. C'était à cause de toute cette intrigue entre son père, sa mère et Maite, désormais je le comprenais.

— Et j'ignorais que Tyler dealait pour payer une dette, poursuivit-il. Lorsque j'ai appris que Maite était morte... ça a été dévastateur. Malgré tout ce qui était arrivé, je l'aimais toujours comme si elle avait été ma mère. Sa mort m'a bouleversé et je n'ai pas pu faire mon deuil. Je ne me suis même pas rendu sur ta tombe pour déposer des fleurs afin lui dire à quel point j'étais désolé et à quel point elle avait toujours compté pour moi.

Sa voix tressauta à la fin de sa phrase et il se racla la gorge afin que je ne puisse pas apercevoir sa tristesse face à ce souvenir.

— Tu peux encore le faire. Il n'est jamais trop tard pour présenter ses respects et s'excuser. Tout comme il n'est jamais trop tard pour avoir de véritables amis.

Il tourna enfin son regard vers moi et me fixa pendant de longues secondes, comme en essayant de déchiffrer ce que je venais de lui dire.

— Tu n'es pas amoureux de moi, certifiai-je. Tu es amoureux du sentiment amoureux et je suis ta représentation de ce qu'une relation devrait être. Tu l'as dit toi-même avant, c'est le fait que je sois avec Tyler pour ce qu'il est et non pour ce qu'il a, analysai-je. Mais... je peux être ton amie. Une véritable amie.

Il cligna des paupières à plusieurs reprises et finalement esquissa un sourire en coin, avant de détourner le regard.

— Pourquoi le voudrais-tu ? Tu ne m'apprécies même pas.

— Détrompe-toi. C'est Reid, le capitaine de l'équipe de football qui fait semblant que je n'aime pas. Mais Grey, je l'aime bien. Il peut être sympa et touchant lorsqu'il le veut vraiment.

Il ricana et déposa la bouteille de champagne de l'autre côté du muret, par terre, je me doutais que pour la cacher, étant donné qu'elle était vide.

— La seule chose que je peux t'offrir, c'est mon amitié.

Il serra les dents, l'air déçu par ma réponse. Il comprendrait rapidement que le béguin qu'il avait sur moi passerait, car je n'étais que cela : un simple caprice. J'étais la représentation de ce qu'il désirait, simplement ça.

Mais face à son silence, je compris que ma proposition ne l'intéressait pas, alors je descendis du muret et retirai sa veste afin de la lui rendre. Il me contempla de ses yeux bleus acier et je m'efforçai de lui sourire afin de ne pas lui montrer à quel point j'étais déçue.

— Je rentre. Drew va commencer à se poser des questions.

Je me détournai de lui et me dirigeai vers la maison, avec un goût amère au fond de la gorge. Mais à peine eus-je fait quelques pas, qu'une main se posa sur mon épaule désormais devenue froide.

Je virevoltai sur moi-même et Grey me sourirait, timidement. Avait-il pris une décision ?

— Ça fait longtemps que je n'ai pas eu de véritables amis. Je crois avoir oublié ce que cela signifiait. Alors... soit patiente, d'accord?

Je me contentai de hocher la tête, tandis qu'un sourire rempli d'espoir étirait mes lèvres. 

— Amis ?

Puis il me tendit sa main, pour que je la serre afin de sceller cet accord. Je la contemplai, heureuse qu'il ait pris cette décision.

Alors je l'étreignis.

— Amis. 

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Voilà! J'espère que ce chapitre vous a plu et qu'il ne vous a pas paru trop long. 

Est-ce que vous pensez que les choses entre Tyler et Reid pourront un jour s'arranger? C'est une bonne idée qu'Elena essaye de devenir amie avec lui? 

On se retrouve SAMEDI midi pour la publication du chapitre 34 qui sera encore un point de vue d'Elena. 

Je rappelle que j'annonce toujours le temps restant pour la publication des prochains chapitres grâce à un compte à rebours dans les stories de mon compte insta: @le_monde_livresque_de_tam, ainsi que l'annonce de la publication. Donc n'hésitez pas à me suivre afin d'être prévenus, c'est d'ailleurs par là également que je fais toutes sortes d'annonces ayant un rapport avec mes histoires, parfois je mets même des petits extraits en avant-première, il y a aussi de temps en temps des F.A.Q etc... 

Bonne fin de semaine à tous ! 

Tamar 😘



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