Chapitre 23 Tyler (Tome 2)
Je soupirai, de plus en plus énervé.
J'en avais marre d'attendre, nous poirotions au QG depuis désormais quatre heures ! Pourquoi nous demander d'être là à midi si Alvaro ne comptait même pas se pointer à l'heure ?
D'accord, il était le chef, mais pour qui se prenait-il ? Pensait-il que son temps était beaucoup plus précieux que le mien ? Que celui de Tony ?
Voilà ce qui m'énervait le plus chez-lui, ce manque de considération.
— Tu veux bien arrêter avec ta jambe ?! explosa Pablo à côté de moi.
Nous étions assis sur l'un des nombreux canapés en cuir noir de la salle, tandis que Tony faisait les cent pas derrière nous. Moi, pour me calmer, je titillais ma jambe frénétiquement tout en me mordillant l'ongle de mon pouce droit.
Tous les hauts gradés du gang se trouvaient là, mais j'ignorais pourquoi nous étions là, puisque Tony et moi étions au plus bas de l'échelle. Je n'étais qu'un simple dealer, n'ayant à prendre aucune décision qui influencerait la vie de quelqu'un d'autre du gang.
Nous étions en tout une bonne centaine et il y n'y avait que huit hauts « gradés ». Parfois j'avais l'impression de me retrouver à l'armée.
Sofia, vêtue d'une jolie robe noire courte serrée au corps, vint s'asseoir entre Pablo et moi, en voyant à quel point j'étais en train de le faire sortir de ses gonds à cause du mouvement de ma jambe.
La jolie jeune femme me regarda pendant quelques instants et sourit. Elle était superbe, comme à son habitude. Ses longs cheveux noirs lisses retombaient en cascade sur son dos tel un rideau de soie. Son maquillage était également impeccable, arborant ce rouge à lèvres couleur prune qui mettait son teint considérablement en valeur. Il était normal pour Sofia de flirter, c'était sa manière d'être, elle ne pouvait pas s'en empêcher, mais cela restait toujours quelque chose de très léger. Puis je pense, que nous non plus nous ne pouvions pas nous empêcher de la suivre dans son jeu de la séduction.
La dernière fois où nous nous étions vus, cela remontait au jour de fin d'année où j'avais été convié à une fête organisée par Alvaro où tous les membres devaient s'y rendre, mais Tony avait réussi à y échapper, étant donné qu'il était à Dallas cette journée-là.
J'avais à peine parlé cette nuit-là, enfermé dans mon mutisme pensant sans cesse à Elena et à ce qu'elle ferait pour fêter la nouvelle année avec sa famille, alors ignorant où elle se trouvait vraiment.
Sofia était toute seule également et avait pensé qu'on pourrait s'amuser ensemble, mais je l'avais gentiment repoussée, ce qu'elle avait trouvé très étrange. Nous avions alors commencé à parler et je lui avais tout raconté, car même si elle m'avait aidé à appâter Jackson Hayes, je n'avais pas donné d'explications, j'avais simplement dit aux gars qu'il s'agissait d'un violeur en série et que j'avais besoin d'eux pour le coincer. À aucun moment je ne leur avais parlé d'Elena, ni du fait que j'avais une petite amie.
Mais désormais Sofia était au courant, de toute l'histoire, sans pour autant connaître son nom, tenant à garder l'identité d'Elie secrète du gang pour son propre bien.
— Ça s'est arrangé avec ta copine ? me murmura-t-elle.
— Disons que les choses rentrent petit à petit dans l'ordre, soupirai-je en m'affalant contre le dossier du canapé.
Puis Pablo pouffa, ce qui lui valut un regard noir de ma part. C'était quoi le problème de ce débile ?
— Ouais, être son copain sans en avoir les bénéfices... je ne dirais pas que les choses rentrent dans l'ordre, moi ! se moqua-t-il.
— Ta gueule ! Elle a besoin de temps et nous reprenons les bases afin de nous relever plus forts. Je te conseille d'essayer si un jour tu veux qu'une de tes relations aille au-delà du cul ! m'emportai-je, sous le regard stupéfait de Sofia et des autres membres se trouvant dans la salle, ayant arrêté leurs conversations en m'entendant élever la voix.
Ce con me tapait vraiment sur le système avec ses petites remarques débiles. Ça ne me plaisait pas cette abstinence, mais je respectais Elena, tout comme ses choix et je savais qu'elle avait raison. Faire semblant de m'avoir pardonné alors que ce n'était pas le cas n'aiderait pas notre relation. Et ce que je voulais, c'était que ça marche alors je devais bien me faire une raison.
— Oui, ricana-t-il, c'est sûr que c'est nettement mieux d'être dans une relation où tu peux à peine toucher ta copine. Vous n'aviez même pas couché ensemble.
Si seulement il savait le pourquoi du comment, il se sentirait bien con, j'en étais certain.
— Tu me déçois, Tyler.
— Ferme-là Pablo, t'es bien plus mignon comme ça, dit Tony d'un air blasé après lui avoir assené une claque derrière la nuque.
Tout comme moi, il en avait marre d'attendre. C'était vraiment du foutage de gueule de nous faire venir ici et de nous faire poiroter pendant quatre putains d'heures !
Puis alors je me rendis compte de quelque chose : je n'avais jamais parlé de la règle qu'Elena avait imposée. Je l'avais juste dit à Tony et jamais il ne lui en aurait parlé. Alors... comment pouvait-il savoir ?
— Comment es-tu au courant ?
— De quoi ?
— Je ne t'en ai pas parlé, certifiai-je. J'ai dit au reste du groupe que nous étions à nouveau ensemble, mais je n'ai pas donné de détails. Je l'ai seulement dit à Tony.
— Je ne lui en ai pas parlé, si c'est ce que tu insinues, se défendit calmement mon ami.
— Ça je sais, continuai-je en me levant et en remarquant que Pablo était devenu livide. Et je doute beaucoup qu'Elena t'en ait parlé. Alors... comment ça se fait ?
Avec son air soudain terrifié, il donnait l'impression d'être un môme ayant été pris sur le point de commettre une méfait.
Même si Elie en avait parlé à Mayim ou à Drew, je doutais fortement que ces derniers soient aller raconter ça allégrement à Pablo, étant donné qu'ils ne pouvaient pas se voir. Surtout Drew, mon cousin prenait toujours un malin plaisir à le rabaisser à chaque fois qu'il le croisait. D'ailleurs, j'en avais vraiment marre de l'entendre l'insulter à la moindre occasion.
Je ne voulais pas m'emmêler, Drew ayant suffisamment de répondant pour se défendre, mais certains jours j'avais vraiment de la peine pour lui. C'était vraiment injuste de se faire traiter de tous les noms de lopettes possibles juste parce qu'il assumait pleinement qui il était.
Pablo haussa les épaules et détourna le regard, ce que je trouvais encore plus bizarre, car il était dans sa nature de contrattaquer, pas de la fermer et de se faire tout petit. Ce qui voulait dire qu'il venait de commettre une bourde et qu'il en était pleinement conscient. Il ne restait plus qu'à savoir qui il venait de trahir en faisant son malin.
Soudain, la porte s'ouvrit et je me retournai en pensant qu'il s'agissait d'Alvaro qui arrivait enfin, mais non, ce n'était rien d'autre que Santiago et Jay Santos, la main droite d'Alvaro.
Alors que Santi était de taille moyenne ainsi que de carrure plutôt forte, son acolyte était assez grand et beaucoup plus frêle. Dire que Jay était tatoué de la tête aux pieds serait un véritable euphémisme, étant donné que des tatouages – dont lui seul en connaissait le sens – recouvraient tout son corps. La seule partie y échappant était son visage.
Ce dernier me lança un regard amusé, voulant cacher aux yeux d'autrui son animosité à mon égard, et alla ensuite vers les autres.
Je n'aimais pas ce type, je ne le sentais tout simplement pas, m'ayant toujours eu l'air d'être un faux jeton. J'ignorais pourquoi, mais je ne lui faisais pas confiance.
Dès mon entrée dans le gang j'avais trouvé qu'il avait un comportement... étrange. Il avait tendance à se prendre pour le chef et à donner des ordres, alors que ce n'était pas son rôle.
Une fois, lors de mes débuts, je l'avais surpris en train d'avoir une conversation téléphonique. Je n'avais rien entendu de spécial, mais en croyant que je l'épiais, il m'avait foutu une belle raclée pour m'apprendre à ne pas écouter aux portes, alors que je m'étais simplement égaré.
Je ne l'aimais pas et c'était réciproque. Je sentais qu'il cachait quelque chose, mais j'ignorais quoi, puis Alvaro semblait lui faire confiance, ce que je n'arrivais pas vraiment à comprendre. J'aurais choisi Santiago comme mon homme de main, pas Jay.
— Assieds-toi avec moi, dit Sofia en voyant que je commençais à perdre patience, en ayant vraiment marre d'attendre.
Toutefois, je repris place sur le canapé.
— Alors comme ça, le grand Tyler est bel et bien amoureux ? me taquina-t-elle.
Je me raclai la gorge, n'ayant pas très envie que tout le monde autour de moi connaisse ma vie privée. Ma relation avec Elena ne regardait pas le gang, ils n'avaient pas à s'en mêler.
— Je voudrais bien ...
Mais avant qu'elle ne puisse continuer, la porte s'ouvrit et Alvaro nous honora enfin de sa présence. J'étais vraiment curieux de connaître l'excuse qu'il allait nous pondre, si toutefois il avait la décence d'en avoir une, bien entendu.
Nous nous levâmes et il nous fit signe de nous rasseoir.
Étant le chef, nous devions lui montrer un certain respect, que cela soit dans nos actes ou dans nos paroles, il valait mieux marcher sur des œufs lorsqu'on s'adressait à lui. Il n'était pas de nature susceptible, mais un mot de travers pouvait te coûter très cher.
Il portait un de ces costumes super chics qu'il faisait importer depuis l'Italie. Oui, Alvaro Sanchez avait vraiment des goûts raffinés et il ne se privait en rien. Pourquoi l'aurait-il dû d'ailleurs ?
La seule chose qui clochait dans son accoutrement, c'était le tatouage du gang qu'il arborait du côté gauche de son cou. Sinon, il aurait pu passer pour un parfait homme d'affaires, avec ses cheveux gominés et sa barbe de deux jours taillée à la perfection.
— Bien ! Vous êtes tous là !
Comme si on avait le choix, pensai-je, crispé.
Mon chef de gang avait près de la trentaine et avant lui, son frère avait occupé sa place. Je ne faisais pas encore partie des Anges lorsqu'il s'était fait tuer lors d'un échange de drogue à la frontière mexicaine. Pas par un autre gang, mais par les fédéraux. Du coup, d'après ce que j'avais compris lorsque j'étais arrivé, Alvaro avait pris la relève de son frangin, désormais six pieds sous terre, avec d'autres membres s'étant faits coincer avec lui.
Apparemment, il s'était agis d'un gros échange et quelqu'un du gang avait vendu la mèche à la DEA. Le coupable avait été retrouvé et puni en conséquence. Par-là, je voulais bien dire qu'il avait été exécuté.
C'était là des histoires que j'entendais depuis trois ans, mais fort heureusement, jamais je n'avais eu à assister à une punition pareille. Tout au plus, un passage à tabac, mais pour ce qui était des exécutions et des mutilations ? J'avais de la chance d'avoir échappé à ce genre de spectacle.
Et j'espérais être parti si jamais Alvaro voulait refaire un jour un exemple du genre, ne tenant aucunement à être présent.
Il balaya la salle du regard et posa ses yeux sur mon cousin, pour ensuite esquisser un sourire.
— Tu dois être Pablo, commença-t-il en se dirigeant vers lui.
Ce débile se leva précipitamment et lui serra la main qu'il lui tendait.
— Je suis vraiment honoré d'être ici aujourd'hui.
Je levai les yeux au ciel. Jusqu'où allait-il pousser la lèche ? Je me le demandais bien, mais en tout cas, c'était pitoyable.
Je ne comprenais toujours pas pourquoi il voulait s'attirer des problèmes en intégrant le gang. Et Tony non plus d'ailleurs.
Mais c'était sa vie et je ne pouvais pas m'en mêler. Toutefois, je regrettais vraiment d'avoir accepté son aide pour le dealing ces derniers mois. J'aurais dû trouver quelqu'un d'autre et... non ! Tout ceci ne serait pas arrivé si j'avais dit la vérité à Elena. Il fallait bien regarder les choses en face.
Si j'avais été honnête depuis le début, alors Pablo ne se serait jamais retrouvé ici, aujourd'hui. Tout ça, c'était ma faute et je devais tenter de le convaincre pour qu'il fasse marche arrière, avant qu'il ne soit trop tard.
Alvaro était toujours à l'affut de nouvelles recrues qui lui rapporteraient plus d'argent. Il n'en avait rien affaire de l'âge, voilà pourquoi il m'avait accepté avec seulement quinze ans. Il avait vu en moi un potentiel. Lequel ? Je l'ignorais, mais il me répétait toujours la même chose depuis désormais trois ans : « Tu as un potentiel que tu n'imagines même pas, Ty. Tu graviras les échelons et il se pourrait même que dans quelques années, tu sois à la tête de tout ça ». Son empire, comme il disait.
Désormais, tout cela ne m'intéressait pas. Je n'avais qu'une hâte : quitter cette vie pourrie et m'en construire une meilleure, loin du gang, de la drogue et des emmerdes.
— Nous parlerons de ton avenir plus tard, décréta-t-il en donnant une tape sur le bras de Pablo.
Son avenir...
Mais pour qui il se prenait franchement ? Pour un doyen d'université ?
J'eus beaucoup de mal à ne pas faire de remarques, alors je dus me mordre littéralement la langue.
— Bien ! J'ai de grandes nouvelles, annonça-t-il désormais en s'adressant à nous tous.
J'avais vraiment de plus en plus hâte de solder ma dette, ne supportant plus tout ça. Obéir sans pouvoir rechigner... je n'étais définitivement pas fait pour cette vie.
— Dans deux semaines, nous aurons un échange... spécial. Quelque chose de nouveau.
Je n'aimais pas ça de tout, quelque chose clochait. J'ignorais quoi, mais toutes les alarmes de mon corps étaient en train de clignoter.
Il y avait anguille sous roche.
— Que veux-tu dire par nouveau ? demanda Kit.
Et le sourire qu'Alvaro esquissa... ne me disait absolument rien qui vaille. Dans quelle nouvelle merdasse est-ce que je m'étais encore fourré ? Je ne le sentais vraiment pas.
— Il vaut mieux que vous voyiez par vous-mêmes.
Il alla vers la porte, suivi de près par Jay et Santiago, ces deux derniers semblant savoir parfaitement de quoi il était question.
— Si vous voulez bien nous suivre ?
On pourrait croire qu'il s'agissait d'une demande, mais pas tout. C'était un ordre, nous n'avions pas le droit de refuser.
Je lançai un regard discret à Tony et ce dernier n'avait pas l'air rassuré, lui aussi sentant quelque chose de louche. Quelle était donc cette nouveauté qu'Alvaro voulait tant se presser à nous montrer ?
Nous nous levâmes et sortîmes de la salle.
Tony et moi restâmes un peu en retrait, laissant le reste nous devancer, sans pour autant rester trop à l'arrière, mais suffisamment pour qu'on ne nous entende pas parler.
Le QG se trouvait aux alentours de Houston, dans une zone qu'on appelait Gulfton. Il se constituait d'un édifice de trois étages ainsi que d'un hangar, où était stockée une partie de la drogue. Le laboratoire se trouvait dans un endroit caché dont seulement certains en connaissaient l'emplacement, afin de diminuer les chances de fuite. Peu de monde était au courant et je ne faisais pas partie de ces « privilégiés », ce qui, dans l'occurrence, ne me dérangeait en aucun cas.
Il y avait des rumeurs qui disaient qu'il se trouvait en plein désert et qu'il fallait une carte pour pouvoir s'y rendre, mais... je n'y croyais pas vraiment. Certes, cela aurait été la cachette idéale pour un laboratoire clandestin, mais c'était assez risqué également. Se faire braquer dans le désert, ce n'était pas chose nouvelle.
— Ça ne te parait pas bizarre qu'il nous ait convoqué avec les plus hauts gradés ? demanda Tony. Je n'aime pas ça.
— Moi non plus. Et qu'est-ce qu'il insinue par « échange spécial » ? Un autre type de drogue, tu crois ?
— Je n'en sais rien, mais ce con commence sérieusement à me les briser avec ses cachoteries à deux balles, marmonna Tony entre ses dents, tout aussi énervé que moi.
Puis nous pressâmes le pas, ne voulant surtout pas attirer l'attention sur nous.
Mais j'étais certain d'une chose : je n'allais pas aimer cette chose spéciale qu'Alvaro tenait tant à nous montrer.
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LEXIQUE
DEA : Drug Enforcement Administration (Administration pour le contrôle des drogues)
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Voilà! J'espère que ce chapitre vous a plu !
Comme vous avez pu le voir, d'autres membres du gang et surtout le chef ont été présentés, alors que dans le tome 1, on évoquait juste certains noms, mais jamais encore nous n'avions vu Tyler dans ce monde-là qui malheureusement fait bien partie de sa vie.
On se retrouve SAMEDI MIDI pour la publication du chapitre 24, qui sera la continuité de celui-ci et par conséquent sera encore un point de vue de Tyler.
Je vous souhaite à tous une bonne fin de semaine !
Tamar 😘
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