Chapitre 17 Elena (Tome 2)

Nous observions ce travail que nous n'avions pas vu depuis près d'un mois. Nous avions une belle note à l'écrit, désormais il manquait celle à l'oral qui compterait double. Donc, on jouait gros.

Assise à côté de Tyler, j'essayais de me concentrer sur les feuilles qui se trouvaient en face de moi et sur les parties qui nous avions décidé chacun de présenter. Nous alternions chacun un point, ce qui permettrait à l'autre de se reposer pendant quelques instants avant de reprendre.

Nous ne devions pas tout mémoriser comme des perroquets, étant donné que nous aurions le Power Point pour nous aider ainsi que les feuilles sous les yeux, mais il faudrait éviter de les regarder trop souvent, sinon cela nous ferait perdre des points considérables.

— Ça va ? lui demandai-je soudainement.

— Ça va très bien, me répondit-il sans même m'accorder un regard, faisant semblant d'être trop enfouit dans notre travail.

Mais je savais qu'il faisait semblant, tout comme moi, il avait l'esprit ailleurs, même s'il était plus doué que moi pour le cacher.

Cet air d'indifférence qu'il voulait faire paraître, serait plutôt bien réussi... si je ne le connaissais pas aussi bien.

— Pourtant, ça n'en a pas l'air.

Il tourna son regard vers moi et me fixa pendant quelques instants, sans dire un seul mot, pour ensuite retourner vers les feuilles et soupirer, l'air fortement agacé.

— Je suis venu ici pour préparer l'oral, Elena. Je n'ai pas manqué une journée de travail pour causer de choses futiles avec toi.

— Oh... je vois.

Sa remarque plus froide que la glace venait carrément de geler sur place, me laissant une sensation amère au fond de ma bouche. Alors je compris, je m'étais mordue la joue jusqu'au sang, ce qui expliquait ce goût que je détestais tant.

Ne pouvant avaler ma salive sous peine d'avoir un haut le cœur, je me levai et me dirigeai vers la cuisine, sans dire un mot. Il ne fit même pas attention à moi, me donnant l'impression d'être devenue invisible à ses yeux.

Je m'approchai de l'évier et crachai afin de me débarrasser de ce goût immonde. Un long filet de bave rougeâtre jaillit alors de ma bouche, tandis que mes yeux se brouillaient à nouveau de larmes.

J'ignorais quel était son problème, mais s'il pensait que c'était la meilleure façon de nous réconcilier, il était dans l'erreur. En se comportant comme un sale insensible, en étant sur la défensive, nous ne ferions que creuser un fossé plus profond entre nous. Je savais que cette situation ne lui plaisait pas, à moi non plus d'ailleurs, mais j'avais besoin d'un peu plus de temps. Ce que je n'arrivais pas à comprendre, c'était son attitude de connard fini à mon égard alors qu'il avait dit être d'accord.

Peut-être lui en demandais-je trop ? Ou alors, il n'avait plus envie de moi et c'était une manière détournée de me dire d'aller me faire voir. Après tout, cette Liz était revenue et elle lui donnerait sans aucun doute ce que moi je me voyais incapable de lui offrir dans l'immédiat.

Il avait déjà couché avec elle, à de nombreuses reprises, la revoir devait lui faire de l'effet, même s'il disait ne rien avoir affaire d'elle. J'étais persuadée qu'il ressentait quelque chose, après tout, elle était mon exact opposé.

J'ouvris le robinet et mouillai ma main avant de la passer sur mon visage afin de m'enlever ces idées noires de l'esprit. Je ne devais pas y penser, pourtant, j'avais commencé à trembler et ma respiration était devenue quant à elle saccadée.

Je me dirigeai alors vers l'armoire afin d'attraper un verre pour boire de l'eau, ayant soudainement la gorge très sèche et voulant me désaltérer. Mais celui que je pris m'échappa des mains et alla se fracasser par terre, en tout un tas de débris volant à travers la cuisine.

Génial ! Il ne me restait plus qu'à tout ramasser !

Je me baissai et pris un bout de verre quand je me coupai, comme une véritable idiote. Définitivement, ce n'était pas ma journée. J'avais hâte qu'elle se termine enfin !

Je regardai le bout de mon index droit avec attention : la coupure n'était pas profonde étant donné que la couleur du sang était très rouge, pourtant cela faisait un mal de chien. Je me souvins alors de la douleur que j'avais éprouvée au niveau de mon poignet gauche lorsque j'avais essayé de me tailler les veines.

J'avais pris une des lames de rasoir de mon père et l'avais enfoncée dans ma chair, dans le seul but d'en finir une fois pour toutes.

Je me souvenais parfaitement de cette journée-là.

N'étant pas allée à l'école, prétextant me sentir mal, j'étais restée dans le lit toute la journée, à ressasser dans mon esprit tout ce qui s'était passé dans ma vie dans les semaines précédentes.

J'avais été droguée, violée, rejetée par mon père, humiliée sans cesse, traitée de tous les noms possibles, malmenée par mes camarades et ignorée par la direction du bahut. J'étais en train de me noyer et chaque goulée d'air que j'essayais de prendre était un véritable supplice.

À quoi bon ? avais-je alors pensé.

Et alors, j'ignorais comment, je m'étais retrouvée devant le miroir de la salle de bain, une lame de rasoir à la main droite et mon poignet gauche ouvert, l'esprit ailleurs. J'avais alors eu la sensation de quitter mon corps, de me regarder comme si j'étais un spectateur de ma propre souffrance. Un désespoir qui ne faisait qu'accroitre à chaque journée qui passait et qui continuerait à le faire jusqu'à me consumer totalement.

Une partie de moi avait cessé de se battre, ne voulant plus exister. Après tout, pourquoi devrais-je m'efforcer de faire quelque chose qui me fatiguait à ce point ?

Tandis qu'une autre, qui était restée en deuxième plan pendant plus d'un mois, avait décidé de s'imposer avec force : c'était celle qui désirait vivre ardemment. Elle m'avait sorti de ma torpeur et m'avait obligé à me battre.

J'avais l'impression... que c'était arrivé hier.

— Elie !

La voix de Tyler me sortit de cet horrible souvenir et je me rendis compte que j'étais en larmes, ces dernières ayant finalement débordé et coulant à flot sur mes joues, sans que je ne puisse rien faire pour les arrêter.

La sensation était très désagréable, ayant eu le sentiment de revenir deux ans plus tôt dans cette salle de bain où mon désespoir s'était enfin exprimé... de la pire des façons.

Ty me regardait, les yeux plissés, alors que je me retrouvais à genoux dans un sol parsemé à différents endroits de débris de verre. J'aurais voulu me lever, mais j'étais gelée sur place ou plutôt... éreintée. Une immense fatigue venait de me submerger et je sentais à peine mes membres.

— Qu'est-ce qui s'est passé ? demanda-t-il en approchant pour finalement s'accroupir afin d'être à ma hauteur, alors que je m'étais tout simplement assise par terre sans m'en rendre compte.

Il me prit la main et regarda ma blessure.

— C'est une petite coupure, observa-t-il. Tu ne pleures pas à cause de ça, je me trompe ?

Non, il avait raison, mais je ne voulais pas lui en parler. L'accabler avec un nouveau fardeau. Il savait déjà que j'avais essayé de porter atteinte à mes jours, il n'avait pas besoin de connaitre les détails, tout comme ceux de mon viol. Il savait ce qui était arrivé, c'était l'essentiel. Et de toute façon, tout cela n'avait plus aucune importance.

Mais j'ignorais pourquoi je ne cessais d'y penser. Il y avait des journées où j'y songeais à peine, m'arrivant même de ne pas le faire du tout. Puis... un son, une odeur ou même un simple mot pouvait me transporter deux ans plus tôt, à ce mois horrible où ma vie a été un véritable enfer.

Depuis que j'étais avec Ty, ça m'arrivait beaucoup moins et c'était un véritable soulagement. Mais lorsque j'avais des moments de doutes... c'était à ce moment-là que mes démons me rattrapaient.

— Ça va, répondis-je en m'essuyant les joues de mon autre main. Je ne sais pas ce qui m'a pris.

Puis je me levai, même si mes jambes étaient totalement en coton et que je tremblais comme une feuille sous le vent de l'automne.

Je me dirigeai vers l'évier et fis couler l'eau pour ensuite mettre mon doigt blessé dessous. Sa froideur eut un effet anesthésique sur mon index et bientôt, je n'eus plus mal.

Je sentais le regard de Tyler dans mon dos, cette sensation d'être épiée se faisant ressentir du bas de mon dos jusqu'à ma nuque.

— Retourne étudier, j'arrive tout de suite, dis-je d'une voix presque muette.

Les secondes passèrent et je ne bougeai pas, restant là, devant l'évier, la main sous l'eau, regardant le néant. J'ignorais où je me trouvais, mais j'avais la sensation d'être partie très loin de mon corps, jusqu'à ce que je sente deux bras chauds entourer mon buste pour me serrer contre un torse puissant, tandis qu'un visage venait se loger au creux de mon cou et que son souffle chaud me caressait les joues.

— Je suis désolé, murmura la voix suave de Tyler. Je n'aurais pas dû m'emporter l'autre jour ni aujourd'hui. Je te prie de m'excuser, mi angel.

Mon cœur se serra dans ma poitrine et je me retournai dans son étreinte afin de le serrer contre moi de toutes mes forces, en enfonçant mon visage dans son torse, pour ensuite humer son parfum, si alléchant et rassurant.

L'entendre m'appeler à nouveau ainsi était un véritable soulagement. Cela faisait plus d'un mois que je n'avais plus écouté ces mots si beaux et pourtant, je me souvenais lui avoir dit – lorsque j'avais découvert qu'il dealait encore – de ne plus jamais m'appeler comme ça. Heureusement qu'il n'avait pas pris ça au pied de la lettre.

— Je suis aussi désolée, je n'aurais jamais dû t'utiliser pour démontrer je ne sais quelle chose stupide à Liam.

Il posa ses mains sur mes épaules et me sépara doucement de lui, pour ensuite m'observer avec attention avant d'essuyer mes larmes de son index.

— Ça ne fait rien, c'est oublié. D'accord ?

Puis il me prit la main.

— Allons guérir cette petite blessure avant qu'elle ne s'infecte.

Et il avait raison, mais avant ça, je voulais ramasser tous les débris qui trainaient par terre. Ma mère débarquerait sans doute dans pas longtemps et je ne voulais surtout pas qu'elle découvre ce bazar.

— Je vais d'abord ranger.

Je me dirigeai vers le placard où se trouvaient les ustensiles ménagers et pris le balai ainsi que la pelle à poussière alors que Tyler se poussait pour me laisser nettoyer tout ça parfaitement. Je ne voulais en aucun cas que Teddy rentre à la maison et se coupe avec un morceau de verre, ainsi mon balayage était fait à conscience.

Une fois ceci fait, Ty me saisit à nouveau de la main et nous dirigea vers l'étage où nous allâmes à la salle de bain. Je m'assis sur le bord de la baignoire pendant que mon petit-ami ouvrait l'armoire à pharmacie en cherchant du désinfectant ainsi que des pansements.

J'aimais beaucoup voir son air sérieux lorsqu'il faisait quelque chose. Il fronçait les sourcils, mais pas de la même manière que lorsqu'il était contrarié. C'était vraiment très mignon.

Tyler revint vers moi avec ses trouvailles et s'agenouilla, versa un peu de désinfectant dans une gaze et tapota ma blessure, qui commença à me piquer atrocement, alors il souffla légèrement dessus.

— Merci.

Il esquissa un sourire en posant le pansement dessus et en le collant sur ma peau.

— Voilà !

Je souris face à son enthousiasme. Cela se voyait à des lieux à la ronde qu'il tentait de me remonter le moral.

— Qu'est-ce qui ne va pas, Elie ? À quoi pensais-tu tout à l'heure alors que tu étais par terre ? me demanda-t-il d'une voix rassurante et douce, tout en plaçant une de mes mèches derrière mon oreille.

— Je pense que beaucoup de choses se sont bousculées dans ma tête et pendant quelques minutes, j'ai perdu pied. Rien de plus.

— Je suis désolé de m'être comporté comme un connard plus tôt, c'est juste que...

— Je sais.

Je lui attrapai tendrement la main et m'assis à même le sol, à ses côtés en m'appuyant contre la baignoire. Nous entrelaçâmes nos doigts et restâmes ainsi pendant très longtemps, dans un silence vraiment apaisant.

— Ça m'a manqué, murmurai-je.

— Quoi donc ? soupira-t-il en tournant son visage vers moi.

— Tout ça. Toi. Moi. Nous quoi. Je n'ai pas cessé de penser à toi pendant que j'étais en Irlande, me confiai-je. Je sais que c'est moi qui ai mis un terme... mais j'étais perdue, blessée et j'avais besoin de prendre du recul. D'ailleurs, je suis toujours un peu paumée.

J'avais surtout peur, que les choses ne puissent pas redevenir ce qu'elles étaient. Qu'il ait de la rancœur envers moi pour l'avoir plaqué, sans avoir voulu écouter ses explications.

Il m'écoutait attentivement, sans ne rien dire, l'entendant simplement respirer paisiblement à mes côtes et me caresser le dos de ma main à l'aide de son pouce, ce dernier faisant des petits cercles qui enflammaient ma peau.

— Tu as également appris que tes parents allaient divorcer, non ?

Je virevoltai vers lui, suspicieuse. Comment pouvait-il savoir une telle chose ? Je ne lui en avais pourtant pas parlé.

— En effet. Comment tu sais ?

Il se contenta de hausser les épaules pour ensuite, détourner le regard.

— Ça t'a peut-être chamboulé d'une certaine manière, avoir la certitude que ton père trompait ta mère. Tu ne crois pas ?

— Je ne sais pas, continuai-je en l'observant, l'air méfiante. Comment sais-tu ça toi ?

— J'ai croisé ta mère il y a quelques jours et elle m'en a parlé. J'ai été vraiment heureux, elle mérite beaucoup mieux.

Alors c'était ça... il avait parlé avec elle. Je trouvais cela tout de même très étrange.

— Je sais que tu détestes Liam, mais au fond de toi... je pense sincèrement que tu tiens encore à lui, tu t'accroches encore à ces souvenirs d'avant ton agression. Et c'est normal.

— Non, répliquai-je. Je voudrais pouvoir les effacer de ma mémoire pour pouvoir le haïr pleinement. Je ne veux pas ressentir ce manque, je ne devrais pas après tout ce qu'il a fait.

— Il reste ton père. Mais je comprends ce que tu veux dire.

Je fronçai les sourcils. Que voulait-il dire ? J'avais la sensation qu'il était sur le point de me dire quelque chose, d'important en plus. Je le voyais à ses lèvres pincées et à son regard devenu soudainement vide, comme à des lieux de cette salle de bain. De moi.

— Nous avons tous deux des pères qui craignent, lâcha-t-il finalement en un rictus qui se voulait amusé.

Mais il ne pouvait pas me berner.

— Ty... tu sais qui est ton père ?

Il serra les mâchoires et je vis sa pomme d'Adam tressaillir à plusieurs reprises. Les yeux baissés, il ne me regardait pas, pourtant sa main resserra la mienne et arrêta de la caresser.

— Je le sais depuis quelques années, soupira-t-il.

Mes yeux s'écarquillèrent en apprenant cette nouvelle, pensant qu'il ignorait qui était son géniteur.

— J'avais douze ans lorsque j'ai découvert de qui il s'agissait, continua mon copain. Tout ça... pour découvrir, qu'il n'en avait jamais rien eu affaire de ma mère ou moi.

— Qui est-ce ?

— Personne, marmonna-t-il entre ses dents. Rien d'autre qu'un salopard de première qui s'est servi de ma mère pour ensuite la jeter.

Mon palpitant battit à tout rompre et se resserra dans ma poitrine en apprenant cette nouvelle. Je reposai alors ma tête sur son épaule, tout en caressant sa main de la mienne.

— Je suis désolée que ton père soit aussi une déception, murmurai-je.

— Regarde le côté positif.

Je lui lançai un regard en coin.

— Tu as une mère superbe et moi, j'en ai eu une vraiment géniale. Je préférerais revivre tout ce que j'ai vécu avec elle, plutôt que d'avoir cet homme dans ma vie. Je n'ai jamais eu besoin de lui et ce n'est pas demain la veille que ça va changer.

À chaque fois qu'il évoquait sa mère, un mélange d'allégresse et de tristesse le submergeait, se laissant transporter par des souvenirs heureux comme amers de sa vie avec cette femme, qui malheureusement était partie trop tôt. Il avait pour ainsi dire « vendu son âme » au gang pour tenter de la sauver, pour finalement, la perdre de toutes façons. Et plus j'y pensais, plus ça m'attristait d'imaginer ce qu'il avait dû endurer depuis ses quinze ans. Non seulement la dette, mais aussi le regard des gens, dont le mien.

Je l'avais jugé et condamné sans avoir toutes les informations en main, j'en étais parfaitement consciente.

Il poussa un long soupir puis se leva, avant de me tendre la main afin de m'aider.

— Allez, on a encore plein de boulot.

J'esquissai un sourire, vraiment amusée qu'il prenne ce travail tellement au sérieux.

— Qui êtes-vous et qu'avez-vous fait de Tyler Mendoza ?

— Il a enfilé son masque d'intello, plaisanta-t-il en arborant ce sourire craquant qui me plaisait tant.

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Voilà! J'espère que ce chapitre vous a plu.

Allez lire la publication qui suit, je donne quelques infos quant à la publication de mes deux histoires pendant cette période de fêtes ^^

Je vous souhaite à tous d'excellentes vacances et un joyeux Noël! 

Bon week-end! 

Tamar 😘

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