Chapitre 6 / Bleeding out - Imagine Dragons

Cela faisait dorénavant plusieurs semaines que cet incident s'était passé. Même s'il ne voulait pas se l'avouer, la simple vision de Kakashi et de cette femme troublait drôlement Iruka. Ah ça pour sûr, il ne l'avait pas vu venir. Et, malgré le temps qui filait, l'Umino ne savait toujours pas s'il ressentait de la colère, de la tristesse ou de l'incompréhension face à l'attitude de son Hokage. Ou bien était-ce un mélange de tout cela, qui provoquait en lui des réactions en chaîne, et qu'il se forçait de maintenir pour ne pas imploser à la vue de tous. Ce n'est que le soir, lorsque le village de Konoha dormait profondément, qu'il s'autorisait à laisser couler les larmes silencieuses qui ne demandaient qu'à s'échapper. Ça en était devenu une habitude quotidienne.

Voilà où il en était à l'aube de la trentaine. Célibataire endurci, à se bercer d'illusions en tout genre sous le simple effet de quelques sourires ou attentions. Iruka se trouvait franchement pitoyable. Il avait l'impression d'agir comme un adolescent sous l'effet d'hormones. Et se comporter de la sorte avait toujours eu son lot de conséquences, comme il pouvait une nouvelle fois le constater. Plus qu'amèrement.

Mais le brun était un sentimental, bien plus affecté qu'il ne l'aurait voulu par les sensations et les émotions. Le fait de s'être à peine projeté avec Kakashi en pensant pouvoir voir fleurir un semblant de relation, et que ce dernier balaye tous ses espoirs d'une pichenette savamment bien dirigée sur la base déjà bien fragile de l'édifice avait eu raison du Directeur de l'Académie.

Depuis lors, Iruka ruminait du noir. Bien sûr, il essayait de cacher son mal-être autour de lui en abordant un vulgaire masque de façade. Il mobilisait tous ses efforts pour apparaître souriant aux yeux de tous, et en particulier dans son travail où il avait une notoriété à tenir. Mais ceux qui le connaissaient un minimum observaient sans mal la profonde lueur de tristesse qui recouvrait l'habituel pétillant de ses prunelles chocolat, devenues mornes. De plus, l'Umino s'agaçait particulièrement pour des fioritures, n'hésitant pas à jurer contre lui-même. Sa maladresse en était d'autant plus renforcée, et jamais l'Académie n'aurait eu à débourser un si grand budget en mugs, crayons ou en bloc-notes dont les feuilles virevoltaient au fur et à mesure que les ratures s'enchainaient, noircissant obstinément la feuille blanche. Mais cela ne s'arrêtait pas là. 

Une fois, il s'était même emporté sur l'une des enseignantes, lui reprochant de ne pas avoir relancé la machine à café après avoir vidé la carafe, lui faisant perdre plusieurs minutes le temps de relancer un cycle. Jamais cela ne lui était arrivé. Jamais il ne s'était comporté ainsi. Réalisant son attitude devant les yeux larmoyants de la jeune professeure, Iruka rougit de honte et marmonna d'inaudibles excuses avant de marcher d'un pas précipité dans son bureau puis de refermer vivement la porte. Son cœur battait la chamade, ses jambes l'abandonnèrent et il se laissa glisser le dos contre la surface boisée. Ses épaules tressautaient mécaniquement alors que des larmes s'accumulaient au coin de ses yeux, lui provoquant des picotements. En dépit de ses efforts, il ne trouva pas la force de les retenir bien longtemps. S'avouant vaincu, il ramena alors ses genoux contre lui, posa sa tête dessus et évacua sa tristesse en silence. 

Iruka ne sut dire combien de temps il resta ainsi, en proie à son désarroi qui ne semblait pas le quitter un seul instant. Ses réserves de larmes se vidèrent rapidement, faute d'être utilisées plus que de raison. De légers coups sur la porte le sortirent immédiatement de sa torpeur. L'homme se releva prestement, essuya ses larmes sur le revers de sa chemise qui s'imbiba aussitôt du liquide salé. Il prit une profonde inspiration et s'efforça d'adopter une attitude neutre pour faire face au nouveau venu. Qui était plutôt une nouvelle. A peine la porte ouverte, il put apercevoir brièvement un éclair violet s'engouffrer dans son bureau en claquant vivement la porte, le faisant sursauter malgré lui. Il se sentit projeté contre le mur, ses omoplates cognèrent lourdement contre la surface dure. Deux pupilles dépourvues d'iris le fixaient intensément, à peine à quelques centimètres de lui, le faisant déglutir difficilement. Il pouvait sentir son souffle caresser son visage. L'Umino avait l'impression d'être minuscule face à l'aura qui se dégageait de l'intruse ainsi que son imposante carrure. Sans surprise, le rouge lui monta aux joues. Il n'osait bouger, de peur de réveiller la potentielle furie qui sommeillait en elle.

- Bon sang Iruka, qu'est-ce qu'il t'arrive ? Finit par dire la femme.

Malgré leur lien hiérarchique, les deux adultes avaient continué à se tutoyer, se connaissant de longue date. A vrai dire, c'était surtout Iruka qui avait insisté pour ce détail, ayant déjà bien du mal à supporter le vouvoiement. 

Le ton était de la violette neutre, mais c'est bien cela qui inquiétait le plus l'homme à la cicatrice. Cela pouvait tout et rien dire chez elle. Il ne savait pas si la violette avait prévu d'en faire de la pâtée ou si elle s'inquiétait réellement pour lui.

- Rien de spécial, répondit ce dernier en détournant les yeux, toujours mal à l'aise.

Sans qu'il ne s'y attende, elle frappa avec force le mur à l'aide son poing droit.

- Te fous pas de moi ! Vociféra-t-elle. Tes yeux sont rouges ! Pas besoin d'être voyant pour savoir que tu viens de pleurer. Tu as besoin d'aide.

- Puisque je te dis qu'il ne se passe rien du tout Anko ! S'emporta Iruka malgré lui, piqué au vif. J'ai eu un moment de faiblesse, voilà tout. Ca arrive à tout le monde que je sache, non ?

Il n'avait clairement pas envie de parler de ses états d'âmes avec qui que ce soit, et encore moins sur son lieu de travail. Lui-même ne savait pas ce qu'il se passait dans sa vie, de toute façon.

- Si tu n'es venue que pour ça, reprit il, tu peux repartir. J'ai une tonne de dossiers à traiter, fit-il d'un ton plus froid qu'il n'aurait voulu en désignant d'un geste de main une pile si haute que l'on pouvait se demander comment elle pouvait bien tenir. Je n'ai pas besoin de ton aide.

Il vit alors les yeux dépourvus de pupille se voiler de tristesse. Sans mot dire, et sans manifester quelconque expression, la femme se détourna du brun et prit la direction de la sortie. Réalisant rapidement son erreur, l'homme se précipita sur elle pour lui agripper le poignet.

- Anko ! Attends !

Mais cette dernière repoussa d'un mouvement sec la main d'Iruka, et continua sa route sans un regard derrière elle en refermant brutalement la porte. Le bruit résonna pour la seconde fois dans le couloir, éveillant la curiosité des personnes se tenant aux alentours qui fixèrent l'endroit avec intérêt. Désemparé, honteux et attristé d'avoir agi de la sorte face à une main bienveillante, le Directeur courba la nuque puis finit par se diriger lentement en direction de son bureau. Il n'avait pas menti en disant qu'il avait du travail. Mais il n'avait clairement pas le cœur à l'ouvrage, et encore moins désormais.

Ses pensées se bousculaient sans cesse dans la tête, lui provoquant une telle migraine qu'il fut obligé de se tenir la tête avec ses deux mains. Le Directeur s'assit fastidieusement sur son fauteuil et posa ses coudes sur l'ancien meuble marqué de coups de stylos et de stries irrégulières. Ses dents se serrèrent alors que ses yeux se fermèrent, luttant comme il pouvait face à cette douleur fulgurante.

Pourquoi ?

Pourquoi réagissait il ainsi face à une énième déception ?

***

Des coups sur la porte interrompirent Kakashi dans son travail, le faisant lever les yeux de son ordinateur. Son esprit était bien préoccupé, depuis le fameux soir où il avait invité le brun à boire un verre. Mais contre toute attente, ce dernier n'était jamais venu. Pire encore, il semblait l'éviter avec soin. Du moins, c'était ce qu'il supposait au fur et à mesure des journées qui s'écoulaient sans l'ombre de l'Umino dans les locaux. Les rares fois où l'Hatake le convoquait pour un prétexte qu'il savait futile, le plus jeune prétextait des réunions trop tardives qui l'empêchaient d'honorer les rendez-vous. Et l'argenté avait beau se remémorer sans cesse leurs derniers échanges, il ne voyait pas ce qui aurait pu importuner le brun. Il ne savait même pas si c'était le cas, mais ne devait-il pas le deviner face à sa soirée finit en solitaire sans même l'ombre d'un mot ou d'une parole d'excuse du cadet ? Kakashi connaissait suffisamment Iruka pour savoir que ce n'était pas dans ses habitudes. Mais dans ce cas, pourquoi ?

La silhouette devant lui interrompit le fil de ses pensées et le fit lever les yeux à l'attention d'une femme bien portante, aux cheveux violets. Faute de pouvoir approcher l'homme qui faisait chavirer son cœur, l'Hatake avait finalement opté pour un intermédiaire. Bien sûr, il ne lui avait pas exposé la raison exacte de sa mission. Il avait volontairement occulté les détails qui pourraient mettre quiconque sur la bonne voie. Ainsi, le Rokudaime avait seulement prétexté un rapide check-up de l'état psychologique des anciens participants de l'ancienne guerre, et en particulier le jeune Iruka qu'il savait particulièrement sensible. Il savait que la violette avait quelques connaissances dans le médical, et le fait qu'elle ait des bons contacts avec Iruka faisait d'elle la personne parfaite pour cette missive.

Les iris onyx interrogèrent silencieusement ceux dépourvus de pupille. La propriétaire finit par pousser un long soupir en croisant les bras.

- Il n'a pas l'air au mieux de sa forme, annonça-t-elle de but en blanc.

Kakashi sentit son palpitant se comprimer un peu plus et une boule se former dans sa gorge. Certes, il s'en doutait, mais l'entendre directement était une tout autre affaire à gérer. Tentant de ne pas laisser deviner qu'il était certainement bien plus affecté qu'il ne le faudrait, il se racla brièvement la gorge avant de poursuivre d'un ton neutre.

- En connais tu la raison ?

L'enseignante secoua tristement la tête de gauche à droite.

- Je n'en ai aucune idée. Tout ce que je peux dire, c'est que je ne l'ai jamais vu ainsi.

Elle laissa sa phrase en suspens, ses yeux se mirent à briller alors que ses lèvres tremblèrent sous le coup de l'émotion.

- Hokage-Sama. Jamais il n'avait levé la voix sur moi. Quoiqu'il lui arrive, il a besoin d'aide. S'il vous plaît, je vous en supplie, faites quelque chose. Je m'inquiète vraiment pour lui.

***

Anko sortit de l'office peu de temps après avoir échangé quelques détails avec Kakashi. Elle ne put s'empêcher d'esquisser un sourire en coin en levant les yeux au ciel. Jamais elle n'aurait pensé réussir à pleurer sur commande, deux fois de suite qui plus est. Elle-même aurait presque pu croire à son piteux plaidoyer prononcé quelques minutes plus tôt. La vérité, c'est qu'elle avait vu clair dans le jeu de l'argenté et de sa prétendue mission qu'il lui avait confiée. 

Elle savait qu'il ne s'était jamais soucié de son entourage, même proche, au point d'envoyer quelqu'un prendre des nouvelles à sa place. L'exemple lui revient de quelques années en arrière, ou après le décès de ce très cher Jiraya, l'ancien Sensei de l'équipe 7 avait régulièrement pris des nouvelles de Naruto. Jamais il n'avait demandé à Tsunade d'envoyer quelqu'un à sa place, même lorsqu'il était en mission. De plus, en discutant avec Shikamaru autour d'un café, le Nara lui avait confirmé que l'Hokage était étrangement ailleurs ces derniers temps. Et, par-dessus tout, la réaction d'Iruka lui avait confirmé ses soupçons. 

Quelque chose se tramait autour des deux hommes. Quelque chose bien au-delà d'une simple affection. Mais ces deux imbéciles étaient bien trop timides pour s'avouer quoi que ce soit, et visiblement, cela avait mis du plomb dans l'aile dans leur relation. Assez pour mettre hors de lui un Iruka pourtant réputé pour être doux comme un agneau.

De ce fait, Anko avait pris une décision sur le chemin menant à Kakashi, suite à son entrevue avec l'Umino. Après quelques minutes de réflexion et la mise en lien de tous les indices dont elle disposait, elle avait décidé d'agir et d'y inclure sa touche personnelle. Pour cela, elle avait sciemment culpabilisé l'un d'eux en espérant le faire ravaler sa stupide fierté et faire avancer les choses. Elle avait l'intime conviction d'avoir fait le bon choix. Les clés étaient maintenant dans les mains de l'argenté. 

***

Affalé dans son canapé, Iruka regardait distraitement la télévision. Par chance, son mal de tête s'était progressivement estompé, et il n'en gardait plus qu'un mauvais souvenir. Il n'avait pas vraiment trouvé de programme à son goût, alors il avait opté pour une vieille série policière japonaise. L'avantage, c'est qu'il y avait suffisamment de suspens pour occuper son esprit et ne pas penser à Kakashi. Mais, comme toujours, cette méthode ne fonctionnait qu'un temps. Rapidement, la vision de l'aîné se superposa à l'image du sergent en charge de l'enquête. Les cheveux bruns commencèrent à blanchir pour prendre une belle teinte argentée, alors que les longueurs grandirent à vive allure pour donner une allure indisciplinée bien caractéristique à la coupe. Faute de connaître cette partie de l'anatomie, le visage de l'homme resta tel quel, lui donnant une drôle d'allure. Iruka ferma fortement les yeux pour se les frotter, espérant ôter cette vision qui le hantait jour et nuit. Il n'en pouvait plus. Cet homme allait littéralement le rendre fou. 

Encore remué, l'Umino enfoui ses chaussons et se dirigea dans sa cuisine pour se faire une infusion, espérant se changer les idées. Pendant que l'eau chauffait, il regardait la bouilloire, les yeux dans le vide. Plus il y pensait, plus il se disait que cette situation ne pouvait plus durer. Cela affectait son travail, son entourage, jusqu'à des séries télévisées qui n'avaient rien demandé. 

Cependant, la difficulté majeure était qu'il ne voyait qu'un moyen pour clarifier ses interrogations : questionner directement Kakashi. Il savait au fond de lui qu'il ne s'en sentait pas capable, du moins pas dans l'immédiat. Face à cet homme, il perdait tous ses moyens. C'était comme si ses mots ne voulaient pas sortir de sa gorge et que son cerveau faisait tout son possible pour le ridiculiser encore plus en le faisant fortement bégayer tout en ne sachant comment se tenir. En bref, il ne sortait que des bribes de phrases, à peine compréhensibles. Mais ce dont il avait surtout peur, ce qui lui remuait les entrailles, c'était de connaître la vérité. Il savait qu'il ne pourrait pas avancer sans cela, mais en avait-il vraiment avis au fond ? Est-ce que Kakashi s'était vraiment joué de lui ? Ne pas savoir, rester dans l'ignorance, c'était bien plus facile. C'était se nourrir d'espoir, aussi infondé et traître soit-il. Et de l'espoir, il en avait bien besoin en ce moment. 

Le léger déclic indiquant que l'eau était enfin suffisamment chaude résonna dans l'ambiance. Machinalement, le brun prit une tasse dans son placard puis entreprit de se servir lorsque sa sonnette retentit. Il vacilla en jurant silencieusement, manquant de s'ébouillanter son torse nu. Il jeta un rapide regard sur l'horloge qui indiquait vingt-deux heures passées. Qui cela pouvait-il bien être, d'autant plus un soir en pleine semaine ? Piqué au vif dans sa curiosité, le basané attrapa le premier t-shirt qui lui tomba sous le coude pour se diriger prudemment vers la porte tout en l'enfilant. Il mit plusieurs minutes à le faire, tant ses gestes manquaient de précision sous le stress qui l'envahissait. Finalement, la main de l'Umino se posa doucement sur la poignée qu'il déverrouilla puis tourna, le cœur battant.  

Quand il reconnut la personne postée devant lui, son palpitant fit un sursaut, alors que sa bouche s'ouvrit de stupeur. Ses yeux ne quittèrent pas un instant la silhouette mais il ne parvint à prononcer aucune parole. Pour le coup, c'était belle et bien une visite inattendue. En face de lui, son visiteur n'avait pas l'air des plus à l'aise. Vêtu simplement d'un cardan bleu et d'un pantalon de la même couleur, il se grattait nerveusement le derrière du crâne. Il était visiblement tout aussi confus. La lumière lunaire se reflétait sans peine dans ses cheveux dépigmentés, les rendant d'autant plus scintillants. On aurait tout simplement dit un ange, pensa-t-il malgré lui. Son timbre grave et si particulier rompit finalement le silence.

- On peut parler ?


***

Coucouuuu ! 👋🏻

Et oui, ça faisait longtemps que je n'avais pas posté... Mais j'ai retrouvé un petit peu d'inspiration, alors je me suis dit qu'il était temps d'attaquer la suite de mes petites histoires ! 😎

J'espère que ce petit chapitre vous plaira, et qu'il aura valu son temps d'attente ! 🙈

N'hésitez pas à me faire vos retours ! 🤗

A bientôt ! 😋

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