Allongée sur le dos, les bras en étoile et le corps reposé, j'observe le ciel sans vergogne. Nous sommes vendredi 15 mai, veille de mon 18e anniversaire. Demain, je rentre enfin dans l'âge adulte. Quoi-que, est-ce que je peux vraiment dire "Enfin" ? Dans notre monde, notre bulle, tout n'est pas rose. Entouré de nos murs, nous nous pensions en sécurité, jusqu'à ce qu'ils explosent, avec notre bulle d'insouciance. Je m'en souviens encore, comme-ci c'était hier.

A peine âgée de 13 ans, je jouais dans le jardin lorsque le titan colossal enfonça de son pied le mur. Lorsque j'y repense, je ressens encore le frisson qui m'a parcouru à ce moment-là. Bien que du haut de mes 13 ans, je n'avais jamais connu la peur des titans, un seul d'entre eux m'a suffit pour comprendre qu'il fallait que je fuie pour survivre.

Ce jour-là, de nombreuses habitations, familles, enfances et vies furent détruites. Je fais partie de ses chanceux qui purent rejoindre le mur rose en toute sécurité avec mes deux parents et mon petit frère. On aurait pu se reconstruire, on aurait dû...

Et pourtant ! Mon père fut de ceux qui furent envoyés en pâture aux titans par manque de place dans la cité. Ils ont nommé ça : Une mission de reconquête. Faites-moi rire, ce n'était rien qu'un génocide dissimulé. Comme-ci de simples civils, sans équipements et terrifiés pouvaient faire quoi que ce soit contre une armée de titans. Putain de gouvernement corrompu jusqu'à la moelle.

Après cet épisode, malgré le fait que la moitié des réfugiés aient fini en casse-croûte pour titans, la ville ne possédait pas assez de vivres et de maisons pour tout le monde. Ce sont donc les familles les plus aisées qui, en payant les soldats des brigades spéciales, ont pu obtenir un refuge, un toit. Et pas question pour eux, d'accueillir d'autres personnes en difficultés. Comme-ci ils allaient pouvoir se mélanger avec des gens pauvres !

C'est à ce moment-là qu'est intervenu le bataillon d'exploration, même si je pense qu'ils sont intervenus pour augmenter leur réputation auprès du public. Il est vrai que malgré leurs interventions lors de l'attaque et le nombre de vies sauvées grâce à eux, le peuple ne les portaient pas encore dans leurs cœurs. Grâce à eux, les plus pauvres d'entre nous ont pu bénéficier d'une aide à la réhabilitation. Un bien joli mot pour dire qu'ils ont été envoyés dans des cellules de prisons décorées pour l'occasion, afin de leur donner un semblant de chez soi.

N'étant pas vraiment pauvres mais pas non plus aisés, nous n'avons bénéficié d'aucunes de ses offres. On a donc fini seul dans la rue, sans toit, ni eau, ni nourriture et forcément sans médicament. L'hygiène étant déplorable, ce qui devait arriver arriva. Mon frère tomba malade et attrapa une maladie. Bien que commune, mon frère n'a pas pu être soigné et à fini par mourir à son tour.

Je crois que c'est ça, qui a rendu ma mère folle de désespoir. Si la cité ne nous avait pas abandonnés, mon frère aurait pu recevoir le traitement dont il avait besoin. Elle a fini par sombrer dans l'alcool, qu'elle volait auprès des marchands. Et puis un jour, elle a disparu. Je ne sais pas où elle a fini, mais certains disent qu'elle a été vendue comme esclave dans les bas-fonds.

Finalement, c'est l'armée qui m'a recueilli. Oui, je sais, depuis le début, je les critique alors pourquoi leur avoir fait confiance ? Et bien, tout simplement parce que c'est le bataillon d'exploration qui m'a trouvée et ramenée. Plus exactement, Hanji Zoé, la scientifique folle.

C'était déjà elle, qui à l'époque avait incité les brigades spéciales à venir en aide aux personnes les plus pauvres. Et c'est elle qui a décidé de me recueillir dans son laboratoire. Pas en tant que cobayes non, mais en tant qu'aide médicale. En échange de mes services, elle m'offrait un toit, de la nourriture et de l'affection.

De fil en aiguille, j'ai fini par connaître tout le bataillon, notamment le jeune Jaeger. Nouvelle recrue pouvant se transformer en titan, il finissait souvent à l'infirmerie suite à une expérience ratée ou à un combat contre un autre titan. Bien que ses pouvoirs lui permettent de se régénérer, je devais observer et contrôler le moindre changement. A force de visite, nous avons fini par devenir de bons amis.

C'est aussi à l'infirmerie que j'ai rencontré Thomas, fier soldat au grand cœur, il était venu se faire soigner pour un poignet foulé lors d'un entraînement. Bien que les soins pour ce genre de blessures soient bénins, il avait fini par passer tout l'entraînement avec moi à l'infirmerie. Si vous lui demandez pourquoi, il vous répondra sûrement que c'est parce qu'il avait eu le coup de foudre pour moi.

Aujourd'hui encore, je ne me lasse pas des moments à ses côtés, chaque promenade, chaque câlin, chaque caresse, chaque baiser... Je garde tout en mémoire, le plus précieusement possible tel un diamant. Et je sais que demain, jour de mon anniversaire, il viendra et posera un genou à terre. Je sais que je répondrais oui sans hésiter.

Nous sommes trop jeunes ? C'est ce que vous pensez ? Pourtant, au bataillon, la vie est courte, plus qu'on ne pourrait se l'imaginer. Surtout pour les soldats que nous sommes. He oui, j'ai finalement rejoint les soldats au combat. Après une rapide formation par le caporal-chef Livaï, j'ai pu rejoindre mes camarades lors des expéditions.

Je relève les yeux vers le ciel, des nuages passent délicatement venant enlacer les oiseaux tendrement. Oiseaux qui se réfugient au sommet d'un arbre semblant m'observer. C'est fou, comme le simple fait de regarder le ciel m'entraîne dans un flot de souvenirs.

Mes yeux se ferment lentement comme bercés par le ciel. Je vois à travers mes paupières la lumière du soleil venant réchauffer mon corps étendu. Soudain, la lumière s'estompe, une ombre se dessine par-delà mes paupières. J'entends des bruits de pas s'approcher, le soleil disparaît totalement. Les bruits de pas s'arrêtent, j'entends une respiration forte et capricieuse. De l'eau tombe sur mon visage, en goutte. Je devine alors que le vent a tourné, les nuages ont remplacé le soleil, la pluie à remplacer la chaleur. Thomas a dû courir pour me prévenir et me demander de me mettre à l'abri.

Délicatement, un sourire s'étend sur mes lèvres à l'idée de revoir Thomas. Mes yeux s'ouvrent alors. Ah Thomas ! Si seulement tu étais là ! J'aurais tellement voulu revoir ton sourire une dernière fois ! Au lieu de ça, la dernière vision que j'aurai est celle de ce titan répugnant qui a fini par avoir raison de moi.

Sa main se rapproche alors, et moi, je regarde une dernière fois le ciel. Adieu le bataillon, Eren ! Adieu Hanji et encore merci, c'est grâce à toi que j'ai pu sortir de mon enfer ! Et adieu Thomas, sache que je veillerais sur toi ! Reconstruit toi, surmonte cette épreuve et trouve toi une femme digne de toi. Je t'aime !