Encore une fois, il se retrouvait là où tout s'était arrêté pour elle, mais où tout aurait dû continuer pour lui. Debout, comme jadis elle l'eût été, il attendait. Qu'attendait-il dans ce froid si pur de l'hiver ? Nul ne le sait encore aujourd'hui. Il s'était enfin rendu compte de ce qu'il ressentait à son égard. Combien de fois avait-il hurlé à la mer ses sentiments qu'il refoulait en sa présence ? Combien de fois il la regardait sans dire le fond de sa pensée, cachant à quiconque son envie de la prendre dans ses bras ? Comme on le lui disait si bien, elle ne reviendrait pas, la mer l'avait emportée au loin, près des rochers de l'oubli. Malgré cela, il espérait la revoir, tout comme ceux qui l'avaient perdue.

      La tristesse recommença à le gagner, il ne savait pas comment il pourrait vivre sans elle, sans la revoir près de lui. Tout se mit à tourner autour de lui. La cause ? Les larmes déambulant le long de ses joues, déjà rougies par le froid. Peut-être la retrouverait-il s'il la rejoignait dans les flots éternels ? Délicatement, il retira un à un ses vêtements, afin de sentir le froid de l'eau gelée se répandre dans tout son être, le ressentir au plus profond de ses entrailles, cherchant le moyen de faire taire cette angoisse et cette perçante souffrance. Vidant le fond de ses pensées comme jamais il n'aurait cru réussir à le faire, il se laissa sombrer dans les méandres des roches. Jamais il n'avait remarqué à quel point la mer était belle, mais néanmoins gardant en elle cet aspect redoutable, sépulcral.

      Elle le regardait, jamais elle ne l'avait quitté du regard toutes les fois où il venait là, où elle avait disparu. Chaque jour, elle le voyait pleurer, hurler l'amour funeste qu'il lui dédiait. Mais jamais, non, elle ne le retrouverait pas sur la berge, sa place n'avait jamais été près de lui comme il l'espérait. Tant de fois elle voulut le rejoindre, mais autant de fois elle se résignait, préférant l'éloignement de son cœur délaissé et pétrifié par la froideur que son âme avait laissé. Brusquement, elle se leva de son rocher qui était, depuis lors, devenu son trône, elle plongea comme nulle personne n'avait jamais plongé, avec promptitude. Le gouffre de la mer faisait rendre son ascension vers les abîmes des flots de plus en plus pénible et compliquée. De nombreux rochers se trouvaient là, sur son chemin, la blessant à chaque fois qu'elle tentait de nager vers lui. Néanmoins, en aucun cas, elle ne lâcha, repoussant chaque fois un peu plus les limites de sa force, alliant détermination et capitulation.

      Blessée de tout son corps, elle réussit à l'atteindre et le hissa avec le peu de force qu'il lui restait vers la surface. Elle parvint à le ramener sur terre et malgré la fraîcheur de l'air sur leur peau, elle ne ressentit rien, pas même les picotements de son cœur dans sa poitrine. Après un certain temps, elle le remarqua se réveiller doucement, comme un oisillon ouvrant les yeux pour la première fois. Il toussa, une quinte comme elle ne l'avait jamais entendue. Cela faisait donc ceci, quand la noyade était évitée ?Elle avait oublié.

      Il tourna le regard, tenta de savoir où il était avant de se rendre compte qu'il se trouvait seulement sur la plage. Il ferma les yeux avant de les rouvrir précipitamment. Elle était là, il ne rêvait pas. Il approcha sa main vers elle, mais elle se leva et l'observa d'un regard lointain, la flamme de la vie dans ses yeux étant éteinte. Elle pointa son rocher, celui d'où elle avait sauté pour le rejoindre. Sans un mot, il comprit que depuis toujours, elle était près de lui, le regardant de loin, sans jamais lui répondre. Elle se dirigea vers les flots, pourtant, il se leva et lui agrippa le bras, comme si sa vie était reliée à la sienne. Sa peau douce et chaude en contraste avec la sienne, froide et humide par les flots. Malgré son geste, elle se déroba et le regarda d'un regard aussi froid que l'hiver lui-même. Elle lui dit ces quelques mots qui gravèrent à jamais sa mémoire.

-Il est trop tard à présent.

      Elle porta son regard sur les eaux et d'un pas qui se voulait sans appel, pénétra dans les flots hivernales. Sans un regard en arrière elle repartit comme la toute première fois.

      Jamais il ne l'oubliera tout comme elle ne pourra l'oublier, leur sourire échangé restera le seul souvenir heureux qu'ils partageront désormais. Le jour dans leurs pensées ; la nuit dans leurs songes.