Imaginez un monde dont vous ne connaissez pas les limites, qui n'accepte nulles frontières. Un monde qui n'a de cartes que celles de l'imagination, qui ne seront jamais assez vastes pour deviner les contours d'une fin. Un monde qui n'a de nom que celui qu'on daigne lui donner, sans signification véritable et sans but...

Ce monde, c'est celui dans lequel nous vivons tous, le monde de nos esprits trop étroits pour accepter la différence ; le monde de nos esprits qui se tendent pourtant, tels les doigts d'un nouveau-né, pour mieux se rapprocher de ses limites, de son absolu, pour fuir de cette cage qui nous étouffe en tant qu'individus, dévastant par là même les dimensions de la création.

Alors, acceptez, pour un instant seulement, d'imaginer.

Oui, je vous le demande, imaginez l'impossible. Pour qu'il devienne, au moins une fois. Pour qu'il soit, qu'il existe, qu'il vive dans nos corps et dans nos esprits durant un temps indéfini, car le temps nous mine et nous ronge. Il est la maladie de l'artiste, le mal-être de ce qui est et la barrière des sensations.

Acceptez cela et réfugiez-vous avec nous. La mélancolie y est chaude, les larmes belles. Les matières qui se mêlent dans ces contrées sont la douceur d'une brise et la brise est un bonheur indicible.

Ne restez donc pas bras ballants devant cette porte qui s'ouvre et se refermera bientôt. Je vous en conjure. Ne dit-on pas assez qu'une vie n'est qu'un amas de regrets, trop amers pour s'apitoyer sur leur propre sort ?

Baignez dans ce délicat parfum d'exotisme improbable et ressentez ce que vous vous interdisez de ressentir. La cage éclatera et ses morceaux de papier s'envoleront avec mes mots qui se veulent beaux, mais restent dérisoires, car ils sont avant tout éphémères à l'échelle de la pensée humaine.

 Et admettons-le. Admettons le caractère éphémère de toute chose, pour qu'en nous se gravent ses stigmates. Pour qu'ils résonnent longtemps encore, toujours plus loin, toujours plus haut.