Aya dort. Son inconscient lui-même est révélateur du chemin emprunté à l'instant. Le moindre geste permet d'affirmer son choix, qui n'en est, finalement, pas vraiment un. Dans son cas, il est dicté par le caractère immédiat de la situation, l'urgence qui fait battre son cœur plus vite qu'il ne le devrait. Notre héroïne le sait. Elle se trouve dans une impasse, celle de son esprit, et ces deux voies qui lui restent n'en sont qu'une. Et, qui sait ? Peut-être la ramèneront-elles à son point de départ. Rien n'est sûr et pourtant tout est évident. N'avez-vous jamais ressenti ce sentiment, cette impression tenace, à la fois réconfortante et oppressante, de deviner à l'avance la suite des événements ? Parfois, cela m'arrive. Tout est clair. Tellement évident. Vous ne devriez pas savoir ce qui va advenir, et pourtant, il s'avère que vous aviez entièrement raison, alors même que rien ne le laissait présager. Certains connaissent le lieu où ils mourront, d'autres savent qu'ils ne retrouveront pas leur chat quand ils remarquent son absence à leur réveil. Nul besoin d'attendre une journée de plus pour en être convaincu.

Ne vous êtes-vous jamais dit que ce sont ces fausses certitudes qui mènent au résultat attendu ? C'est un sujet sur lequel je me suis souvent interrogée, désireuse d'explorer le chemin de la connaissance de soi. Mais voulons-nous vraiment tout savoir de nous-mêmes ? Je me suis promptement rendu compte qu'en moi dorment des instincts cruels, refoulés grâce à l'éducation qui nous est apportée. Pourquoi face à la violence des attroupements se forment-ils ? Une curiosité morbide nous habite. Je me suis toujours tenue éloignée de ces groupes qui se créent aussi bien dans une cour de récréation que dans la rue, mais je ne peux m'empêcher de guetter les ragots.

Mais une autre pensée me taraude. Pouvons-nous seulement nous connaître entièrement, alors que nous n'avons pas accès à la plupart de nos pensées ? L'inconscient joue un rôle non négligeable sur ce que nous sommes, nous ne pouvons donc nous permettre de l'omettre. De surcroît, il occupe une place bien plus importante que notre conscience. En somme, nous ne pouvons guère espérer nous deviner entièrement.

Cependant, à l'heure actuelle, toutes ces questions ne sont pas de mise. Aya a appris à suivre ses instincts. Ainsi la conduisent-ils, sans pour autant la dominer, aussi faibles les humains puissent-ils être. La notion de respect tisse de ses doigts un pacte fort, bien que la possibilité de l'annihiler subsiste toujours. Après tout, n'avons-nous pas déjà évoqué le caractère éphémère de toute chose ?

Aya se réveille, comme de raison, guidée bien malgré elle au seuil d'une suite inévitable. Si elle devine les contours de cette dernière, elle ne les devine pas non plus. En elle s'affrontent des desseins à la fois opposés et semblables.

Venez, suivez-nous donc, il est temps d'emprunter le premier chemin, tracé par la Folie même. Il vous éclairera peut-être. Mais rappelez-vous tout de même qu'elle est la raison de cette histoire que je vous conte et qu'elle rôde dans ces deux voies.  Après tout, les apparences sont souvent trompeuses...

 Si vous ne parvenez à comprendre, n'ayez crainte : le Temps ne joue pas contre nous. Nous pouvons encore nous permettre le luxe de la réflexion.

Oui. Le Temps se terre pour l'instant. Il n'y a pas de raison de le craindre.

 Ou tout du moins, pas encore.  Mais soyez-en sûrs, son temps viendra.