Chapitre 4

- « C'est vraiment tout ce que tu as comme affaires ? », s'étonne Nino en jetant un regard circonspect aux deux malheureuses valises qui trônent au milieu de la chambre d'hôtel.

Debout face à lui, Adrien laisse échapper un petit rire.

- « Je voyage léger », réplique-t-il en se passant distraitement la main dans les cheveux.

- « Tout de même », rétorque Nino. « Tu étais parti depuis quoi, presque 3 ans ? Je m'attendais à ce que tu reviennes un peu plus chargé que ça. »

- « En tout cas si j'avais été à ta place, j'aurais ramené des cargos entiers d'affaires », intervient Chloé depuis l'autre côté de la pièce. « Et je n'arrive pas à croire que tu as été à New-York et que tu ne m'as absolument rien acheté ! »

La jeune femme s'éloigne avec un petit reniflement indigné. Elle rejoint l'un des employés de l'hôtel qui les a accompagnés jusque dans la suite, discute brièvement avec lui puis le congédie d'un bref geste de la main.

- « Voilà, c'est bon », reprend-elle en se tournant vers ses amis.

Elle s'approche d'Adrien d'un pas vif et lui tend un jeu de clef.

- « Maintenant, tu es ici chez toi », lance-t-elle avec un sourire triomphant. « Bienvenue à Paris ! »

Alors qu'Adrien referme les doigts autour de l'objet métallique que vient de lui confier son amie, Nino s'avance à son tour.

- « Bienvenue à Paris », renchérit-il en lui donnant une tape affectueuse sur l'épaule.





Depuis qu'Adrien est de retour dans leur ville natale, Nino respire mieux.

Bien sûr, il s'en fait moins pour son ami qu'il n'y a encore que quelques mois. Mais c'est malgré tout un immense soulagement pour lui de savoir qu'en cas de problème, il n'aura besoin que de quelques minutes pour rejoindre Adrien.

A présent, la principale source d'inquiétude de Nino et Chloé est le fait que leur ami va maintenant vivre dans la même ville que son père.

Car bien qu'entre les mains de la justice, Gabriel Agreste se trouve malgré tout toujours à Paris. Les deux jeunes gens espèrent de tout cœur cette proximité ne sera pas suffisante pour faire retomber Adrien dans la dépression qu'il a eu tant de mal à combattre. Ils entourent leur ami, lui parlent, le surveillent avec une attention de tous les instants.

Dans la mesure où Adrien il rechigne à discuter de son père, Nino et Chloé ignorent s'il est entré en contact avec lui. Ils brûlent de le savoir, mais avec le temps, ils ont appris à ne pas forcer la main à leur ami quand ce dernier refuse d'aborder un sujet sensible. Parler de Gabriel Agreste un jour où Adrien n'est pas d'humeur à se confier, ou faire ne serait-ce que prononcer le nom de Ladybug, c'est courir le risque que leur ami ne se replie sur lui-même et ne s'enfonce pendant des heures dans un mutisme borné.

Alors, plutôt que de presser Adrien de questions, Chloé et Nino lui font patiemment savoir qu'ils seront toujours là pour l'écouter si le besoin s'en fait sentir. Ils attentent que leur ami s'ouvre spontanément à eux, tout en espérant de tout cœur que son état n'empirera pas.

Mais heureusement, Adrien déjoue rapidement leurs pronostics les plus pessimistes.

Le jeune homme se réacclimate doucement à sa nouvelle vie parisienne, prenant le temps de redécouvrir sa ville natale sans forcer les choses. Entouré du soutien de Nino et Chloé, il reprend tranquillement ses marques et profite de chaque instant passé en compagnie de ses amis.

Nino est absolument ravi.

Certes, le moral d'Adrien ne cessera probablement jamais de l'inquiéter.

Certes, Chloé et lui ont passé des heures à réfléchir, organiser, planifier le moindre détail afin de faire en sorte que le retour en France du jeune homme se passe au mieux.

Mais pour lui, ces tracas sont bien peu de choses en comparaison de la joie sincère qu'il éprouve quant au fait d'avoir enfin retrouvé son meilleur ami. Nino n'est pas un garçon particulièrement asocial, mais Adrien occupe une place particulière dans sa vie et il lui a cruellement manqué pendant son exil aux Etats-Unis.

A présent, les deux jeunes gens rattrapent le temps perdu.

Dès que leurs emplois du temps respectifs le leur permettent, ils se retrouvent chez l'un ou chez l'autre. Ils profitent de la luxueuse télévision d'Adrien pour organiser de véritables tournois de jeux vidéos, discutent de films ou de musique pendant des heures, se lancent dans de véritables études comparatives des restaurants proposant de livrer leurs repas à domicile.

Les choses semblent parfois si normales que, de temps à autre, Nino a presque l'impression que ces dernières années n'ont été qu'un mauvais rêve. Puis, l'instant d'après, un regard mélancolique ou un soupir un peu trop prononcé d'Adrien le ramènent brutalement à la réalité.

Plus rien ne sera tout à fait comme avant pour celui qui est désormais connu comme étant le fils du Papillon, c'est une certitude.

Mais Adrien se bat pour aller mieux. Il avance contre vents et marées, déterminé à surmonter cette terrible épreuve qui a bien failli l'engloutir vivant.

Adrien lutte et progresse indéniablement.

Et à présent qu'il est enfin de retour à Paris, Nino s'autorise à savourer le simple fait d'avoir enfin retrouvé son meilleur ami.







Un jour, Alya appelle Nino pour lui proposer une soirée au restaurant.

Cette offre n'a rien d'inhabituel. Durant la longue absence d'Adrien, Nino et Chloé ont pris l'habitude de sortir régulièrement en sa compagnie et celle de Marinette.

Au départ, ça avait été une idée de Nino. Le jeune homme a toujours été proche d'Alya et Marinette et à force de fréquenter Chloé, il a naturellement proposé à sa nouvelle camarade de se joindre à eux lors de leurs sorties.

Tout d'abord, Chloé s'est montrée réticente à intégrer leur petit groupe.

L'hésitation de la fille du maire était compréhensible. Marinette et elle n'ont jamais été amies, et qui cherche des ennuis à Marinette s'attire fatalement les foudres d'Alya. Mais après des premiers déjeuners passés dans un silence tendu et quelques soirées dont l'ambiance électrique virait rapidement aux éclats de voix orageux, les choses se sont peu à peu adoucies.

Lentement, péniblement, leur petite bande a fini par trouver une nouvelle dynamique.

Sous l'impulsion de Nino, Chloé a ravalé ses remarques les plus acerbes, Marinette a accepté de passer outre l'animosité qu'elle ressentait pour sa rivale de toujours et Alya s'est décidée à laisser une chance à la fille du maire de leur prouver qu'elle pouvait être autre chose que cette peste hautaine qu'ils avaient toujours connue.

Et à présent, tous forment un groupe certes étrange mais soudé, qui se retrouve régulièrement autour d'un verre ou d'un bon repas.

- « ... et donc, il y a ce nouveau resto qui a ouvert à cinq minutes de chez moi », poursuit Alya d'une voix joyeuse. « Je me disais qu'on pourrait le tester un de ces jours. »

Alors que la voix de la jeune femme résonne dans le téléphone, une idée germe soudainement dans l'esprit de Nino.

Jusque-là, Adrien n'a jamais manifesté l'envie de voir quiconque d'autre que Chloé ou lui.

Son ami veut prendre son temps. Reprendre doucement pied dans sa nouvelle vie, étape par étape, sans forcer les choses. Il préfère les longues promenades solitaires aux bains de foule, des instants tranquilles avec ses plus proches amis à de folles soirées parisiennes.

Adrien se reconstruit, doucement, lentement.

Mais pour l'heure, à l'exception notable de Nino et de Chloé, cette guérison se passe en solitaire.

Et alors qu'il discute avec Alya, le souvenir de Marinette s'impose brusquement à Nino. Plus précisément, le souvenir de Marinette à son retour de Londres.

Le jeune homme se rappelle avec précision à quel point son amie n'était plus que l'ombre d'elle-même lorsqu'elle est revenue d'Angleterre. Combien elle semblait vidée de toute cette énergie presque solaire qui la fait rayonner d'ordinaire et comment elle paraissait ne tenir au contraire que par la seule force de ses nerfs.

A la place de la jeune fille pétillant de joie de vivre qu'il connait si bien, il n'a retrouvé qu'une ombre prête à se dissoudre dans le néant.

Avec un frisson désagréable, Nino se rappelle de la maigreur qui était alors celle de Marinette. De sa lividité maladive, de son regard fiévreux, de la façon inquiétante dont elle paraissait parfois se déconnecter du monde pour se perdre dans ses pensées.

Surmenage, lui a expliqué Alya.

Lui-même trop préoccupé par Adrien, Nino n'a guère eu la possibilité de s'attarder sur les états d'âme de Marinette. A contrecœur, il a laissé à Alya le soin d'aider seule sa meilleure amie à traverser ces moments difficiles. Mais il a malgré tout su se montrer présent dans la mesure du possible, et il se souvient à présent que de tranquilles sorties entres amis ont fait des merveilles le moral de la jeune femme.

De restaurants en cinémas, de pique-niques dans le parc en balades au bord de la Seine, Marinette a semblé aller un peu mieux à chaque nouveau moment passé entourée de ses camarades. Avec le temps, les joues de la jeune femme ont retrouvé ce joli rose qui n'aurait jamais dû les quitter, ses pommettes ont regagné ces délicates rondeurs qui leurs manquaient tant, et ses pâles sourires se sont transformés en joyeux éclats de rire.

La compagnie de ses proches a apporté une aide décisive à Marinette, c'est une certitude.

Et Nino ne doute pas un instant qu'il pourrait en être de même pour Adrien.

La solitude dans laquelle s'est enfermé son ami lui a laissé le temps de se reconstruire à l'abri des intrusions nuisibles, mais elle laisse également la part belle à de dangereuses introspections. A présent qu'Adrien va mieux, il a besoin de se changer les idées. Nino en est convaincu. Il connait suffisamment bien son ami pour savoir qu'il a tendance à ruminer de sombres pensées lorsqu'il est laissé trop longtemps sans distractions.

Adrien s'est bien trop coupé du monde pour son propre bien et il est temps pour lui d'élargir un peu plus son cercle social.

- « Hey, Alya », lance-t-il brusquement. « Tu es d'accord pour qu'Adrien vienne aussi ? Je suis sûr que ça lui faisait plaisir de vous revoir toutes les deux. »

La jeune femme réagit avec enthousiasme débordant qui ne surprend guère Nino. Lorsqu'ils étaient au collège ou au lycée, prononcer les mots "Adrien", "Marinette" et "Rendez-vous" dans la même phrase a toujours été l'un des meilleurs moyens pour faire réagir Alya.

Et de ce côté, manifestement, rien n'a changé.

A peine Nino a-t-il fini sa phrase qu'Alya exulte, s'emballe. Elle explique à Nino combien Marinette sera heureuse de revoir Adrien, et à quel point il lui tarde elle aussi de le retrouver. Elle aurait aimé lui rendre visite dès son retour à Paris, poursuit-elle d'un ton soudain plus sérieux. Mais sachant les difficultés qu'il a traversé, elle a préféré rester en retrait le temps que leur ami reprenne ses marques dans leur ville natale.

Puis, tout aussi rapidement, elle relance le sujet de leur soirée à venir et décrit avec force de détails le restaurant dans lequel pourrait se passer leurs retrouvailles. Nino l'écoute, argumente à son tour, et bien vite, tous deux conviennent d'un plan.

- « Bon, on est d'accord », s'exclame Alya d'une voix ravie. « J'envoie tout de suite un message à Marinette et je te laisse voir avec Chloé et Adrien. On dit samedi prochain ? Préviens-moi dès que tu sais si c'est bon pour eux, j'appellerai le resto pour réserver. Ahh, je sens que ça va être gé-nial ! », conclut-elle avec une telle fougue que Nino ne peut s'empêcher de sourire. « J'ai hâte de revoir Adrien ! »







Cette soirée organisée avec la complicité d'Alya se passe au-delà des espérances de Nino. Adrien est manifestement ravi de retrouver ses deux anciennes camarades de classe et il est évident qu'il passe un excellent moment.

Voir son ami s'amuser ainsi donne à Nino l'envie de réitérer l'expérience. Dès qu'il en a l'occasion, il inclut Marinette et Alya aux rendez-vous qu'il planifie avec Adrien, tandis que de son côté, Alya met un point d'honneur à inviter leur ami à chacune de leurs sorties.

Adrien est ravi du retour d'Alya et Marinette dans sa vie, et pour Nino, les bénéfices de la présence des deux jeunes femmes sont évidents. A présent qu'il fréquente d'autres personnes que les deux seuls êtres humains qu'il a probablement toléré ces dernières années, Adrien s'ouvre de plus en plus. Ses sourires se font plus francs, ses plaisanteries plus spontanées. Certes, le jeune homme reste un peu trop mélancolique au goût de Nino, mais les progrès sont indéniables.

- « J'admets que tu as eu une bonne intuition », concède même Chloé un jour où ils discutent tous deux de leur ami. « Je reconnais que j'étais un peu sceptique au début, mais tu as raison. Adrien ne peut pas continuer à ne fréquenter que nous. »

- « Exactement », approuve Nino avec un petit rire satisfait. « C'est bon pour lui de voir du monde, ça le force à sortir un peu de sa coquille. »

Durant quelques secondes, seul le silence lui répond, et le sourire de Nino s'élargit encore. Il connait à présent suffisamment bien Chloé pour deviner qu'elle est à la recherche d'une critique à faire, d'un point sur lequel pinailler, ou à défaut d'une action quelconque dont elle pourrait se vanter.

Mais pour une fois, elle ne trouve manifestement rien à redire à la situation.

- « Heureusement que j'ai suggéré qu'on fasse un peu sortir Adrien », lâche-t-elle finalement. « Tu as bien fait de proposer à Marinette et Alya de venir, mais je rappelle qu'à la base c'était mon idée de le traîner hors de sa chambre. »

Nino éclate franchement de rire, amusé par l'orgueil absurde dont fait preuve sa camarade. Passant sous silence le fait que les premières propositions de la jeune femme tenaient plus de la tentative de kidnapping qu'autre chose et que son projet d'embaucher des gens pour forcer Adrien à l'accompagner dans les hauts lieux touristiques de Paris flirtait dangereusement avec l'illégalité, il hoche machinalement la tête.

- « C'était une excellente idée », approuve-t-il d'un ton conciliant, refusant pour un temps de combattre la mauvaise foi dont fait souvent preuve son amie. « Du coup, je propose qu'on continue sur cette voie ! », conclut-il avec enthousiasme.

- « Si tu veux... », réplique Chloé d'un ton dubitatif. « Essaye juste de ne pas partir dans des délires trop bizarres. Je n'ai rien contre toi, mais je tiens à Adrien. »

- « Promis », s'esclaffe Nino. « Je tiens aussi à lui, ne t'inquiète pas. »

Encouragé par l'approbation relative de Chloé, le jeune homme décide de pousser sa chance un peu plus.

Adrien apprécie manifestement les sorties en petit groupe et Nino est persuadé que fréquenter plus de gens lui ferait le plus grand bien.

Mais il reste conscient de la fragilité de son ami et il ne tient pas à trop forcer les choses. Adrien doit se sentir entouré, protégé, rassuré. Il ne faut pas le pousser dans une foule emplie d'inconnus, mais au contraire lui offrir une situation dans laquelle il pourra se permettre de baisser la garde pendant quelques heures.

Et rapidement, la solution idéale se profile aux yeux de Nino.

Il faut à Adrien un moment passé en compagnie de gens qu'il connait et apprécie, avec lesquels il pourra s'amuser sans la moindre retenue. Une soirée chez Alya, par exemple, avec tous leurs anciens amis.

Oui.

Ça serait même l'idéal.

A présent qu'il a son plan en tête, Nino pianote rapidement sur l'écran de son téléphone pour faire défiler sa liste de contacts. Adrien a toujours été un garçon réservé, qui n'avait qu'un nombre restreint de proches quand il vivait encore à Paris. A l'époque, son cercle social se limitait aux personnes avec qui il était en cours et les évènements de ces dernières années n'ont rien fait pour arranger les choses.

Un large sourire aux lèvres, Nino fait la liste de leurs anciens camarades de classe. Faisant preuve d'une motivation sans faille, il appelle tous ceux qu'Adrien a fréquenté quand ils étaient élèves ensembles, prend hâtivement des notes sur une feuille, compare les emplois du temps de chacun.

Et soudain, après quelques heures de coups de fils divers et variés, d'invitations lancées et d'innombrables promesses de prévenir tout le monde dès que la date de la soirée serait définitivement arrêtée, Nino se fige.

Emporté par son enthousiasme, il a oublié un détail.

Un petit, léger, minuscule détail.

Le visage du jeune homme se tord d'une grimace contrite alors qu'il appuie sur un dernier nom sur son téléphone.

- « Alya ? », lance-t-il avant que la jeune femme n'ait le temps de placer ne serait-ce qu'un mot. « J'espère que tu ne seras pas trop fâchée, mais il est vaguement possible que je vienne d'inviter une douzaine de personnes à venir faire la fête chez toi. »

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