| Chapitre 2 |

She said my spirit doesn't move like it did before
Elle a dit que mon esprit ne bougeait plus comme avant
She said that I don't look like me no more, no more
Elle a dit que je ne me ressemble plus, non plus
I said, "I'm just tired," she said, "You're just high"
J'ai dit « j'suis juste fatigué », elle m'a dit « tu es juste défoncé »
And I said, "I saw you in the water"
Et j'ai dit « je t'ai vu dans l'eau »
Cringe - Matt Maeson

Le 23 décembre 2018 - Xander.

      J'étais un acharné. Je m'appliquai à faire taire mon passé, quitte à oublier que je n'étais pas sauvé. Je persistai à vouloir trouver un équilibre duquel je serais plus fort. Pourtant, il arrive que peu importe notre persévérance, en un battement de cils, la vie vienne reprendre ses droits. C'était de cette manière ; dans un fracas d'effroi que j'avais croisé – de nouveau- l'enfant victimisé qui dormait en moi. Sans que je ne puisse rien y faire, si ce n'est constater. Constater que l'univers tout entier s'amusait à me tourner le dos, pour toujours mieux m'éprouver.

Taylor avait raison. J'avais beau tomber, je me laissai pas le temps de me plaindre. Je ne m'en sentais pas légitime. Je refusai à tout prix mon étiquette de victime ; alors que j'en étais une. La seule chose qui me restait était le courage d'y croire, sans relâche. L'espoir incertain qu'un jour, mon cœur s'apaiserait, qu'on m'en laisserait le droit. Je le méritai non ?

Dans cette instinct d'audace, j'avais pris soin de me façonner un masque. Au cas où. Sauf qu'au lieu de protéger les épaves de moi, ce déguisement me perdait en me donnant l'illusion d'être invincible. Alors que je n'étais qu'invisible. A trop jouer avec le jeu, j'avais fini par me brûler les ailes, sans avoir pu profiter de l'apesanteur. Finalement peut-être que j'avais mérité toute cette merde...

Flashback

La porte avait claqué derrière moi. Je rentrais de ma soirée d'intégration. Je n'y avais pas beaucoup bu mais j'étais relativement dans les vapes. J'étais sur un petit nuage duquel je fus obligé de tomber. Dès que j'avais croisé les iris de ma mère, je sus que bourrer ou pas, j'allais y passer.

—     Alexandre...

Plus personne ne m'appelait comme ça. Ce prénom n'était pas moi, ce que ma mère savait. D'ailleurs, ce n'était pas ce par quoi, elle aurait dû commencer. J'avais passé la soirée avec des gens peu fréquentables, à faire des choses peu recommandables, je rentrais à une heure peu commode et je ne recevais qu'un « Alexandre... ».

—     Maman ? avais-je lancé, amusé.

Pourtant, il n'y eut plus rien de drôle, lorsque j'avais remarqué ses joues bouffies par les larmes. Ma mère ne laissait jamais rien paraître. Elle n'était pas démonstrative. Je l'avais suivi sur ce terrain d'ailleurs. En plus, son métier de légiste ne l'aidait pas. Il n'y avait que la famille qui pouvait la toucher à ce point.

—     Ton père a eu un accident, avait-elle lâché de but en blanc.

Peut-être avait-elle pensé qu'une phrase suffirait ? Il ne m'avait pas fallu attendre la suite, pour que déjà mon cerveau se charge d'imaginer les pires scénarios. L'empathie que je lus dans ses yeux n'arrangea rien. J'étais incapable de prononcer le moindre mot. Ce qui m'obligeait à accepter sans argumenter que mon beau-père prenne le volant.

C'était la veille du vingt-quatre décembre, et je risquais de passer Noël à enterrer mon père. Il venait d'avoir un accident de moto. Une voiture avait grillé la priorité. Résultats pour mon père qui n'avait rien demandé : le visage méconnaissable, une hanche cassée, des côtés brisés, et de nombreux hématomes. Les médecins hésitent à se prononcer, ce qui prouvait que rien n'irait plus jamais bien.

J'avais besoin d'entendre que mon père rentrerait bientôt, qu'il me foutrait la misère en apprenant que j'avais prévu de repeindre sa voiture. C'était son genre. Il aimait me laisser foncer droit dans le mur avant de me rattraper de justesse.  Plus qu'un père, c'était mon mentor, mon allié, mon meilleur ami...

J'avais passé la nuit à ruminer dans le hall de l'hôpital. J'y avais croisé la mère de Taylor, qui était infirmière urgentiste. Dès qu'elle sut pour papa, Sasha me promit qu'elle rallongerait son service pour veiller sur lui et me permettre de rentrer. Sauf que je savais que me retrouver seul, dans la maison de mon père, me ferait sombrer davantage. Ma mère était partie prévenir ma sœur et ma grand-mère. Aucune d'entre elles n'allaient encaisser le choc. C'était certain. Surtout Romy, mon aînée, qui risquait d'y voir une bonne raison de continuer sa descente en enfer. Ce qui commençait à me tenter aussi. Ma famille était en train de partir en lambeaux et, moi qui ne cessais jamais de chercher une issue, ce soir, je n'apercevais que l'obscurité d'un tunnel sans fond...

Le vingt-quatre au soir, les médecins opérèrent mon père. Une heure après, pile quand le dong de minuit avait sonné, le cœur de Rossi s'était arrêté. Ils réussirent à le relancer, mais son pronostic vital était engagé, ce qui nous amena à le plonger dans un coma artificiel. Son organe battait grâce à une machine, et son corps était alimenté au rythme de seringues. S'il nous avait vus, papa nous aurait certainement haïs, voire reniés. Mais nous refusions de ne rien tenter. Tant que la vie ne pulsait dans ses veines et que la mort ne l'approchait pas de trop près, il y avait une raison d'y croire.

Le soir même, Romy avait tenté de mettre fin à ses jours. Comme si notre famille n'implosait déjà pas assez. Je me souviens qu'aucun son ne voulait fouler la barrière de mes lèvres, j'étais plus qu'une ombre. Seuls les battements de mon être m'aidaient à garder les yeux ouverts, à me prouver que j'étais encore là. L'angoisse, la peur de le perdre m'avait fait vriller intérieurement. Notre père allait devenir un légume. C'était un réveillon mémorable. Moi, je m'étais contenté de rester assis en face de la chambre 356, priant. Quémandant un miracle de Noël, n'importe quoi qui mettrait fin à ce cauchemar. Sans un mot, la fille des Richard m'avait rejoint. Etrangement ma mâchoire s'était relâché en la voyant, et ma respiration s'était reposée. Elle portait un pyjama rouge et blanc, tandis que ses cheveux étaient retenus par un serre-tête aux oreilles de reines.

—     C'est fou. Même dans ces conditions tu arrives à me foutre la honte, avais-je bredouillé.

—     Ton caractère de merde ne nous laissera jamais de répit, pas vrai ?

—     Jamais.

Mon regard avait dérivé un instant dans le sien, avant qu'elle me tende une barre de chocolat et un café.

—     J'espère qu'il est...

—     Sucré, oui.

Sa réponse me gêna. Malgré les années passées, j'oubliais souvent à quel point Taylor me connaissait.

Depuis la rencontre de nos pères, nos familles s'étaient liées, nous obligeant, nous aussi, à nous allier. Sans nous demander notre reste, nos parents se débrouillaient pour que l'on se croise souvent. Ils pensaient peut-être que nous pouvions mieux nous intégrer dans le monde, à deux. Taylor s'était ainsi appliquée depuis l'âge des bacs à sable, à devenir mon amie. Tandis que je m'appliquais à ce que la brunette me trouve détestable. S'ils savaient que ce qui nous liaient aujourd'hui, ils regretteraient sûrement. Dès qu'elle était dans le coin, je ne pouvais pas m'empêcher de repenser à ce qui s'était passé. J'avais beau me refaire la scène, imaginer toutes les hypothèses, je ne comprenais toujours pas ce qui lui était passé par la tête. C'était devenu éprouvant de la croiser. Elle me rappelait tout ce que je m'efforçais d'oublier. A commencer par mon passé de raté. J'avais trop donné pour devenir un autre homme, pour qu'elle ne voit encore en moi que l'enfant victimisé d'hier.

Je me souvenais encore des étés où on nous demandait de jouer ensemble. Je refusais toujours. Mais elle ne me laissait pas seul pour autant. Au contraire, elle se contentait de me suivre sans un mot, avec un sourire timide. J'avais beau me réfugier dans les hauts champs de blés, elle se trouvait toujours derrière moi. À quelques pas, une marguerite à la main. Jusqu'à ce que les années s'étalent tout comme la distance entre ses pas et les miens... Nous avions beau nous croiser, parfois être contraint de se soutenir, de se comprendre, une limite entre nos deux espace-temps s'était créée. Comme si les enfants d'autrefois craignaient de se rallier, une seconde fois.

—     Joyeux Noël, Xander.

Je me contentai de tirer sur son serre- tête, libérant sa tignasse bouclée. Même si je n'avais jamais cessé d'être odieux depuis notre plus jeune âge, ce soir-là elle était là. Alors qu'elle venait de perdre son père, elle était là. Ça avait toujours été notre fonctionnement. J'essayais de la repousser, elle persistait. Comme cet évènement, où la rejeter alors qu'elle était la seule à sacrifier son réveillon pour moi et Rossi, me paraissait impensable. Quand personne, ni Orion, ni mes quelques amis n'étaient là, Taylor Richard s'obstinait à me suivre.

—     Joyeux Noël à toi aussi, Dent Morte.

J'avais pris sa main dans la mienne en esquissant un sourire discret. Je ne sais pas lequel de mes gestes la surprirent davantage, mais ses yeux avaient brillé d'une lueur que je ne lui connaissais pas : celle de l'amitié.

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NDA

Encore un énorme merci à stelen_a & moonicane pour leur soutien inébranlable.

Bienvenu(e) aux petits nouveaux, j'espère que ce roman vous plaira. J'y mets tout mon cœur.

Alors que pensez vous de la relation entre Taylor et Xander ? Leur fonctionnement ?

Le destin se joue de leurs situations et ce n'est que le début...

Vous voulez le chapitre 3 pour quand ? Donnez moi des jours qui vous arrangent pour les publications ?

Bisous et merci de laisser une chance à mon roman ❤️

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