Chapitre 4
J'ai entendu la voix de mon frère, audible mais inintelligible, de l'autre côté de la porte de ma chambre. Son intonation montait en une question, et je pense que j'en étais le sujet. « Laisse », a alors répondu ma mère.
Depuis ma chambre, les bruits d'un repas déjà entamé remontent. Je n'ai pas faim. Tout ce que m'a dit ma mère a rempli mon estomac avec lourdeur, certainement suffisamment pour que je tienne jusqu'à demain.
Installé à mon bureau, je contemple les polycopiés que je tire par grosses liasses de ma pochette. Ce sont ceux que Gretel reprendra quand elle ressortira de l'hôpital. Pendant que je relis les derniers cours des précédents jours, mon cœur se calme un peu. J'aurais pu prendre mes propres leçons à moi, mais celles destinées à Gretel m'apaisent davantage, j'en ai presque envie de résoudre ses exercices à sa place. Je veux lui montrer qu'on ne l'oublie pas, ou du moins que je ne l'oublie pas, malgré tout ce que clame mon entourage.
Au coin de chaque page, j'ai noté à la bas-vite un Gretel à peine lisible. Quand elle le verra, je suis sûr qu'elle rigolera à gorge déployée. Mon écriture l'a toujours faite rire. Une moquerie n'est jamais très agréable, mais c'est l'une des seules fois où j'aimerais me prendre son sarcasme relevé en pleine face, et l'une des seules fois où je sais assurément que je m'en délecterai.
À nouveau, des pas remontent le couloir. Sûrement mon père, cette fois, vu le grincement du cuir et le soupir des semelles contre le parquet. Lui aussi, comme mon frère, doit envoyer un regard vers ma chambre fermée. Que pense-t-il, lui ? Croit-il Gretel morte également ? Oui, évidemment... Ma mère disait qu'il voulait que j'apprenne la vérité par moi-même.
Mais peut-être ne parlait-il pas de cette vérité-là ? Peut-être que ma mère n'a pas compris ? Elle n'est pas stupide, mais un moment d'étourdissement peut arriver à tout le monde. Apprendre la vérité peut signifier tout et son contraire... Et la vérité que je cherchais à cet instant, je m'apprêtais à la découvrir, avant que Noah ne me barre brutalement le passage, tout à l'heure, dans le couloir.
J'empile avec soin les feuilles du cours de français, et les pose sur le coin de mon bureau, m'attaquant ensuite aux sciences.
Demain, c'est décidé, j'irai à l'hôpital. Je ne sais pas si l'on acceptera que j'entre dans la chambre de Gretel, surtout que je ne suis même pas de sa famille. Mais il faut que je comprenne, et que je sache pourquoi elle était dans cet état-là, jeudi dernier.
Les sciences me gavent trop rapidement : les termes techniques et le vocabulaire lourdaud s'ajoutent aux paroles de ma mère en une espèce de soupe indigeste. Je repousse ces cours loin de moi, ils rejoignent la pile de polycopiés sur le rebord de mon bureau. Je regarde le cadran de l'horloge, posée sur mon bureau. Bientôt 23h, je n'ai pas vu l'heure tourner. Il est sans doute trop tard pour lire, de toute façon je n'en ai pas réellement envie. Je me change sans grande passion, et je me glisse dans mon lit.
Je contemple le plafond, quelques secondes, de son blanc immaculé habituel, mais d'une teinte tirant légèrement sur un orange chaleureux, celui de la lumière projetée par ma lampe de chevet. J'éteins rapidement.
Ces jours me sont trop pénibles. J'aimerais qu'ils passent plus vite, et que Gretel revienne enfin.
D'ici-là, je vais affronter des jours bien trop similaires à ceux que je viens de vivre. J'étouffe un lourd soupir, déjà exténué et tourmenté par cette idée.
Je vais devoir retenir mon souffle, et traverser ces quelques jours en apnée, voire me laisser porter à la dérive dans le courant. Devenir un cadavre, juste quelques temps. Laisser les mots et les pensées des autres nous parvenir, sans réellement nous atteindre.
Il faut que je tienne jusqu'à son retour.
Ou du moins, jusqu'au moment où j'irai la voir à l'hôpital.
Parce que Gretel possède une recette que je n'ai pas : celle de mon propre bonheur.
***
Quelque chose m'enchaîne. Il me tire vers le bas, vers le vide, il rattache ce vieux fantôme à la terre, alors qu'il voudrait s'envoler vers les cieux. Il ignorait qu'il lui restait encore des poumons, et il ignorait qu'ils pouvaient s'enflammer aussi fort.
Je me débats, et me retrouve dans ma chambre toute blanche, les pieds emmêlés dans mes draps. J'ai chaud, j'ai soif, j'ai faim. J'allume immédiatement ma lampe. Une vive lumière frappe directement dans mes yeux ensommeillés, et les traits de ma chambre finissent enfin par se dessiner. Je me redresse en tremblant sur mes coudes. J'ai des frissons partout, alors que j'ai vraiment très chaud. Je me dépêtre enfin de mes draps, et soupire.
Je ne sais pas d'où je reviens, mais en tout cas, ça n'était pas agréable du tout. Je n'y retournerai pas le moins du monde. Les images de mon cauchemar se sont déjà terrées on ne sait où, mais ma peur est beaucoup trop grande pour me donner envie d'aller les rechercher.
Autour de moi, il n'y a pas un son. Je suis bien la seule source de bruit, avec mon cœur tambourinant à tout casser, mon souffle relevé, le frottement infime de mes draps. Mais rien de tout cela ne parvient à réellement déranger cet épais silence nocturne.
Un cauchemar n'a rien d'étonnant, finalement. Après la discussion avec señora Estarella, après la maladresse de Mathias, après l'appel avec Kirstie et après les déclarations de ma mère, dormir sur mes deux oreilles aurait relevé du miracle.
Il est encore temps de se rendormir, et d'oublier tout ça.
Je me tourne sur le côté, et, après une seconde de réflexion, tends la main vers ma table de chevet. J'en tire la poignée du tiroir, où je range habituellement ma montre.
On me dit souvent que regarder l'heure au beau milieu de la nuit est une mauvaise idée, surtout quand on a l'espoir de se rendormir derrière... Mais c'est plus fort que moi. J'ai besoin de savoir dans quelle contrée de la nuit je me situe.
Mes doigts tâtonnent à l'aveugle dans les tréfonds de mon tiroir. Ils rencontrent mille et unes affaires, utiles comme inutiles, rangées comme dérangées.
Et soudain, ils se referment autour d'un objet cubique.
Je fronce les sourcils.
Mes ongles grattent la surface, elle semble parfaite et sans aucune irrégularité.
Je ne me souviens pas d'avoir gardé un tel objet dans ma table de chevet...
J'empoigne l'objet, il tient dans ma paume. Je tire ma main, la ramène devant mes yeux, et ouvre les doigts.
Un petit cube diaphane apparaît, luisant d'un éclat lumineux.
Qu'est-ce que c'est ? On dirait une de ces boîtes que l'on voit par centaine de millier, dans les grandes bijouteries de Paris... Celles qui détiennent en leur cœur des pierres précieuses, lacées d'or et de riches maillons d'argent...
Et brusquement, je reconnais cette boîte. Je me fige.
J'ai envie de la remettre dans le tiroir, de le refermer, et quand je le rouvrirai, elle ne sera plus là. Ou alors, j'ai envie de la jeter par la fenêtre, à travers la nuit, et qu'elle s'efface comme ce mauvais rêve.
Mais mes doigts courent déjà sur le plastique beaucoup trop parfait, ils atteignent la rainure de l'ouverture. Mes ongles se glissent avec hésitation mais sans difficulté entre les rainures. Mes poignets se rétractent un peu, la boîte émet un petit bruit sec.
Et malgré l'impression de commettre une bêtise qui me dévorera tout entier, je fais basculer le couvercle.
J'en reste pétrifié.
La boîte contient un unique compartiment. À l'intérieur, il y a un petit bocal en verre, qui laisse voir au monde ce qu'il tente de dissimuler : une masse informe de muscles, d'artères, de veines, baignant dans une substance bleu turquoise.
Et cette chose... C'est le cœur de Gretel.
J'ai toujours su qu'on avait un cœur dans la poitrine. Tout le monde sait qu'on en a un. À l'école, dans divers niveaux, les professeurs nous ont invités à nous pencher sur cet organe, sur les différents vaisseaux qui les composent.
Mais pourtant, malgré toutes ces années, jamais, au grand jamais, je n'en avais tenu un dans la main.
J'ai soudainement envie de vomir, alors que je n'ai rien mangé depuis ce midi. Cependant, je ne parviens pas à retirer mon regard de... de cette chose.
Cette chose qui est... qui est tout petit. Effroyablement petit, même, pour quelque chose qui est censé animer un corps tout entier.
Tout autour du bocal, se dressent des petits flacons. Douze au total, je crois. Ils sont remplis d'un drôle de liquide bleu trouble, qui ne m'inspire absolument rien.
Je repasse à nouveau le regard sur cet inventaire, et c'est là que je comprends, enfin.
C'est là que je comprends ce qu'il me manquait, depuis le début.
C'est là que je comprends que Gretel est morte.
Puisque ce qui la faisait vivre, je le tiens dans ma paume.
Cette toute petite chose que Gretel a perdu, qui a entraîné sa propre perte.
Je l'avais pourtant déjà ouverte, alors que les sirènes d'ambulances hurlaient autour de moi sans interruption, les ambulances que j'avais prévenues dès que j'eus quitté la rue Chloé Collins. J'avais lu en diagonal le petit mot, avait entraperçu ce bocal, puis avait refermé la boîte d'un coup sec, je crois. Je ne sais même pas si j'avais alors compris ce qu'elle contenait. Peut-être. Peut-être que voir son cœur m'a annihilé la conscience.
Le petit mot... Est-il toujours là ?
Je trifouille rapidement, puis le tire doucement en essayant de en rien faire tomber de la boîte, ce qui est assez compliqué.
Une belle écriture ronde rebondit avec souplesse sur les lignes du papier. Dès que mes yeux se posent dessus, la voix de Gretel s'impose, et me susurre ses propres mots :
Prends-le, Tim.
Goutte à ma personne en buvant quelques gouttes du flacon, et, si tu en es satisfait, prends mon cœur.
Mais décide-toi rapidement. Un cœur ne vit pas éternellement sans un humain pour le contenir. Un mois et demi, tout au plus, pour faire ton choix.
Prends mon cœur.
Un mois et demi ?
Ça fait combien de temps que je possède cette boîte, déjà ? Je force mon esprit à réfléchir, bien qu'il est encore révolté et effaré par l'image du cœur.
La dernière fois que j'ai vu Gretel, c'était... c'était jeudi. Nous sommes cinq jours après, six s'il est actuellement au-delà de minuit.
Il me reste donc un mois et une semaine pour récupérer son cœur.
Récupérer son cœur...
... Récupérer son cœur ?!
Mais elle est sérieuse ? Elle s'est crue dans quoi ? Dans un film, une série, un roman peut-être ? Qu'est-ce que j'en fais, maintenant, de son pauvre cœur ? Elle a réellement cru que me donner son cœur résoudrait tous mes problèmes ? Et puis, quels problèmes ? Je vis bien... Enfin, je vivais bien, avant que cette crétine ne fasse quoi que ce soit.
Je me saisis la tête entre les mains, j'essaie de stabiliser mes pensées qui commencent à crépiter en un gigantesque brasier.
Pourquoi est-ce qu'elle a décidé d'un tel truc ? Elle s'est ôtée la vie, juste pour me donner... me donner son cœur...
Elle a pris sa main, a creusé un passage, l'a saisi dans sa main... Et tout ça... Rien que...
... Rien que pour moi...
Je me relève soudain. Je n'ai plus sommeil du tout. Je rejette cette boîte loin de moi, au fin fond de mon tiroir, et, après une seconde à dévisager les murs blancs de ma chambre, je quitte la pièce.
Rapidement, je débouche dans le salon. Il y fait étrangement nuit. Ces lieux que je connais pourtant depuis ma naissance m'oppressent, je me précipite vers l'interrupteur.
L'abat-jour projette une grande lumière, et je reconnais enfin à peu près cette pièce où l'on dispute des parties de tout et n'importe quoi sur la télé avec mon frère, parfois mon père quand il est en forme, cette pièce où l'on traîne devant les informations le soir à vingt heures, cette pièce où il nous arrive de manger, quand mes parents sont trop fatigués pour y opposer la moindre résistance.
Ce salon est rempli de petits et grands moments en famille... et n'a donc plus aucun intérêt quand on est seul, et qui plus est au beau milieu de la nuit.
Les images de Gretel me rattrapent immédiatement, et aussitôt le salon est saturé de sentiments nauséeux. Je cours, me jette dans le canapé, et attrape la télécommande.
La télévision s'allume sur un reportage, dans une quelconque forêt luxuriante. Je coupe le son ; je ne veux pas réveiller toute la maisonnée, juste rendormir mes inquiétudes et les faire mourir.
Je comprends qu'il s'agit de la forêt d'Amazonie. Je vois les lèvres d'un scientifique remuer seules, sous la question muette du journaliste. Je devine le bruit du vent dans les feuilles, les insectes qui grincent autour de nous, le sifflement de ce serpent qui se dresse subitement à l'écran.
Les scènes s'écoulent, je finis par éteindre la lumière. Les paysages s'ancrent et prennent tout l'espace dans mon esprit, trop éreinté pour se remplir de quoi que ce soit d'autre. Et plus on s'enfonce dans la jungle, plus on se penche sur cette biodiversité hallucinante, et plus mes yeux piquent, plus ma tête s'alourdit, tombe sur le côté, repose contre le dossier, fait basculer mon buste, fait glisser mes paupières.
***
Un fracas sec me tire brutalement de sommeil.
Je me redresse, le cœur battant, comme si le bruit venait de me transpercer la peau à vif. Je tourne la tête dans toutes les directions, et me rappelle rapidement pourquoi je suis dans le salon.
Finie, l'émission sur les tréfonds de l'Amazonie. Maintenant, l'écran est teinté d'un violent orange, demandant au spectateur de bien vouloir patienter quelques heures pour les prochains programmes. Je ne savais même pas que les émissions s'arrêtaient dans la nuit, il doit vraiment être très tard. Trop tard pour se tenir dans ce salon, devant la télévision. Trop tard quand on sait qu'on a école demain, auraient dit mes parents.
Je me penche. La télécommande est au sol, ses boutons et ses molettes face au parquet. Elle a du tomber pendant que je dormais, glisser de mes genoux et me réveiller en tapant contre le sol. Je la ramasse, et la repose doucement sur la table basse.
Il faudrait que je me rendorme...Mais mes yeux sont drôlement réveillés, et plutôt secs. Je n'aurais pas du regarder cette émission en entier. Je n'aurais peut-être même pas du la regarder tout court. Mais qu'aurais-je fait, sinon ? Alors que j'étais en proie de... de tout ça ?
J'ai le cœur de Gretel dans ma table de chevet...
Répugné, je me redresse vivement, essayant d'échapper à nouveau à ma conscience, qui chante une réalité bien trop dure. Je m'étire, et me penche de l'autre côté de l'accoudoir.
Là, au pied du canapé, il y a un porte-revues plein à craquer. Mes parents ne lisent pourtant aucun des magazines qui y sont présents. Mais par la force des choses, ils les accumulent, en reçoivent des milliers de la part de tout le monde, à croire que tout le monde veut qu'ils soient au courant de leur horoscope du mois ou du dernier légume qui fait grossir. Mais ma mère et mon père n'ont pas le cœur de décliner, ni même de tout jeter, alors ils entassent ces revues ici. Ça ne fait que retarder la sentence, cependant : au bout d'un moment, le porte-revue ne veut plus rien ingérer, et il faut tout vider, pour ensuite jeter en masse.
Mais alors, si mon père n'est pas friand des anecdotes de ces actrices pourtant connues, si ma mère ne s'intéresse pas aux produits ni à ces articles, si mon frère n'en a strictement rien à faire des sourires éclatants des mannequins...
... Pourquoi y a-t-il un stylo bic, coincé entre deux pages ?
Sans réfléchir, ou sans vouloir réfléchir plutôt, j'attrape le magazine. J'ausculte rapidement la couverture, il s'agit d'un Cérémonie, ces journaux qu'on voit s'empiler dans les étagères des salons de coiffure, et qu'on finit par prendre malgré nous pour tuer le temps. Les articles les plus importants et les plus susceptibles d'intéresser les lecteurs sont indiqués en grosses lettres autour de la mannequin de ce mois-ci, une femme que je n'ai jamais vue, mais que j'ai pourtant l'impression d'avoir rencontrée partout. Comment peut-on retenir un visage aussi dénudé d'imperfections, sans le confondre avec un autre ?
J'ouvre le magazine à la lumière de l'écran de télé, que je n'ai toujours pas éteint. Je tourne les pages, jusqu'à celles soigneusement gardées par le stylo-bic.
Je me fige.
Les 7 étapes du deuil, décrites en détail par Marion Crions !
Le titre me griffe les yeux. Je referme le magazine, l'empoigne fermement pour me retenir de le balancer à travers la pièce. J'inspire, puis le rouvre, et le relis une seconde fois.
Le deuil est une expérience bien malheureuse, explique la préface, juste en-dessous de ces grandes lettres, une période que nous devons tous traverser au moins une fois dans notre vie. Le deuil est évidemment propre à chacun, et se passe différemment selon les circonstances et la personne. Mais en moyenne, la plupart des gens passent par les mêmes cheminements de pensées — sept, pour être exact ! C'est ce que nous explique Marion Crions dans ce numéro !
La dernière phrase aurait pu recueillir des applaudissements, tant elle semblait fière d'elle-même. Je relis encore une fois le titre, une autre fois cette petite introduction. Je me sens soudainement balloté sur un navire dont je ne peux m'échapper, fonçant droit vers une gigantesque tempête.
Et moi, je mets les voiles pour aller plus vite à sa rencontre.
Je descends le regard.
Les différentes étapes s'étalent joyeusement, et sont renfermées dans de petites bulles de différentes couleurs : rouge pour la colère, bleu pour la tristesse... Les couleurs sont vives et chatoyantes, néanmoins elles ne rendent pas plus attrayantes aucune de ces étapes.
... Tiens... Pourquoi y a-t-il une petite croix ?...
Je rapproche mon nez de l'article, louchant davantage sur ce petit x figurant à côté des deux premières étapes. Le choc et le déni. Il y a même des petites dates, que même moi, pourtant un adepte de l'écriture pattes de mouche, ne parviens pas à déchiffrer.
Je me remémore les formulaires à remplir pour l'administration, pour l'école, les check-list de mes parents, toutes cochées de cette manière singulière, toutes datées de cette typographie, et soudain, je comprends d'où ces croix et ces dates proviennent.
C'est l'écriture de ma mère.
Je me fige.
Et cette fois, je referme le magazine pour de bon, et le jette dans la pile désordonnée de journaux. Le stylo s'est certainement enfui des pages, mais qu'importe, j'espère que personne ne retrouvera jamais cet article. Surtout pas moi.
Je me redresse, je me sens étrangement honteux. J'éteins une bonne fois pour toute la télé, et décide de récupérer le maximum de sommeil pour le lendemain.
Mais même en me répétant ça, dans les escaliers jusqu'à ma chambre, je pense, je pense.
Ma mère lit cet article.
Ma mère lit cet article pour savoir où se situe son fils, dans ce tourbillon d'émotions.
Ma mère coche minutieusement chaque étape qui pense être révolue chez moi. Selon elle, j'en suis à la troisième de ce schéma.
Moi, il y a encore quelques heures, je ne pensais même pas être en deuil de quoi que ce soit.
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