❦ U n ❦

Happiness is not being pained in body or troubled in mind  ❞ - T. Jefferson

Sign of the times - Jasmine Thompson ft. Sabrina Carpenter

Regardant la pluie s'abattre sur les carreaux de la fenêtre, ceci traduisait bien ce que je ressentais. Je connaissais ce sentiment en moi, cette boule dans mon ventre qui ne cessait de croitre au fil des secondes, cette sensation amère qui persistait dans ma gorge. Je savais que quoi qu'il advienne, je devais passer cette journée, comme toutes les autres déjà passées et toutes celles qui arrivaient. Je devais faire comme si tout allait bien se dérouler, bien qu'il ne fallait pas être voyant pour savoir que rien ne se déroulerait de la bonne manière.

Resserrant mon pull sur mes épaules, j'étais incapable de bouger un seule membre, j'étais résignée à rester cantonnée ici jusqu'au crépuscule, mes yeux maintenant fixés sur le mur maussade face à moi, dépourvu de couleur, dépourvu de vie, ressemblant étrangement à mon quotidien. Mes écouteurs dans mes oreilles permettaient de donner une mélodie à mon coeur, qui lui était presque inexistant en moi.

Parlons de ces écouteurs. Pour certains, ce ne sont que de stupides fils qui permettent d'écouter de la musique, pour d'autres, ce sont bien plus. C'était mon cas à vrai dire. Je ne possédais rien de plus cher que ces écouteurs. Ils me permettaient de mettre ma vie en stand by juste en appuyant sur un bouton et enfonçant ces deux petites choses dans mes oreilles. Ils me permettaient de couper court à tout cet enfer que j'appelais la vie, juste le temps d'un instant.

J'avais menti en disant que rien ne m'était plus cher que ces écouteurs. Sasha l'était. Ma petite soeur de sept ans ma cadette représentait tout pour moi. Mon passé, mon présent, mon avenir. Elle était cette lumière qui éclairait mes journées sombres, elle était cet espoir qui enthousiasmait mon coeur, elle était ce fil qui me rattachait à la vie. Elle était tout ce que j'avais de plus cher, et tout ce que je comptais protéger jusqu'au restant de mes jours.

Entre deux chansons, j'entendis les hurlements de ma mère, répondant à ceux de mon beau père. Une énième dispute, une de plus à rajouter sur cette liste déjà bien trop longue. Je savais ce qui allait solder cette dispute, je savais quelle serait l'échéance de cet échange. Mon beau père, bien trop alcoolisé pour être rationnel allait s'en prendre à ma mère, qui, à bout de force se laisserait faire. J'allais essayer de m'interposer, afin de protéger ma mère, du moins ce qu'il en restait, et j'allais moi aussi subir les coups de cet homme affreux, j'allais moi aussi ressentir cette humiliation quotidienne qui était devenue presque banale pour moi.

Mes yeux fixaient à présent la photo de Sasha sur le mur, admirant ses ondulations orangées qui encadraient son visage. Je me languissais de la retrouver le week end prochain. J'avais hâte de lui rendre visite dans sa nouvelle famille d'accueil, hors de la ville, loin de ce monstre qui est son père.

La décision de ma mère avait été judicieuse. Certes, je l'avais haie au plus profond de moi pendant longtemps, mais elle avait elle même compris que Sasha ne pourrait évoluer ici. Je lui en voulais de ne pas avoir fait de même avec moi, m'obligeant à devoir subir tout ce que cet abominable homme nous infligeait, mais d'un côté, même si je ne pouvais me l'admettre, je l'acceptais. Je voulais rester là avec elle dans cette épreuve, c'était une forme de soutien.

Je me posais la même question que tout le monde dans cette situation. Pourquoi ne rien dire ? Pourquoi garder le secret, pourquoi se terrer dans un silence qui finira par nous détruire un jour ou l'autre ? C'était peut être la peur, c'était peut être autre chose. Le rêve d'une vie meilleure n'était qu'un lointain fantasme. Je vous dirais que c'est comme si on s'y habituait, même si on en souffrait comme au premier jour.

Soudainement, ma porte s'ouvrit à la volée, m'arrachant de mes plus profondes pensées. Ma mère se tenait contre cette dernière, un regard étrange sur son visage. J'arrachais à contre coeur mes écouteurs, la boule se formant dans ma gorge à l'idée d'être confrontée au monde extérieur.

- Il n'a plus de whisky, déclara t-elle simplement, son ton faible et sans aucune conviction.

Elle n'avait pas besoin de prononcer son nom, je savais à qui elle faisait référence. Je la regardais, sachant pertinemment ce qu'elle attendait de moi, ce qu'ils attendaient de moi.

- Il pleut dehors, tentais-je en tournant le visage vers ma fenêtre, dans le but d'illustrer mes propos.

- Je sais mais..

- T'es en sucre ? interrompit la voix grave et malveillante de mon beau père, qui me fit frissonner. La réponse est non, donc tu vas m'acheter mon whisky.

Ma mère ne dit pas un mot de plus, baissant le regard et disparaissant de l'embrasure de la porte. Soupirant à mon tour, je descendis de mon lit, attrapant une paire de chaussures et mon téléphone avant de rejoindre le salon, l'estomac noué. Je retrouvais trois malheureuses pièces sur la table du salon, m'indiquant que j'allais devoir sortir de l'argent de ma poche, encore une fois.

- Je n'ai pas d'argent, déclarai-je dans l'espoir que quelqu'un me croit.

- menteuse, me contredit il, tu as reçu ta paye il y a trois jours.

Capitulant, j'attrapais une veste avant de quitter la maison, sentant immédiatement la pluie s'abattre sur moi comme la fatalité. Plus d'une fois, l'envie de faire mes sacs et de quitter cette vie m'était passée par la tête. Mais Sasha m'en empêchait, contre son gré.

Je voulais être présente pour ma soeur, lorsqu'elle aurait son premier petit ami, lorsqu'elle entrerait au lycée, lorsqu'elle découvrirait la passion qui sommeillait en elle. Je voulais être la pour voir tout ça, et ce n'était pas en désertant que je pourrais être témoin de tout son bonheur. Une chose était sure, si moi je ne l'avais pas eu, je ferais tout de même tout pour qu'elle y accède. Son bonheur était ma priorité, ma motivation, mon but à atteindre, et je comptais bien la rendre heureuse.

Resserrant la fine veste sur mes épaules, je regardais les gens dans la rue, tous bien différents. Cette diversité faisait de notre monde ce qu'il était, et j'adorais ça. Malheureusement, le monde ne me le rendait pas bien.

J'arrivais à l'entrée du centre commercial, appréciant la chaleur corporelle émanant de la foule de personnes agglutinées dans ce dernier. Je me dirigeais mécaniquement vers le magasin le plus proche, dans lequel je pouvais trouver ce que je recherchais. Errant à travers les rayons, je posais la main sur la précieuse bouteille, m'assurant bien de prendre la moins chère. Je repartais en direction des caisses, réglant ce que je venais d'acheter avant de sortir du magasin.

Jetant un coup d'oeil à mon téléphone, je réalisais qu'il était bien trop tôt pour rentrer. J'allais donc passer saluer mes quelques collègues au café, les seules personnes que je connaissais et appréciais réellement dans cette ville. J'avais dégoté cet emploi il y avait un peu plus d'un an, recherchant un revenu qui pourrait subvenir à mes besoins et surtout à ceux de Sasha. Etrangement, les seules personnes avec lesquelles je m'entendais étaient plus âgées, plus matures que toutes celles que j'avais l'habitude de côtoyer. Je les considérais presque comme des amis, une chose que je n'avais jamais réellement eu dans ma vie.

Marchant dans la galerie, j'observais avec envie les vitrines des boutiques de prêt à porter, m'imaginant une seconde dans ces vêtements colorés et tellement plus joyeux que les noirs que je portais habituellement. J'enviais les filles taillées comme des mannequins qui sortaient, des sacs pleins les mains, et des sourires dignes de pubs hollywoodiennes sur leurs bouches. Je ne pourrais jamais accéder à tout ça, une fille comme moi n'était pas digne de tout ça.

J'entrais dans le café, appréciant immédiatement la sensation d'être comme à la maison, d'être à un endroit chaleureux où je pouvais être moi même et ne pas porter cette foutue carapace. L'odeur du café emplit mes narines, un sourire se dessinant légèrement sur mon visage.

- Vic, qu'est ce qui t'amène ?

Une des serveuses, du nom de Leila, se tenait perchée derrière le comptoir, astiquant un verre.

- Je voulais passer vous dire bonjour, répondis-je simplement, j'étais dans le coin.

- Et c'est pour moi ça ? demanda t-elle en souriant, pointant du doigt la bouteille de whisky dans mes mains, c'est gentil de ta part Vic.

Je riais doucement avec elle, rangeant la bouteille dans mon sac, quand le téléphone sonna. Elle s'empressa de répondre, quittant le comptoir. Un autre serveur arriva, un air intrigué en constatant l'absence de Leila au comptoir et ma présence, sans mon uniforme.

- Vic que nous vaut ce plaisir ?

- J'étais dans le coin, alors je voulais voir mes collègues préférés.

- N'est ce pas mignon, rit il en me souriant amicalement, dis, tu sais où est passée Leila ?

Je la montrais du doigt, notre regard se portant sur la brune qui faisait les cent pas dans la salle. Elle revint vers nous d'un pas rapide.

- Jesse, les commandes sont arrivées, tu viens avec moi dans l'arrière boutique, ordonna t-elle, Vic, tu peux apporter un expresso à la table 14 ? Je dirais au patron de te le rajouter sur ta paye.

Je secouai la tête, passant derrière le comptoir pour la rejoindre, suivie de Jesse.

- Laisse tomber, je m'en occupe. Allez y avant que le livreur ne s'impatiente.

Elle me remercia avant de disparaitre avec le blond. Je me lavais les mains, préparant immédiatement la tasse pour la dite table, avant d'attraper un plateau et de me diriger vers cette dernière.

Un homme y était assis, un ordinateur et un manuscrit sur la table en bois, tandis qu'il semblait gribouiller un tas de choses sur ses feuilles.

- Voici l'expresso, désolée de l'attente.

- Leila, soupira t-il sans relever les yeux de ses feuilles, combien de fois dois-je te répéter que c'est un cappuccino que je prend.

Haussant les sourcils, je mordillais ma lèvre.

- Je dirais à Leila de faire plus attention la prochaine fois.

Le jeune homme releva immédiatement la tête, semblant réaliser que ce n'était pas la brune. Un regard confus prit place sur son visage.

- Je suis navré, je pensais que c'était mon amie, vous êtes ?

- Je suis serveuse ici mais aujourd'hui je ne travaillais pas sauf que.. Je m'arrêtais, réalisant que j'étais en train de raconter toute ma vie à un inconnu. Je suis Vic, je venais donner un coup de main.

Il hocha la tête, mordillant à son tour sa lèvre supérieure.

- Chace, se présenta t-il, vraiment navré.

- Il n'y a pas de mal.

Puis je partis, quittant ce moment bien trop étrange pour moi. J'avais l'habitude de discuter avec des clients mais rarement avec des hommes de mon âge. J'étais bien trop nerveuse, et je pense que cela s'était vu.

Je revins au comptoir, attrapant ma bouteille tandis que Leila réapparut dans le café, posant un carton sur l'établi derrière moi. Cette dernière aperçut ma mine étrange qu'elle s'empressa de questionner.

- Ce n'est rien, je dois juste rentrer, désolée.

Puis je partis, dans un coup de vent. Je marchais toujours sous cette pluie battante, repensant à cette conversation et à l'image vraiment stupide que j'avais renvoyé de moi. Ce n'était qu'un reflet de ma personnalité, je n'étais bonne à rien, et je ne réussirais jamais dans la vie, comme mon beau père ne cessait de me le répéter.

Je poussais la porte de la maison, cette angoisse réapparaissant immédiatement lorsque je franchis le pas de la porte. Je posais la bouteille dans la cuisine, tournant les talons pour retourner dans ma chambre quand mon beau père me bloqua la sortie.

- Ça prend aussi longtemps d'aller chercher une foutue bouteille ?


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