❦ T r e i z e ❦
❝ The moment you doubt whether you can fly, you cease for ever to be able to do it.❞ -J.M. Barrie
♪ Million Eyes - Loic Nottet ♪
La semaine était passée à une vitesse plutôt affolante. Je relisais mon devoir pour la vingtième fois, doutant encore à chaque mot que je lisais, chaque phrase que j'avais bien pu écrire sur ces stupides pages.
Après avoir jeté, brulé, chiffonné, plusieurs feuilles, j'étais arrivé à quelque chose qui me convenait, du moins un minimum. J'avais passé ma semaine à réfléchir à ce dont j'allais parler, à quelle émotion j'allais accorder toute mon attention. Cela pouvait paraître étonnant, mais c'était l'amour. J'avais décidé de prendre ce sentiment car même si j'étais amateur en la matière, j'avais le sentiment d'en connaitre des rayons. Ce n'était pas l'amour d'un petit ami, d'un proche, de la famille, mais bien l'amour qu'une simple personne pouvait porter à sa propre soeur. Sasha, toujours et encore Sasha. A jamais.
Concernant ma vie de famille, tout allait pour le mieux. Mon beau père semblait avoir retrouvé un travail qui lui occupait la plupart de ses journées, quant à ma mère, elle semblait commencer à réaliser que ce calvaire était sur le point de se terminer. Moi qui n'y avait pas cru une seule seconde, je m'étais peut être trompée finalement.
Le concours de monsieur Bennett se rapprochait à grand pas, et aujourd'hui se déroulait le dernier test déterminant. A ma plus grande surprise, je me trouvais dans les deux derniers élèves, face à Zoé. Je ne me faisais cependant pas d'illusions. Bien que ma progression eut été fulgurante, Zoé allait gagner, c'était sur et certain. Mais je ne m'étais pas découragée. Le dernier projet avait été rendu hier, portant sur une idée de livre que nous pourrions écrire pour le concours. Nous devions énoncer nos principaux sujets, nos thèmes et surtout le style de livre que nous souhaitions publier. J'avais longuement hésité entre un banal roman d'amour à la Flaubert ou bien une sorte d'autobiographie bien cachée. Je m'étais lancée sur le second choix, le premier étant bien trop inconnu pour moi.
L'histoire dont j'avais parlé ressemblait à la mienne, à quelques détails près. Le protagoniste était un homme. J'avais choisi de le faire appartenir à une classe sociale bien plus élevée que la mienne, afin de montrer que même l'argent ne servait pas à faire le bonheur. Il vivait un peu le même calvaire que moi, en réalité. Et il avait fini par rencontrer une professeure de danse qui l'avait initié à cet art. Pour être honnête, ce point là était plus que similaire à ma vie. Monsieur Bennett, pour le peu qu'il eut fait, avait réussi à me passionner pour l'écriture, à me donner l'envie d'en savoir plus, d'en découvrir plus, et de me lancer dans la littérature.
J'étais loin d'être une artiste, quelqu'un de talentueux, mais mes progrès réussissaient à me donner confiance en moi, une grande première. Et même si tout ces efforts n'aboutiraient surement jamais, je m'y raccrochais, comme on se raccroche à une branche lorsque tout s'effondre. C'était peut être un échappatoire, une sorte de porte de sortie pour mes problèmes. C'était peut être une solution.
J'étais assise contre les casiers, triturant mes doigts dans tous les sens, l'angoisse présente en moi. Zoé était dans la salle, discutant avec monsieur Bennett qui lui annonçait les résultats du concours, qui il avait choisi entre elle et moi. Je l'avais laissé y aller volontiers, souhaitant bénéficier du temps pour relire mon devoir et me préparer à accueillir la mauvaise nouvelle. Après tout, j'étais habituée à perdre, ce n'était qu'un échec de plus. J'étais déjà fière de mon parcours et de ce que j'avais réussi à faire.
La porte s'ouvrit soudainement, me faisant sursauter de surprise. Je me relevais, attrapant mon sac pour m'apprêter à entrer. Zoé partit rapidement, sans oublier de me lancer un regard noir par la même occasion. Je haussais les sourcils, comprenant que cela ne s'était pas forcément passé comme prévu.
Monsieur Bennett soupira, approchant de la porte pour m'inviter à entrer. Je déposais immédiatement le devoir sur la table, sous son regard curieux.
- Le devoir, dis-je, que vous m'avez donné.
- Exact, se rappela t-il en prenant les copies, le sujet semble vous avoir inspiré.
Je hochai la tête, m'appuyant sur la table pour écouter ce qu'il avait à me dire concernant le concours. Son regard était fixé sur le sol, ses doigts caressant la barbe naissante sur son menton. J'observais chacun de ses faits et gestes, tentant de les analyser, en vain.
- Félicitations, déclara t-il simplement, relevant les yeux vers moi, vous êtes l'heureuse élue.
Je fronçais les sourcils, prise de court par son annonce. Il avait du se tromper, je ne pouvais pas avoir gagné.
- Pardon ?
- Vous me représenterez pour le concours d'écriture cette année, expliqua t-il, vous avez réussi les tests avec brio.
J'ouvrais la bouche, cependant aucun mot ne daigna sortir. A ce moment là, j'aurais été incapable de décrire ce que j'avais ressenti en comprenant ce qui se passait. J'avais réussi l'impensable, j'avais gagné une chose dans ma vie. Je comprenais à présent l'attitude de Zoé à mon égard il y a quelques minutes, elle comme moi n'aurions jamais pensé que je serais la gagnante. Et à vrai dire, une aussi agréable surprise faisait du bien.
Cependant, ma joie retomba légèrement. J'aurais voulu le partager à ma mère, à des amies, de la famille, mais je ne pouvais pas. Néanmoins, je savais que le simple fait de l'annoncer à Sasha allait la rendre heureuse, et peut être fière de moi.
- Merci, murmurai-je, je ne pensais pas être la gagnante..
- C'est bien ce que je vous reproche, reprit il, ce manque de confiance en vous est flagrant. Vous devriez un peu plus croire en vous et vos capacités, vous pourriez faire de grandes choses.
Je hochai la tête une nouvelle fois, souriant légèrement en réalisant réellement que ce concours serait le mien, que je le gagne ou non.
- Les séances d'écriture commenceront dès demain. Nous nous verrons tous les deux jours voire trois en cas d'imprévus. Le projet doit être rendu dans quelques semaines donc nous n'auront pas de temps à perdre, nous allons avoir du pain sur la planche. Je vous expliquerais dès demain en quoi consiste l'épreuve de cette année, qui a changé depuis l'année dernière.
J'acquiesçai, la sonnerie m'annonçant que les cours reprendraient d'une minute à l'autre. Le brouhaha devant la porte m'indiquait que le prochain cours de monsieur Bennett allait reprendre donc je ne perdis pas plus de temps pour me diriger vers la porte.
- Attendez, m'arrêta t-il soudainement, j'allais oublier de vous donner ça.
Il me tendit une fiche, que je saisis. Mes sourcils se fronçèrent en découvrant ce qui était écrit.
- J'ai besoin de l'autorisation de vos deux parents pour attester de leur accord vis à vis de votre participation à ce concours, annonça t-il, il faudrait que vous me la rameniez pour demain afin que je la soumette au comité d'organisation.
Je hochai une nouvelle fois la tête, rangeant la feuille dans mon sac avant de sortir de la salle. M'appuyant sur les casiers, je commençais à remettre en question ma participation à ce concours. Mes parents n'accepteraient jamais, et sans leur accord, je ne pouvais concourir. Je ne savais pas si j'étais capable de mentir pour participer.
Cependant, j'avais espoir qu'ils acceptent de signer cette maudite feuille, vu comment la situation semblait s'être améliorée à la maison. Je croisais les doigts, tout simplement.
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Rinçant mes mains, je relevais les yeux vers mon reflet. Rien de différent, sauf dans mon regard. Tout avait changé, grâce à l'espoir. La porte s'ouvrit à la volée, laissant apparaitre Zoé. Son regard noir se posa sur moi, avant que cette dernière s'approche, en deux grandes enjambées.
- Qu'as tu fait pour avoir la place ? m'agressa t-elle en se rapprochant, mon dos heurtant le mur, hein ?
- R.. Rien du tout, bafouillai-je.
- Menteuse ! hurla t-elle, me faisant fermer les yeux, on savait toi comme moi que tu ne gagnerais jamais, pourquoi il t'a choisi ?
Je n'en savais rien, je me posais moi même la question si elle savait.
- Je pense que tout le lycée sera heureux d'apprendre que la pauvre Victoria Sanders couche avec le professeur de littérature pour réussir. On verra si tu participeras au concours.
Puis elle partit, aussi vite qu'elle était arrivée. Je me raccrochais au rebord du lavabo, tentant d'inspirer calmement pour retrouver mes esprits. Elle ne pouvait pas balancer cette rumeur. Ma réputation ne m'importait plus, mais celle de Monsieur Bennett allait être atteinte, et il pouvait même se faire virer. Je ne pouvais cautionner ça, je devais annuler ma participation.
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