❦ Q u i n z e ❦

The most common way people give up their power is by thinking they don't have any. - A. Walker

Silhouette - aquilo

Je regardais le sang se mélanger à l'eau, quittant la baignoire pour disparaitre dans les canalisations. Je n'avais plus de larmes, plus de tristesse. Cependant, l'humiliation était encore bien présente. Je m'étais comme habituée à cette semaine sans violence, sans coup, sans hurlements. Néanmoins, cela ne servait à rien de chasser le naturel puisqu'il revenait au galop, comme on avait l'habitude de dire.

Séchant mon corps à nouveau faible, je prenais appui sur le rebord du lavabo. Je ne comprenais pas comment je pouvais me laisser faire comme ça, je me croyais bien plus forte. Mais la peur rythmait tous mes actes, tous mes faits et gestes, et en sa présence, j'étais comme tétanisée, effrayée à l'idée qu'un simple mouvement de ma part relance les hostilités.

Je passai mon pyjama, retournant dans ma chambre en me laissant retomber sur le matelas. Mes yeux fixaient le plafond, comme à leur habitude. Je tentais de trouver les réponses au tas de questions se posant dans ma tête, néanmoins, j'en étais incapable. Mon cerveau semblait incapable de se concentrer sur une seule et unique chose, cet effort lui demandant trop d'énergie qu'il était incapable de trouver.

Je fermais les yeux, et à mon plus grand étonnement, je trouvais le sommeil quasi instantanément.

Mon regard alternait entre le papier posé sur mon bureau et le stylo à ses côtés. Ce concours était il réellement important pour moi ? Telle était la question.

Je n'aurais jamais l'autorisation requise, une chose était sure, mais ce que je savais, c'est que ce concours pouvait m'ouvrir un tas de portes, m'aider à devenir quelqu'un d'autre, et il allait aussi me permettre d'oublier le temps d'un court instant ces foutus problèmes qui rythmaient mon quotidien.

Je ne m'imaginais pas la déception du professeur en lui disant que mes parents n'acceptaient pas ce concours. Je savais qu'il serait déterminé à les appeler, à leur parler du concours et de tout ce que ça pourrait m'apporter, et c'était bien la dernière chose qui devait arriver, croyez moi.

Attrapant le stylo, je gribouillais deux signatures aux endroits indiqués, avant de remettre la feuille dans mon sac et dévaler les escaliers. Je fermais la porte, marchant d'un pas rapide en direction du lycée. J'allais participer à ce foutu concours, et rien n'y personne ne m'en empêcherait. Du moins, c'était ce que je croyais.

- Vos parents ont accepté ? sourit il en attrapant la feuille, vérifiant les signatures, c'est génial, on va pouvoir se mettre au travail.

Je hochais la tête, mordillant nerveusement mon ongle en espérant qu'il ne se rendrait pas compte du mensonge. Son sourire m'indiqua qu'il ne se doutait de rien.

- On commencera par deux heures à la bibliothèque ce soir, ça vous convient ?

- C'est très bien, affirmai-je en croisant mes bras.

- Super, je vous dévoilerais en quoi consiste l'épreuve.

Je souriais avant de quitter la salle, me rendant à mon prochain cours. Cependant, je fus interpellée dans le couloir, une voix que je connaissais trop bien. Je me retournais, découvrant Zoé et ses copines qui se dirigeaient vers moi d'un pas décidé.

- Tu as réfléchi à ce que je t'ai dit hier soir ? sourit elle faussement, ou je vais devoir lancer cette rumeur ?

Je la regardais, pour la première fois. Je ne baissais pas les yeux, bien au contraire. Le simple fait de l'observer me faisait remarquer le manque de confiance de cette fille, qui le comblait en rabaissant les autres plus bas que terre. Elle ne supportait pas l'échec, la défaite, et elle était capable du pire pour arriver à ses fins. Sauf qu'aujourd'hui, elle n'aurait pas ce qu'elle voulait.

- Fais ce que tu veux Zoé, dis-je simplement en haussant les épaules, tournant aussitôt les talons.

Ma réaction sembla la surprendre, elle qui était habituée à ce que je ne dise pas un mot, à ce que j'acquiesce par peur. Son sourire destructeur s'agrandit, tandis que ses bras virent se croiser, tout son corps surplombant le mien.

- Tu es réellement sure de ça Victoria ? rit elle, veux tu réellement que tout le lycée croie que tu as obtenue ta place en couchant avec le professeur ?

Je m'apprêtai à répondre, mais la voix du principal intéressé m'en empêcha.

- Je serais curieux d'entendre cette histoire, intervint monsieur Bennett, accompagné du proviseur.

Les deux avaient tout entendu, et pour une fois, j'étais en position de force. Zoé changea totalement d'expression, comprenant rapidement qu'elle pouvait cesser d'espérer participer au concours de littérature avec les propos qu'elle avait tenu.

- C'est pas ce que vous..

- Dans mon bureau, la coupa le proviseur, maintenant.

Puis ils partirent, Zoé me lançant son fidèle regard noir dans le but de m'intimider. Mais pour la première fois de ma vie, je ne me sentais plus seule, j'étais presque soutenue, épaulée.

Je tournais mon regard vers mon professeur, qui regardait la blonde s'éloigner avec son supérieur. Son regard se tourna vers moi, avant qu'un léger sourire ne se dessine sur ses lèvres. Nos regards se soutenaient, mais bien trop longtemps à mon gout. Je baissai alors les yeux, reportant toute mon attention sur ma paire de chaussures.

- Ne trainez pas, vous allez être en retard pour votre prochain cours.

Je hochais la tête, m'empressant de disparaitre derrière la masse d'élèves restés agglutinés dans le couloir depuis que Zoé s'était faite prendre sur le vif. J'entendais d'ors et déjà les chuchotements, les premières suppositions sur les faits, ou bien les avis négatifs sur ma personne. Mais à vrai dire, cela ne m'importait plus. Elle méritait ce qui lui arrivait, bien que la peine allait surement s'avérer trop légère pour tout ce qu'elle m'avait fait endurer.

Poussant les portes de la bibliothèque, je m'empressai de passer mon badge avant de grimper deux à deux les marches menant au premier étage. Je scrutai les environs, parcourait du regard la salle immense qui s'était vidée au fil de la soirée. Mes yeux se posèrent sur une table dans le fond, sur laquelle était posée un ordinateur et plusieurs feuilles. Cependant, personne ne s'y trouvait.

- Ah vous êtes là !

Je sursautais en entendant la voix de mon professeur, à présent derrière moi. Je me retournais vers ce dernier, tentant de ne lui pas montrer qu'il m'avait effrayée, en vain. Ce dernier gloussa, s'excusant avant de me faire signe de le suivre.

- J'étais parti imprimer les dernières consignes qui m'ont été envoyées, expliqua t-il, et apparement, tout à changé depuis les années précédentes.

Il m'invita à m'asseoir à ses côtés, ce que je fis. Etalant les papiers devant nous, il pointa du doigts certaines zones que je devais signer, pendant qu'il m'expliquait en quoi consistaient les termes de ces différentes clauses.

- Ils sont très pointilleux sur les autorisations, ajouta t-il en signant à son tour les dits-papiers.

Je mordillais ma lèvre, me rappelant des fausses signatures que j'avais faites à la place de mes parents. Si il savait.

- C'est le moment pour vous annoncer en quoi va consister le concours, sourit il, l'enthousiasme présent dans sa voix.

A vrai dire, j'étais étonnée de constater que j'avais hâte de découvrir l'épreuve. Son enthousiasme était comme contagieux, il avait réussi à me le transmettre moi qui à la base n'était pas réellement réceptive.

- C'est une histoire autobiographique, annonça t-il de but en blanc. Bien sur, des détails pourront être omis ou même enjolivés mais le fil de l'histoire reposera sur votre propre vie.

Tout mon être se figea sur place, l'air comme retiré violemment de mes poumons. Je voulais lui demander de répéter, par réflexe, mais j'avais très bien entendu. Ma réaction ne passa pas inaperçue, en même temps, j'avais un peu agi de manière significative. Personne n'aurait pu passer à côté de ça.

- Vous allez bien? s'inquiéta t-il, le thème ne vous plait pas ?

Dire qu'il ne me plaisait pas était un euphémisme. Je n'étais pas prête à m'ouvrir, pas prête à dire la vérité, l'horrible vérité. Qui voudrait savoir que je vis un calvaire ? Qui voudrait être mis au courant de ce que j'endure ? Personne n'avait à le savoir, c'était mieux pour eux comme pour moi. Je ne pouvais pas me livrer aussi ouvertement au point d'en écrire une histoire.

- Je..Je ne me sens pas très bien, avouai-je d'une faible voix en me relevant subitement, je reviens.

Je ne perdis pas une seconde pour me lever et m'enfuir vers les toilettes les plus proches, sous le regard inquiet et préoccupé de mon professeur qui semblait pris de court. Je m'enfermais dans ces dernières, me laissant glisser contre le mur.

Zoé aurait du prendre ma place, elle aurait pu raconter sa vie rose et parfaite pour faire sourire le jury. Je ne pouvais pas écrire sur mon histoire, j'en étais totalement incapable. Je ne voulais ni effrayer, ni attirer la pitié de quiconque prendrait connaissance de cette histoire, en particulier mon professeur.

Il n'était pas trop tard pour abandonner, je pouvais encore faire marche arrière. Mais une partie de moi refusait de laisser tout tomber maintenant. Cette participation à ce concours était une de mes premières et uniques victoires dans ma vie. J'y avais accédé, sans réellement savoir comment, mais je l'avais fait. Etait-ce raisonnable d'abandonner maintenant ?

Soudainement, quelqu'un toqua à la porte, m'arrachant brusquement de mes pensées. Je ne fus pas surprise d'entendre la voix de mon professeur derrière la porte.

- Victoria vous allez bien ? demanda t-il d'un ton hésitant, je ne vais pas rentrer parce que c'est les toilettes des femmes et que je suis quelqu'un de très respectueux mais j'aimerais m'assurer que tout va bien.

J'avais envie de rire, légèrement. Ce professeur était différent des autres, ça se ressentait dans son comportement et ses échanges avec les élèves. Les autres professeurs n'avaient jamais porté de réelle attention à moi, quand ils me voyaient me tasser au fond de la classe, qu'ils entendaient les rires et les moqueries. Ils jouaient les sourds, comme la plupart des gens. J'essayais de me dire que monsieur Bennett était différent, mais une partie de moi me rappelait qu'il s'intéressait à mon état pour son concours, et parce que j'étais seule avec lui. Dans une classe remplie de trente autres élèves, je n'en étais qu'une parmi tant d'autres.

Je me relevais, jetant un rapide coup d'oeil au miroir à mes côtés pour vérifier mon apparence. Je n'avais pas l'air d'avoir pleuré ou quoi que ce soit, ça allait passer. Je passais de l'eau sur mon visage, prenant une grande inspiration avant d'ouvrir la porte, me retrouvant nez à nez avec mon professeur.

- Je.. Je vais mieux.

Il me regarda quelques secondes, tentant de percevoir le mensonge dans ma voix, puis il hocha la tête, m'invitant à retourner à la table.

J'allais trouver une alternative à tout ça, mais je n'allais pas abandonner, du moins pas tout de suite.


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