❝ It's hard to fail, but it's worse never to have tried to succeed ❞ - T. Roosevelt

♪ To build a home - The Cinematic Orchestra ♪

Regardant une dernière fois mon reflet dans le miroir des toilettes, je quittai ces dernières pour me rendre en salle de littérature. Le test avait commencé il y a cela dix minutes, et j'étais clairement en retard. Je m'étais enfermée dans ces toilettes, me répétant à maintes reprises que j'en étais capable, que j'allais le faire, et que même si ça n'aboutissait pas, j'aurais au moins tenue ma promesse.

Marchant rapidement vers la salle, je ne fus pas surprise de voir au loin certaines des copines de Zoé attendre devant la salle, comme si elles étaient incapables de faire quelque chose sans elle. Inspirant, je me lançais en direction de la porte, toquant avant d'entrer.

J'ignorais totalement le rire des filles surement du à ma présence ici, et entrai. Je fus accueillie par quatre paires d'yeux, me fixant tous avec un air surpris. Cependant, les miens ne se concentrèrent seulement sur ceux de mon professeur, qui esquissait un léger sourire.

- Excusez moi du retard, murmurai-je.

- Je suis content que vous soyez venue, répondit-il, je n'y croyais plus.

Je souriais timidement, prenant le temps de regarder qui se trouvait dans la salle. Je n'étais pas surprise de voir Zoé, ses yeux me lançant des éclairs tandis que son sourire faux destiné à cacher la vérité au professeur avait pris place sur ses lèvres. Il y avait une autre fille, tout aussi discrète que moi mais pas aussi détestée, ainsi qu'un garçon de l'équipe de football, surement ici parce que son père, un professeur du lycée, l'y avait obligé.

- Venez vous asseoir avec nous, il reste votre passage et celui de votre camarade, annonça t-il en montrant Zoé.

Je pris place à côté d'eux, attendant les instructions concernant l'exercice.

- Ça va être un peu délicat, j'ai laissé du temps à vos camarades pour préparer leur présentation, mais je crains que je ne puisse vous en laisser.

- Leurs.. leurs présentations ?

- Oui, l'exercice du jour est une présentation orale, expliqua t-il, afin de voir votre niveau d'expression général et votre capacité à sélectionner des détails pertinents.

Je le regardais, commençant à regretter ma présence. Je haissais parler devant tout le monde, encore plus lorsque Zoé faisait partie de l'audience.

- Je peux lui expliquer le concept monsieur ? sourit Zoé en se tournant vers moi.

Ce dernier hocha la tête, prêtant attention à ses notes.

- Le but, Victoria, est de parler d'un souvenir qui nous rend heureux, quelque chose de positif qui est arrivé dans notre vie. Tu dois avoir plein de chose à raconter toi !

Son sourire faux s'agrandissait au fil des secondes, et j'avais bien compris qu'elle insinuait avec ironie et sans humour que je n'avais pas du connaitre beaucoup de moments heureux dans ma vie. Elle n'avait pas réellement tord, d'un côté.

- Exactement, compléta le professeur, c'est un exercice en apparence facile mais qui fait appel à vos émotions, votre mémoire, et surtout votre sensibilité. C'est quelque chose que j'aimerais vraiment évaluer chez vous.

Ce fut à mon tour de hocher la tête, me tassant dans mon siège.

- Zoé, allez y, je suis attendu dans dix minutes.

Zoé s'exécuta, se levant pour se placer devant le tableau, ses hanches accentuant leur mouvement pour attirer le regard de monsieur Bennett, en vain. Ce dernier releva les yeux, lui faisant signe de se lancer.

Je regardais le sol, écoutant d'un air distrait l'histoire de Zoé racontant l'achat de sa première voiture. Elle faisait part de détails futiles et insignifiants, bien trop inutiles pour avoir leur importance dans son récit. C'était drôle que même moi, une fille sans réelles capacités, réussissait à comprendre ce qui était bon ou non. Je cherchais ma muse, celle qui allait faire l'objet de ma présentation. Et je l'avais trouvée, comme quoi, je ne mentais pas en disant que Sasha était le soleil autour duquel je gravitais.

Parler de ma soeur allait être plutôt simple, je la connaissais mieux que je ne me connaissais moi même. Mais la difficulté serait de ne pas m'effondrer en pensant à tout ce qui avait accompagné ce peu de moments de bonheur.

- Victoria ? C'est à vous.

Je sortis de ma transe, réalisant que j'avais du m'éloigner quelques minutes étant donné que Zoé avait déjà terminé son récit. Je me levais, la croisant tandis qu'elle revenait.

- j'espère que tu vas rater, murmura t-elle avec son faux sourire.

Je me retournais vers eux, essuyant mes mains moites sur mon jean. Les regards étaient braqués sur moi, et j'étais bien incapable de les soutenir. Alors je regardais un point, à côté, imaginant que Sasha était là.

- J'ai décidé de parler  de ma petite soeur, Sasha. Elle est née il y a onze ans maintenant, un dimanche, pluvieux. Je n'avais que sept ans, et je m'en souviens comme si c'était hier. Je revois ma mère, sur ce lit d'hôpital, tenant ce bébé si minuscule dans ses bras. Le sourire de ma mère était... il était resplendissant. Je fermais les yeux, tentant de revivre la scène. Ma soeur pleurait, une infirmière m'avait rassurée, en m'expliquant que c'était normal, et que la plupart des bébés pleuraient à la naissance mais.. mais malgré ça, j'étais triste, parce que j'avais l'impression qu'elle l'était elle aussi. Et c'est à partir de ce jour que j'ai compris qu'elle n'était pas seulement ma soeur, elle était plus que ça, depuis qu'elle avait été mise au monde. Sasha, au fil des années, est devenue ma meilleure amie, ma confidente, ma meilleure alliée. Du haut de ses onze ans, elle est différente. Elle n'est pas comme toutes ces enfants, elle est réfléchie, mature, et surtout, elle est authentique. Je sais que le thème était un moment heureux de notre vie, mais.. mais chaque moment que je passe avec elle me rend heureuse, et ça, c'est quelque chose que je n'échangerai pour rien au monde.

Je m'arrêtai, marquant la fin de mon récit. Mon professeur hocha la tête, applaudissant suivi des deux autres personnes et de Zoé, à contre coeur.

- J'ai une question Victoria, sourit elle machiavéliquement, tu as parlé de ta mère et de ta soeur, mais où était ton père le jour de la naissance de Sasha ?

Je fermais les poings, mordant ma lèvre pour ne pas céder aux larmes. Ce n'était un secret pour personne que mon père s'était enfuit de chez moi lorsqu'il avait appris que ma mère était enceinte. Concernant le père de Sasha, personne ne savait réellement pour lui, ce qu'il était, mais sa question était dans l'unique but de me piquer.

Les yeux du professeur virent mes gestes, et il ne tarda pas à les analyser, mettant fin à mon calvaire.

- C'était très bien Victoria, vous pouvez revenir avec nous. Je vais tous vous débriefer ce que j'en pense.

Je repris ma place au bord de la table, je fus surprise lorsque l'autre fille se tourna vers moi, me félicitant pour ce que j'avais raconté. A vrai dire, je n'avais rien dit d'exceptionnel, mais une partie de moi ne pouvait s'empêcher d'éprouver de la fierté : j'avais combattu une de mes peurs.

Le professeur débriefa avec chacun des élèves, dans l'ordre de passage. Ces derniers écoutèrent les recommandations de monsieur Bennett avant de récupérer leurs affaires et partir, surement pressés d'aller manger.

- Zoé, quant à vous, votre niveau d'expression est satisfaisant, cependant.. vous devriez focaliser votre récit sur quelque chose de... plus pertinent. Ce n'est pas que c'était inintéressant, mais vous vous êtes perdue dans les détails, ce qui fait qu'on se perdait avec vous.

Cette dernière hocha la tête, récupérant également ses affaires et suivant le même chemin que les autres élèves, me laissant seule avec le professeur.

- Victoria, je..

Il fut interrompu par quelqu'un qui toqua à la porte, avant d'entrer sans en avoir eu la permission. Une jeune femme brune entra dans la salle. A son apparence, elle était trop âgée pour faire partie du lycée, mais elle devait avoir moins de la trentaine. Elle était élégante, une paire d'escarpins vernis en accord avec ses vêtements, et un sourire éclatant.

- Oh désolée, je te dérange ?

Mon professeur releva les yeux, souriant en secouant la tête, retirant ses lunettes pour les poser sur la table.

- Nous avions bientôt terminé, viens t'asseoir deux minutes. Ça ne sera pas long.

- Pas plus, j'avais réservé au restaurant pour trente, il ne vont plus nous accepter.

J'assistais à l'échange, impuissante. Je récupérais mon sac, commençant à me lever.

- Je ne vais pas vous mettre en retard, murmurai-je, vous pourrez me dire ce que vous en avez pensé demain.

- Non Victoria attendez, ce ne sera pas long. Je vous présente ma petite amie, Dana, dit il d'un geste bref, Dana, voici Victoria Sanders, une de mes élèves en lice pour le concours d'écriture.

La prénommée Dana attrapa ma main pour la serrer, tandis qu'elle éclata de rire.

- Sérieux Chace, t'es encore sur ce concours d'écriture ? rit elle, si tu penses le gagner un jour, c'est que tu as de l'espoir !

Mon professeur ne la regarda pas, baissant les yeux et semblant surtout agacé par sa remarque. J'avais l'impression de le comprendre, c'était pesant de ne pas être encouragé par son entourage.

- Bref, Victoria, je n'ai rien à redire sur votre présentation. Si ce n'est qu'au niveau de l'attitude à adopter, il faut essayer de regarder l'audience, afin de capter leur attention et peut être aussi essayer de faire passer vos émotions par le regard, en plus de la voix. Mais ça se travaille, ne vous inquiétez pas. Vous avez réussi ce test, je vous communiquerai la date du prochain.

Je hochais la tête, le remerciant et le saluant, lui ainsi que sa petite amie. Je quittai la salle, me retournant après quelques mètres pour les apercevoir en train de s'embrasser, Dana ayant maintenant pris place sur ses genoux.

C'était étrange de voir quelqu'un qui était confronté à une situation similaire à la mienne, confronté à quelqu'un qui ne le soutenait pas. Néanmoins Chace Bennett avait l'air heureux avec cette femme, ce qui n'était pas mon cas avec ma famille. Mais comme je l'avais expliqué maintes et maintes fois, j'avais Sasha, qui elle me soutenait. A vrai dire j'étais persuadée de ne pas avoir besoin de plus, enfin, c'était ce que je pensais.

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