❦ D i x h u i t ❦
❝ If you tell the truth, you don't have to remember anything.❞ -M. Twain
♪ I see fire - Ed Sheeran ♪
Affalée sur le canapé, je regardais d'un oeil distrait l'émission passant à la télévision. Mon beau-père était dans sa chambre, endormi pour le reste de l'après midi, tandis que ma mère était dans la cuisine, ayant trouvé une certaine motivation pour mettre un peu d'ordre dans la maison.
En effet, en ce lundi, je me trouvais chez moi. Les récents événements et mon comportement avec le professeur m'avaient totalement retournée, j'avais honte de ce que j'avais fait. Tellement honte, que j'avais préféré ne pas aller au lycée, c'était pour dire. J'avais choisi de rester dans cette maison qui ne m'inspirait pas la confiance plutôt que d'affronter le regard rempli de questions de mon professeur. J'étais lâche.
J'avais prétexté être malade, et bizarrement, c'était passé auprès de ma mère. En même temps, elle n'aurait jamais refusé. Ma présence était tout ce qu'elle demandait, c'était un moyen de faire face à ce qui pesait sur nous chaque jour. Néanmoins, ma soit disant maladie m'obligeait à prétendre rester affalée dans le canapé, avec une couverture sous laquelle j'étouffais. Et par conséquent, ma mère se retrouvait obligée de faire les quelques taches ménagères habituellement effectuées par moi au retour des cours. D'un côté, c'était plutôt agréable de ne rien faire, mais de l'autre, c'était ennuyeux à mourir.
L'après midi passait, l'heure tournait et je voyais d'ores et déjà le soleil se coucher à travers les quelques fenêtres du salon. C'était étrange que mon beau-père ne se soit pas réveillé depuis tout à l'heure, mais je n'étais pas fâchée, c'était comme le calme avant la tempête. Baillant, je reportais mon attention à la télévision, bien que je ne l'écoutais pas réellement.
Tellement absorbée par mes pensées, je n'entendis pas le bruit de l'autre côté de la maison, les pas de ma mère quittant la cuisine. Néanmoins, lorsque cette dernière appela mon prénom, je revins à mes esprits à la vitesse de l'éclair.
- Victoria, viens voir c'est pour toi !
Sa voix avait changée, elle semblait différente, presque enthousiaste voire surprise. Intriguée, je retirais la couverture, descendant du canapé pour resserrer mon jogging avant de me rendre dans l'entrée où ma mère se trouvait, semblant discuter avec quelqu'un sur le pas de la porte.
Cette dernière se retourna vers moi en entendant mes pas, ouvrant légèrement la porte pour me laisser découvrir qui se trouvait derrière. Mon corps se bloqua, mes membres comme paralysés uns à uns, le souffle retiré de mes poumons, mon sang figé dans mes veines, et mes yeux prêts à sortir de leurs orbites. Qu'est ce que monsieur Bennett faisait ici ?
Tout un tas de questions se posait dans ma tête, fusant à travers mon esprit. Je restais interdite, à quelques pas, sentant la collision entre ces deux mondes bien différents approcher et provoquer ses ravages.
- Bonjour Victoria, dit simplement mon professeur de littérature, ne déclenchant aucune réaction de ma part.
Ma mère me regardait, un sourcil arqué, ne comprenant pas ma réaction. Mon regard voulait tout dire, et elle comprit très vite que quelque chose d'étrange se tramait, alors elle s'éclipsa dans la cuisine, après s'être excusée auprès du professeur.
Ce fut à mon tour d'agir, j'avançais d'un pas hésitant vers la pote, ma main tremblante ouvrant davantage afin de pouvoir me glisser dehors, à l'abri de l'oreille de ma mère. Je refermais la porte derrière moi, comme si je refermais la porte qui liait mes deux mondes : celui où j'étais plus ou moins heureuse, et celui où j'étais moi, celui où je vivais un enfer.
Monsieur Bennett fit un pas en arrière en me voyant devant lui, sa mine me montrant qu'il avait compris l'erreur qu'il venait de commettre.
- Que.. Que faites vous là ? demandai-je brusquement, mon ton entre la panique et la colère.
Ce dernier resserra la bandoulière de son sac sur son épaule, grattant sa nuque dans un geste nerveux.
- Pour vous dire la vérité, je me suis inquiété, expliqua t-il simplement, votre comportement de vendredi m'avait semblé bizarre mais je ne voulais pas y prêter la moindre attention. Mais en constatant votre absence aujourd'hui, je me suis dit que j'avais peut être fait une erreur l'autre jour, et je voulais m'en excuser, sincèrement.
Je mordillais ma lèvre, perdue dans toutes mes pensées. J'étais touchée, réellement. Malgré ses erreurs permanentes et maladroites, ce professeur était ce qu'il était, quelqu'un de génial. Je comprenais bien que j'étais la seule et unique fautive dans cette histoire, j'étais celle qui ne voulait pas dévoiler la vérité, et donc je lui permettais en quelques sortes de commettre ces erreurs.
- Je.. commençai-je pour me taire immédiatement après. Je me sentais tellement stupide à présent. Il avait pris la peine de se déplacer pour me présenter des excuses qui ne devaient en réalité même pas venir de sa part. Je devais m'excuser, il n'y était pour rien dans cette foutue histoire.
- Je suis désolée d'avoir agi comme ça c'était totalement stupide de ma part.. Vous.. Vous n'y êtes pour rien dans tout ça, sachez le. Vous faites un travail extraordinaire et vous m'aidez du mieux que vous pouvez, comprenez juste que c'est moi le problème, et nullement vous.. Je sais que je ne devrais pas réagir comme ça, mais les circonstances font que je n'ai pas le choix, bien que j'aimerais faire autrement..
Soudainement, je fus coupée par le bruit du tonnerre qui grondait, subitement suivi par d'abondantes gouttes de pluie. Soupirant, je tentais de reprendre avant d'être interrompue par la porte qui s'ouvrit.
- Entrez donc avant d'être détrempés, proposa ma mère en ouvrant plus la porte.
Capitulant, je laissais passer mon professeur, sans réellement comprendre le jeu auquel ma mère jouait. Elle comme moi ne voulions pas montrer cet aspect de notre vie, ce côté bien trop sombre qui ferait fuir toutes les personnes l'ayant aperçu. Monsieur Bennett fuirait il après avoir vu cela, lui aussi ?
- Je ne veux pas vous déranger plus longtemps, murmura mon professeur à l'attention de ma mère, je voulais juste m'assurer que Victoria allait bien.
Je ne pouvais pas m'empêcher de sourire timidement, dire qu'il avait fait tout ce chemin juste pour s'excuser. Je ne pouvais stopper les papillons dans mon ventre, c'était si étrange.
- Vous voulez du café ? proposa ma mère, venez vous asseoir en attendant que la pluie se calme.
Le regard de monsieur Bennett croisa le mien, et je l'autorisais presque silencieusement à accepter. C'était étrange, ce mécanisme, mais il comprenait bien qu'ici, les choses n'étaient pas réellement comme elles paraissaient. Il était suffisamment intelligent pour comprendre que tout cela n'était qu'une façade qui ne tarderait pas à s'effondrer pour laisser place à l'abominable vérité.
Pendant que ma mère et mon professeur s'installaient à table, je me laissais reposer contre le mur, réfléchissant à tout ça. Il était là, entre ces abominables murs où se jouait une pièce abominable chaque soir, dans cette même pièce. Il était comme un halo de lumière au milieu de ce lieu sombre, comme la seule chose qui permettait d'illuminer toute la pièce entière.
Je m'intéressais de plus près à la conversation qu'il entretenait avec ma mère, concernant ses cours et sa matière, un sujet dont il parlait avec passion, comme à son habitude. Le visage de ma mère semblait avoir changé, lui aussi. Elle était comme émerveillée, comme sous le charme de ce professeur. Ce n'était pas la seule, du moins.
Chace se tourna vers moi avant de reporter son attention vers ma mère.
- Votre fille est vraiment talentueuse, déclara t-il, c'est vraiment génial que vous ayez accepté qu'elle participe à ce concours car...
Je vis les sourcils de ma mère se froncer, son regard se portant automatiquement sur moi.
- Attendez, quel concours ?
L'expression de monsieur Bennett changea du tout au tout, réalisant qu'il venait peut être de faire une gaffe. Il sembla chercher ses mots, ne voulant pas empirer la situation, mais je le coupais.
- Un concours d'écriture maman, je.. j'ai rempli les papiers sans ton accord parce qu'il fallait les rendre rapidement et tu n'étais pas là, je suis désolée.
Ma mère sembla comprendre par mes mots que ce soir là, elle n'était pas en état de remplir ces foutus papiers, alors elle reprit son sourire, sincèrement.
- Dites en moi plus sur ce concours, demanda t-elle à Chace, semblant réellement intéressée par ce dernier.
Alors que Chace ouvrit la bouche pour répondre, des pas à l'étage le firent s'arrêter. Quelques secondes plus tard, ces pas se poursuivirent dans l'escalier. Mon coeur s'apprêtait à sortir de ma poitrine, réalisant que mon professeur allait rencontrer l'abominable homme qui me servait de beau père incessamment sous peu. C'était bel et bien la dernière chose que j'aurais espéré aujourd'hui.
Chace se leva immédiatement lorsque mon beau père apparut dans la salle. Ce dernier, son visage déformé par la douleur de son habituelle migraine, ses vêtements sales et répugnants toisait mon professeur. Il se tourna vers ma mère, son ton tranchant comme la lame d'un couteau.
- Qui est ce mec ?
Je fis un pas en avant, pour me placer aux côtés de mon professeur afin de le soutenir d'une certaine manière tandis que je baissais les yeux, appréhendant la suite de la conversation.
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