Tests

Leurs bureaux se trouvent dans un immense terrain arboré ; en forme de grand « U » tout de vitres et d'acier, ils impressionnent. Les portes automatiques s'ouvrent sans bruit et une personne à l'accueil nous salue d'un grand sourire avant de s'adresser à nous :
« Bonjour Jane, bonjour à vous ! Puis-je savoir la raison de votre visite ?
– Salut Matis ! Maon copaine voudrait rejoindre la prochaine mission, et moi avec ; tu pourrais prévenir Nadège ?
– Mais bien sûr ! C'est génial si vous pensez venir à deux !
– Ouiii ! »

Ladite Nadège ne tarde pas et nous mène vers une salle à l'atmosphère apaisante, murs bleus, moquette douce, légère insonorisation. Quelques fauteuils à l'air excessivement confortables y sont répartis. Elle nous donne un paquet de feuilles et un stylo chacune.
« Bon, je vais me répéter pour toi, Jane, mais telle est la procédure ! Alors, avant toute chose, nous allons vous faire passer des tests de personnalité assez complets pour identifier une équipe qui aurait une synergie intéressante et surtout fonctionnelle. Cela signifie peut-être que vous ne pourrez pas partir ensemble mais, pas d'inquiétude, si vous décidez de ne pas le faire, alors nous trouverons d'autres gens. Nous savons que ce genre de mission demande un investissement total et nous préférons que toustes se sentent à l'aise. Vous avez des questions ? »
Nous secouons la tête négativement.

Après une heure de questionnaire, je prétexte une envie pressante pour sortir de la salle. Jane ne fait pas attention à moi et au fait que je n'ai pas pris la porte des toilettes mixtes bien en évidence. À partir de maintenant, il faut avoir l'air sûre de moi. Je profite de ma tenue très typée travail – jupe noire et chemise blanche – pour me déplacer dans les couloirs sans être inquiétée. Évidemment, les directions sont indiquées en acronymes. Mais je suppose que la salle de papiérisation ne doit pas être très loin d'un ascenseur ou du rez-de-chaussée pour éviter de se trimballer des kilos de papier sur de longue distance. Et ça ne manque pas. Je trouve, près d'une des branches du « U » qui donne sur le parking de livraison, un panneau « s. d. pprst° » qui semble plus que prometteur.

Je le suis, la boule au ventre et arrive devant une porte blanche comme n'importe laquelle des autres, mais une petite étiquette indique bien un simple « papiérisation ». Grande inspiration. Vu la longueur du test, j'ai encore du temps devant moi avant qu'on ne me cherche. Mais tout de même. J'entre sans toquer. C'est une salle de commande, avec son PC, des machines pleines de boutons clignotants et une vitre vers une sorte de scanner. Une personne me regarde, interloquée.
« Bonjour, je suis la stagiaire de Nadège. Je viens vous informer qu'on a deux nouvelles candidates pour la prochaine mission. C'est un couple, d'ailleurs.
– Ah, très bien. »
Silence.
« Je suis un peu curieuse du processus de papiérisation, vous pensez que je peux observer ? Je n'ai quasi pas de boulot, Nadège est si efficace, haha !
– Ah ça, on l'adore notre Nadège ! Mais bien sûr, ce n'est pas très long. Par contre, accroche-toi, c'est parfois un peu... dérangeant. »
Je hoche la tête.
« J'ai été briefé•e. Ça devrait aller ! »

Elle appuie sur un bouton et parle dans un micro.
« Vous pouvez venir. »
Son ton est neutre mais rassurant. Quelqu'un, nu, rentre par une porte attenante à la pièce du scanner.
« Placez-vous dans la posture neutre indiquée sur le scanner, les pieds sur la plaque de métal. »
Elle coupe le micro.
« On commence par le haut pour que la personne ne tombe pas en cours de route. On pensait aussi, au départ, que ça limiterait la douleur, mais le processus n'est pas douloureux : c'est comme un fil qui passerait à travers soi ; ça reste pas très agréable mais on s'y fait. »

La personne s'est placée entre temps. Sa poitrine se soulève un peu vite, mais sinon tout semble correct. Son regard est concentré et ferme. « Même pas peur » qu'iel essaie de dire pour s'autoconvaincre. Et iel semble y parvenir : sa respiration s'apaise. Comme fasse l'inéluctable, on arrête de se débattre.
« Parfois, je leur rappelle qu'iels peuvent arrêter à tout moment, quand iels semblent trop stressé•es. Ça devrait aller, là. »
Elle réenclenche le micro.
« O.K., si ça vous va, on va commencer.
– Ça me va.
– Super. »
Elle enclenche un gros bouton vert et le scanner monte lentement en tournant d'abord autour de la personne.

Enfin, une fois arrivée en haut, une lumière en sort, un fin rai comme un laser de l'épaisseur d'une feuille. Rien ne bouge pendant quelques secondes, puis la lumière passe de l'autre côté du corps et s'arrête sur une plaque un peu plus loin, dos à la personne.
« Et voilà, c'est lancé. Je n'ai qu'à m'assurer que la personne ne bouge pas trop, mais normalement, ça a comme un effet hypnotique ou sédatif – encore inexpliqué, pour le coup. »
Je hoche la tête lentement pour ne pas vomir.

Après deux minutes, je peux voir son cerveau et je fonce vers la poubelle, rends mes tripes sous le « eurrrk » dégoûté de l'employée, me redresse, plonge ma main sous ma chemise et en sors mon pistolet.
Elle se fige. Éclate de rire.
« Mais qu'est-ce que tu fiches avec ton jouet ? »
Je ne souris pas. Ou alors avec cruauté. Dans ma main, le plastique vert fluo est frais.
« C'est un pistolet à eau.
– Oh.
– C'est le cas de le dire. Tu bouges, je tire. Dans la tête, directement. Tu as compris ?
– Oui.
– Bien, tu m'expliques tout. »

L'explication du plan de Star Up

Star Up est une entreprise ambitieuse. Se fondant sur des technologies de pointe, notamment la papiérisation, qui consiste à créer un moule du corps des gens en les scannant pour les envoyer dans l'espace sans s'embêter avec des questions de G lors de l'accélération et la décélération, pour ensuite les remouler sur place et commencer l'exploitation de planètes lointaine, elle cache un second plan. Lors de la signature du contrat pour être papiérisé•e, les personnes acceptent de donner leur droit à l'image afin que Star Up puisse légalement déplacer leur moule, qui contient littéralement leur image. S'il n'existe qu'un seul moule remplissable, il reste possible d'en utiliser la structure pour former un papelard, une copie en papier de nanotubes de carbone disposant de son propre ordinateur quantique à l'intérieur pour simuler la psyché de la personne originelle, mais légèrement modifiée pour que son but soit de convaincre de nouvelles personnes de participer au projet, créant ainsi des travailleur•euses gratuit•es pour Star Up, puisque non humain. Il est prévu de proposer cette technologie par fax pour se déplacer instantanément ou presque sur terre et récolter encore plus d'esclaves.

Fin de l'explication du plan de Star Up

Pfchouittt fait mon pistolet à eau quand je vise le visage de l'employée, qui fond lentement, d'abord le nez et la bouche, puis le menton et les yeux ; se décomposant et laissant apparaître l'ordinateur en dessous. J'hésite. C'est une personne, simulée, certes, mais réelle. Je peux toujours douter de l'existence d'autrui mais cela n'a aucune incidence puisque je ne peux le prouver. La détruire, c'est tuer quelqu'un•e. Je ne peux pas. Par contre, je peux arroser le visage de toutes les personnes que je croise pour vérifier s'iels sont des papelards ou non.
Je vérifie mes munitions accrochées à mon torse, petites gourdes remplies d'eau à visser sur mon pistolet à eau, adresse un regard meurtrier à l'employée, et pars en chasse.


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