2. LOGE ÉTRANGE
Le trajet en taxi fut un court interlude, les conduisant à destination en quelques minutes à peine. Alors qu'Owen réglait la course, Tom contempla le ciel qui s'était subitement obscurci. Londres n'était certes pas réputée pour ses conditions météorologiques idylliques, mais une étrange inquiétude s'insinuait dans le cœur de Tom. Il pressentait qu'une tempête d'envergure se profilait à l'horizon.
La façade du théâtre se dressait devant eux, un témoignage silencieux du temps qui avait laissé ses empreintes sur chaque pierre. Les briques qui formaient l'ossature de l'édifice étaient patinées et érodées, témoins d'un passé glorieux qui cherchait à résister à l'épreuve des années. Le crépi, autrefois d'un blanc éclatant, avait cédé la place à des teintes ternies par l'usure, comme les vestiges d'un rêve fané. Les ornements en fonte qui encadraient les fenêtres semblaient délicatement mordorés par le temps, perdant peu à peu de leur splendeur passée. Malgré les signes évidents de décrépitude, il émanait de cette façade une aura de dignité inaltérable, comme si elle refusait obstinément de céder devant l'implacable passage du temps. Elle attendait, telle une sentinelle loyale, que des mains habiles et aimantes viennent lui insuffler une nouvelle vie, prêtes à révéler la splendeur cachée derrière les stigmates de l'âge.
Owen contempla cette façade avec une détermination farouche, ses yeux brillants d'une lueur d'inspiration. Il était prêt à relever le défi, à insuffler une nouvelle énergie à ce joyau qui avait traversé les époques. C'était là, dans ces détails délabrés, que résidait le potentiel inestimable de ce théâtre, attendant patiemment d'être révélé au monde.
— Je sais qu'à première vue, ça ne paye pas de mine, mais j'ai bien l'intention de refaire toute la façade et d'installer un écran géant pour mettre en lumière les artistes, déclara-t-il, vibrant d'excitation en rejoignant Tom. Mais le véritable bijou se trouve à l'intérieur.
Il extirpa les clefs du bâtiment de sa poche, une lueur d'anticipation brillant dans ses yeux. D'un geste empreint de fierté, il ouvrit les portes, révélant ainsi l'entrée de ce qui allait devenir un lieu emblématique. Tom le suivit, son visage arborant un sourire teinté d'amusement. Il se souvenait bien de cette passion débordante qui animait toujours son ami, capable de remonter le moral de quiconque, même dans les moments les plus sombres.
Le hall d'entrée s'étalait devant eux, plongé dans une semi-obscurité qui semblait avoir élu domicile depuis des années. La moquette, autrefois éclatante de rouge, était désormais engloutie sous une couche de poussière grise, témoignant du passage inexorable du temps. Le carrelage au sol portait les stigmates des années écoulées, marqué par les empreintes du vent et des éléments. Un sifflement mélancolique résonnait dans les recoins abandonnés, comme une complainte venue d'un autre temps.
Au premier coup d'œil, le théâtre semblait avoir perdu toute sa splendeur, une ombre défraîchie de ce qu'il avait été. Tom retint toute critique, laissant Owen le guider à travers les dédales du bâtiment, dévoilant non pas le théâtre actuel, mais celui qu'il rêvait de créer. Il écarta rapidement toute appréhension, préférant percevoir à travers les yeux brillants de son ami le potentiel colossal que renfermait cet édifice.
— Le carrelage sera remplacé par du marbre, et un nouveau tapis rouge viendra accueillir les visiteurs. Le plafond étincellera de lustres en diamants. Là-bas, les guichets s'ouvriront, le personnel portera des uniformes en harmonie avec l'entrée.
Les yeux azur de Tom arpentèrent les couloirs, la poussière semblant s'évaporer sous son regard, révélant une lueur chaleureuse et tous les détails que son ami imaginait. Il se laissa emporter par cette vision, rêvant déjà des pas qu'il ferait sur ces sols pour monter sur scène.
— C'est magnifique, Owen. J'ai hâte de voir ce que tu vas faire de cette vieille bâtisse.
— Et tu n'as encore rien vu. Viens sur scène.
Silencieusement, Tom suivit Owen jusqu'à la scène. Cependant, l'obscurité était si épaisse qu'il ne distinguait rien. Owen s'excusa et s'éclipsa en coulisse pour tenter de faire fonctionner les lumières. Tom tenta d'observer les contours vagues qui l'entouraient, mais soudain, une étrange sensation parcourut sa nuque. Il avait l'impression d'être épié, scruté par des yeux invisibles qui semblaient l'observer depuis les recoins les plus obscurs du théâtre. Une onde de frissons parcourut son échine, laissant planer une inquiétante énigme dans l'air.
— Owen ? appela-t-il, sa voix résonnant.
Alors qu'Owen avait pris la direction du côté cour, quelque chose attira l'attention de Tom du côté jardin. Sans trop savoir pourquoi, il se laissa guider par cette inexplicable impulsion. Traversant les coulisses avec précaution pour éviter tout faux pas dans l'obscurité totale, il avança, une étrange nervosité le tenant en alerte. Il se sentait poussé par une force invisible, une intuition qu'il ne pouvait ignorer.
Au bout de quelques minutes, il se retrouva devant une loge. La porte grinça sinistrement lorsqu'il la poussa. L'intérieur était aussi poussiéreux que le reste du théâtre, le miroir presque opaque sous l'épaisse couche de saleté accumulée au fil des ans. Rien ne semblait particulier, à l'exception d'une petite boîte posée au centre de la table. Le fermoir, orné d'une pierre noire, semblait rayonner dans la faible lumière. Tom sentit une étrange attraction envers cet objet. Comme hypnotisé, il prit la boîte entre ses mains et, après l'avoir examinée, décida de l'ouvrir.
Un vent violent s'engouffra dans la loge, claquant la porte avec force. Tom sursauta, laissant échapper la boîte qui tomba lourdement au sol, son cœur battant la chamade dans sa poitrine.
— Owen, c'est toi ? demanda Tom d'une voix nerveuse, mais il n'obtint aucune réponse. Le silence qui lui répondit était oppressant, seulement brisé par le souffle erratique du vent qui s'engouffrait dans les recoins sombres de la loge.
Une inquiétude grandissante s'empara de lui.
Plongé dans l'obscurité épaisse, Tom peina à discerner où la boîte avait chuté. Une brise légère caressa son cou, faisant naître sur sa peau une sensation glaçante. Il aurait souhaité se retourner pour identifier l'origine de ce souffle éthéré, mais il se trouva instantanément figé, une paralysie soudaine l'empêchant de faire le moindre mouvement. Ses yeux, écarquillés d'effroi, se fixèrent sur le miroir, et son cœur sembla suspendre sa pulsation lorsqu'il y distingua la silhouette sombre qui se dressait derrière lui. Une onde de terreur glaciale le traversa, et la panique s'empara de lui, engourdissant chaque parcelle de son être. Incapable de bouger, de parler, il était prisonnier de sa propre frayeur. La présence qui se dressait dans son dos semblait émaner d'une aura maléfique, engourdissant l'air de son influence dérangeante. Tom espérait fermement que tout cela ne soit qu'un cauchemar éveillé.
Soudain, la porte de la loge s'ouvrit avec fracas, brisant l'étau qui enserrait Tom dans sa terreur paralysante. Une main se glissa fermement dans la sienne, l'arrachant au piège du silence oppressant. Il eut à peine le temps de discerner le visage d'une jeune femme, d'une beauté saisissante, avant qu'elle ne lui ordonne avec une urgence fébrile de courir.
Soudainement capable de bouger, Tom prit ses jambes à son cou, s'éloignant précipitamment de la loge maudite pour se diriger vers la scène qui, à présent, était parfaitement éclairée. Ses pas résonnaient dans l'espace, une symphonie irréelle au milieu du silence troublant du théâtre.
À bout de souffle, Tom tenta de calmer son rythme cardiaque frénétique. Il se retourna, cherchant la jeune femme qui l'avait arraché aux griffes de l'horreur, prêt à la remercier ou à lui demander des explications sur ce qu'il venait de vivre. Cependant, son regard ne rencontra que le vide, elle avait disparu, comme une ombre s'évanouissant au matin.
— Tom ? Tout va bien ? interrogea Owen, s'approchant de son ami.
— Ça va ? demanda Owen d'un ton préoccupé. Tu as l'air d'avoir vu un fantôme.
— C'était toi ? Murmura Tom, troublé.
— Moi quoi ? s'enquit Owen, visiblement perplexe.
— C'était une blague ? La porte qui s'est fermée et le souffle froid dans ma nuque !
Owen fronça les sourcils, un air d'incompréhension sur le visage. Il secoua lentement la tête.
— Je ne vois pas du tout de quoi tu parles.
Tom n'en fut pas rassuré pour autant. Si Owen n'était pas responsable de ces étranges événements, alors qui l'était ? Et où avait bien pu disparaître la mystérieuse jeune femme qui semblait détenir les clés de ces mystères obscurs ? L'inquiétude grandissait, tout comme le sentiment que quelque chose de bien plus sinistre se cachait dans les recoins de ce théâtre oublié.
— Tu sais, Tom, le bâtiment est vieux, il y a des courants d'air, tenta Owen de le rassurer.
— Tu as raison, acquiesça Tom, cherchant à se convaincre lui-même.
Cependant, malgré ses efforts, Tom savait au fond de lui que le vent n'avait rien à voir avec ce qu'il venait de vivre. Il avait assisté à quelque chose d'inexplicable, de terrifiant. Pâle comme un linge, il exprima sa gratitude envers Owen et s'éclipsa au plus vite. Le visage de la jeune femme continuait de le hanter lorsqu'il franchit la porte de chez lui, la verrouillant soigneusement, comme pour éloigner toute menace qui pourrait se cacher dans l'obscurité.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top