Révélations

Penché sur la coupure de presse, Hugo retint ses mains de trembler. Il ne savait pas exactement ce qu'il ressentait. Horreur face aux révélations ? Tristesse pour Scorpius, et culpabilité, encore et toujours ? Colère à l'égard d'Albus, qui instrumentalisait la mort d'Astoria Malefoy... Et surtout, angoisse. Angoisse, parce que ce qui était dévoilé dans cet article était un véritable coup de tonnerre dans la classe politique, un bouleversement, un raz-de-marée, et rien ne semblait plus pouvoir stopper Albus désormais...

L'édition du Nouveau Sorcier était sortie depuis à peine trois heures, et déjà, tout le monde ne parlait plus que de ça. Scorpius Malefoy. Depuis combien de temps n'avait-on pas vu un Malefoy faire la première page des journaux ? Mais cette fois, Scorpius Malefoy était une victime. Le Nouveau Sorcier avait clairement choisi son camp, et c'était en des mots très simples qu'il exposait la vérité au monde :

« SCANDALE A SAINTE-MANGOUSTE

Il y a vingt-deux ans, Astoria Malefoy, née Greengrass, se présentait à la clinique Sainte-Mangouste avec de sévères blessures. Le témoignage de son époux et de son fils est éloquent : la jeune femme de vingt-cinq ans a été sauvagement battue et violée, avant d'être laissée pour morte par ses deux assaillants, non identifiés à ce jour. A l'époque, le Dr. Phinéas Kaldwin, médecin de garde à l'arrivée d'Astoria, refuse de prendre la jeune femme en charge, et celle-ci meurt plusieurs heures plus tard, dans les bras de son époux, au terme d'une lente hémorragie interne. L'enquête sur le meurtre est close au bout de cinq jours, et Astoria laisse derrière elle un petit garçon de cinq ans.

Interrogé sur les faits, le Dr. Kaldwin a déclaré : « Vous n'imaginez quand même pas que j'allais perdre mon temps à m'occuper d'Astoria Malefoy ? Croyez-moi, ceux qui prétendent que toutes les vies ont la même valeur ont tort. Si vous tenez absolument à recueillir mon avis, Astoria Malefoy a eu ce qu'elle méritait. Ces gens-là sont comme des cafards : ils prolifèrent, et quand vous croyez les avoir tous exterminés, il y en a toujours un pour refaire surface et vous prendre en traître ! »

Il serait déplacé pour ce journal de prendre position quant aux propos du Dr. Kaldwin. Notre devoir est simplement de dévoiler la vérité et d'espérer que nos lecteurs sauront en apprécier les conséquences. La suite en pages 4, 5 et 6. »

Hugo expira à fond, lentement. Son cœur semblait lui marteler cette vérité lancinante : « Albus a gagné ». Albus a gagné, il ne pouvait plus rien faire contre ça... Déjà, le murmure d'un rassemblement grondait dans l'atrium du Ministère de la Magie. Une petite foule s'était rassemblée devant l'Hôpital Sainte-Mangouste pour réclamer l'arrestation du Dr. Kaldwin. Hugo avait vu son oncle, Harry Potter en personne, transplaner avec ses Aurors pour tenter de rétablir le calme...

La colère couvait, elle couvait depuis longtemps, mais cette fois, elle semblait s'être trouvée un visage et un corps... Qui aurait cru que Scorpius Malefoy se poserait un jour en figure de tout un mouvement ? En martyr, presque... Comment contrer une telle attaque à présent ? Quiconque irait à l'encontre de ces allégations passerait pour un monstre...

Hébété, Hugo avait la sensation d'évoluer dans un état second. Il était forcé de l'admettre : comme toujours avec Albus, il n'avait pas vu le coup venir... Il se fit la réflexion tout à coup que l'ultimatum de Scorpius était arrivé à son terme, et pourtant, il n'avait aucune trace de la tentative de viol d'Hugo dans le Nouveau Sorcier... Aucune révélation publique... Albus et Scorpius étaient sans doute trop occupés à célébrer leur triomphe, à célébrer la tempête qu'ils venaient de provoquer...

Hugo serra et desserra les poings. Il fallait qu'il réfléchisse. Il fallait qu'il garde la tête froide. L'angoisse de ces révélations – sur lui-même et sur Astoria – ne devait pas entraver ses actions. S'il se laissait paralyser, Albus aurait obtenu exactement ce qu'il voulait...

Albus... L'espace d'une seconde, l'image de son cousin envahit le cerveau d'Hugo, et il se sentit pris d'une haine si intense qu'elle le consuma là, brûlante, insoutenable, l'émotion la plus forte qu'il ait ressentie depuis ses dix années d'expiation... Si cela n'avait tenu qu'à lui, il aurait été trouver Albus sur le champ et il l'aurait éliminé de sa main. Quitte à aller à Azkaban, autant que ce soit pour une bonne raison. Mais d'un autre côté, passer sa vie à payer pour le meurtre d'Albus lui déplaisait profondément...

Hugo secoua la tête. Il n'avait d'autre choix qu'attendre, attendre de voir comment les évènements de cette journée allaient se dénouer, pour réagir en conséquence...

Les nouvelles lui parvinrent au compte-goutte. La Gazette du Sorcier lançait des éditions spéciales toutes les demi-heures, pour tenter de suivre l'évolution des rassemblements qui s'étaient mis en marche à présent à travers tout Londres... Jamais les sorciers n'avaient été aussi peu discrets dans la capitale. Jamais Albus Potter n'avait été aussi proche de ses rêves de sorciers dévoilés au grand-jour : des rêves si proches de ceux de Grindelwald...

Pendant ce temps, le Nouveau Sorcier, lui aussi, multipliait les annonces. Il y avait tant de hiboux livreurs de journaux dans le ciel que les Moldus s'arrêtaient nets sur les trottoirs et restaient là à les regarder, en s'interrogeant. Hugo lisait toutes les dépêches, et il découvrait, horrifié, des articles sur tous les mauvais traitements infligés à la famille Malefoy, à Drago et à Scorpius, depuis les vingt dernières années...

« Drago Malefoy s'est vu privé de ses droits fondamentaux de sorcier pour avoir été marqué de force par Lord Voldemort à l'âge de seize ans ».

« Drago Malefoy s'est vu retiré sa baguette, son épouse et sa dignité alors que sans lui, l'Elu du monde sorcier n'aurait plus été là pour nous sauver ».

« Scorpius Malefoy a été victime d'humiliations et de brimades dès son entrée à Poudlard, parce qu'il était né Malefoy. »

« Naître Malefoy aujourd'hui, c'est naître Sang-de-Bourbe sous Voldemort : affrontons la vérité en face. Les victimes sont devenues les bourreaux ».

Au fil de la journée, les articles se faisaient de plus en plus politisés. Hugo pouvait presque imaginer Albus, telle une araignée terrée quelque part dans la ville, exaltant devant tous ces squelettes exhumés de sa toile... Dans la foule rassemblée devant Sainte-Mangouste et au Ministère, des panneaux « A Bas Shacklebolt », « Appel au vote » et « Potter Premier Ministre » fleurissaient de toutes parts. A 17h, il fut annoncé qu'Albus viendrait s'exprimer dans la soirée, sur le parvis de l'hôpital.

Seul dans son bureau, Hugo se prit la tête à deux mains. La ville était sur le point de basculer et il le savait. Si elle cédait, le reste du pays lui emboiterait le pas sans poser de questions. Jamais la tentation de commettre un attentat suicide n'avait été aussi grande... Mais Hugo n'était plus ce genre d'hommes. Il avait renoncé à la violence depuis longtemps. Aussi, l'esprit vide, l'estomac lourd, il entreprit la lente montée des marches qui menaient au bureau de Kingsley Shacklebolt. Il ne lui restait plus qu'une seule chose à faire, il le savait. Un ultime ressort à tenter... Albus se croyait retors, mais lui aussi pouvait le prendre à son propre piège.

Frappant à la porte du Premier Ministre, Hugo prit une profonde inspiration.

XXX

Vingt heures étaient passées sur le parvis de l'hôpital Sainte-Mangouste. Hugo venait tout juste de transplaner auprès de son oncle, qui assurait une relative sécurité. Dans la foule, certains aperçurent sa chevelure flamboyante, et des sifflets saluèrent son arrivée. Hugo les ignora. Nerveux, il chercha Albus et Scorpius du regard, mais ne les trouva pas. Sans doute les stars se faisaient-elles attendre. Tant mieux. Pointant sa baguette sur sa gorge, Hugo amplifia sa voix et se dirigea vers le podium qu'on avait magiquement fait apparaitre pour lui. Où qu'ils se trouvent, il savait désormais qu'Albus et Scorpius pouvaient l'entendre...

- Mes chers concitoyens, commença-t-il, et il fut satisfait de sentir sa voix ferme, claire, sans peur. Je m'adresse aujourd'hui à vous en tant que porte-parole du Ministre de la Magie, monsieur Kingsley Shacklebolt.

Des huées saluèrent ce nom. Une nouvelle fois, Hugo les ignora :

- Depuis plusieurs mois maintenant, reprit-il en croisant le regard de son auditoire, notre capitale et notre pays tout entier sont secoués par des troubles, en proie aux doutes. Ces doutes sont exprimés en la personne d'Albus Potter.

Cette fois, des acclamations, des applaudissements, des cris de joie s'élevèrent. Hugo était certain qu'Albus n'en perdait pas une miette. Mais il ne renonça pas à se faire entendre :

- Beaucoup d'entre vous ici savent que je suis un opposant de monsieur Potter.

La foule voulut réagir à nouveau, mais il leva la main, se découvrant une autorité qu'il ne se connaissait pas :

- Permettez-moi s'il vous plait de revenir sur ce qui nous sépare, monsieur Potter et moi. Albus Potter prône l'égalité entre les sorciers et les autres races dotées de magie : les centaures, les gobelins, les elfes de maison. Albus Potter dénonce les inégalités qui frappent encore et toujours notre société, et qui font qu'aujourd'hui, un Potter ou un Weasley ont dix fois plus de chance d'entreprendre une carrière politique que n'importe lequel d'entre vous.

Le silence se fit d'un seul coup, soudainement. Enfin, Hugo sentit qu'il avait capté leur attention :

- Albus Potter dénonce ce système de passe-droits, cette discrimination latente, jamais exprimée clairement, jamais écrite dans les textes, et pourtant appliquée au jour le jour, avec davantage de rigueur que nos lois. Albus Potter veut démanteler le Ministère et en finir avec la corruption qui le gangrène. Il réclame un système plus démocratique, impliquant la diversité politique, la limitation des mandats, et un appel au vote, pour désigner notre dirigeant. Albus Potter dénonce l'injustice qui a pris place dans notre pays. Nous avons tous pu nous en rendre compte ce soir : cette injustice prend forme en la personne de Scorpius Malefoy, mais ce n'est malheureusement qu'un cas parmi des milliers.

Hugo s'interrompit. Il prit une profonde inspiration et sentit sa gorge sèche, éprouvée par ses mots :

- Alors, qu'ai-je à répondre à monsieur Potter ? reprit-il, presque dans un murmure. Eh bien, que je suis parfaitement d'accord avec lui.

Des éclats d'incompréhension parcoururent à nouveau la foule. Mais dès qu'Hugo fit mine de s'expliquer, ils se turent aussitôt :

- Ceux qui écoutent mes discours depuis longtemps le savent : je ne me suis jamais opposé aux idées fondamentales de monsieur Potter. En fait, ces idées, je les défends. Je suis un homme de justice : personne dans cette assemblée ne peut me le dénier. J'assiste en silence à la corruption de mon gouvernement depuis des années et pourtant, j'en fais toujours partie, j'en suis le dernier défenseur, et je vous dis aujourd'hui pourquoi. Je ne réprouve pas les idées de monsieur Potter : je réprouve ses méthodes.

Hugo s'accorda une pause, et un léger sourire :

- Je sais, beaucoup d'entre vous se moquent de mon appréhension à l'égard de monsieur Potter. Mes mises en garde à l'encontre de son tempérament mégalomaniaque sont célèbres et nombreuses. Je ne souhaite pas revenir dessus aujourd'hui, pas plus que sur les nombreuses morts que ses appels à la haine ont déjà causées. Non, si je suis venu ici, c'est parce que je pense avoir trouvé une solution capable de nous satisfaire, nous tous, ici présents.

Hugo déroula alors un long parchemin qu'il présenta devant lui :

- J'ai ici un décret signé par le Premier Ministre Kingsley Shacklebolt en personne. Ce décret proclame la mise aux voies d'un scrutin pour élire un nouveau représentant d'ici le mois prochain. Il abolit les lois discriminatoires à l'égard des familles de criminels et d'anciens Mangemorts. Il établit l'égalité entre tous les peuples magiques, ce qui inclut le droit de posséder une baguette. Il réclame enfin la mise en examen de monsieur Phinéas Kaldwin, et la réouverture de l'enquête sur la mort d'Astoria Malefoy.

L'ensemble de la foule retint son souffle, tout simplement stupéfaite. Personne ne s'attendait à ça. Hugo savoura son effet, le cœur battant. Arracher cette reddition à Shacklebolt n'avait pas été chose aisée, même si le vieil homme avait renoncé à ses fonctions depuis longtemps. Mais à présent venait le moment de vérité :

- En contrepartie, énonça Hugo lentement, Albus Potter s'engagera à ne pas soumettre sa candidature aux voies lors des élections qui seront organisées le mois prochain.

La nouvelle tomba comme un coup de fouet. Face aux voix qui s'élevaient, Hugo enchaina :

- Ainsi, clama-t-il, ainsi, monsieur Potter aura l'occasion d'offrir au peuple sorcier tout ce qu'il désire aujourd'hui : justice, vérité, égalité. Et il pourra prouver au monde entier que j'avais tort une bonne fois pour toutes, et qu'il n'est pas le loup assoiffé de pouvoir que je l'ai toujours accusé d'être.

Hugo sourit, pour lui-même et pour la photo qu'Albus ne manquerait pas de contempler dans la Gazette :

- Faites votre choix, monsieur Potter. Votre ambition, ou vos idéaux. Le pouvoir, ou le peuple. Si vous êtes vraiment le défenseur altruiste que vous prétendez être, le sacrifice ne devrait pas être trop difficile.

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