Répartition
Dix-sept ans plus tôt...
Albus Severus Potter se souviendrait toute sa vie de la cérémonie de sa répartition à Poudlard. Pas à cause du Choipeaux, pas à cause du choix de sa maison qui l'excitait et le terrorisait à la fois, pas à cause de la foule des élèves ou du regard bienveillant de McGonagall... Mais parce que ce jour-là, sa vision du monde changea. Ce jour-là, il avait quitté le cocon familial pour la première fois, et il se trouvait confronté à la vraie vie, au monde véritable. Ce jour-là, il fut témoin de sa première, profonde, et réelle injustice. Lorsque Scorpius Malefoy fut appelé devant tous ses camarades.
Albus se souviendrait toujours de ce moment : le silence qui s'abattit sur la Grande Salle, tout à coup. Le bruit des pas de Scorpius qui se répercutait à l'infini, comme pour accentuer à quel point il était petit et seul devant tous ces gens.
Scorpius Malefoy était grand pourtant, pour son âge. Cela aussi, Albus s'en souviendrait toute sa vie : comme tous ses camarades, il était curieux de voir à quoi ressemblait Scorpius Malefoy, le fils du Mangemort, du traitre, l'héritier de la famille la plus honnie d'Angleterre...
Pourtant, ce qu'il découvrit le surprit. Comme tout le monde, il s'attendait plus ou moins à voir une copie miniature de Drago Malefoy, avec ses cheveux blond platine et son air hautain. Scorpius Malefoy n'était rien de tout cela. Pour commencer, ses cheveux étaient noir ébène. Un Malefoy aux cheveux noirs...
Tandis qu'il s'avançait lentement vers le Choixpeau, Albus ne le vit que de dos par-delà la foule des premières années : grand et maigre pour ses onze ans, les cheveux désordonnés, et surtout, les épaules droites. C'est cela qui marqua Albus, en premier. Scorpius Malefoy se tenait très droit. Un reflet de l'éducation des Malefoy ? Non, pas vraiment. Sa démarche était difficile à définir : ce n'était pas de l'arrogance ou de l'orgueil, juste... de la dignité ?
Scorpius se tenait droit, mais les yeux inclinés vers le sol. Il ne regardait pas son auditoire, on sentait même qu'il faisait tout pour l'oublier. Pour que ce moment passe le plus rapidement possible. Pour qu'il soit libéré de tous ces regards avides de lui. Oui, en regardant ce tout jeune garçon s'avancer en leur tournant le dos, Albus saisit toute la complexité de sa posture et de sa situation : Scorpius était un enfant qui se savait entouré d'adolescents prêts à le haïr. Tous prêts à le juger dès qu'il montrerait son visage. Sa seule défense devant un tel auditoire, c'était de faire face. Sans ramper. Mais sans provoquer. Endosser une armure qui le protégerait de toutes les agressions extérieures.
Ce jour-là, comme tous ses camarades autour de lui, Albus retint son souffle malgré lui. Lorsque Scorpius Malefoy se retourna enfin pour prendre place sur le fameux tabouret, et qu'on le coiffa du Choixpeau, Albus réprima un soupir de frustration, à cause de l'ombre qui lui dissimulait ses traits.
Alors, ensuite, l'attente se prolongea. Le Choixpeau hésitait. Frétillait. Marmonnait pour lui-même des paroles que seules Scorpius pouvait entendre. Enfin, lorsqu'il se dressa bien haut vers la voûte étoilée, et qu'il tonna la première syllabe en trainant sur le « SSSSSS... »... Toute la Grande Salle frémit.
Jusqu'à ce que...
- SERDAIGLE !!
Et alors, le silence. Minerva McGonagall retira le Choixpeau de la tête du garçon. Apparut alors un enfant aux traits anguleux, déjà trop sévère pour son âge. De Drago Malefoy, il n'avait conservé que les yeux : perçants, même de là où Albus l'observait. Pâles comme la Lune, froids comme un reflet d'acier, une toile d'araignée argentée... Des yeux magnifiques. Dans un visage fin, gracile, d'une surprenante fragilité. Scorpius Malefoy avait l'air d'une statue de cristal sur le point de voler en éclats. Il soutint le regard de son auditoire un bref instant, tandis qu'un silence de plomb s'abattait sur ses épaules. Alors, il se leva, toujours très digne, la tête haute, mais les yeux au sol. Il descendit doucement les marches tandis que l'écho ponctuait le silence.
C'était horrifiant. Un cortège funèbre n'aurait pas été plus sinistre. Dans un néant total, Scorpius Malefoy endura les regards de l'école entière, tandis qu'il rejoignait une place libre à la table des Serdaigles. De part et d'autre, nul n'osait bouger. On jetait des coups d'œil à la dérobée pour guetter la réaction des Serpentards, qui ne savaient pas comment réagir. Même Minerva McGonagall semblait ébranlée, incapable de briser ce silence de glace qui s'était refermé sur l'enfant comme une gueule de loup.
Une fois assis, Scorpius Malefoy rajusta ses couverts, contempla son assiette et ne fit plus rien. Ce fut ce jour-là que le cœur d'Albus se brisa. Ce jour-là que quelque chose s'éveilla en lui, une chose claire et vibrante, qu'il n'avait pas encore de mots pour définir, mais qui criait dans toutes les fibres de son être. Cette chose, c'était de la colère. De l'insurrection. De la révolte. La peine, la pitié et le dégoût devant une scène affreuse qui se déroulait au vu et au su de tous. De la compassion pour la petite chose qui s'était recroquevillée sur le banc devant lui et ne disait rien.
Minerva McGonagall finit par les délivrer tous en prononçant un autre nom. Une fille fut répartie à Poufsouffle, et des applaudissements timides reprirent. Encore deux autres élèves, et l'ambiance était redevenue comme avant : un climat de bienvenue, de chaleur et de fête. Sauf pour Scorpius. Scorpius n'avait pas été le bienvenu.
Tout le temps que dura la cérémonie, Albus ne cessa de jeter des coups d'œil au petit garçon qui ne touchait pas à son assiette, qui ignorait ses camarades et que ses camarades ignoraient. Il fixait son verre comme s'il brûlait désespérément de s'y noyer. Comme s'il rêvait que cette soirée se termine et que le quotidien puisse enfin l'avaler. Albus lisait tout cela, avec une surprenante clarté, comme s'il pouvait voir les émotions du garçon se délier devant lui. Il les partageait. Il se sentait mal pour lui, il voulait agir, il voulait leur crier à tous qu'ils avaient été cruels et injustes, et que Scorpius ne méritait pas de souffrir autant...
Lorsque son tour arriva, Albus sentit le silence tomber à nouveau, un silence différent. Comme Scorpius avant lui, il s'avança jusqu'aux marches, et se retourna pour s'asseoir. Il aperçut son frère dans les rangs des Gryffondors, qui lui souriait. Il aperçut sa cousine Rose, déjà chez les Serdaigles, et tous ces gens qu'il connaissait : ses amis et sa famille, tous ceux dont la prunelle brillait déjà, prêts à l'aduler, parce qu'il portait le simple nom de Potter...
Albus coiffa le Choixpeau magique, et attendit. Une voix se fit jour dans son esprit :
- Encore un Potter...
- Bonjour, répondit Albus en esprit, amusé malgré lui.
C'était exactement comme son père le lui avait décrit. Impatient, Albus attendit que le Choixpeau lui dise ce qu'il voyait en lui :
- Je vois du courage, comme ton père, déclara le Choixpeau. M ais tu es plus subtil que cela, pas vrai ? Toi, tu as de la ressource... Du charisme. Tu sais parler aux gens, pour obtenir d'eux ce que tu veux. Et tu es déterminé.
- Je veux aller avec lui, pensa très fort Albus en fixant Scorpius, absorbé par son jus de citrouille.
- A Serdaigle ? Non. Tu n'as rien d'un érudit. Intelligent, oui, mais à d'autres fins. Plus secrètes. Plus sombres, peut-être ? Tu serais mieux à Serpentard.
- Tu as voulu envoyer mon père à Serpentard, et il n'a pas voulu. Tu ne m'y enverras pas non plus. Je veux aller à Serdaigle.
Le Choixpeau frémit :
- Tu es sûr ? Qu'est-ce que ta famille en pensera ?
- Je m'en moque.
Il soupira :
- Très bien, puisque c'est ton choix...
Se redressant de toute sa fibre, le Choixpeau se tendit et tonna :
- SERDAIGLE !!
Il y eut quelques secondes de flottement, d'étonnement. Et puis, la fierté des Serdaigles éclata d'un bout à l'autre de la Grande Salle. Les Poufsouffles leur emboitèrent le pas, et puis les Gryffondors et les Serpentards, plus timides. Mais le temps qu'Albus se relève, la Grande Salle était debout. Les gens sifflaient et applaudissaient, certains scandaient son nom. L'espace d'une seconde, Albus se sentit grisé par ce sentiment de puissance, cette ovation dédié à lui et à lui seul, par toute cette adulation qui le soulevait tout à coup comme une vague, alors qu'il n'avait rien fait pour la mériter...
Son enthousiasme retomba d'un seul coup. Il n'avait rien fait pour la mériter. Il était aimé parce qu'il s'appelait Albus Severus Potter. Lui était né avec cette chance, alors que d'autres devaient vivre et grandir en ce monde en portant le nom de Scorpius Malefoy. Albus le vit, perdu au milieu de la foule : petite silhouette qui applaudissait mécaniquement sans le regarder, sans doute pour ne pas s'attirer les foudres des autres.
Le cœur d'Albus se serra. A nouveau, il eut envie de crier contre tous ces gens qui le célébraient, de les raisonner. Mais il ne pouvait pas. Tous ces applaudissements l'empêchaient de parler. Alors, Albus se redressa fièrement et marcha droit jusqu'à la table des Serdaigles. Il n'y avait plus de place à côté de Scorpius, mais un espace demeurait libre sur le banc d'en face. Albus s'y assit et le regarda jusqu'à ce que Scorpius ne puisse plus éviter son regard. Alors, Albus put voir ces magnifiques yeux gris, de plus près. Ils étaient hostiles. Ils disaient : « Reste loin de moi. Tu attires trop l'attention. Tu es tout ce que je ne suis pas ». Mais cela, Albus, ne voulait pas l'entendre. Il sourit à Malefoy, aussi chaleureusement qu'il en était capable, et il serra la main à ceux qui s'asseyaient autour de lui.
Ce jour-là, Albus comprit que sa vision du monde avait changé. Il comprit qu'il avait grandi dans une cage dorée, et que le monde ne fonctionnait pas tel qu'il l'avait toujours imaginé. A Poudlard, et dans la société sorcière en général, il y avait deux poids, deux mesures. Il y avait ceux que l'on acceptait, et ceux que l'on méprisait. Sur des critères purement aléatoires. Il y avait les bons et les méchants. Sans distinctions. Sans nuances. Il y avait Scorpius Malefoy, et il y avait lui.
C'est ce jour-là que tout commença. Ce jour-là qu'Albus Potter décida de changer les choses. Ce jour-là, il décida de détruire le monde.
XXX
Scorpius Hypérion Malefoy se rappellerait toute sa vie de la cérémonie de sa répartition à Poudlard. Pour lui, c'était le jour fatidique. Un jour que son père et lui avait attendu avec appréhension et terreur, tout en sachant qu'il ne pourrait pas y échapper. Le jour de son entrée officielle dans le monde sorcier.
Scorpius savait ce qui l'attendait. Depuis des années, il s'y était préparé. Son père ne lui avait rien épargné des horreurs de la guerre et de la réputation que leur nom impliquait. Très tôt, il lui avait dit : « Ils ne t'aimeront pas, Scorpius. Ils ne demandent qu'à te détester et ils trouveront tous les prétextes pour le faire. Et tu ne peux rien y changer. Peu importe à quel point c'est injuste, peu importe à quel point tu enrages et voudrais te défendre... Tu ne pourras rien y changer. Je ne te dis pas cela pour te faire de la peine. Mais pour que tu t'y prépares. Tu comprends, Scorpius ? La meilleure chose que tu puisses faire pour t'en sortir, c'est serrer les dents et encaisser. Trouver un objectif et te concentrer dessus, ne jamais rien lâcher, encore et encore, jamais. Mais ignore-les. Ignore-les tous. Ravale ta fierté, ravale ta rancœur, et ignore-les. Ne réponds pas. Ne réplique jamais. S'ils te frappent, défends-toi, mais ne te venge pas. Et surtout, surtout... Ne montre jamais que tu as peur d'eux. Tu m'entends, Scorpius ? Ne montre jamais que tu as peur d'eux. »
Alors, ce jour-là, Scorpius s'efforça de ne pas avoir peur. Il fit ce que son père lui avait toujours appris. Il s'imagina qu'il était ailleurs. Il ferma son corps et son esprit à la moindre émotion. Il serra les dents, et, le port droit, il revendiqua son droit d'exister. Il avança en proclamant son droit d'être là, dans cette école, mais les yeux baissés, pour ne pas paraitre arrogant. C'était un subtil mélange que celui de son cœur à cet instant... Ne pas s'incliner, ne pas provoquer. Ne pas avoir peur.
Il coiffa le Choixpeau sans les regarder, et alors, une petite voix se fit entendre dans sa tête :
- Quel esprit particulier..., murmura le Choixpeau.
Scorpius ne dit rien. Il attendit que la sentence tombe, en priant pour atterrir à Serdaigle. Il y avait longuement réfléchi dès le début de l'été, et il avait conclu que c'était la seule solution logique. Les Gryffondors le tortureraient, les Serpentards signeraient son arrêt de mort, et s'il était envoyé à Poufsouffle... Il serait ridiculisé. Ne restait plus que Serdaigle. C'était bien, Serdaigle. Cela séduisait son esprit rigoureux et dévoué aux études. Cela assouvirait son désir de travailler et de tout oublier, d'oblitérer jusqu'à son ressenti propre, pour ne devenir que pur intellect... Oui, à Serdaigle, il pourrait disparaitre. Ses camarades plus matures et intelligents que la moyenne le laisseraient en paix, ou auraient peur de lui. Il pourrait au moins passer des nuits tranquilles...
Aussi, c'est en silence que Scorpius attendit que le Choixpeau se prononce, en répétant intérieurement comme une prière : « Serdaigle... Pitié, Serdaigle... »
- Tu as bien l'âme d'un Serdaigle, répondit le Choixpeau. Je sens l'intelligence et le sérieux en toi. La peur aussi... Beaucoup de peur...
- Je n'ai pas peur.
- Si. Et je te comprends. Et j'ai pitié de toi.
- Je ne veux pas de ta...
- SERDAIGLE !!
Scorpius resta tétanisé. Comme McGonagall, comme tous les centaines d'élèves devant lui. Il resta tétanisé tandis qu'un silence de mort accueillait son entrée à Poudlard. Il ne lui fallut que quelques secondes pour se reprendre. Il s'était préparé à ce moment. Inspirant à fond, il leur accorda un bref regard à tous, impassible, indéchiffrable, froid. Juste pour considérer leur présence. Puis il se releva, à nouveau drapé dans sa dignité, puisque c'était tout ce qu'il avait... Et il descendit les marches jusqu'au moment de s'asseoir.
Ce fut sans aucun doute l'instant le plus long de sa vie. Chaque pas lui semblait durer une éternité. Chaque seconde était un gouffre qui l'avalait, un gouffre rempli de tous ces visages, de tous ces regards, qui le dévoraient et s'emparaient de lui pour déjà s'en faire leur propre image... Avant même d'avoir pris place parmi ses camarades, Scorpius se savait déjà étiqueté, catalogué et jugé. Il devrait faire avec désormais, chaque seconde de chaque jour de sa vie, jusqu'à ce qu'il obtienne enfin son ASPIC. Et alors, peut-être... Il serait libre.
Scorpius se força à penser à tout cela tandis qu'il s'asseyait parmi des gens qui ne voulaient pas le côtoyer, qui le fuyaient déjà tous comme la peste. Il pensait à ce rêve que son père l'avait encouragé à trouver et qu'il nourrissait depuis. Il pensait à son père, qui s'en était sorti malgré les condamnations, la honte et les brimades, qui leur faisait un pied de nez à tous par sa seule réussite, et il leur fit un pied de nez mentalement lui aussi...
Il passa le reste de la cérémonie à souhaiter qu'on l'oublie, le ventre trop noué pour manger, observant distraitement son reflet dans son gobelet en argent. Jusqu'à ce qu'un nom retienne son attention. Toujours le même nom. Evidemment.
- Albus Potter !
Scorpius ne regarda pas, il s'interdit de regarder. C'était l'erreur à ne surtout pas faire. Le meilleur moyen d'attirer l'attention sur lui, déclenchant déjà les rumeurs : « Regardez, le petit Malefoy regarde Albus Potter, il veut sûrement lui faire la peau ! C'est un fils de Mangemort après tout ! ».
Aussi, Scorpius ne regarda pas. Il attendit sans réel intérêt que le Choixpeau l'envoie rejoindre son crétin de frère à Gryffondor. C'est alors que le Choixpeau déclara :
- SERDAIGLE !!
L'espace d'une seconde, Scorpius se figea. Ses doigts frémirent autour de sa fourchette immaculée. Une infime réaction incontrôlée, mais une réaction de trop... Tous les autres se mirent à applaudir, à crier et à rire, alors, Scorpius posa ses couverts et applaudit légèrement, une fois encore, sans regarder. Uniquement pour se mêler à la masse. Uniquement pour qu'on ne dise pas après coup qu'il n'avait pas applaudi, qu'il était un Mangemort et un renégat...
« Pas lui... », suppliait-il en pensée. « Pas lui... »
Mais évidemment – parce que Scorpius n'avait jamais de chance – Albus Potter choisit la pire place possible : juste en face de lui. Pendant de longues secondes, Scorpius sentit le poids de son regard sur lui : insistant, provocateur, sans gêne, et Scorpius le maudit en le traitant d'imbécile. En moins de trente secondes, Albus Potter était déjà en train de bousiller sa couverture. Finalement, parce qu'il n'était plus humainement possible de faire autrement, Scorpius lui rendit son regard.
Albus Potter lui offrit un sourire éblouissant. Un sourire qui se voulait sincère, naïf, et qui donna instantanément envie à Scorpius de lui éclater les dents. Que signifiait ce sourire ? Etait-ce un défi ? Pourquoi lui marquer autant d'intérêt ? Pourquoi atterrir chez Serdaigle, alors que tout son fanclub l'attendait déjà de l'autre côté de la Grande Salle ?
Heureusement, le fanclub finit par rejoindre son idole, et Albus se retrouva bientôt noyé sous l'assaut de ceux qui désiraient le rencontrer, lui serrer la main, devenir son ami...
Scorpius les regarda faire sans jugement ni rancœur. Son père lui avait appris à étouffer très tôt ces émotions en lui. S'il ne voulait pas souffrir, il ne devait pas songer à l'injustice de sa condition. Il devait l'accepter et l'endurer, c'est tout. L'endurer comme un homme. Leur prouver que rien ne pouvait l'atteindre, et se concentrer sur autre chose.
Sur son bras droit, quelque chose l'effleura, et Scorpius porta aussitôt sa manche à ses lèvres :
- Du calme, Belly, murmura-t-il très bas. Tu sais que tu n'as pas le droit d'être là.
Un simple sifflement contrarié lui répondit. Déroulant ses anneaux, Belly partit se nicher quelque part du côté de ses clavicules. Scorpius ne réagit pas : il était habitué aux déplacements familiers du serpent depuis longtemps. Son seul allié entre ces murs...
Observant à nouveau Albus Potter, Scorpius entrevit son regard, qui lui souriait. Ce qu'il pouvait ressembler à son père, ce crétin... Avec ses cheveux noirs coupés courts, ses yeux vert intense, et cet air rieur... Il avait les traits plus fins, peut-être. La beauté pénétrante de la légendaire Ginny Weasley. Il portait dans sa manière d'être l'insolence des Weasley : la désinvolture, la nonchalance, et une certaine forme d'aisance que Scorpius ne posséderait jamais...
Détournant les yeux, Scorpius s'en voulut de s'être attardé sur lui si longtemps. Mais un détail l'avait frappé, au milieu de tout ceci, sans qu'il sache pourquoi. Une ombre, peut-être. Une ombre dans la beauté surnaturelle d'Albus Potter, tout au fond de ses yeux verts, une ombre à peine esquissée, mais qui lui semblait dangereuse. Scorpius n'arrivait pas à déterminer s'il avait devant lui une âme amie ou ennemie. Un ange, ou un démon. Sans doute un subtil mélange des deux.
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