Chapitre 5

Note de l'auteur:
Les pompiers dans le Titanic réfèrent aux cheminots qui s'occupent de remettre du charbon dans les cheminées.


14 Avril 1912



Louis se réveille seul dans un lit bien trop grand, trop doux et il porte trop peu de vêtements.

Il s'étire, profitant de la sensation de draps doux contre sa peau nue. La pièce devient peu à peu plus nette. A la place d'un lit superposé entouré de murs blancs, il se retrouve face à des meubles en chêne et de la moquette rouge.

C'est ça. Je suis resté avec Harry. Les souvenirs de la veille répandent de la chaleur dans son ventre. Il ne regrette rien, il ne se sent pas coupable. C'est une surprise agréable, et Louis se surprend à espérer que Harry soit toujours couché à côté de lui.

« Oh, tu es réveillé, » la voix de Harry encore rauque attire l'attention de Louis vers la penderie.

Vêtu de sa tenue du dimanche, il ajuste ses manches bouffantes lorsque Louis le regarde enfin. Il sourit, un sourire large et serein, avant d'ouvrir grand les bras. « A quoi je ressemble ? »

Exquis est le mot. Un manteau gris couvre son corps, faisant plus bas place à un pantalon rayé. Une cravate parfaitement nouée est visible, le tissu rayé plutôt osé mais allant parfaitement bien à Harry.

« A quelqu'un qui va quelque part sans moi, » dit Louis en se recouchant dans les draps. « C'est l'heure du petit-déjeuner ? »

« On l'a raté, » ricane Harry en venant s'asseoir sur le bord du lit. « Je vais au service religieux. » Il se penche et presse ses lèvres contre celles de Louis. C'est doux et chaste, mais ça en suffit pour alimenter le feu qui grandit en Louis.

Lorsqu'ils se séparent, Harry a un sourire rêveur, une fossette ornant sa joue comme un accessoire de plus à sa tenue. Louis ne peut s'empêcher de prendre sa grande main dans la sienne, s'imprégnant du souvenir du pouls de Harry s'accélérer lorsqu'il caresse la peau douce de son poignet.

« Tu m'embrasses puis pars te tenir devant Dieu ? » Murmure Louis, évitant le regard de Harry. Il a peur de ce qu'il y trouverait, peut-être la réalisation du pêché qu'ils ont commis dans ce même lit.

Des doigts délicats attrapent son menton, relevant son visage afin qu'il le regarde droit dans les yeux. « T'embrasser m'a plus rapproché de Dieu qu'aucun sermon ne l'avait fait avant, » répond-il doucement en caressant la mâchoire de Louis parsemée de poils et ayant besoin d'un rasage.

Louis ne peut retenir son souffle qui se coupe aux mots de Harry. « Tu crois vraiment ça ? » Demande-t-il, émerveillé.

Sa main qui tient celle de Louis remonte jusqu'à son sourire. « C'était vrai quand je te disais que ce n'est pas mal, Lou. » Il embrasse sa main sans se rendre compte du frisson que ça procure à Louis à l'entente du surnom. « Je suis en paix avec Dieu. Et s'il n'y avait pas ces fichues lois, je t'embrasserais en plein milieu de la rue, là où tout le monde pourrait voir. »

Il lui refait quelques baisers sur la main, ce qui donne vraiment envie à Louis de le tirer dans le lit et de rester là pour le reste du voyage. Mais au lieu de ça, il entremêle leurs doigts, les resserrant avec affection avant de le lâcher. « Tu es peut-être en paix, mais tu ne veux peut-être pas être en retard. »

Soupirant, Harry laisse effleurer ses lèvres sur le front de Louis avant de se lever du lit. « J'ai bien peur que tu aies raison. » Il passe ses mains sur sa tenue pour lisser les plis de son costume. « Tu peux rester ici, bien sûr. Tu peux utiliser la salle de bain et mes affaires de rasage, je reviens dans pas longtemps. »

« Je vais en profiter pour prendre un bain, » dit Louis en fronçant le nez. « Il n'y a qu'une seule baignoire en Troisième Classe, et je n'ai pas tellement envie de la partager avec plein d'hommes. »

Harry fronce les sourcils en regardant Louis, incrédule. « Vous n'avez qu'une baignoire ? Pour toute la Troisième Classe ? »

Se tortillant sous le regard intense de Harry, il hoche la tête. « Eh bien, deux : une pour les hommes et une pour les femmes, » explique-t-il. « La plupart d'entre nous faisons juste une toilette rapide dans notre cabine. »

« Alors j'insiste pour que tu utilises la mienne, » dit Harry en secouant la tête. « Les seules personnes qui y ont accès sont Gemma, mon oncle et moi-même, nous sommes tous au service. » Il fait une moue. « D'ailleurs il faut vraiment que j'y aille. » Se baissant une dernière fois, il attrape les lèvres de Louis dans un baiser. « J'espère que tu seras toujours là quand je reviendrai. »

« Promis, » jure Louis en faisant des signes vers la porte. « Maintenant vas-y avant que ta sœur ne vienne te chercher et retrouve un étranger dans ton lit. »

Harry marmonne quelque chose dans sa barbe qui ressemble suspicieusement à « ça ne serait pas la première fois », mais il sort avec un dernier sourire, et Louis se retrouve seul dans la cabine spacieuse.

Il se laisse retomber sur le lit, savourant la chaleur et la façon dont il s'enfonce dans le matelas. Grandir en étant pauvre n'a pas été facile, mais il ne s'est jamais retrouvé à vouloir des choses qu'il ne pourrait pas avoir. Mais maintenant, après avoir testé ce luxe, penser à retourner dans sa couchette avec sa couverture fine et sans drap lui donne un nœud à l'estomac.

Il s'inquiète pour plus tard. Mais pour l'instant, il a une cabine de Première Classe rien que pour lui, et les souvenirs de la vieille qui ont séché sur son ventre lui font penser qu'un bain serait une excellente idée.

Un bain et un rasage plus tard, Louis a l'impression d'être une nouvelle personne. Il se sent légèrement mal à l'aise en se promenant nu dans la cabine de Harry, donc il ressort l'uniforme de steward. Il ne peut s'empêcher de sourire en boutonnant la veste, pensant qu'il doit absolument remercier Liam Payne pour son aide. Après tout, c'est lui qui l'a encouragé à croire qu'il y avait une chance que cela puisse marcher, bien que minime, et Louis l'a prise.

Et c'était très mal parti au début.

Des coups francs à la porte sortent Louis de ses pensées. Harry ne toquerait pas à sa propre porte. La peur s'empare de lui, son cœur battant dans ses oreilles. Ça pourrait être le steward qui vient changer les draps, et il saurait très certainement que Louis n'est pas à sa place.

Il réalise que le bruit provient d'une des portes intérieures seulement lorsqu'elle s'ouvre.

Au début, il pense que c'est celle de Gemma, puis Charles Styles entre dans la chambre, les yeux plissés en trouvant quelqu'un d'autre que Harry dans la cabine de son neveu.

« Monsieur Tomlinson, » dit Charles aussi lentement que Harry, bien que ce ton soit fait pour intimider. « Je ne m'attendais pas à vous trouver là. Et encore moins en uniforme. » Il sourit froidement, et Louis a déjà envie de retourner prendre un bain.

« Harry n'est pas encore rentré, » répond Louis en essayant de camoufler les tremblements de sa voix. « Je suis juste venu rendre visite. »

Charles s'avance pour toucher la manche de Louis comme pour vérifier son authenticité, il fronce les sourcils lorsque Louis se recule. « Je me demande ce que les officiers diraient s'ils apprenaient qu'un de leur steward avait une relation illégale avec un passager, » ricane Charles en encerclant Louis comme un loup autour de sa proie. « Encore moins un homme. »

« Je pense que quelqu'un aussi intelligent que vous savez qu'un tel scandale refléterait également sur Harry, et non en bien, » dit froidement Louis.

Avec un ricanement, Charles pousse Louis contre le mur et empoigne sa veste. « Vous feriez mieux de tenir votre langue, Tomlinson, » dit-il en postillonnant. « Vous allez partir, maintenant, et oublier mon neveu. Faites ça et peut-être que j'oublierais que je vous ai vu dans cette chambre. Compris ? »

Louis veut crier, se débattre, promettre qu'il n'oubliera pas Harry tant qu'il est en vie, mais en réalité il n'a pas le choix. Il hoche faiblement la tête, les larmes aux yeux. S'il ne fait pas exactement ce que Charles lui dit, il sera arrêté – et pas seulement pour s'être fait passer pour un steward. Pire, Harry serait également en danger et il ne veut pas prendre le risque.

Les mains qui tiennent sa veste le relâchent, Charles lisse le tissu. « Je savais que vous seriez d'accord, » dit-il en reculant enfin.

« Harry mérite une famille mieux que vous, » crache Louis dans un élan de courage. Ça ne fait que rire Charles.

Ce dernier ouvre la porte menant à l'extérieur, la tenant ouverte pour Louis. « C'est peut-être vrai, garçon, mais au moins j'ai un lien de sang. Vous n'êtes rien. Harry vous aurait rejeté dès qu'on aurait accosté, tout comme il a rejeté ce James. »

Louis se fige sur place. « Non, il aimait James. Il a été envoyé ailleurs, » le contredit-il, la peur au ventre.

« Et je suis sûr qu'il dira au prochain qu'il t'aimait, » ricane Charles en s'impatientant à la porte. « Au revoir, monsieur Tomlinson. »

Ça demande beaucoup d'effort à Louis pour ne pas réagir, il passe devant Charles et court vers les escaliers que Liam lui avait montrés. Il se retient autant qu'il le peut, descendant chaque marche avec un souffle court et de la rage, le cœur serré car il ne reverra plus jamais Harry – et parce qu'il ne veut plus, si les mots de Charles sont sincères.

La porte de secours qui mène en Troisième Classe est enfin à portée de vue, et c'est là que ses jambes le lâchent. Il s'effondre en arrivant en bas des escaliers, pleurant silencieusement et se sentant plus seul que jamais depuis qu'il avait vu l'Angleterre devenir de plus en plus petite au fur et à mesure qu'il s'en éloignait.

C'est peut-être des minutes voire des heures plus tard qu'une paire de mains costaudes relèvent Louis. Sa première pensée est que Harry est venu le retrouver, lui dire que Charles mentait et embrasser les larmes sur ses joues.

Au lieu d'yeux verts, il fait face au regard marron plein d'inquiétude de Liam Payne.

« M-Monsieur Payne ? Que faites-vous ici ? » Il a une voix pathétique, mais Liam lui tend un mouchoir en tissu avant de le placer dans sa main lorsqu'il voit Louis hésiter.

« Je pourrais vous demander la même chose, » répond-il en posant une main sur l'épaule de Louis et faisant des cercles pour le réconforter pendant qu'il se mouche. « Que s'est-il passé ? Vous avez été attrapé ? »

La conversation entière se rejoue dans sa tête pour ce qui semble être la centième fois. Il laisse tomber le mouchoir et commence à tirer sur l'uniforme, défaisant les boutons aussi vite que ses doigts tremblant le lui permettent. « Prenez-ça, » dit-il faiblement en jetant la veste à Liam. « Je n'en aurai plus besoin. » Il ignore le visage confus de Liam et commence à défaire le pantalon, s'en fichant qu'il n'ait rien d'autre à porter, lorsqu'il sent le poids de la montre de Harry dans la poche. « Mince ! » Dit-il en se laissant tomber sur les marches avant de pleurer dans ses mains comme un enfant.

« Shhh, ça va aller, » chuchote Liam dans son oreille, le steward s'étant assis à côté de Louis. « Est-ce que je peux faire quelque chose ? Je peux aller vous chercher des vêtements ? »

Louis hoche la tête mais s'accroche au bras de Liam avant qu'il ne puisse partir. « Pourriez – Pourriez-vous faire quelque chose d'autre pour moi ? »

« Tout ce dont vous avez besoin, monsieur Tomlinson, » répond-il tendrement en souriant. « Tout ce qui sera en mon pouvoir. »

Il ne devrait pas demander, mais il doit savoir la vérité, doit s'assurer que Harry connaisse la vérité. « Pourriez-vous délivrer un message à l'homme que je visitais en Première Classe ? »

« Je peux essayer, » répond le steward. « Comment s'appelle-t-il ? »

« Harry Styles, » dit rapidement Louis, apeuré et soulagé d'enfin partager ce nom avec quelqu'un d'autre.

Si Liam reconnait ce nom, il ne le montre pas, il demande juste, « Et qu'est-ce que vous aimeriez que je dise à monsieur Styles ? »


°°°


Harry Styles n'est pas un saint, mais il est habituellement capable de rester tranquillement assis lors d'un service.

Mais aujourd'hui, il se retrouve à presque grogner à chaque nouvelle prière. Il a faim, est fatigué, et – le plus important – il a un si bel homme qui l'attend dans sa cabine. Sa sœur remarque son impatience, lui donnant un coup de coude aussi discrètement que possible, mais Harry le remarque à peine. Au moins Charles n'est pas en vue, et pour cela il récite une petite prière avant de retourner dans son imagination.

Rien que de penser à Louis fait passer le temps plus rapidement, et sans qu'il s'en rende compte, le service se termine et les stewards se précipitent pour aller préparer la Salle à Manger pour le prochain repas.

« Bon service, n'est-ce pas ? » Lui dit une voix douce à l'oreille, le faisant sursauter. Il se retourne et fait face à Gemma qui le regarde avec curiosité, un sourire aux lèvres. « C'est pas comme si t'avais entendu ne serait-ce qu'un seul mot. »

Ricanant, Harry tend son bras, attendant que Gemma le prenne avant de mener le chemin vers leurs cabines. « Je suis si indiscret que ça ? »

Elle rit, resserrant son emprise sur son bras. « Seulement pour moi, je pense. » Elle s'arrête aux pieds des Grands Escaliers, le reluquant de la tête au pied. « C'est génial de te voir comme ça. Ça faisait bien trop longtemps. »

« Comme quoi ? »

« Heureux, » répond-elle simplement, reprenant son bras pour continuer leur route.

Ses lèvres forment un sourire sans qu'il s'en rende compte. « Je suis heureux, » lui dit-il en baissant sa voix au cas où des oreilles baladeuses seraient dans les parages. « Je crois que je suis amoureux de lui, Gems. »

Les yeux de Gemma forment de petites rides tellement qu'elle sourit, et elle ressemble tellement à leur mère. Harry a l'impression d'avoir leur accord à toutes les deux.

« Ne le laisse pas s'échapper, alors, » répond-elle tout aussi discrètement. « Quelqu'un qui te rend heureux comme ça doit être gardé. »

« Je ne compte pas le laisser partir, » la rassure Harry. « En fait, il m'attend dans ma cabine. » Son cœur s'accélère en pensant rentrer et voir Louis, rentrer à la maison vers lui. C'en est assez pour lui donner le courage de dire à Louis ce qu'il ressent. Il avale sa salive, la bouche soudainement sèche. « Je vais lui dire quand j'arrive. Que je l'aime. »

Lorsque Harry se tient devant sa porte, Gemma déjà sa cabine après lui avoir fait un bisou, il sourit comme s'il était possédé.

La personne qu'il aime est de l'autre côté de cette porte, et il va le lui dire. Il a toujours été plutôt romantique, une notion qu'il pensait disparue lorsqu'il avait réalisé qu'il n'aurait jamais de femme. Maintenant, avec Louis dans sa vie, tout est soudainement comme il l'avait toujours rêvé. Il y a une fin heureuse à portée de main et Harry va la saisir.

Il n'a aucune réaction lorsqu'il ouvre la porte sur une pièce vide. La porte de la salle de bain est fermée, de la lumière s'en échappant, et rien que de penser à l'image de Louis qui émerge de cette pièce avec sa peau bronzée mouillée et brillante rend son pantalon trop étroit.

Ne souhaitant pas faire peur à son invité, Harry s'assoit sur la chaise, face à la porte. « Je suis rentré, Louis ! » Dit-il, un sourire évident dans sa voix. « Je pensais qu'on pourrait déjeuner plus tôt aujourd'hui. Ou je peux peut-être voir si le steward pourrait nous apporter quelque chose ici, si tu préfères rester là. » Il pense à câliner Louis, le nourrir de morceaux de nourriture avec des doigts collants, embrasser le gout sur ses lèvres.

Mais les minutes passent et de l'inquiétude s'installe dans le ventre de Harry. C'est trop silencieux, il n'y a pas de bruits de pas ou d'éclaboussures, aucun bruit, et il n'a aucune réponse lorsqu'il toque à la porte. Il ne peut pas attendre plus longtemps et attrape la poignée avec un souffle tremblant.

Lorsque la porte de la salle de bain s'ouvre, tous ses rêves s'effondrent.

Elle est vide. Louis est parti.

Il a l'impression qu'une main entoure sa gorge, serrant doucement jusqu'à couper son souffle.

Son regard apeuré survole la pièce et c'est là qu'il remarque que l'uniforme de steward n'est plus où il était sur le dossier de la chaise. Les chaussures de Louis ne sont plus là non plus, ainsi que toutes traces de l'homme en question.

C'est beaucoup, beaucoup trop familier, et Harry pleure avant même de réfléchir à pourquoi.

C'est précisément comme ça que s'est passé le jour où James est parti. Il était allé à l'appartement de son amant de bonne humeur, mais cette bonne humeur est rapidement partie. Une version plus jeune de Harry était entré, retirant ses chaussures et montant les escaliers pour se diriger où il savait que James l'attendait, perdu dans un livre ou accordant son violon, ou attendant simplement que Harry le rejoigne dans son lit.

Il avait su à la minute qu'il avait ouvert la porte que quelque chose n'allait pas. La pièce qu'il osait presque appeler comme la leur était pleine de sacs et de cartons, le violon dans son étui, les étagères vides.

Pas encore. S'il vous plaît, Dieu, pas encore.

C'est presque pire cette fois-ci, sachant que Louis est quelque part sur le même paquebot, toujours si près. Harry ne saurait pas comment le retrouver, et qu'est-ce qu'il lui dirait ? Il avait été trop intense beaucoup trop rapidement, et est parti à cause de ça.

Quelqu'un qui toque à la porte fait renaître la créature pleine d'espoir qui vit en Harry. Peut-être que Louis était sorti et s'est perdu, ou il s'ennuyait et est parti explorer. Il est prêt à rigoler de lui-même, à faire entrer Louis dans la cabine et embrasser chaque parcelle de son corps, mais lorsqu'il ouvre la porte, ce n'est pas Louis.

« Je suis désolé de vous déranger, monsieur Styles. » Anthony Wheeler se tient dans le couloir, jouant nerveusement avec ses doigts. « Puis-je entrer et vous dire quelques mots ? »

Harry laisse le steward entrer. La vue de son uniforme lui fait de nouveau monter les larmes aux yeux mais il les repousse rapidement. « De quoi aimeriez-vous discuter, monsieur Wheeler ? » Son visage est calme mais sa voix trahit ses émotions.

Wheeler fronce les sourcils, se concentrant comme s'il essayait de se rappeler de quelque chose. « J'ai un message pour vous, » dit-il doucement. « De la part d'un passager. Un passager de Troisième Classe. »

Harry relève les sourcils à l'entente de ces mots. C'est Louis, c'est obligé. « Et qu'est-ce donc ? »

Les sourcils de Wheeler, tout aussi roux que ses cheveux, se rejoignent sur son front. « Un certain monsieur Tomlinson dit avoir parlé à votre oncle, et il ne vous dérangera plus. » Le steward semble clairement mal à l'aise de se retrouver au milieu de tout cela. « Monsieur, si quelqu'un vous dérange, dites-le et je m'en chargerai, » propose-t-il, clairement peiné à l'idée qu'un des passagers puisse être harcelé.

Ça demande un moment à Harry avant de comprendre les mots de Wheeler, trop concentré sur 'a parlé à votre oncle'.

« Non, non, c'est bon. » Il glisse une main dans sa poche, cherchant de la monnaie qui traîne et la glisse dans celle de Wheeler sans regarder le montant. « Merci, monsieur Wheeler. J'espère que ça pourra rester entre nous. »

Les yeux écarquillés, Wheeler hoche rapidement la tête, empochant le pourboire et se redressant aussi droit qu'il le peut. « Oui, monsieur, bien sûr, » dit-il rapidement, semblant être sur le point de dire au revoir. « Puis-je faire quelque chose d'autre pour vous ? »

« Je suppose que vous ne pouvez pas retourner un message à monsieur Tomlinson de ma part ? »

Wheeler sourit, les joues légèrement roses en se disant que jouer le messager secret est plus excitant qu'un dimanche classique sur l'eau. « Je ferai de mon mieux, monsieur. Que voudriez-vous que je lui transmette ? »

Une fois Wheeler parti après avoir récité le message deux fois pour être sûr de se souvenir de chaque mot, Harry prend son courage à deux mains pour faire face à son oncle. Il aurait dû savoir que Charles était derrière tout ça, il n'aurait pas dû laisser Louis seul, surtout après s'être aperçu que son oncle n'était pas au service religieux.

Le poing décidé, les phalanges blanches et les tendons tendus. Harry frappe durement à la porte qui sépare sa chambre de celle de Charles. Il n'y a pas de réponse, et Harry n'hésite pas à ouvrir la porte, entrant dans la cabine de son oncle, prêt à connaître toute l'histoire.

La pièce est silencieuse et vide, semblant à peine habitée. Il y a une odeur de cigare et d'eau de Cologne imprégnée dans la moquette et les murs, comme si Charles laissait des traces partout où il passait.

Énervé, Harry retourne dans sa chambre et sort dans le couloir, à la recherche de son oncle. Le paquebot est immense, c'est vrai, mais Harry sait exactement où cette vermine va se cacher durant la journée.

On peut presque rire de la facilité qu'il a eu à trouver Charles, planté dans un coin du Fumoir avec trois autres hommes dont Harry devrait probablement connaître les noms mais dont il n'a pas pris la peine d'apprendre. La table verte entre eux est recouverte de cartes et de verres remplis de différentes boissons, un nuage de fumée de cigares épais les survolant.

Quelque chose change dans le regard de Charles quand il aperçoit Harry s'approcher de la table avec détermination. Le bâtard a le culot de sourire, la voix traversant le brouhaha pour saluer son neveu. « Harry ! Que me vaut ce plaisir ? »

Il garde sa prestance, comme toujours. Harry ne rentre pas dans son jeu, pas cette fois. « Faut qu'on parle, » crache-t-il en ouvrant à peine la bouche pour parler.

Charles bouge dans sa chaise, le cuir rouge grinçant en même temps. Son regard se porte sur ses collègues, tous silencieux au ton de Harry. « Je pense qu'on peut en parler plus tard, » répond-il en levant un sourcil comme pour le provoquer d'aborder un tel sujet en public, sachant très bien pourquoi Harry est venu.

Pas gêné, Harry prend le bras de son oncle et le sort de sa chaise, la main ferme pour le diriger vers un endroit vide de la pièce. Les murs acajou foncé semblent parfaitement représenter la rage de Harry, dure et sombre.

« Qu'est-ce que t'as dit à Louis ? » Crache-t-il, en sachant très bien qu'il est en train de se donner en spectacle. Un nombre incalculable de paires d'yeux se font sentir sur eux, trop polis pour les fixer mais trop curieux pour s'en empêcher. Ça sera la discussion du paquebot ce soir, c'est sûr, encore un mauvais point pour la réputation de Harry dont Charles se plaindra.

C'est évident que Charles ne s'attendait pas à ce que Harry lui fasse tête, il soupire, les yeux écarquillés. « Je ne sais pas de quoi tu parles, Harry, je... »

Harry le coupe en le poussant juste assez pour que ses épaules se retrouvent contre le mur. « Tu mens. Dis-moi ce que t'as fait. » C'est un ordre ; il a arrêté de lui parler calmement.

Il y a un silence avant que Charles ne ricane. « Tu blâmes si rapidement ton cher oncle. » Il tape l'épaule de Harry et lève un sourcil lorsque son neveu le repousse. « Je n'ai rien fait qui n'était pas nécessaire, » dit-il en regardant Harry avec dégoût. « Franchement, Harry, je pensais que tu pouvais te contrôler le temps d'un voyage. »

Tous les muscles de son corps se contractent, sa colonne vertébrale se raidit et il fixe son oncle avec les poings serrés. « Dis-moi ce que t'as dit, Charles, » il crache ce nom comme une insulte, « ou je vais m'assurer que tout le monde dans cette salle ait de quoi parler ce soir au dîner. »

L'envie de protéger sa précieuse réputation prend le dessus, ses épaules s'affaissent et il baisse le regard. « Puisque tu insistes, j'ai dit à ton précieux monsieur Tomlinson que je n'hésiterais pas à le dénoncer. C'est honteux, non, qu'un steward fréquente un passager ? »

Harry essaye de n'avoir aucune réaction pour que son oncle ne voit pas à quel point il a peur que Louis soit dénoncé aux autorités. Il avale sa salive et se retourne pour essayer de trouver Louis et le mettre en garde, mais la voix de son oncle le stoppe net.

« Mais c'est drôle, » dit Charles, un ton sadique dans chacun de ses mots, « J'ai demandé un peu partout, et il n'y a aucun steward sur ce paquebot qui s'appelle Tomlinson. »

Le sang de Harry se glace dans ses veines, mais il ne se retourne pas, il ne veut pas voir la satisfaction sur le visage de son oncle. Tout ce qu'il sait c'est qu'il doit trouver Louis et s'expliquer avant que ça ne soit trop tard.

Comment ? Il ne saurait absolument pas comment se comporter en Troisième Classe. Il se rend compte qu'il n'a jamais vraiment demandé à Louis comment il s'infiltrait ici à chaque fois. Même s'il le faisait, la tenue de Harry le trahirait en un instant. Et bien que Wheeler puisse accepter de faire passer des messages occasionnels, il doute fortement qu'il accepte d'infiltrer un passager dans des parties du paquebot qui lui sont privées d'accès.

Peut-être que Gemma saura, pense-t-il en se dirigeant vers sa cabine. Il pense tellement qu'il ne regarde même pas où il va, fonçant presque dans un homme. « Désolé, » marmonne-t-il en regardant à peine assez longtemps pour voir que l'homme est un autre steward avec des cheveux courts et un regard brun. Mais ce n'est pas Louis, et c'est tout ce qui compte pour Harry actuellement.

Il est dans un tel état quand il arrive vers sa cabine qu'il ne remarque pas l'écho des pas d'une deuxième personne sur le linoléum. Il est surpris puisqu'il voulait se détendre dans sa chambre mais il remarque qu'il n'est pas seul.

C'est le même homme qu'il a percuté. Il tripote sa lèvre, son regard est inquiet comme si quelqu'un le recherchait. Il lui rappelle tellement Louis les premiers jours, pas dans son élément et apeuré, et le cœur de Harry se resserre à ce souvenir.

« Vous me suivez ? » Demande-t-il calmement en s'appuyant contre sa porte.

Il se balance d'un pied à l'autre, tenant une pile qu'il n'avait pas remarqué jusqu'à présent. « En fait, oui, » admet-il nerveusement.

« Puis-je vous demander pourquoi ? »

« Je pense que ce serait mieux d'en discuter à l'intérieur, si ça ne vous dérange pas, » répond-il en faisant un signe de tête dans la direction de la cabine de Harry.

Il hésite un moment avant d'ouvrir sa porte, permettant à l'étranger d'entrer. Il se dit que c'est déjà le troisième homme qu'il reçoit dans sa chambre depuis ce matin. Pas étonnant que j'ai cette réputation.

Le steward ne perd pas de temps une fois la porte fermée, bloquant sa pile de vêtements sous un bras et tendant l'autre main à Harry. « Qu'est-il arrivé à monsieur Wheeler ? J'avais l'impression que c'était mon steward. Il ne travaille pas aujourd'hui ? »

Liam regarde son uniforme et se met à rire. « Je vois, l'uniforme. » Il fait un sourire timide à Harry. « Ce n'est pas le mien. C'est celui que monsieur Tomlinson porte pour venir vous voir. »

Harry s'accroche à la table tellement fort qu'il a l'impression de l'avoir entendu craquer sous ses doigts.C'est fini, on a été démasqués, pense-t-il. Son oncle est allé le répéter à quelqu'un, ou Louis a été surpris en train d'essayer de revenir. Peu importe la façon dont ça a été fait, les gens savent, et il risque de ne plus jamais revoir Louis. « Je peux expliquer, » dit-il la bouche sèche. « S'il vous plait, c'était mon idée. Laissez Tomlinson hors de tout ça. »

Le visage de Liam se tord de confusion avant de se fendre en un large sourire, secouant la tête en riant des supplications de Harry. « Non, monsieur, vous n'avez pas compris, » dit-il en souriant toujours. « Monsieur Tomlinson m'a envoyé ici. Je suis celui qui lui a donné cet uniforme. » Il penche la tête d'un air penseur. « Bien que je suppose qu'il ait pris le premier de moi, même si je n'étais pas encore au courant. »

« Vous l'avez aidé ? » Demande Harry, incrédule. « Vous savez qu'il venait en Première Classe et vous ne l'en avez pas empêché ? »

« Pire que ça, je lui ai montré un meilleur chemin pour venir ! » S'exclame Liam. « C'est la raison pour laquelle je suis là, monsieur Styles, » dit-il plus doucement. « Il veut vous revoir, mais c'est trop risqué pour lui de revenir avec votre oncle. »

Harry se laisse misérablement tomber dans sa chaise. « Je sais, » dit-il tristement. « Il a risqué beaucoup de choses pour moi. Ça ne serait pas juste pour lui d'en prendre encore plus. »

« Alors puis-je vous proposer une solution alternative ? » Demande Liam en attrapant la pile qu'il a avec lui. Les yeux de Harry s'écarquillent lorsqu'ils se posent sur un tissu blanc qui lui est familier. « Qu'est-ce que vous en dites, monsieur Styles ? Ça vous dit un peu d'aventure ? »


°°°


« T'es sûr que tu ne veux pas venir, Tommo ? » Demande Zayn par-dessus son épaule tandis que ses trois compagnons de cabine se dirigent vers le premier service du dîner dans la Salle à Manger. Le surnom de Niall pour lui a rapidement été adopté par les autres.

Louis sourit faiblement depuis sa couchette, faisant de son mieux pour ne pas les inquiéter. « J'irai au deuxième service. Je suis encore un peu fatigué. » C'est l'histoire qu'il leur a racontée : qu'il était tellement saoul la nuit passée qu'il ne se rappelait plus dans quelle cabine ils étaient et qu'il avait fini par dormir sur un banc dans la Salle de Rassemblement. Bien sûr, ils l'avaient taquiné et avaient demandé qui était cette jeune fille chanceuse. Il avait rigolé avec eux jusqu'à ce que la boule dans sa gorge devienne trop grosse.

« Repose-toi, on viendra te surveiller quand on reviendra, » promet Stan avant qu'ils ne partent. Louis se lève immédiatement et il fait les cent pas dans la cabine, il ne tient pas en place. Pas quand il attend. Pas quand Harry est quelque part sur ce paquebot et que Louis ne peut pas le rejoindre. Pas quand l'oncle de Harry pourrait le dénoncer à tout moment.

Ça fait presque une heure que Liam est revenu avec un message de la part de Harry...

« J'ai envoyé son steward pour lui parler, » avait expliqué Liam, à court de souffle à force de courir dans les escaliers. « C'est quelqu'un de bien, il n'y a pas à s'inquiéter, » l'avait-il rassuré en voyant son regard paniqué.

« Qu'est-ce qu'il a dit ? » Avait demandé Louis, les marches s'enfonçant dans son lit et les joues collantes de ses larmes séchées.

« Il a dit que ce que Charles vous a dit était un mensonge, et qu'il pensait réellement tout ce qu'il vous a dit. »

Quelque chose s'était brisé en Louis et il s'était penché en avant, une vague de larmes s'échappant de ses yeux, cette fois-ci de soulagement. « Je savais qu'il n'était pas comme ça, je le savais, » avait pleuré Louis. Liam avait posé sa main dans son dos et fait des petits cercles. « Mais maintenant je suis parti et j'ai tout fichu en l'air. »

« Pourquoi dites-vous cela ? » Avait gentiment demandé Liam, les doigts massant le nœud dans le cou de Louis.

Ce dernier avait ricané amèrement et passé un bras sur son visage pour essuyer un peu ses larmes. « Je peux plus vraiment aller le voir maintenant, pas vrai ? Avec son oncle qui n'attend qu'une chose: m'attraper. »

Il n'avait eu aucune réponse de Liam autre qu'un hochement de tête penseur. Louis avait levé la tête en regardant le steward. « Quoi ? »

« Et si vous n'allez pas le voir ? » Avait demandé Liam comme si c'était la suggestion la plus évidente au monde. « Et s'il venait à vous ? »

Louis avait écarquillé les yeux à cette suggestion, à l'idée de Harry en Troisième Classe – tant de beauté et de grâce entourée de murs blancs et de meubles simples, d'hommes sales vêtus de vêtements abîmés et de rats qui courent le long des couloirs – comme une sorte d'ange venu prêcher la bonne parole.

« Il ne ferait jamais ça, » avait-il finit par répondre, et il ne lui en voudrait pas. Après tout, c'était un plaisir d'aller en Première Classe pour Harry. Harry, d'un autre côté, n'aurait rien à gagner à venir le voir.

« Il n'y a qu'une seule façon de le savoir, monsieur Tomlinson, » avait dit Liam, si optimiste que Louis s'était même laissé y croire...

Il n'y a désormais rien d'autre à faire que d'attendre, se sentant comme un animal en cage. Ce qui semblait si luxueux au début est désormais sombre et petit, les murs se rétrécissant à chaque fois qu'il respire. Ses pensées traversent tous les scénarios possibles et imaginables, de Liam qui se fait prendre en allant voir Harry à Harry qui décide que Louis n'en vaut pas la peine.

Non. Il ne peut pas se permettre de penser ainsi. Tout va bien, et Harry veut le voir, et le coup à sa porte n'est certainement pas quelqu'un qui vient l'arrêter pour sa liste grandissante de crimes.

« Qui est là ? » Appelle Louis, se surprenant lui-même avec le courage qu'il arrive à mettre dans sa voix.

« C'est moi, Tomlinson, pas besoin de mordre, » marmonne Liam de l'autre côté de la porte.

Ça devrait le faire se sentir mieux de savoir que Liam a fait le chemin sans encombre. Mais, et s'il ne trouvait pas Harry ? Ou pire, et si Harry avait refusé de venir ? L'idée même lui fait mal au cœur.

Mais il doit encore ouvrir la porte pour le découvrir. Se préparant à la déception, Louis ouvre doucement la porte, faisant de son mieux pour agir calmement et être composé en attendant de découvrir la vérité.

Cette façade se brise en morceaux à l'instant même où il voit Harry.

Il se tient à côté de Liam, les pieds joints et la tête basse, les mains liées nerveusement dans son dos. Il porte une veste blanche de steward qui lui est familière, accentuant la largeur de ses épaules et les lignes marquées de son torse. « Bonjour, » dit-il timidement, sa voix rauque sonnant bien trop riche pour l'environnement simple.

Louis sourit, ignorant les larmes qui menacent de couler du coin de ses yeux. « Tu es venu, » chuchote-t-il sans le soupçon de courage de plus tôt.

« Oui, » répond Harry, ses lèvres s'étirant doucement en un sourire. « Je pense que je te suivrais n'importe où. »

L'entente de ses mots fait tordre les doigts de pieds de Louis dans ses chaussures, mais il fait de son mieux pour ne pas le montrer, du moins pas avant qu'ils aient parlé. Au lieu de ça, il touche un bouton, un qui pend un peu plus que les autres. « On doit beaucoup de choses à cet uniforme, n'est-ce pas ? » Dit-il avec tendresse. Il se demande quelles sont les chances pour que Liam le laisse le ramener avec lui à la maison. Et s'il ne peut pas le prendre entièrement, alors au moins ce fichu bouton.

« Et aussi au propriétaire de ce-dit uniforme, j'ai envie de dire, » intervient Liam en regardant les deux hommes avec un sourire satisfait.

Louis ne peut se retenir d'entraîner Liam dans un câlin. Le steward est comme toujours dans sa deuxième veste, l'uniforme de Première Classe calé sous son bras tandis qu'il rend le câlin de Louis avec son bras libre. « Merci, monsieur Payne. Je ne pense pas pouvoir vous remercier assez. »

« C'était avec plaisir, monsieur Tomlinson, » répond Liam en tapant Louis sur l'épaule lorsqu'ils se séparent. « Promettez-moi juste que vous prendrez soin l'un de l'autre, et rappelez-vous ce que je vous ai dit. »

« Où il y a de l'amour, il y a de l'espoir, » récite-t-il, les joues rosissant en regardant Harry, tout aussi écarlate.

Liam ricane en retirant sa main avant de se reculer. « Sur cette note, je pense qu'il est temps que j'aille faire ma ronde. » Il tend une main à Harry, la serrant avec cœur. « Faites-moi juste savoir lorsque vous êtes prêt à rentrer, monsieur Styles, et je vous y ramènerai. »

« Merci, » répond sincèrement Harry en faisant à son tour un câlin à Liam.

Un boucan au fond du couloir leur fait tourner la tête, une des voix ressemblant fortement à celle de Niall Horan. Louis pâlit, réalisant que le dîner doit être terminé et il devra expliquer à ses amis pourquoi il y a un étranger dans un uniforme de steward dans leur cabine. Il sait que ça sera pratiquement impossible d'avoir une conversation sérieuse avec Harry en leur présence.

Se tournant vers Liam avec de grands yeux, Louis lui fait un sourire légèrement désespéré. « En fait, Payne, il y a une dernière chose. »


°°°


La cabine vers laquelle les mène Liam est encore un étage plus bas, elle est vide exceptée des draps qui recouvrent parfaitement les lits. Elle semble n'avoir jamais été utilisée.

« A qui appartient-elle ? » Demande Harry en s'asseyant sur un lit, les doigts se dirigeant immédiatement sur les boutons de la veste dès que Liam part.

Louis s'assoit sur le lit en face de lui. « Personne, » explique-t-il en levant la tête pour regarder les mains de Harry caresser ses boutons d'une façon qui lui donne envie de se mordre les lèvres. « Cette première traversée n'est pas complète, il y a donc des cabines libres dans chaque classe. »

La façon dont Louis mord sa lèvre, ses dents s'enfonçant juste assez pour la rendre momentanément blanche avant que la couleur ne revienne, donne beaucoup trop chaud à Harry. Il fait glisser la veste de ses épaules et prend le temps de la plier correctement avant de retourner son attention sur l'homme en face de lui.

« Je peux m'expliquer... » commence-t-il à dire en même temps que Louis dit, « Je sais que ton oncle était-»

Ils s'arrêtent tous les deux en pleine phrase, leur rire rend l'air lourd de la pièce plus léger. « Moi d'abord, » insiste Harry en posant ses mains sur ses cuisses et enfonçant ses doigts juste assez pour rester sur terre. Louis est assis en face de lui, figé et silencieux avec un regard curieux qui arrive à attraper la lumière même dans cette cabine mal éclairée. « Je ne sais pas ce que Charles t'a dit, mais je ne pourrais jamais, jamais m'éloigner de toi. » Il passe une main dans ses boucles et prend une profonde inspiration avant de continuer. « C'est plutôt l'inverse, à vrai dire, » dit-il en laissant échapper un petit rire. « J'allais te dire que je suis amoureux de toi. »

Ça y est, c'est sorti, les mots semblent être en lévitation entre eux comme le dirigeable que son père l'avait emmené voir quand il était petit ; semblant beaucoup trop gros pour voler mais y arrivant tout de même. Ce voyage à Londres est un des derniers bons souvenirs qu'il a de son père – ils étaient juste tous les deux, et il y avait énormément de monde, mais Desmond avait gardé une main sur l'épaule de Harry en affrontant ensemble la foule. « C'est le futur, fiston, » avait-il dit, les yeux fixés sur le gros ballon. « C'est le futur. »

Pour la seconde fois dans sa courte vie, le futur est juste devant Harry. Sauf que cette fois-ci, il ressemble à Louis Tomlinson.

« Dis quelque chose, » supplie-t-il en s'agrippant à son pantalon. « S'il te plait, Louis. Dis-moi de partir et je le ferai, mais s'il te plait- »

Ses mots sont étouffés par un baiser, Louis a effacé la distance entre eux et lié leurs lèvres. Ses mains s'enfoncent dans ses boucles, son torse se colle à celui de Harry en se laissant tomber ensemble sur le petit lit.

« Je t'aime aussi, » halète Louis en déposant un baiser sur le coin de sa bouche. « Ça m'effraie à quel point je t'aime. » Il gémit lorsque Harry l'embrasse à nouveau et inverse leur position afin qu'il surplombe le plus petit.

Ses mains glissent sur la chemise de Louis, bien plus fine que la veste. C'est bizarre – Harry a vu Louis dans des costumes magnifiques mais il est tout aussi éblouissant dans cette chemise en lin usée.

Le besoin de s'exprimer est beaucoup trop fort, l'amour s'échappe de Harry sous forme de baisers éparpillés dans le cou de Louis. En retour, ce dernier est incroyablement expressif, soupirant de plaisir à chaque contact avec les lèvres de Harry. Faisant attention de ne pas défaire un bouton, Harry ouvre tendrement la chemise de Louis, déposant un baiser à chaque nouvelle parcelle de beau exposée.

La chemise enfin ouverte, Harry embrasse la peau douce juste au-dessus de son pantalon. Le tissu est tendu à cause de son érection et Harry ne résiste pas à l'envie de l'embrasser directement.

« Qu'est-ce que tu fais ? » Halète Louis, bien que son bassin se relève contre son gré.

Harry se redresse pour s'asseoir, trouvant une main de Louis et la couvre avec la sienne. « J'ai envie de faire quelque chose pour toi, » dit-il en faisant des petits huit sur sa main avec un doigt. « Je peux ? »

Il y a un moment d'hésitation, la lèvre prise entre ses dents, avant que Louis hoche la tête. « Oui, » répond-il en contradiction avec son regard incertain.

Harry lâche sa main et se laisse glisser jusqu'à avoir les genoux parterre, les jambes de Louis pendant du lit de chaque côté de Harry. Louis regarde chacun de ses mouvements avec une curiosité intense, suivant les doigts de Harry qui défont son pantalon.

Le vêtement est rapidement retiré, Louis se lève légèrement pour permettre à Harry de le retirer complètement. C'est à couper le souffle de voir Louis comme ça, couché et vulnérable juste pour lui. Ses côtes et ses clavicules sont légèrement trop visibles pour Harry, chacun de ses os prouvant des repas manqués et une pauvre nutrition, mais Louis arrive tout de même à ressembler à une œuvre d'art.

Heureusement pour Harry, ce n'est pas vraiment le cas, puisqu'il n'a aucune intention de juste le regarder sans toucher.

« Ça va ? » Murmure-t-il en passant ses mains sur ses cuisses nues et musclées, s'arrêtant timidement où il veut le plus le toucher. Le plus le goûter.

« Oui, » halète Louis en gigotant comme pour faire comprendre à Harry de bouger ses mains. « Oui, Harry, s'il te plait. »

C'est tout l'encouragement dont il a besoin pour le prendre dans sa bouche, se servant de ses lèvres et sa langue pour donner un plaisir que les doigts ne peuvent simplement pas donner. Si on s'en tient aux jurons étranglés, le mouvement prend Louis par surprise ; ses mains se faufilent dans les boucles de Harry et il s'y accroche comme s'il s'accrochait à sa vie.

La fin arrive rapidement, Louis lève son bassin pour aller plus profondément dans la chaleur de la bouche de Harry, son propre plaisir escaladent à chaque gémissement et juron sortant de la bouche de Louis. Il ne se retire pas avant que Louis soit redescendu de son orgasme, geignant à Harry jusqu'à ce qu'il le rejoigne sur le lit.

« Comment tu vas ? » Demande-t-il en serrant Louis dans ses bras et caressant ses cheveux, des mèches humides de transpiration.

Louis sourit à Harry, son visage est rougi et ses pupilles sont dilatées. « Je – Je savais pas que les gens faisaient ça, » admet-il, un soupçon de ce qui pourrait être de la honte dans son intonation.

« Je peux te montrer pas mal de choses que les gens se font si tu veux bien, » promet Harry en embrassant les lèvres de Louis et rigolant lorsque ce dernier l'évite avec le nez froncé. « Ça n'a pas mauvais gout, idiot, » rit-il en embrassant sa joue à la place.

« Je ne suis pas idiot, » répond Louis en se retenant de ne pas bailler. « Je ferais bien une petite sieste après tout ça. »

« Alors faisons une sieste. » Harry les change de position afin qu'ils soient couchés correctement, la tête de Louis sur son torse. Le matelas est beaucoup plus petit que celui de sa cabine mais aucun des deux hommes ne se plaint de cette proximité.

Ce n'est certainement pas comme ça qu'il s'imaginait il y a quelques jours, recroquevillé dans un lit inconnu avec un homme qu'il a appris à aimer dans ses bras. Une traversée qui ressemblait à une fin s'est transformée en un nouveau début. Dans quelques jours ils seront sur un autre continent ensemble, et pour Harry, les possibilités semblent infinies.

Ils s'endorment en même temps que le soleil se couche, s'abaissant gracieusement et laissant de splendides couleurs.


°°°


Lorsque Louis se réveille à l'appel pour le souper, son bras est engourdi et il y a une poignée de cheveux bruns dans la bouche. Il ricane seul en l'enlevant.

Harry est toujours entièrement habillé, une jambe en dehors du lit et le bras qui ne tient pas Louis au-dessus de sa tête. Ses cheveux sont complètement décoiffés et ce qui semble être de la bave sèche brille au coin de sa bouche entrouverte. Louis sent son visage rougir en se remémorant ce qu'ils ont fait plus tôt. Il n'arrive pas à croire que Harry ait mis sa bouche, eh bien – là-bas en bas – et semblait prendre du plaisir.

Pas que Louis se plaint ; c'était la sensation la plus exquise qu'il ait jamais ressentie de sa vie. La chaleur mouillée, la succion et les mouvements intelligents de la langue de Harry... C'était le paradis. Si ce qu'ils ont fait la nuit passée était un aperçu du Paradis, alors il peut dire aujourd'hui qu'il a aperçu Dieu Lui-même.

Un gargouillis de son ventre lui rappelle qu'ils n'ont pas seulement sauté le petit-déjeuner mais aussi le dîner et le thé – quelque chose à quoi il s'était habitué cette semaine. C'est incroyable à quel point il s'était rapidement habitué à avoir des repas réguliers et un endroit chaud où dormir – un corps chaud contre lequel dormir.

Ledit corps chaud sort de son sommeil, s'étirant comme un gros chat d'appartement, un petit hmm s'échappant de sa bouche en même temps. C'est une vue à laquelle Louis pourrait rapidement s'habituer aussi, pour être franc.

« Harry. » Il passe une main sur sa joue avant de la poser sur son épaule. « Harry, c'est l'heure du souper. »

Ses cils foncés s'ouvrent lentement pour révéler des yeux verts endormis. Ils parcourent la pièce étrangère pendant un instant avant de trouver Louis, le sourire qui s'en résulte est assez pour donner à Louis envie de sauter son troisième repas de la journée.

« Tu as faim ? » Demande-t-il en passant ses doigts entre les boucles emmêlées. « C'est l'heure du souper, si tu veux manger. »

« Je suis affamé, » avoue Harry en tournant la tête pour embrasser la main de Louis avant de rouler hors du lit. « Mon estomac n'est pas content que je saute deux repas dans la journée. »

Louis hausse les épaules en se levant, cherchant ses vêtements. « Tu finis par t'habituer, » dit-il d'un air nonchalant en trouvant son pantalon et ses chaussures.

C'est silencieux pendant légèrement trop longtemps lorsque Louis se redresse, les chaussures enfilées, Harry le regarde avec une expression mitigée, une moue triste sur la bouche et les yeux brillants de larmes.

Le cœur de Louis se contracte. Les belles personnes ne devraient jamais être si dévastée. « Quel est le problème ? »

Passant ses mains sur son visage, Harry prend une profonde inspiration avant de prendre la parole. « C'est juste – Je n'arrive pas à t'imaginer ayant faim, » admet-il doucement, la voix se brisant en plein milieu. « Si c'était de mon sort, tu ne raterais plus jamais un repas. »

Une partie de Louis veut être énervée, veut rappeler à Harry que le monde est rempli de gens qui meurent de faim et à qui on ne pensera jamais, veut crier que ce n'est pas à Harry de le sauver.

Mais il se met ensuite à penser à la vie après cette traversée, potentiellement à une vie avec Harry, et ça le frappe soudainement qu'il y a une réelle possibilité pour qu'il n'ait plus jamais faim. Pas que ça n'affecte ses sentiments envers Harry – il ne s'est jamais servi de quelqu'un pour quoique ce soit, et ce n'est pas maintenant que ça va commencer – et bien sûr il pense aussi à travailler. Louis Tomlinson n'appartiendra jamais à personne.

Mais Harry a les moyens de s'assurer que Louis ne manque de rien le temps qu'il veuille encore de lui. Peut-être, juste peut-être, ça voudrait dire qu'il pourrait à son tour mieux s'occuper de sa mère et ses sœurs. C'est une si belle pensée qu'il ne peut pas empêcher les larmes de couler le long de ses joues.

Ça aura été une journée émouvante.

Il retourne dans les bras de Harry en un instant, se fondant dans la chaleur, de l'homme musclé à qui il s'attache très rapidement. En grandissant pauvre, il s'imaginait un meilleur futur grâce aux histoires qu'il racontait à ses sœurs le soir. Désormais, cette vie est à portée de main, et il n'arrive pas à se dire qu'il a autant de chance.

« Je t'aime, » est tout ce qu'il peut dire en laissant les larmes couler.

« Et je t'aime aussi Louis, » répond tendrement Harry en le tenant aussi près que possible. « Allez, il faut qu'on aille manger, » dit-il en penchant la tête de Louis pour qu'il puisse embrasser les larmes sur ses joues.

Lorsque Louis s'écarte, son regard tombe sur le blanc de la veste de Harry, un endroit plus foncé sur son cœur mouillé de larmes.

Et, oh non, Harry est toujours vêtu de l'uniforme de steward. Il ne devrait pas être vu avec un passager habillé ainsi, et encore moins s'asseoir manger avec lui.

Harry regarde Louis avant de baisser le regard sur son accoutrement. « Oh, je ne suis pas habillé pour un souper, c'est ça ? » Demande-t-il.

C'est plutôt amusant, et Louis ne peut s'empêcher de rire en prenant la main de Harry pour le mener vers la porte. « Allez, allons te trouver quoi porter. »

Les autres garçons sont déjà partis dans la Salle à Manger lorsque Louis mène Harry jusqu'à sa cabine, ce qui est un miracle. Habiller Harry s'avère être un vrai challenge puisque tout ce qu'a Louis semble toujours être trop serré ou trop petit. Après avoir complètement vidé le tiroir sous sa couchette de son maigre contenu, il finit par trouver une chemise qui est juste légèrement trop serrée et un pantalon qui couvre presque ses chevilles.

« Ce n'est pas grand-chose mais ça devra faire l'affaire, » se lamente Louis en le regardant ajuster sa tenue. Ça fait bizarre de le voir vêtu des vêtements de Louis et non l'inverse, mais ça prouve qu'il est beau dans toutes sortes de vêtements, peu importe la qualité.

« C'est parfait, Lou, » dit Harry en souriant. Il prend la main de Louis et entremêle leurs doigts. « Tu n'as pas à avoir honte de ce que tu as. Je préfère largement être ici avec toi que n'importe où dans le monde, compris ? »

Ce sentiment est presque suffisant pour refaire pleurer Louis, mais ce n'est pas le moment. Ils doivent aller manger, et même s'il n'y a pas grand-chose à voir, Louis est quand même pressé de donner à Harry un aperçu de sa vie en Troisième Classe. Bien que quelque chose d'apeurant en lui est sûr qu'il peut partir à n'importe quel moment et retrouver le confort de ses vêtements de marque, son lit doux et sa cabine privée, pour l'instant, Harry est là avec lui, et Louis est bien décidé à profiter de chaque seconde.

Ils arrivent à la Salle à Manger juste à temps pour le second service. Les tables se remplissent rapidement mais Louis repère le trio qui s'installe à une table vers le mur opposé.

« Viens, » dit-il en touchant la main de Harry, c'est le plus de contact qu'il peut avoir en étant en public. Il se fraie un chemin entre les tables, Harry sur ses talons. Il s'arrête au bout de la table et attend qu'un d'entre eux le remarque.

C'est Malik qui les voit le premier, un sourire se formant presque immédiatement. « Eh les garçons, regardez qui a décidé de nous rejoindre. »

Horan et Lucas s'arrêtent en plein milieu de leur conversation pour regarder dans la direction qu'indique Zayn. Stan l'accueille joyeusement et Niall fait presque tomber son verre. « J'arrive pas à y croire ! » S'exclame Niall en tapotant la chaise vide à côté de lui. « Viens, Tommo, pose ton popotin et dis-nous pourquoi ton lit n'était toujours pas défait quand on s'est levés ce matin. »

Louis se racle nerveusement la gorge en s'asseyant, évitant volontairement le regard de Harry lorsqu'il s'assoit en face de lui. Le genou de Harry cogne le sien sous la table et il sait que son visage rougit encore plus.

« Qui est ton ami ? » Demande Stan en prêtant enfin attention à Harry puisque Louis est actuellement incapable de parler.

Quatre paires d'yeux fixent Harry, qui est avachi sur la chaise et regarde autour de lui avec curiosité. Il remarque l'attention et sourit avant de lever une main et gigoter les doigts. « Bonjour, » dit-il en regardant chaque visage. « Je suis Harry Styles. »

Chacun d'entre eux se présente chaleureusement au nouvel arrivant. Le sourire de Harry est sincère lorsqu'il regarde chacun des garçons en répétant leur nom pour être sûr de s'en rappeler.

« Alors, Styles, comment as-tu connu notre Tommo ici présent ? » Demande Niall en tapant Louis dans le dos.

Harry hausse un sourcil à l'entente du surnom mais se retient de faire un commentaire, il boit une gorgée et se lèche les lèvres avant de prendre la parole. « On s'est juste rencontrés par hasard, pas vrai ? » Demande-t-il en regardant Louis pour avoir confirmation. « Il est entré dans ma cabine un soir en pensant que c'était la sienne. » Il sourit, assez content de lui d'être resté le plus proche possible de la réalité.

« J'étais complètement mort, pas vrai ? » Répond Louis en souriant. « Je savais même plus différencier mes pieds de mes mains. Styles a été assez gentil pour s'assurer que je ne m'attire pas plus de problèmes. »

Stan éclate de rire en donnant un coup de coude à Harry. « Qu'est-ce que j'aurais donné pour voir ça ! »

« Je ne l'oublierai jamais, » ajoute Harry en trinquant son verre avec celui de Stan, avec un regard bref mais rempli de significations vers Louis. « Donc vous partagez une cabine tous ensemble ? » Demande-t-il aux autres garçons.

« Oui, quand Tommo rentre du moins, » le charrie Zayn. « On ne l'a pas beaucoup vu ces derniers temps. »

« Tommo s'est trouvé une jeune demoiselle, » chuchote Stan bien que ce soit assez fort pour que tout le monde entende.

Harry relève les sourcils, sa bouche forme un 'o' parfait de surprise en se tournant vers Louis ? « Une jeune demoiselle, tu dis ? Il ne m'en a pas parlé. »

Son expression montre qu'il taquinera Louis avec ça plus tard, lorsqu'ils seront de nouveau seuls. Marmonnant dans sa barbe, Louis se laisse tomber contre le dossier de sa chaise et sent le bout de ses oreilles devenir rouges de honte.

Par chance, les serveurs commencent à apporter les repas, plaçant les assiettes en face de chaque passager et remplissant leur verre. Les conversations s'essoufflent peu à peu et sont remplacées par le bruit des couverts contre les assiettes, chacun profitant du dernier repas de la journée.

Louis ne peut s'empêcher de regarder Harry fixer son assiette, observant le repas simple. En Troisième Classe, le souper est le quatrième repas de la journée et le plus léger, le plus conséquent étant le repas de midi.

Mais si Harry est déçu, il ne le montre pas. Il regarde chaque met en face de lui comme si c'était quelque chose de rare, quelque chose qui doit être gardé et savouré au lieu d'être ingurgité avant d'aller se coucher. Ce n'est rien comparé à leur dîner de la veille, mais Harry semble l'apprécier tout autant.

Voir Harry s'intégrer dans son environnement – mener la conversation, rigoler et taquiner, complimenter un serveur qui passe sur le service et la nourriture – Louis sait qu'il est complètement amoureux de lui. Ça le rassure de savoir que s'ils s'étaient rencontrés dans d'autres circonstances, si Harry avait à changer son style de vie pour être avec Louis, il serait toujours heureux, sourirait toujours autant.

« Vous venez avec nous ce soir, hein ? » Demande Stan une fois leurs plats débarrassés et que la Salle à Manger commence à se vider, les passagers se dirigeant vers leur cabine ou les animations d'après-souper.

L'expression de Harry montre qu'il est partant pour tout, il croise le regard de Louis à travers la table et fait un grand sourire. « Bien sûr, » répond Louis en rendant le sourire. « Styles ne sort pas beaucoup, donc il faut qu'on arrange ça. »


°°°


La Salle de Rassemblement est remplie de bruits, de rires et d'applaudissement ainsi que d'une variété d'instruments. C'est exaltant de voir des gens si bruyants et sans retenue, un énorme fossé comparé à ce à quoi est habitué Harry.

La journée entière lui a permis d'ouvrir les yeux.

Juste le fait de voir la différence en Troisième Classe, toujours bien organisée et confortable mais manquant des petits extra des autres classes avait été une énorme surprise pour lui. De la nourriture simple et des lits simples pour des gens simples.

Sauf que ces gens ne sont pas simples. Ils sont intelligents, talentueux et drôles, se rassemblant tous ensemble malgré la barrière des langues et des origines conflictuelles. Ils sont si heureux, si remplis d'espoir qu'une vie meilleure les attend.

Au milieu de tout ça il y a Louis, qui rit et sourit, applaudissant en rythme avec la musique et inventant des paroles quelque peu douteuses. Ses cheveux tombent sur son front, humides de transpiration, et il a roulé les manches de sa chemise en lin, ses avant-bras bronzés désormais visibles. Il est tellement différent ici, les bras autour du cou de Stan et Zayn, les encourageant à chanter eux aussi. Lui non plus n'a pas de retenue, il est libre de laisser briller son esprit comme il l'entend.

Et il brille. C'est presque comme si le lustre de Première Classe lui faisait de l'ombre et minimisait sa brillance, et que Harry voyait pour la première fois ses vraies couleurs. C'est à en couper le souffle.

Et c'est dessaoulant. Ils n'ont pas beaucoup parlé de la vie après le Titanic, mais si Louis décide de rester avec Harry, de vivre une vie dans les hauts échelons de la société, eh bien, Harry n'arriverait pas à vivre avec lui-même s'il était responsable de la perte permanente des paillettes de Louis.

Dans une autre vie, il serait juste à côté de Louis, criant des paroles ridicules et dansant sans retenue. Mais pour le moment, il se contente de rester assis et de regarder cet homme – son homme, s'il ose penser ainsi – qui rit et sourit comme si ses amis étaient de l'argent et qu'il était l'homme le plus riche au monde.

« Il est vraiment à part, pas vrai ? »

Harry n'avait même pas remarqué l'autre personne qui l'avait rejoint sur le banc, trop captivé par Louis pour se préoccuper de ce qu'il se passait autour de lui. Il se demande depuis combien de temps Niall est assis là à lui sourire.

Lorsqu'il ne répond pas, Niall fait un geste de tête vers le centre de la pièce, à l'homme qu'il regardait sans discrétion quelques instants plus tôt. « Tommo, je veux dire. Il est vraiment à part. »

« Ça c'est sûr, » acquiesce Harry en se permettant de reposer son regard sur Louis.

Il peut sentir Niall le regarder, son regard bleu intelligent le reluquant de la tête aux pieds silencieusement. Il essaye de rester impassible même s'il sent les muscles de son dos se contracter. Il sait que je ne suis pas d'ici. J'ai été démasqué. Il sait-

« C'est à toi qu'il allait rendre visite, pas vrai ? » en déduit doucement Niall, assez fortement tout de même pour que Harry puisse entendre.

Le sol semble s'ouvrir sous ses pieds. Niall a les sourcils froncés et le son du cœur de Harry est assez fort pour être entendu par-dessus les applaudissements. Les mots restent bloqués dans sa bouche, il ne trouve pas d'explication assez bien pour empêcher Niall de les dénoncer. Il est trop tard pour nier ; son silence étonné l'a rendu, et le regard de Niall en dit long sur le fait qu'il le sache.

« Ecoute, Horan, je peux tout expliquer, » dit rapidement Harry en se tournant pour lui faire face, faisant attention à ce que leurs genoux ne se touchent pas. « C'est entièrement de ma faute, d'accord ? S'il te plait, ne punis pas Louis pour ça. C'est de ma faute. Je - »

«Je ne vais dénoncer personne, d'accord ? » dit Niall en mettant fin au monologue de Harry avec un geste de la main. "Je ne peux pas dire que je comprends, mais Tommo est un grand garçon, il peut prendre ses propres décisions." Il passe une main dans ses cheveux foncé, des mèches retombant sur sa tempe droite. « Il faudrait que je sois aveugle pour ne pas voir à quel point tu le rends heureux. Cet homme, » commence-t-il, en montrant Louis qui est en train d'essayer d'amadouer Stan en valsant avec lui, « n'est pas le même que celui que j'ai rencontré il y a quelques jours. »

Harry est sans voix, il arrête de regarder Louis pour rencontrer les yeux de Niall. Ils sont également bleus, mais pas comme Louis. Puis d'après Harry, aucun homme a des yeux comme Louis, et toute autre nuance de bleu est simplement une tentative d'atteindre la perfection.

Il avale difficilement sa salive, encore sous le choc du fait que leur secret bien gardé n'est plus à eux seuls. «Je ne sais pas quoi dire, » admet Harry en mordant sa lèvre inférieure. "Alors merci de ne pas nous dénoncer. »

Le visage de Niall se fend en un grand sourire et il tapote Harry sur l'épaule. «Tu es à part toi aussi, Styles, » dit-il en ébouriffant les cheveux de Harry d'une manière qui semblerait très osée venant de quelqu'un d'autre, mais de la part de Horan, c'est presque fraternel. « Tu n'es pas obligé de dire quoi que ce soit, hein ? Promets-moi juste de faire en sorte que ses rêves se réalisent, et va donc nous chercher des bières. Après on en parle plus. »

Harry sourit, le sourire en coin de Niall est impossible à éviter. « Je fais vite, » promet-il en se dépêchant de leur trouver des boissons avant que Niall n'aperçoive les larmes dans ses yeux.

C'est peut-être bête, mais Harry espère que, d'une certaine manière, tous les rêves de Niall se réaliseront aussi.

La musique finit par s'essouffler, passant de mélodies reconnaissables à une cacophonie ivre. Un à un, les passagers se disent bonne nuit et se dirigent vers leurs lits, promettant de reprendre là où ils s'étaient arrêtés le lendemain.

Il est juste vingt-deux heures passées quand Louis trouve Harry perdre une énième partie de cartes contre Zayn. Ils jouent simplement pour le plaisir, la plupart des passagers de Troisième Classe n'a pas assez d'argent, bien que Malik aurait récolté un joli butin contre Harry.

« Je crois qu'il est l'heure de rentrer, les gars, » annonce Louis en se laissant lourdement tomber dans une chaise. Il regarde les cartes de Harry et grimace. « Il n'y a plus rien à faire pour ton cas, de toute façon. Malik te ferait une faveur à te laisser partir avec une fierté intacte. »

Riant, Harry jette ses cartes sur la table et Zayn fait la même chose avant de les empiler. « Quelle fierté ? Il m'a battu à toutes les parties. Ma sœur a raison, je suis nul en bluff. »

« T'es pas si terrible, » dit Zayn, haussant un sourcil en mélangeant les cartes avec facilité. « J'ai juste beaucoup joué aux cartes avec beaucoup de marins. »

Harry rit encore, il se lève et baisse son chapeau imaginaire à Zayn. « Dans ce cas, il est de mon privilège de perdre contre un tel expert." Il se tourne vers Louis, admire ses joues rouges et ses yeux brillants, la façon dont ses cheveux en sueur se collent à son front et les pans de sa chemise pendent sur son pantalon. « Eh bien, monsieur Tomlinson, voulez-vous bien m'accompagner jusqu'à ma cabine ? » Il cligne d'un œil à Zayn. « Si j'ai bien compris, elle est sur le chemin de celle de ta demoiselle. »

Zayn s'esclaffe lorsque Louis devient rouge comme une tomate, regardant Harry d'une manière qui suggère qu'il avait vraiment envie de le faire taire. « Pas besoin d'être jaloux, Styles, » lance Louis en se recomposant rapidement. « Je suis sûr qu'on te peut trouver quelqu'un à embrasser le soir par pitié. » Il frappe Zayn avec son coude avant de se lever de sa chaise et de s'éloigner de Harry. Il est juste assez loin derrière Zayn pour éviter d'être surpris en train d'envoyer un baiser à Harry, comme pour dire : Je serai le seul à t'embrasser ce soir.

Harry lui sourit simplement avant de serrer la main de Zayn, lui souhaitant une bonne soirée et lui assurant qu'ils vont se reverront bientôt. « Allons-y, Tommo, » le taquine Harry en tendant son bras, sauf que Louis l'évite. « On ferait mieux de me trouver cette personne à embrasser. » Il fronce son nez à Louis, les coins de ses yeux plissés de rire, et espère que sa signification est claire :

'Tu es le seul que je veux embrasser.'

La cabine empruntée sur le pont D est exactement comme ils l'avaient laissée, avec un seul lit défait pour montrer que quelqu'un a été là. Il y a un mot sur le lit, de l'encre noire griffonné sur un papier de la White Star Line, que Harry réussit à attraper avant Louis.

« 'Messieurs Tomlinson et Styles,' » lit Harry, tenant le papier hors de la portée de Louis. Ce dernier saute pour essayer de l'attraper, mais Harry lève le mot encore plus haut. « 'N'hésitez pas à faire usage de cette cabine pour une seconde nuit. Je viendrai vous voir dans la matinée, et nous déciderons de la suite à ce moment-là. Jusque-là, dormez bien et n'hésitez à appeler si je peux vous rendre un quelconque service. Votre humble serviteur, Liam Payne. ' » Harry termine la lecture pile lorsque Louis arrive enfin à attraper son bras, le baissant assez pour lui arracher la lettre des mains et la lire lui-même.

« Quel homme remarquable, » lance Louis en pliant soigneusement le papier avant de le glisser dans la poche de son pantalon. « Honnêtement, je ne sais pas ce que j'aurais fait sans son aide. J'aurais sûrement été repéré. » Il commence à déboutonner sa chemise, souriant à Harry. « Ou j'aurais arrêté de venir te rendre visite quand j'aurais eu trop peur. C'est lui qui m'a encouragé à revenir. Horan aussi, d'ailleurs. »

Harry regarde Louis se déshabiller tout en enlevant ses propres vêtements en même temps. « Cela me rappelle, » dit-il, prenant les mains de Louis dans les siennes et le tirant près de lui jusqu'à ce que leurs poitrines nues soient presque collées. « J'ai eu une petite conversation avec monsieur Horan plus tôt. »

« Vraiment ? À propos de quoi ? » Les yeux de Louis sont larges, un sourcil arqué en levant le menton pour regarder Harry.

Incapable de résister, Harry dépose un baiser sur le bout de son nez avant de continuer. « De nous, en fait. Il sait, » dit-il, ne manquant pas la façon dont le plus petit se raidit dans ses bras. « Il dit qu'il est heureux pour nous. »

« C'est vrai ? » demande Louis avec de l'émerveillement dans sa voix. « Ça ne le dérangeait pas que je... qu'on-"

« Absolument pas, amour, » le rassure Harry en frottant une main apaisante entre les épaules de Louis. « Tu t'es fait des amis merveilleux durant ce voyage. »

Louis enfouit sa tête sous le menton de Harry, et ce dernier peut le sentir sourire contre sa gorge. « C'est valable pour tous les deux, » murmure Louis ponctuant sa pensée avec un doux baiser. « Monter à bord de ce navire est la meilleure chose qui ne me soit jamais arrivée. » Il se recule juste assez pour que Harry puisse voir ses grands yeux, un soupçon d'humidité se recueillant à leurs coins. « Il m'a mené à toi. »

La boule dans la poitrine de Harry semble gonfler puis éclater, libérant les émotions qu'il a essayé d'enfouir toute la soirée.

Un hoquet lui échappe lorsqu'il essaie de retenir un sanglot. Incapable de parler, il mène Louis vers le lit, s'assoie et tire Louis près de lui. Louis glisse contre lui, le tenant fermement et chuchotant des mots doux contre son torse.

« Qu'est-ce qui se passera quand on arrivera en Amérique ? » Ose demander Harry une fois ses sanglots disparus, lui permettant de parler correctement à nouveau.

« Hmm ? »

Il se tourne vers Louis afin qu'ils soient face à face et il se rend compte que Louis s'était presque endormi.

« Qu'est-ce qu'il se passera pour nous ? » demande Harry en regardant ses genoux. « Je sais ce que je veux, mais je ne veux pas interférer avec tes plans, avec la vie que tu as prévue avant que je débarque dans ta vie. » Il peut encore entendre la voix de Niall dans sa tête : Fais en sort que ses rêves se réalisent. Il compte bien le faire.

Louis tord sa bouche, il prend une des mains de Harry dans les siennes et regarde la peau lisse et crémeuse. « Et qu'est-ce que tu veux, mon amour ? » Demande-t-il avec précaution, même si Harry peut sentir son pouls rapide dans ses mains.

Il y a un moment de silence durant lequel Harry pense, décidant avec attention de la meilleure manière de formuler ses désirs. Plus simplement, il veut être avec Louis. Mais ce n'est pas simple, n'est-ce pas ? Ça ne peut pas l'être pour eux. Il n'y a pas de place pour de l'improvisation dans leur situation, pas avec ces enjeux aussi importants.

« Je veux que tu viennes avec moi dans le Massachusetts, » finit par décider Harry. « C'est là que nous allons. Mon oncle possède des biens, et je vais chercher un endroit à moi pour être proche de Gemma. » Il prend une profonde respiration, il se prépare au rejet, mais au moins il a essayé. « Tu pourrais emménager avec moi, en tant qu'ami. Je suis certain que tu peux trouver un tailleur qui cherche de l'aide, et si jamais tu décides que ce n'est pas ce que tu veux, je t'aiderai à trouver un autre endroit pour vivre, sans poser de questions. »

Il y a un brin d'hésitation dans la voix de Louis quand il répond en regardant Harry avec des yeux méfiants. « Je t'ai déjà dit que je veux que rien ne me soit donné, » répète-t-il avec méfiance.

« Et je n'ai pas l'intention de le faire. Vis ta vie, va travailler, gagne ton propre argent. Juste, s'il te plaît, réfléchis à envisager de le faire avec moi à tes côtés. » Harry sait très bien qu'il a l'air désespéré. Mais il n'arrive pas à se résoudre à s'en préoccuper. Pas lorsque Louis est concerné.

Louis délibère pendant un moment, les doigts retraçant les veines de Harry. « Et si c'était dans l'autre sens ? » Demande-t-il d'une petite voix faible. « Et si je voulais que tu viennes vivre avec moi dans la pauvreté ? Louer un petit appartement et économiser chaque penny et travailler corps et âme ? » Il rencontre les yeux de Harry, il semble si jeune dans la pénombre de la cabine. « Tu me suivrais ? »

Harry démêle leurs mains et prend le visage de Louis, ses pouces effleurant la peau délicate sous ses yeux. « Je te suivrais jusqu'à l'autre bout du monde », jure-t-il en appuyant son front contre celui de Louis. « Je pourrais tout abandonner pour toi, Louis. Tout ce que tu as à faire est de me le demander."

Il y a un son étouffé, puis Louis lui offre un baiser désespéré, serrant Harry comme s'il pouvait disparaître à tout moment. Harry lui rend le baiser, léchant les lèvres de Louis pour qu'il les entrouvre afin d'y introduire sa langue. Louis est hésitant au début, rencontrant timidement la langue de Harry, mais il prend rapidement le contrôle du baiser, découvrant la bouche de Harry avec sa langue et gémissant contre ses lèvres.

Ils se séparent avec un soupir, haletant tous les deux à travers leurs lèvres gonflées. Harry fait un sourire timide à Louis, comme s'ils ne s'étaient pas embrassés ces dernières minutes, et Louis lui sourit en retour.

« D'accord, je viendrai avec toi. »

Les mots sont tellement chuchotés que Harry n'ose pas croire qu'il les ait réellement entendus. « Qu'est-ce que t'as dit ? » Demande-t-il, la voix brisée.

Louis regarde au loin, ses cheveux cachant ses yeux, mais ne couvrant pas totalement le rouge de ses joues. « Je dis que je viendrai avec toi, Harry. Je vais venir dans le Massachusetts. »

Il y a un petit cri de surprise lorsque Harry le prend dans ses bras, enfouissant son visage contre le torse de Louis afin de respirer son odeur. Louis va venir avec moi. « Je te promets de te rendre plus heureux comme tu ne l'as jamais été, » jure Harry entre d'innombrables baisers, adorant chaque parcelle de peau qu'il peut toucher.

« C'est déjà fait, Harry, » répond Louis en déposant des baisers dans les cheveux de Harry.

Ils se font un câlin très étroit, les lèvres trouvant d'autres lèvres et les doigts trouvant de la peau, et ils sont tellement collés que même le petit lit parait spacieux.

Plus tard, une fois qu'ils se sont nettoyés et sont enroulés autour de l'autre sous les couvertures, Harry n'arrive pas croire à quel point il est chanceux, il a trouvé tout ce qu'il voulait sans même le savoir, et il fera tout pour s'assurer que Louis ressente la même chose.

« Louis, » murmure-t-il dans l'obscurité, enfouissant son nez contre la joue de Louis. « T'es toujours réveillé ? »

« A peine, » répond le concerné en somnolent en glissant ses orteils froids sous la jambe de Harry, ce qui le surprend. « Pourquoi ? »

Harry dépose un baiser dans ses cheveux bruns ébouriffés, respirant le parfum léger de son propre savon, maintenant masqué par la sueur et quelque chose de résolument Louis. « Quand on arrivera en Amérique, si tu veux, on pourra envoyer quelque chose à ta mère et tes sœurs. » Avant que Louis ne puisse protester, il continue : « J'ai de l'argent, et je sais tu t'inquiètes à leur sujet. Ce n'est pas de la charité ; tu pourras me rembourser si tu y tiens vraiment, mais il n'y a aucune raison d'attendre. »

Il entend un reniflement dans l'obscurité, et Harry sait que Louis pleure. « Louis ? Qu'est-ce qu'il y a ? » Demande-t-il en caressant ses cheveux et le câlinant. « Je suis désolé, je ne voulais pas te faire pleurer. »

« Je t'aime tellement, » répond Louis en un murmure fragile. « Oui, mon Dieu oui, s'il te plait on peut envoyer quelque chose à ma famille ? »

« Dès la minute qu'on arrive, » promet Harry.

Louis renifle contre le torse de Harry, enroulant ses bras encore plus fort autour de son ventre. « Je ne pourrais jamais te rembourser correctement. Tout l'argent du monde ne peut pas rembourser une telle bonté. »

« Tu es revenu à moi, » répond simplement Harry en enroulant un bras autour de Louis. « C'est moi qui ai une dette envers toi. »

Il reste éveillé bien longtemps après que Louis se soit endormi, des larmes de joie séchant encore sur sa peau. Il se rend compte que c'est désormais sa vie. Aller se coucher et se réveiller avec cet homme à côté de lui, partager des baisers et des larmes, des espoirs et des rêves. C'est quelqu'un vers qui on a envie d'aller, quelqu'un qui nous manque, quelqu'un avec qui rire et se quereller. Il veut tout cela, le bon et le mauvais, et il peut l'avoir avec Louis. Même si Louis se réveille dans un mois et change d'avis, Harry Styles aura été l'homme le plus chanceux du monde le temps que ça aura duré.

C'est peut-être fou de penser ça, mais il a le sentiment que ça va durer très, très longtemps.


°°°


Louis se réveille en sursaut, le cœur battant bruyamment dans le silence de la cabine. Le seul autre son est le ronflement calme de Harry, son souffle chaud rassurant contre sa tête.

C'était juste un rêve, se dit-il, laissant ses yeux se refermer, même s'il ne se souvient pas de rêver. Il est dans un endroit inconnu, se dit-il, donc ce n'est pas surprenant qu'il ait un peu de mal à dormir.

Mais il y a quelque chose qui cloche, une différence qu'il n'identifie pas immédiatement. Il sait qu'il a senti quelque chose, quelque chose d'assez fort pour le réveiller d'un profond sommeil, et il n'arrive pas à s'enlever de la tête le sentiment terrible que quelque chose ne va pas.

Et ce n'est que lorsque Harry roule et que le changement de position atténue son ronflement que ça frappe Louis :

Il y a un silence de mort.

Il n'y a pas le bourdonnement constant des moteurs, aucune impulsion d'hélices dans l'eau.

« Harry, » dit-il d'une petite voix en le secouant un peu pour le réveiller. « Harry, réveille-toi. Je pense que quelque chose ne va pas avec le bateau. »

Harry lâche un petit grognement et tourne vers Louis bien que la pièce soit trop sombre pour voir son visage. « Qu'est-ce qu'il y a ? » Demande-t-il encore endormi en se frottant les yeux.

Le rythme cardiaque de Louis semble deux fois plus rapide en l'absence de bruit du navire. Prenant une grande respiration et essayant de se stabiliser, il cherche la main de Harry. « Les moteurs se sont arrêtés. »

C'est calme quand ils écoutent tous les deux, le silence étrange s'abat sur eux comme une couverture lourde. « Je vais voir ce qu'il se passe, » dit Harry en s'asseyant et embrassant Louis avant d'attraper ses vêtements. « Je suis sûr que ce n'est rien. Rendors-toi. »

« Non, » insiste Louis en secouant la tête. « Je ne veux pas être seul. Je viens avec toi. » Il n'arrive pas à faire abstraction de la prémonition terrible qu'il a, lui donnant froid dans le dos. Il frissonne involontairement en sortant du lit, tirant sur ses propres vêtements.

Le couloir est vide, la majorité des passagers dans leur lit pour la nuit. Louis jette un coup d'œil à la montre de poche Harry, toujours nichée en sécurité dans son pantalon, et voit qu'il est presque minuit.

Un steward apparaît à l'autre bout du couloir. Harry arrive vers lui, arrêtant l'homme dans sa marche.

« Tout va bien ? » Demande Harry, la voix encore rauque du sommeil. « Il semblerait que les moteurs se soient arrêtés. »

Le steward leur sourit mais sa joie est évidemment fausse. « Il y a probablement juste un problème avec une pale d'hélice, messieurs. Pas besoin de quoi s'inquiéter. » Il fait une brève révérence avant de tourner les talons et de reprendre son chemin.

« Tu vois ? » Dit Harry en étouffant un bâillement. « C'est les hélices. Je suis sûr qu'ils iront voir le problème une fois le jour levé. Allons nous recoucher. » Il se tourne pour retourner dans la cabine, mais Louis ne bouge pas, figé par la peur au milieu du couloir.

« Louis ? » Demande Harry, des lignes d'inquiétude sur son front. « Qu'est ce qui ne va pas ? »

Sans un mot, Louis soulève lentement son bras, pointant d'un doigt tremblant le bout du couloir vers la proue.

C'est à peine là, mais Louis voit le moment où Harry le voit, peut entendre son souffle se couper dans sa gorge lorsque la réalisation le frappe.

De l'eau se répand lentement sur le linoléum, juste assez pour refléter les lumières qui bordent le couloir.

C'est alors que l'agitation commence, les portes s'ouvrent à la volée et les stewards se précipitent dans le couloir. Quelqu'un crie, et ce n'est pas avant que Harry n'attrape son bras et le mène vers leur cabine que Louis se rend compte qu'il est celui qui produit le bruit.


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Référence:

Fumoir de Première Classe:


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