Chapitre 2

11 avril 1912



Ça prend quelques minutes à Louis pour réaliser où il se réveille. Le lit sous lui est doux et petit, et il est seul. Il ne se rappelle pas la dernière fois qu'il s'est réveillé sans qu'un enfant apeuré ait fini dans son lit.


Puis il se rappelle: il est au milieu de l'océan, et ses sœurs sont à la maison, et il va s'écouler beaucoup de temps avant qu'il ne les revoit.


Il se tourne en grognant, observant ce qui l'entoure. Sans fenêtre, il est difficile de discerner quelle heure il est. Peu importe l'heure, Zayn et Stan ont déjà délaissé leur lit, au petit-déjeuner ou en train de faire des bêtises, peut-être les deux.


Se sortant du lit, Louis ouvre le tiroir qui accueille ses affaires et commence à s'habiller. Sa garde-robe n'est pas grand chose: un pantalon et des t-shirts en coton, un gilet pour changer, des bretelles et une veste abîmée. Mais il a tout de même plus de choses que certaines personnes, et il en est reconnaissant.


En passant ses bretelles au-dessus de ses épaules, il se permet de rêver de sa vie en Amérique, quand il aura l'argent pour avoir de nouveaux vêtements, peut-être même un costume. Il pense à ses sœurs qui pourront avoir des jouets et des friandises, et de nouveaux tissus pour leurs robes. Ça en vaut la peine, se rappelle-t-il en rejetant le sentiment de manque.


Il s'avère qu'il est encore tôt, le deuxième service du petit-déjeuner vient juste de commencer. En allant à la Salle à Manger, Louis trouve Zayn et Stan assis face à face au bout d'une des longues tables. Stan parle de manière animée, balançant ses bras au dessus de sa tête, et Zayn hoche la tête d'amusement à ce qu'il raconte.


C'est Stan qui remarque Louis le premier, lui faisant signe de venir. "Tomlinson ! On t'a gardé une place," appelle-t-il en pointant une chaise vide à côté de lui. Louis s'assoit sur la chaise en bois, son estomac gargouillant en sentant l'odeur de la nourriture de ses colocataires. Il avait complètement oublié ça, dans tout cette excitation, il avait raté le souper la veille.


"Bonjour," leur dit-il avec un sourire, tournant sa chaise. Celles-ci étaient toutes alignées aux tables et construites sur des pivots afin de s'adapter aux mouvements du paquebot, mais pour Louis ça veut juste dire qu'il n'a pas à rester complètement sans bouger. En parlant de mouvement, la Salle à Manger en est remplie, les stewards servent les repas et les passagers mangent avec envie. Un steward sert une assiette devant lui, elle est remplie de nourriture: un porridge, des pommes de terre bouillies, du porc rôti. Louis ne peut s'empêcher de la fixer, ses yeux sans aucun doute ronds comme l'assiette étincelante. C'est le premier repas de la journée mais c'est déjà plus que ce que Louis mangerait en une journée entière à la maison.


Louis mange en silence, écoutant simplement la conversation de Lucas et de Malik en savourant son pudding à la prune. Le sujet de leur discussion est comment ils vont passer le temps jusqu'au prochain repas. Comme Louis, les deux hommes ont l'habitude de passer leurs journées à travailler dur pour supporter leur famille. Zayn travaillait sur les ponts et Stan donnait des coups de main à la ferme. Louis a eu la chance de trouver un boulot d'assistant de tailleur, lui permettant d'apprendre à coudre sur le tas et de travailler à l'intérieur au lieu de devoir s'affairer sous le soleil brûlant. Quelques fois le tailleur, Mr Stafford, l'autorisait même à ramener à la maison quelques bouts de tissus et il aidait sa mère à les transformer en nouveaux vêtements pour ses sœurs. Ce n'était pas un travail facile, mais c'était beaucoup mieux que le travail acharné auquel étaient habitués ses nouveaux amis.


Mais Louis n'avait pas non plus la vie facile. Lorsqu'il n'était pas au travail, il faisait des taches ménagères à la maison, coupait du bois pour se préparer pour l'hiver, réparait des meubles, nettoyait la maison et s'occupait de ses sœurs. Il ne se rappelle pas la dernière fois qu'il a eu autant de temps libre. Ou s'il en a déjà eu autant.


"C'est comme des vacances, n'est-ce pas ?" Dit-il, ignorant la bouchée de pudding qu'il doit encore avaler. "On a presque une semaine pour manger, jouer aux cartes, boire, et tout ça sans travailler."


"On a la belle vie !" Continue Lucas en levant sa tasse de thé pour porter un toast. "A l'aperçu de ce que nous pourrions avoir, les garçons !" Zayn trinque sa tasse contre celle de Louis et de Stan avec un "Santé."


Plein de bonne nourriture et d'un bon état d'esprit, Louis ne peut s'empêcher de rire et adopte son accent le plus raffiné en demandant, "Eh bien, mes bons hommes, quand allons-nous boire notre verre de sherry ?"


Stan ricane, tapant sur la table assez fort pour faire vibrer les couverts. Zayn, le plus calme de la paire, secoue simplement la tête et sourit. Bien que bref, Louis pense que ce voyage fera partie des meilleurs moments de sa vie.


Le vent de l'après-midi est assez frais, mais ça n'empêche pas les trois compagnons de tracer chemin vers le Pont B pour regarder l'Irlande s'approcher. C'est une belle vue, avec les falaises grises s'élevant des pâturages les plus verts que Louis n'aie jamais vu.


Une avancée rocheuse arrive rapidement en vue, surplombée d'un phare. Ça rappelle à Louis le phare qu'il a aperçu la veille, regardant la vue depuis une promenade couverte et non un pont en plein air. Une envie de goûter de nouveau à ce luxe s'empare de lui, mais il l'oublie rapidement. C'était risqué et il n'aurait pas dû faire ça. Après tout, même la Troisième Classe est mieux que tout ce qu'il a connu. Sois reconnaissant de ce que tu as, se gronde-t-il. Ne sois pas envieux du reste.


"C'est le Old Head of Kinsale," annonce Zayn, interrompant les pensées de Louis. "Cork Harbour est juste de l'autre côté. J'ai déjà navigué ici avec mon père." En effet, lorsque le Titanic avance, le port apparaît. Même de loin, c'est clair qu'une large foule s'est réunie pour voir le paquebot, la moindre parcelle de la rive occupée par des curieux.


Une fois que le Titanic est arrivé au port, deux plus petits bateaux approchent depuis le port, amenant les derniers passagers qui embarqueront sur le paquebot. "Ils ont aussi du courrier avec eux, vous voyez ?"


En effet, de larges sacs sont transférés dans le paquebot en même temps que les nouveaux arrivants. Quelques voyageurs qui avaient embarqués en Angleterre descendent, n'ayant probablement même pas défait leurs valises pour un voyage aussi court.


Zayn continue de leur apporter des informations sur le paquebot ainsi que des histoires que son père lui avait racontées de ses nombreuses années passées sur l'eau. En parlant, des passagers les rejoignent sur le pont pour dire au revoir à leur terre natale. Louis a un pincement au cœur en se rappelant de ses propres au revoir pleins de larmes, rendant le moment encore plus poignant. Le musicien se tient face à Queenstown, ses joues rouges du vent et de la marque de son instrument. La mélodie est entêtante mais belle, d'autres passagers sur le pont murmurant la mélodie avec des larmes aux yeux.


La musique est accompagnée par les bruyants bruits du Titanic qui repart, laissant seulement des vagues pour marquer où il était, le paquebot s'éloignant du port et s'avançant dans la mer.


"Je suis un peu fatigué," dit Louis en feignant un bâillement et se reculant de sa place contre la rambarde. "Je crois que je vais aller me coucher un peu. Vous pourrez me réveiller pour le dîner ?"


Lucas rigole en hochant la tête. "Si on oublie le musicien le fera. Il réveillerait presque les morts pour les repas."


"Habituez-vous-y," intervient Malik. "Il va jouer avant tous les repas. C'est une tradition de la White Star Line." Leurs grognements se transforment en rires, et Louis se retire avec un dernier au revoir de la main pour retrouver la calme solitude de sa cabine.


Enfin. Presque calme.


Au lieu d'être vide, Louis trouve la porte ouverte et sa cabine est occupée par un jeune homme aux cheveux bruns. Il est de dos et cherche quelque chose dans sa valise avant de mettre ses affaires dans le tiroir sous le lit précédemment vide.


"Euh, bonjour ?" Dit Louis en toquant à la porte pour attirer l'attention de l'homme.


Son quatrième et dernier colocataire se tourne et lui fait un grand sourire. Ses yeux sont bleus et brillants, il a un visage pâle excepté ses joues. Le nouvel arrivant ne perd pas de temps avant de serrer la main de Louis.


"Bonjour ! Je suis Niall Horan," dit le brun avec un accent irlandais bien marqué, lâchant enfin la main de Louis. "J'espère que ça ne te dérange pas, j'ai dû regarder dans les tiroirs pour voir quel lit n'était pas pris."


Louis récupère sa main et fait un signe à Niall avec l'autre. "Non, pas de problème. Tu viens juste de monter à bord, alors ?" Il retire ses chaussures et monte dans son lit, espérant que ce soit clair pour Niall qu'il compte bien se reposer. "Je suis Louis, au fait. Tomlinson."


L'Irlandais ne semble pas comprendre. "Et tu viens d'où, Tommo ?" Louis lève les sourcils tandis que Horan commence à poser des questions. "Tu vas où ? Est-ce que la nourriture est aussi bonne que tout le monde le dit ?" Il ferme le tiroir et se tourne, un sourire traversant son visage. "Je viens de Mullingar. Mon frère et sa femme viennent juste d'avoir un bébé. Ils vivent aux Etats-Unis, tu vois, et je vais rester avec eux pour les aider un peu."


Se résignant à reporter sa sieste à plus tard, Louis se relève un peu pour écouter la discussion interminable de Niall. Son accent est difficile à comprendre quelques fois, mais l'excitation dans sa voix fait sourire Louis. Il lui raconte sa propre histoire, lui parle de Zayn et Stan, et son expérience sur le paquebot jusqu'à présent. Niall l'écoute avec fascination lorsque Louis lui parle des toilettes automatiques, des lumières électriques et des plats qui leurs sont servis.


"Si on a tout ça, qu'est-ce que tu penses qu'à la Première Classe ?" Demande-t-il, émerveillé lorsque Louis finit de parler.


Il se mord la lèvre, son esprit vagabondant vers la veste blanche cachée sous ses affaires dans le tiroir sous son lit. Toute la journée, son secret lui a pesé comme une pierre dans son estomac, et il y a quelque chose dans le regard honnête et le sourire de l'Irlandais qui lui donne un peu de courage.


"J'y ai déjà été, tu sais," chuchote Louis, même s'il sait qu'il n'y a personne aux alentours pour écouter. "Je m'y suis faufilé hier. C'est comme un palace flottant."


"C'est pas vrai !" S'exclame Niall, les yeux écarquillés. "Dis-moi tous les détails. Déjà, comment t'es arrivé à y aller ?"


Donc Louis décrit le décor et les beaux passagers, la musique et les énormes cabines, les lits confortables recouverts de draps soyeux. Il sort même l'uniforme volé, expliquant comment il l'a trouvé et le chemin qu'il a pris pour y aller.


"Il faut que tu y retournes," dit Niall lorsque Louis range la veste.


Louis ricane en fermant le tiroir. "Non. J'ai pris de gros risques, et j'ai été fou de les avoir pris." Il secoue la tête. "J'aurais pu facilement être vu."


Le sourire de Niall ne s'efface pas pour autant. "Mais tu n'as pas été vu, pas vrai ?"


"Mais j'aurais pu."


"Mais tu ne l'as pas été," insiste-t-il.


Avec un rire coupable, Louis baisse la tête, une mèche de cheveux tombant devant ses yeux. "En effet," dit-il doucement, réalisant que c'est un mensonge qui ne ferait pas de mal. En repensant à Harry Styles, Louis se demande ce que cet homme si élégant est en train de faire.


Quelque chose est placé dans ses mains, et Louis est étonné de voir que Niall a ressorti l'uniforme et le lui tend avec insistance. "Allez, je ferai diversion," plaide-t-il. "J'ai envie d'entendre plus de tes aventures, donc tu ferais mieux d'y aller."


Sans autre choix, Louis prend l'uniforme. Il le regarde pendant un moment, prenant le tissu dans ses mains, regardant les boutons prendre la lumière. Il l'a fait une fois avec succès, il peut sûrement le refaire.


Lorsqu'il retrouve le visage de Niall, c'est avec un petit sourire et un regard déterminé. "D'accord, Horan. Qu'est-ce que t'avais en tête ?"


°°°


Après le repas, Harry avance dans le petit marché avec Gemma à son bras, commentant sur tout et rien, souriant aux vendeurs. Ils échangent des plaisanteries avec John Jacob Astor (la rumeur dit qu'il est le passager le plus riche du paquebot) à un stand de dentelle. L'homme leur tend une magnifique veste qui a dû prendre des heures à confectionner. Gemma trouve une belle écharpe que Harry lui achète, l'enroulant ensuite autour de son cou pour la couvrir du vent irlandais.


"Tu penses qu'on sera heureux en Amérique ?" Demande-t-elle plus tard, regardant les marchands retourner à leur bateau lorsque le paquebot se prépare à repartir.


Harry la regarde. Elle est belle, vêtue d'une robe bleue qui pourrait faire honte au ciel. De longs gants blancs couvrent ses avant-bras, ses longs cheveux auburn sont remontés et cachés sous un grand chapeau, protégeant sa peau du soleil. Elle est désormais une vraie femme, bien que Harry ne puisse s'empêcher de se rappeler de sa grande sœur qui ne faisait que remonter ses jupes et faisait des batailles de sabre avec lui lorsque personne n'était dans les environs pour les gronder.


"J'espère, Gems," dit-il honnêtement, déposant une main rassurante sur son bras. "Au moins on sera ensemble."


Elle hoche la tête à ses mots, mais se mord la lèvre inférieure en même temps. Son mariage imminent l'angoisse beaucoup, Harry le sait. Elle a toujours été indépendante, au grand désespoir de leur père, ne se préoccupant jamais de trouver un mari comme ses amies l'avaient fait. Elle se contentait parfaitement de passer ses journées seule ou avec leur mère, et, lorsque la santé d'Anne s'est détériorée, quittait rarement ses côtés.


Le bruit de cornemuses emplit l'air, s'étendant sur tout le paquebot. Harry, qui regarde la côte irlandaise s'éloigner, trouve que c'est une chanson triste. Ça lui rappelle trop la musique jouée à l'enterrement de sa mère, et, demandant à Gemma de l'excuser, il doit s'échapper aussi vite que possible.


Il est évident qu'un steward est venu depuis la dernière fois qu'il était dans sa cabine; le lit a été fait avec soin et ses vêtements étalés au sol ont été changés place. Il se demande si c'est sa vision de la veille, mais quelque chose lui dit que l'homme n'est pas prêt de revenir, et qu'il n'était sûrement pas censé être là en premier lieu.


C'est comme ça, se raisonne-t-il en s'installant sur la chaise longue et attrapant son livre. Il est assez peu probable que le beau steward ait les mêmes penchants que Harry, et le risque que ses avances ne soient pas retournées est assez élevé. A la maison, la punition était une sentence en prison avec des travaux forcés; il ne pense pas que l'Amérique soit plus indulgente avec ceux qui mentent sur leur sexualité.


Il a à peine lu un paragraphe de son livre que quelqu'un toque à sa porte, celle donnant sur le couloir. Se sortant du confort de sa chaise, il trouve bête de s'être inquiété d'avoir emmené seulement quelques livres - à cette vitesse, il ne pourra même pas en finir un.


Ayant l'impression d'avoir été interrompu, Harry ouvre la porte assez violemment, lâchant un "oui ?" en signe de bienvenue. Son visage s'adoucit immédiatement lorsqu'il voit qui a toqué.


C'est le mystérieux steward de la veille, Tomlinson. Il se tient dans le couloir, le dos bien droit, les poings serrés à ses côtés. Quelque chose dans son regard s'adoucit également lorsqu'il voit Harry, une fissure dans son expression dure. Curieux, Harry ouvre grand la porte, invitant Tomlinson à entrer. "Faites comme chez vous," offre-t-il. "Ma chambre a déjà été faite aujourd'hui. Mais je présume que ce n'est pas la raison de votre visite," ajoute-t-il, un sourire aux lèvres.


Tomlinson s'assoit sur une des chaises autour de la petite table, les mains tellement serrées que ses phalanges en sont blanches. Ses yeux écarquillés d'inquiétude étudient le sol, les murs - tout sauf le visage de Harry.


"Non," finit-t-il par admettre, sa voix douce et aiguë. Il y a un petit accent, du nord peut-être, et Harry se languit de savoir ce qui a amené cet homme ici, d'abord sur le paquebot et ensuite à sa porte.


"Alors pourquoi êtes-vous venu ?" Demande gentiment Harry, s'installant au bord de son lit. Il a l'impression d'être dans une pièce avec un animal apeuré, que le moindre geste brusque le ferait fuir.


Les épaules de Tomlinson s'affaissent, semblant réellement confus. "Je ne sais pas," répond-il d'une petite voix, mais à en juger par son expression, il a plus à dire. Le steward semble avoir une bataille intérieure. Après un long silence, il reprend soudainement beaucoup plus rapidement. "Mon esprit n'arrête pas de repenser à vous. Je ne peux pas l'expliquer." Tomlinson lève le menton, regardant Harry pour la première fois depuis qu'il est entré dans la pièce, et Harry est toujours impressionné d'à quel point ses yeux sont bleus.


Il s'éclaircit la gorge, sachant très bien pour quelle raison il aimerait que ce soit, mais aussi à quelle point elle n'est pas plausible. "Eh bien," commence-t-il, sa bouche soudainement beaucoup trop sèche, "peut-être que ça veut dire qu'on devrait apprendre à se connaître un peu plus." C'est assez innocent, pense-t-il.


Ça semble avoir été la bonne chose à dire lorsque Tomlinson sourit pour la première fois. Il est petit et timide mais la simple courbure de ses lèvres change drastiquement son visage. Sa mâchoire et ses pommettes forment des angles qui donneraient le tournis aux mathématiciens et ses yeux sont plus lumineux qu'un ciel rempli d'étoiles.


Harry sait qu'il n'y a plus de retour en arrière possible. Il a la tête pleine de choses qu'il a envie de dire à l'homme devant lui mais il n'en trouve pas le courage. Il ne peut s'empêcher de se mordre la lèvre, essayant de décider si ça vaut la peine de prendre le risque. Il espère que le voyage ne se terminera pas en désespoir.


"Monsieur Tomlinson," dit-il, déterminé à voir où ça le mènerait, pour le meilleur comme pour le pire, "Quelles sont les règles de la White Star Line concernant le fait qu'un bel homme comme vous fasse une petite visite de ce si beau paquebot à un passager ?"


Tomlinson est silencieux, semblant étudier Harry de la tête aux pieds tout en choisissant avec précaution ses prochains mots. Ses joues rougissent lorsqu'il s'assoit et son regard retrouve le sol. "J'ai bien peur d'être un médiocre guide," avoue-t-il tristement.


"Et pourquoi donc ?"


"Car je ne suis pas censé être ici," avoue Tomlinson. "Je viens en fait de Troisième Classe. Je ne saurais pas quoi vous montrer." Il est de nouveau tendu, comme si cette révélation ferait que Harry l'évacue immédiatement de sa cabine.


Au lieu de ça, Harry fait un signe dans les airs en se levant de son lit pour s'approcher de la table. "Alors je dois reformuler ma question," dit-il, provoquant un regard surpris de la part de Louis. "Monsieur Tomlinson, quelles sont les règles de la White Star Line concernant le fait qu'un passager  fasse une petite visite de ce si beau paquebot à un bel homme comme vous ?" Il sourit comme un fou, regardant l'expression de Tomlinson changer en réalisant sa proposition.


"Vous voulez vraiment faire ça ?" Demande-t-il, comme s'il n'arrivait pas à croire que Harry puisse le gracier de son temps. C'est assez amusant.


"J'adorerais," insiste Harry, se sentant assez courageux pour tendre la main et tapoter Tomlinson sur l'épaule. "En fait," rajoute-t-il en serrant son épaule avant de retirer sa main, "J'insiste."


Le sourire de Tomlinson est plus large, plus étincelant, et le cœur de Harry bat un peu plus dans sa poitrine. Mais il s'efface rapidement en regardant son uniforme. "J'ai bien peur de devoir refuser," dit-il avec regret. "Je ne suis pas censé être en Première Classe, encore moins en uniforme."


"Je vais vous prêter des affaires," dit Harry en se tournant pour fouiller dans sa penderie. "J'ai peur que ça soit un peu trop grand," s'excuse-t-il en prenant une chemise et un manteau qui iront assez bien avec le pantalon d'uniforme, "mais ça devrait aller pour une petite promenade."


Tomlinson prend les affaires avec de grands yeux, touchant le tissu du manteau comme si c'était de l'or. "Merci," chuchote-t-il.


Harry ne peut empêcher d'esquisser un sourire; il le connait à peine mais il sait déjà qu'il n'a jamais rencontré quelqu'un de si authentique dans sa vie. La plupart des hommes qu'il connait sont prétentieux et fiers, tellement préoccupés de donner une bonne impression qu'ils se sont perdus. Ce n'est pas le cas de Tomlinson, qui ne semble absolument pas se préoccuper de ce que les gens pensent de lui. Son visage est si expressif et ouvert, un beau changement comparé aux masques stoïques qui remplissent les repas et les soirées.


"Pas besoin de me remercier," répond-t-il, changeant sa veste du matin pour quelque chose de plus adapté à leur promenade. "Mais vous pourriez me dire votre prénom si vous êtes généreux."


Tomlinson se fige en boutonnant la veste. C'est là que Harry remarque à quel point ses mains sont belles, petites et habiles. Il doit être pianiste, pense Harry en regardant chaque mouvement de ses doigts. Tomlinson penche la tête et Harry sait qu'il a été vu en train de le regarder. Il rougit et reporte son attention à sa propre veste.


"Louis," dit Tomlinson, et Harry n'a pas besoin de regarder pour entendre le sourire dans sa voix. "Je m'appelle Louis."


Lorsque Harry se retourne, Louis a fini de s'habiller et tire les manches pour recouvrir ses mains. Elles sont un peu grandes, et les coutures au niveau des épaules ne tombent pas au bon endroit sur ses plus petites épaules, mais en règle général il est plutôt beau dans ces vêtements. Ses cheveux sont même correctement coiffés en arrière avec le gel que Harry lui a prêté, accentuant ses pommettes.


Plaçant un chapeau sur ses boucles, Harry doit résister à l'envie d'offrir son bras à Louis. Il ne peut qu'imaginer les messes-basses que ça créerait auprès des autres passagers. Charles le jetterait probablement par dessus bord sans réfléchir plus longtemps.


"On y va, Louis ?" Demande Harry, gardant avec regret ses bras à lui en ouvrant la porte. Avec un rire, Louis mène le chemin vers le couloir, bien qu'une fois dehors il regarde nerveusement autour de lui, comme s'il pouvait être démasqué à n'importe quel moment.


"Ne vous inquiétez pas," lui murmure Harry d'un air rassurant, osant poser sa main dans le bas de son dos pendant un bref instant. "Personne ne va se poser de question si vous faites comme si vous aviez toujours été là." Tout en redressant son cou et relevant le menton, Harry regarde Louis avec un sourire. "Il suffit juste de prétendre être l'homme le plus important sur ce bateau, et ça ira."


Louis semble douter, mais se redresse tout de même. "Ça doit être pour ça que ce paquebot est si grand," dit-il en imitant les pas de Harry en avançant. "Pour avoir de la place pour l'ego de tout le monde."


Le rire qui s'échappe de la bouche de Harry n'a rien de distingué, lui valant un regard désapprobateur d'une vieille femme recouverte de bijoux. Il baisse la tête en signe d'excuse, mais rit doucement lorsqu'ils sont loin d'elle. "Vous voyez ? Je fais assez tâche ici, et j'ai été entouré de ce genre de personnes toute ma vie."


L'autre homme se détend à ces mots, les rides de son front devenant plus lisses au fur et à mesure que son inquiétude s'efface. "Et bien, Monsieur Styles, où m'emmenez-vous ?"


Ils commencent par les Grands Escaliers. Ils se tiennent au milieu de la pièce comme une oeuvre d'art, reliant les ponts avec des bras de fer et de chêne. Harry ne peut s'empêcher de répéter les mots de Wheeler hier: "Vous avez déjà vu quelque chose de semblable ?"


Louis secoue la tête, la bouche en forme de petit 'o' en montant les escaliers. "Non, jamais," chuchote-t-il comme s'il était dans une église. Il y a quelque chose de presque spirituel dans les courbes de l'escalier, la montée ressemble presque à la montée au Paradis. Harry est presque excité que Louis voit ce qui l'attend en haut.


Quand ils arrivent sur le pont A, Louis s'extasie. Harry ne peut pas lui en vouloir; même s'il a déjà vu tout ça, la vue est vraiment incroyable.


Le chêne et le fer forgé continuent leur danse gracieuse le long des marches, le plafond se transforme en verre et un dôme de métal se dresse au-dessus des escaliers. La lumière s'infiltre à travers, donnant à la structure une aura chaleureuse. Les tableaux sont remplacés par des sculptures et une horloge se tient au centre.


Harry laisse Louis s'émerveiller devant les escaliers pendant un moment avant d'attraper délicatement son coude, le guidant vers la poupe du bateau. Louis le suit comme un enfant, s'émerveillant devant chaque pièce qu'ils voient.


Ils visitent d'abord l'impressionnant Salon avec ses hauts plafonds et chandeliers qui donnent le tournis. Les fauteuils et canapés verts et dorés du même style Louis XV que ceux dans la cabine de Gemma sont placés vers de grandes baies vitrées. Un groupe de femmes est assis vers une cheminée en marbre, discutant autour de tasses de thé et café, pendant que d'autres consultent la grande étagère en acajou qui sert de bibliothèque à la Première Classe. Gemma s'en est déjà servie, sans doute, elle est surement à côté dans la Salle de Lecture et d'Ecriture avec le nez dans un livre.


Leur promenade les mène de la Salle de Réception au Gymnase, du Café Véranda à l'endroit où les bateaux de sauvetage sont placés sur les ponts. Louis est silencieux pendant la majeure partie de la visite, écoutant avec intérêt ce que Harry lui dit sur chaque endroit (et lui pointe occasionnellement les passagers les plus connus).


Ils sont désormais assis sur des chaises longues le long de la promenade, admirant l'océan et se reposant après leur promenade autour du paquebot. Harry n'arrête pas de regarder Louis, curieux de ce qu'il se passe dans sa tête alors qu'il regarde l'Atlantique.


"Qui êtes-vous, Louis Tomlinson ?" Murmure-t-il, en appuyant son coude sur son genou et mettant son menton dans sa main.


Sa voix surprend Louis, qui sursaute dans sa chaise. "Je vous demande pardon ?"


Harry sourit, tapotant ses doigts sur sa propre joue. "Qui êtes-vous vraiment ?" Redemande-t-il. "Je sais que vous n'êtes pas un steward."


"Pourquoi dites-vous cela ?" Demande Louis avec un mouvement de menton qui se veut défiant, ses yeux bleus se fronçant. Le léger tremblement dans sa voix le trahit, laissant Harry croire qu'il a raison.


"Si vous étiez un steward," commence-t-il, reportant son attention sur l'océan qui rencontre le ciel, "vous auriez déjà vu bien plus du paquebot. Les escaliers, les bateaux de sauvetage... Je peux assurément dire qu'aujourd'hui était la première fois que vous les voyiez."


La façade courageuse de Louis se détruit, remplacée par de la peur et de la honte. "Non, je ne suis pas un steward," dit-il doucement, regardant ses pieds posés sur le pont. "Je suis un passager de Troisième Classe." Il en frotte un contre le bois avant de faire un sourire timide à Harry, les sourcils relevés d'une manière innocente. "J'ai essayé de vous le dire plus tôt que je venais de Troisième Classe. Je ne vous ai juste pas corrigé quand vous avez cru que je travaillais là-bas."


"Eh bien, vous étiez habillé comme tel," remarque Harry, tapant son pied contre celui de Louis. "Comment y êtes-vous arrivé ?"


Il écoute Louis raconter comment il a pris l'uniforme, s'en servant pour s'infiltrer en Première Classe, de comment il a atterri dans la cabine de Gemma pour éviter d'être repéré, et de comment elle l'a envoyé à la porte d'à côté dans la cabine de Harry. "Je n'allais pas revenir," lui dit Louis avec un soupire.


"Pourquoi vous l'avez fait ?" Demande Harry, laissant sa vraie question en suspend: Pourquoi êtes-vous revenu à moi ?


Louis passe sa main dans ses cheveux, lissant quelques cheveux qui s'étaient glissés sur son front. "Je ne saurais pas vraiment répondre. D'une part c'est qu'un homme de ma cabine a insisté pour que je revienne ici." Il se mord les lèvres, tirant hargneusement sur le bas de sa chemise. "Je suppose que vous allez me dénoncer maintenant ?"


Faignant la considération, Harry se frotte le menton. "Hmm, je pourrais," dit-il doucement, ne ratant pas la façon dont Louis se tend à ses mots. "Mais je pense que je préférerais plutôt vous demander de dîner avec moi."


La façon dont la bouche de Louis s'ouvre fait que Harry doit retenir son rire. "Vous - vous quoi ?" S'exclame-t-il, les yeux écarquillés de façon comique en regardant Harry, incrédule.


Cette fois Harry laisse échapper son rire. "J'aimerais que vous veniez dîner avec moi," dit-il en cherchant quelque chose dans sa poche et sortant une montre qui appartenait au père de sa mère. "Le dîner est dans une heure, et j'apprécierais grandement votre compagnie."


Comme si c'était fait exprès, un clairon se fait entendre depuis le pont, informant les passagers qu'il est temps de se préparer pour le repas. Harry et Louis échangent une grimace à la fanfare, se souriant à la fin de la musique.


"J'adorerais," finit par répondre Louis une fois que le clairon a pris place sur un autre pont. Ses joues ont pris des couleurs lorsqu'il sourit à Harry. "Passer un dîner avec vous."


Harry ne cherche même pas à cacher sa joie en sautant pour se relever, Louis le suivant (avec cependant moins de vigueur). Le pont est assez vide, la plupart des passagers étant retournée à leur cabine pour mettre leur costume et robe, et Harry se sent soudainement plus courageux. Il offre à Louis son bras, ce dernier regardant autour de lui avant de le prendre. "Allons-y, Monsieur Tomlinson," dit-il joyeusement, sentant le poids de la main de Louis à travers son manteau. Ils s'écartent un peu l'un de l'autre lorsqu'ils arrivent dans des endroits plus fréquentés, mais le sourire ne quitte pas le visage de Harry tout le long de leur chemin vers sa cabine.


°°°


"Pourquoi faites-vous cela ?" Demande Louis une fois en sécurité derrière la porte fermée de la cabine de Harry.


Alors qu'il retire sa veste pour se changer pour le dîner, Harry penche la tête en signe de confusion. "Qu'est-ce que vous voulez dire ?" Il tient sa veste. "Ce n'est pas approprié pour un dîner, donc il faut qu'on se change," explique-t-il patiemment.


Louis secoue la tête avec un petit grognement de frustration. "Non, je ne parle pas de ça, pourquoi êtes-vous si gentil avec moi ? Vous ne savez même pas qui je suis." Ça n'a aucun sens. Cet étranger le plus total, qui ne connait Louis ni d'Eve ni d'Adam, lui a fait passé une journée qu'il n'oubliera jamais. Il a vu des choses qu'il ne pensait jamais voir, porté des vêtements qu'il fabriquerait habituellement pour des clients mais qu'il n'aurait jamais pu s'acheter. Et par-dessus tout, il va dîner avec lui. Dans la Salle à Manger de la Première Classe. Sur le Titanic.


Après avoir posé sa veste sur le dossier de la chaise, Harry s'approche de Louis. Son regard est doux lorsqu'il baisse la tête pour le regarder, son sourire est assez grand pour former une fossette dans sa joue gauche. Louis avale difficilement sa salive, pas vraiment sûr de pourquoi être le point d'attention de Harry fait battre son cœur si fort. Il n'a pas peur, si Harry voulait le dénoncer, il l'aurait déjà fait. Mais alors qu'est-ce qui pourrait expliquer les papillons dans son ventre ?


"Je suis gentil avec vous parce que j'en ai envie," dit Harry. Il lève son bras de quelques centimètres, hésite, et le relaisse tomber. Bien que ses mots sont clairs, il ne semble pas vouloir dépasser les limites. "J'ai le sentiment que vous n'avez pas eu l'habitude de faire face à beaucoup de gentillesse dans votre vie, Louis Tomlinson."


De la chaleur se propage dans le corps de Louis à l'entente de Harry dire son prénom, et ce n'est pas la première fois depuis qu'il l'a appris. "Je ne vaux pas tout cela," insiste Louis, têtu, en croisant les bras.


Toujours souriant mais un peu tristement, Harry s'avance encore. Cette fois-ci il lève son bras, le revers de sa main caressant la joue de Louis. Le contact physique surprend Louis mais il ne recule pas, il suit juste les mouvements de Harry avec un regard interrogateur.


"Vous valez tout cela et bien plus," murmure Harry en faisant retomber sa main et reculant. "J'ai vraiment apprécié ces moments passés avec vous, bien que brefs. J'aimerais beaucoup apprendre à mieux vous connaître."


Mais pourquoi ?  Crie l'esprit de Louis. Pourquoi un homme qui vit dans un monde si différent voudrait lui donner de son temps ? Il est pauvre, un monsieur-tout-le-monde, un apprenti tailleur (et il n'est même pas vraiment célèbre). Il n'a rien à lui offrir qu'il ne pourrait pas s'acheter lui-même des centaines de fois.


"Allez, on va être en retard," dit Harry en tendant des vêtements à Louis. Il était tellement loin dans ses pensées qu'il n'avait même pas vu Harry aller les chercher. "Gemma va casser la porte si je ne suis pas prêt à duit-huit heures tapantes."


Décidant d'ignorer son cerveau en surchauffe, Louis prend les vêtements et va vers le lit, étalant chaque pièce pour les examiner. Les détails sont parfaitement faits, avec des coutures fines et des coupes parfaites. Louis ne se laisse pas imaginer le prix d'une telle tenue.


"Gemma ? C'est votre sœur ?" Demande-t-il en retirant la veste pour la remplacer par la nouvelle tenue. Un peu complexé, Louis se retourne pour déboutonner sa chemise.


"Oui, ma grande sieur," entend-il dire Harry d'où il doit surement se changer. "J'ai l'impression qu'elle est tout ce que j'ai depuis que notre mère est décédée."


La révélation stoppe Louis pendant un instant, un élan de tristesse pour Harry s'installant dans sa poitrine. "Je suis désolé d'entendre cela," dit-il en continuant de boutonner la chemise et ajustant le col. Ça le frappe à quel point il en sait peu sur Harry, à quel point il en a dit peu sur lui-même. Ils sont de parfaits étrangers qui jouent les amis, et dans moins d'une semaine ils ne se reverront plus jamais. "Et votre père ?"


"Je préférerais ne pas en avoir." La voix de Harry est glaciale et grave, Louis n'insiste donc pas plus sur le sujet.


"J'ai également des sœurs," préfère-t-il dire en enfilant un veston blanc. Le col est bas et arrondi et le bas se termine en pointe, faisant un rappel du col de la chemise. Même sans ce veston, Louis se sent assez élégant pour aller rencontrer le roi en personne. "Quatre plus jeunes. Il n'y a que nous et notre mère; Papa est mort juste après la naissance des jumelles." Il attrape le nœud papillon, du même blanc que le veston, et le regarde d'un air dépité.


"Laissez-moi faire," murmure Harry, assez proche pour que Louis sente son souffle sur son oreille. Lui tendant le nœud papillon, Louis se tourne pour faire face à son hôte, le retrouvant déjà complètement habillé. Il est vêtu d'un costume similaire à celui de Louis, sauf que sa chemise est en soie. Une bande de satin noir descend le long de chaque jambe pour s'assortir avec la queue-de-pie.


Louis lève le menton pour permettre à Harry d'attacher le nœud papillon. "Vous êtes très beau," dit-il doucement, son attention se portant sur son visage, il peut voir la couleur exacte de ses yeux verts, brillants et clairs, entourés d'une ligne plus foncée.


Lesdits yeux rencontrent momentanément les siens avant de retourner à la tache qui occupe ses mains. "Merci, vous aussi."


Il se recule une fois le nœud à sa place. Harry prend sa veste en queue-de-pie minutieusement pliée et l'ouvre pour Louis, tout en lui souriant. Louis a désormais l'impression de faire partie intégrante de la royauté; la dernière fois que quelqu'un l'a aidé à s'habiller était quand il était enfant. Il imagine que Harry a tout une armée de serviteurs chez lui qui attendent de l'aider à se vêtir ou dévêtir de la même façon.


"Comment je suis ?" Demande Louis, pas sûr de lui, une fois sa veste en place.


"Parfait." Harry sourit en écartant ses boucles de son visage. "Voyez par vous-même."


Il le mène vers un miroir et sourit lorsque Louis voit sa réflexion, émerveillé. Il doute que sa propre mère le reconnaîtrait habillé comme cela. Il se tourne de chaque côté, admirant la coupe de son costume. Il ressemble à un vrai gentleman.


Harry semble être du même avis. "Imaginez à quel point vous seriez ravissant dans un costume fait pour vous," dit-il en retirant une poussière de l'épaule de Louis.


"J'ai bien peur que ça ne puisse exister que dans mon imagination," répond Louis avec un rire qui sort plus amer qu'il ne l'aurait voulu. "J'ai le sentiment que cette tenue vaut bien plus que mon ticket sur ce paquebot." Ça a pris des années à Louis pour économiser pour ce voyage, des années de travail acharné et il a tout de même dû emprunter de l'argent. Il n'arrive pas à imaginer avoir assez d'argent pour avoir des vêtements comme cela, encore moins avoir un costume complet à prêter.


Parler de leurs différentes classes sociales semble rendre Harry assez honteux, ses sourcils sont rapprochés et crées des rides. "Je suis désolé," dit-il simplement.


Se sentant coupable d'avoir changé l'humeur de son nouvel ami, Louis pose une main hésitante sur l'épaule du plus grand. "Ne le soyez pas. On ne peut pas changer où on est né." Il lui fait ensuite un grand sourire et voit que ça a marché lorsque Harry sourit en retour. "Allez. Allons voir si je peux faire croire à tout le monde au dîner que je suis aussi bien élevé que vous."


Harry rit en tenant la porte ouverte pour son invité. "Ce n'est pas eux que vous allez devoir convaincre," dit-il, sans signe d'inquiétude au visage. "C'est ma sœur."


La jeune femme en question attend dans sa chambre, vêtue d'une robe couleur citron. Un collier de perles décore son cou fin, ces mêmes perles qui peuvent être également retrouvées dans ses cheveux. Elle est très élégante, pense Louis. Il n'a jamais été attiré par une femme, et cette fois-ci n'est pas l'exception à la règle. Il a la même sensation en regardant de belles femmes que lorsqu'il regarde de l'art: il peut apprécier la vue, et c'est tout. Il s'est toujours dit qu'il avait à s'occuper d'assez de femmes dans sa vie pour chercher une compagne.


"Gemma," dit Harry, l'adoration pour sa sœur évident dans la façon dont il la regarde. "J'aimerais te présenter Monsieur Louis Tomlinson."


Si Gemma le reconnait de leur rencontre gênante la veille, elle n'en montre pas de signe. Ses yeux sombres regardent Louis de la tête aux pieds avant de tendre sa main recouverte d'un gant, que Louis embrasse avec respect. "C'est un plaisir de vous rencontrer, Mademoiselle Styles," dit-il en essayant d'imiter l'accent de Harry. Il trouve qu'il s'en sort assez bien en tendant son bras à la jeune femme.


Semblant charmée, Gemma prend son bras. "De même, Monsieur Tomlinson." Elle reporte son attention vers son frère. "Et où as-tu trouvé ce ravissant jeune homme, cher frère ?" Dit-elle d'un air enjoué.


Harry lui sourit timidement. "Oh, on s'est juste rencontrés comme ça," répond-il en croisant le regard de Louis, levant un sourcil. Louis doit se retenir de rire avant d'ajouter, "Ça s'est juste passé."


Semblant satisfaite, Gemma ressert son emprise sur le bras de Louis et le trio trace son chemin vers les Grands Escaliers. La Salle à Manger est au niveau inférieur, sur le pont D, et les escaliers sont pleins de gens bien habillés allant dîner. Il y a assez de diamants, fourrures et soie rien que sur ces escaliers pour faire tourner la tête de Louis.


Reste calme, se dit-il. Ils vont te démasquer en un rien de temps si tu continues à être bouche bée.


L'arrivée au pont D est différente que les autres. Ici, le garde est remplacé par un magnifique chandelier qui renvoie les détails du bois. Au pied des escaliers, à la place du linoléum sur les ponts supérieurs, une moquette rouge s'étend sous ses pieds.


Louis se rappelle de la pièce dans laquelle ils entrent, la Salle de Réception, Harry l'avait emmené ici pour la lui montrer plus tôt dans la journée. Les murs et les plafonds sont blancs mais des palmiers en pot ajoutent une touche de couleur, et Louis ne résiste pas à l'envie de toucher une des feuilles en passant. Des tables et chaises en osier ornées d'un coussin vert sont positionnées tout autour de la pièce, quelques unes d'entres elles désormais occupées par des passagers qui attendent leur repas du soir. Des piliers carrés habillent l'espace tandis que des chandeliers en cristal et de larges fenêtres l'emplissent de lumière, faisant briller les bijoux et vêtements des occupants. Louis ne peut s'empêcher de se demander comment est fait cet effet, chuchotant discrètement la question à Harry pendant que Gemma est occupée à discuter avec d'autres passagers.


"Les fenêtres sont éclairées par derrière," explique discrètement Harry en suivant le regard de Louis. "C'est pour donner l'impression d'être à terre."


"Oh," est tout ce que Louis arrive à dire, ne se sentant pas dans son élément. Il est sauvé par la grande porte en chêne de la Salle à Manger qui s'ouvre et dévoile des stewards qui attendent pour accueillir les passagers. Louis sent l'odeur de nourriture dans l'air et commence à avoir l'eau à la bouche. Il pense qu'il pourrait parfaitement se contenter de n'avoir que cette odeur comme repas.


"Vous venez, Monsieur Tomlinson ?" Demande Harry quelques pas devant lui. Pendant sa rêverie, Gemma a lâché son bras pour prendre celui de son frère, et ils avancent tous les deux vers la salle.


Souriant, Louis les rattrape en quelques grands pas. "Excusez-moi. J'admirais le piano," ment-il en pointant l'instrument placé dans le coin de la pièce.


"Oh, vous jouez ?" Demande Gemma, un sourire aux lèvres. "Harry et moi avons tous les deux pris des cours de piano."


"Elle a eu des cours," rit Harry. "Je regardais et aime occasionnellement prétendre avoir les compétences pour produire de la musique."


Pensant qu'il adorerait entendre Harry jouer du piano, et peut-être même chanter avec cette voix grave et rauque, Louis secoue la tête. "Non, je n'ai jamais appris. Je chante pour mes sœurs quelques fois, mais je suis horrible à cela."


La table à laquelle ils s'arrêtent est carrée, recouverte d'une nappe blanche et entourée de six chaises. Un jeune couple occupe déjà deux d'entres elles, leur souriant chaleureusement lorsqu'ils voient Harry et Gemma.


"Monsieur et Madame Marvin, c'est un plaisir de vous revoir," s'exclame Gemma en s'installant dans la chaise que Harry a reculé pour elle.


"De même ! Nous espérions que vous vous joindriez à nous ce soir. Et vous avez amené de la compagnie !" Dit Madame Marvin avec un accent écossais en regardant Louis.


Harry place une main dans le bas du dos de Louis, l'incitant à s'approcher. "En effet. Louis Tomlinson, voici Daniel et Mary Marvin. Ils reviennent de leur lune de miel," explique-t-il.


Daniel se lève et tend une main à Louis par-dessus la table. "C'est très gentil de vous joindre à nous, Tomlinson," dit-il en se rasseyant. Harry et Louis font de même. Harry prend la chaise à côté de sa sœur et Louis s'installe sur celle la plus proche du mur. Ils sont contre une fenêtre, éclairée par derrière comme celles dans la salle de réception.


La chaise est confortable, le cuir vert grinçant légèrement lorsque Louis s'assoit. "Merci de me laisser me joindre à vous," répond-il en observant pleinement la pièce pour la première fois.


Elle est de style Jacobin, tout comme la Salle de Réception, toute blanche avec des moulures au plafond. Le sol est en linoléum, bleu avec des motifs rouges et dorés. La vaisselle est beaucoup plus raffinée que celle trouvée en Troisième Classe: l'assiette en face de lui a des détails turquoises et marrons, les bords recouverts de doré. Au centre de l'assiette se trouve un drapeau rouge avec un étoile blanche, la bannière en dessous indiquant que c'est le logo de la White Star Line.


Le bruit dans la salle se fait plus fort, de plus en plus de chaises occupées par les passagers. A chaque fois que quelqu'un rencontre le regard de Louis, son corps de contracte, comme s'ils pouvaient voir à travers son déguisement.


Harry doit sentir son malaise car sa main trouve son genou sous la table et le tapote. Le toucher attire l'attention de Louis et il se tourne pour s'émerveiller devant Harry. Le bouclé ne montre aucun signe qu'il touche Louis hors de la vue de tout le monde, lui faisant des sourires discrets.


"Où est votre oncle ce soir, Styles ? Il ne dîne pas avec nous ?" Demande Marvin en tendant un verre pour qu'un steward le remplisse de champagne.


"Seulement si nous sommes malchanceux," blague Harry, tirant un rire du couple et un sourire amusé de sa sœur. Lorsque son propre verre est rempli, Louis ajoute cela à sa liste de questions qu'il posera plus tard: Pourquoi voyagent-il en Amérique avec leur oncle alors que Harry avait dit qu'il n'avait personne d'autre que Gemma ? Et qu'est-ce qui est si répréhensible chez lui ?


Les stewards viennent juste d'apporter les amuse-bouche - des toasts recouverts d'une mixture crémeuse surplombés d'une crevette - lorsque la dernière place de leur table est occupée. "C'est gentil de vous joindre à nous, oncle," dit Harry bien que la façon dont sa main se contracte sur la table en dit bien plus.


Ce Style est un homme costaud avec des cheveux grisonnant et une moustache épaisse. Son visage s'affaisse sur les côtés, comme si sa peau en avait marre d'être attachée à ses muscles. Même habillé dans un beau costume, il n'est pas aussi élégant que Harry, les lignes de sa veste défigurées par son gros ventre. Ses petits yeux fixent Louis, ignorant complètement Harry. "Qui êtes-vous ?" Demande-t-il.


Il n'appartient peut-être pas à la Première Classe mais Louis a des manières. Il se lève et tend une main. "Louis Tomlinson, monsieur. Votre neveu m'a gentiment invité à dîner avec lui ce soir."


Hésitant, l'homme arrondi se lève également, serrant brièvement la main de Louis et marmonnant "Charles Styles" avant de se rasseoir. "Tomlinson, c'est ça ?" Dit-il en prenant l'amuse-bouche. "J'ai jamais entendu parler de vous."


Le dégoût est clair dans la voix de Charles: s'il n'a jamais entendu parler de quelqu'un, il est personne. Les poils de Louis s'hérissent, serrant sa coupe de champagne bien plus fort qu'il ne le devrait, avant de répondre d'une voix mielleuse, "Moi non plus. Je suppose que l'on est quitte."


Il voit le sourire surpris et amusé de Harry du coin de l'œil. Charles grogne avant d'avaler un amuse-bouche complet. C'est vrai, Louis est peut-être personne pour eux, mais il ne va certainement pas se laisser être insulté et se taire.


Il est silencieux pendant une bonne partie du repas, se contentant d'écouter la conversation des Styles et des Marvin. Charles parle le plus fort, parlant des célébrités à bord qu'il a rencontrées durant la journée, lançant des noms tels que Strauss et Guggenheim. Pas le moins du monde impressionné, Louis hoche juste poliment la tête en mangeant sa soupe à l'orge, faisant attention à ne pas en faire tomber sur le costume de Harry.


La soupe est remplacée par du saumon poché et revenu dans une sauce. Ce n'est que le troisième plat et Louis est déjà rassasié alors que le menu indique que plusieurs plats seront encore servis. Comment font ces gens pour manger comme ça tous les jours ? Il pense pouvoir survivre pour le reste du voyage avec seulement ce repas.


"Alors, Monsieur Tomlinson, que faites-vous dans la vie ?" Demande Charles lors d'un blanc dans la conversation, écartant son assiette. Louis suspecte le fait qu'il ne s'y intéresse pas vraiment, étant juste une opportunité pour se sentir une fois de plus supérieur.


Il réalise que Harry le regarde avec intérêt, ne lui ayant jamais posé de question sur sa profession. "Je suis tailleur," ment-il, une part de vérité assez importante pour ne pas se sentir trop coupable.


"Je vois," dit l'oncle, en tapotant son menton gras. "Et vous êtes arrivé à payer un ticket sur le Titanic en Première Classe avec un salaire de tailleur ?"


Louis ne lâche pas le regard de Charles, "Si vous êtes très bon, oui," dit-il calmement.


Charles ouvre la bouche, mais Harry le devance. "Monsieur Tomlinson me disait qu'il vient d'hériter d'une grosse somme d'argent de son grand-père, et il espère étendre son affaire en Amérique." Il se tourne vers Louis, le regard l'implorant de continuer. "Il m'a dit de venir le voir une fois qu'il sera installé et il me fera des costumes."


Surpris à l'idée de revoir Harry une fois en Amérique, sans parler de faire quelque chose d'assez bien pour être porté par lui, Louis ne peut que hocher débilement la tête.


Content voire très satisfait de cette explication, Charles reporte son attention sur Harry, lui disant qu'il n'a rien fait de la journée alors qu'il aurait pu faire connaissance avec les passagers les plus riches.


Alors que Harry et Charles sont occupés, Gemma tapote l'épaule de Louis en passant le bras derrière son frère. "Où est-ce que je vous ai vu ?" Demande-t-elle. "Ça me tracasse depuis que l'on a été présentés mais je ne sais pas d'où je vous connais."


Entre eux, Harry se tend à l'entente de sa question, mais il continue de parler avec son oncle comme si de rien n'était. Louis arrive heureusement à penser rapidement, et il ne se passe qu'un bref instant avec qu'il réponde: "Vous avez dû me croiser sur le bateau. Nous n'avons jamais été formellement présentés." Il est content de son mensonge, même si Gemma continue de le scruter du coin de l'œil.


La nourriture continue d'arriver, plat après plat. Leurs assiettes de saumon sont rapidement débarrassées, remplacées par des viandes variées. Harry a choisi un filet mignon accompagné de foie gras, que Louis a goûté lorsque personne ne regardait. Il s'avère qu'il n'aime pas tant que ça le foie gras, retournant son attention sur le Poulet à la Lyonnaise qu'il a commandé.


"Oh, génial, du pudding," dit Louis, soulagé, lorsqu'un petit verre mousseux est placé en face de lui. Gemma rit dans sa serviette. Face à sa réaction et au sourire patient de Harry, il demande: "Qu'est-ce que j'ai dit ?"


"C'est un trou normand," explique Harry. "Du punch à la romaine. Nous avons encore quelques plats après."


Louis commence déjà à avoir mal au ventre à cause de la quantité de nourriture qu'il a mangé, mais il prend tout de même une gorgée de la boisson. Ça a un gout de citron sucré et il peut sentir l'alcool dans le mélange. "Il va falloir que vous me rouliez jusqu'à votre chambre, Styles," marmonne-t-il. Il ne rate pas le petit sourire qui prend place sur le visage de Gemma, ni le regard répugné que Charles lance à son neveu.


Après une salade de cresson et de pigeonneau mariné dans une sorte de vinaigrette, de la gelée de pêches à la chartreuse et plus de fromages que Louis ne peut compter sur une main, le repas touche finalement à sa fin et les stewards servent des tasses de café et de thé.


Grignotant un fromage (il croit que Monsieur Marvin l'a appelé Edam), Louis écoute Harry et Daniel parler d'où ils vont prendre leur digestif.


"Avez-vous déjà entendu le groupe jouer, Styles ?" Demande Daniel en buvant son café. "C'est un beau concert. Ou nous pouvons aller au Fumoir voir si Tomlinson s'en sort au bridge."


La main de Harry retourne sur le genou de Louis sous la table. "Qu'en pensez-vous, Monsieur Tomlinson ?"


N'ayant pas la moindre idée de comment se joue le bridge, et n'ayant pas envie de faire un nouveau faux pas, la décision de Louis est relativement facile. "Je pense que je préférerais écouter le groupe, si ça ne vous dérange pas."


"Dans ce cas, j'aimerais me joindre à vous," intervient Gemma en reposant sa serviette pliée sur la table et renfilant ses gants. Madame Marvin prend la même décision.


"Ça sera le Fumoir pour moi," dit Charles en se levant, bien que personne n'ait demandé.


"C'était un plaisir de vous rencontrer, Monsieur Styles," dit poliment Louis en se forçant à sourire. Charles regarde Louis pendant un moment et marmonne un bref "De même" avant de se retirer pour aller chercher de la liqueur et des cigares.


La main de Gemma retrouve le bras de Louis. "Ne vous occupez pas de lui," chuchote-t-elle en le dirigeant au bon endroit. "Ce bateau n'est pas assez gros pour sa vanité."


Louis rit, se rappelant avoir dit quelque chose de similaire à Harry, content d'apprendre qu'elle partage le même humour que lui. "Eh bien, je suis reconnaissant qu'il y ait assez de place pour vous et votre frère à bord car ça a été un plaisir de faire votre connaissance."


Ses joues s'empourprent mais elle ne dit rien d'autre, tapotant juste son bras avec son autre main en se dirigeant hors de la Salle à Manger.


La première chanson a déjà commencé lorsque le petit groupe trouve des places dans la Salle de Réception. Le groupe de cinq joue à l'unisson, atteignant chaque note sans partition. C'est assez magique pour Louis d'être capable d'apprendre une musique. Il pense à la façon dont Harry doit être assis à un piano, ses longs doigts dansant sur les touches.


Il essaye de regarder Harry qui bouge la tête au rythme de la musique, les boucles bougeant en même temps. Peut-être que c'est le brandy qu'il a bu, ou les différents vins le long du repas, mais Louis se retrouve à avoir envie de toucher Harry pour voir s'il peut sentir le même rythme passer dans ses veines.


Vingt-trois heures arrivent rapidement, et le groupe range ses instruments lorsque les applaudissements s'arrêtent. "Il est toujours temps de prendre une boisson, Styles," offre Daniel, mais Harry refuse l'invitation.


"Merci, Marvin, mais j'avais promis à Monsieur Tomlinson que je lui prêterai un livre, et je pense que j'irai ensuite me coucher."


"Comme vous voulez," répond-il en prenant le bras de Mary. "Tomlinson, la prochaine fois vous pourrez nous rejoindre dans le Fumoir. C'est assez drôle de voir Styles perdre un peu d'argent." Avec un sourire, Mary et lui rejoignent les escaliers pour aller dans leur cabine sur le pont B.


Ils disent au revoir à Gemma une fois à sa porte, Harry embrasse la joue de sa sœur avant d'ouvrir la porte de sa propre cabine.


"Merci d'être venu dîner avec moi, Louis," dit honnêtement Harry, utilisant son prénom maintenant qu'ils sont de nouveau seuls.


Retirant la veste empruntée, Louis sourit fièrement. "Je pense m'en être assez bien sorti." Ses doigts bougent vers les boutons de son veston puis de sa chemise.


Harry regarde chaque instant, souriant en retirant également ses vêtements. "Je trouve que vous vous en êtes magnifiquement bien sorti," chuchote-t-il, et pour une raison inconnue, le compliment donne des frissons à Louis.


"Vous me fixez," dit-il en se sentant exposé, vêtu seulement de son t-shirt et du pantalon de steward.


"En effet."


"Pourquoi ?"


Le regard de Harry rencontre le sol, les joues rouges. "Parce que je pense que j'aimerais beaucoup vous embrasser," admet-il en regardant toujours ses chaussures polies.


Les mots frappent Louis comme une locomotive, le laissant figé en essayant de réfléchir à ce que vient de dire Harry. Il mentirait s'il disait que l'idée ne l'attire pas, mais un petite voix dans sa tête lui rappelle que Harry est un homme, et la loi du roi Edward est très claire sur le sujet, sans parler de celle de Dieu.


Il y a des douzaines de raisons de pourquoi il devrait décliner, repartir en Troisième Classe et ne plus regarder derrière lui, mais encore une fois, Louis n'est pas très fort à faire ce qu'il devrait faire.


"D'accord," dit-il la bouche sèche.


Harry relève la tête, surpris, ses yeux cherchant le visage de Louis pour un signe de plaisanterie. Il est à ses côtés en deux pas, sa main contre la joue de Louis. Ce dernier se laisse aller dans le toucher bien que son esprit lui dit de courir.


Harry semble bouger au ralenti, ses yeux se fermant alors qu'il s'approche pour recouvrir les lèvres de Louis des siennes. Elles sont chaudes et douces, ce qui compense la rugosité de sa barbe qui repousse. Louis ne s'est jamais senti aussi proche d'une autre personne.


Il oublie de respirer pendant un instant, et lorsqu'il s'en rappelle, l'oxygène dans son cerveau disperse le brouillard. Il se détache de Harry, une main touche ses lèvres pour sentir l'humidité et la chaleur.


"Je suis désolé, je dois y aller," dit-il en essayant d'ignorer le regard blessé de Harry. "Merci pour cette journée, et bonne nuit." Attrapant la veste de steward, il ouvre la porte et ne se retourne pas, même lorsque Harry l'appelle.


C'est mal, c'est un pêché, c'est un crime. Chaque pas envoie une nouvelle pensée à son esprit. Enfin de retour sur le pont F, il a tellement mal au ventre qu'il pense vomir tout le repas qu'il a mangé. Il ressert son emprise sur la veste, l'écartant de son cou. C'est un miracle que personne ne l'ait vu; ayant eu du mal à mettre la veste en courant, il manquait plusieurs boutons.


Sa cabine est vide lorsqu'il entre, les autres occupants sans doute toujours occupés à se faire de nouveaux amis. Il se déshabille rapidement avec des doigts tremblants, se précipitant sous les draps pour ne pas avoir à regarder son corps traître.


Le truc c'est que ça n'avait pas semblé mal. Toute sa vie il avait entendu que les hommes qui s'engageaient dans de tels actes étaient des pêcheurs, des abominations. Mais comment peut-il lier ces mots horribles à Harry Styles ? Harry qui est charmant et gentil, bien élevé et beau, qui aime sa sœur et pleure sa mère, et n'a pas dénoncé Louis pour s'être fait passer pour un steward.


Son esprit autant en mouvement que la mer en dessous des trois étages du paquebot, Louis ferme les yeux, permettant aux bruits des machines de le bercer. Peut-être pourra-t-il voir les choses plus clairement le lendemain matin. Peut-être qu'il a en fait rêvé tout cela, bien que la façon dont ses lèvres picotent toujours et sa joue est en manque de la chaleur d'une certaine main confirme ce qu'il sait déjà: c'était réel et c'était merveilleux.


Et ça ne doit jamais, jamais se reproduire.




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Références:

Salle à Manger de Troisième Classe: 

Assiette de Troisième Classe: 

Le joueur de cornemuse en Irlande était Eugène Delay et la musique qu'il jouait était Erin's Lament.

Robe bleue de Gemma: 

Grands Escaliers du pont A: 

Salon de Première Classe: 

Robe jaune de Gemma au dîner: 

Grands Escaliers du pont D: 

Salle de Réception de Première Classe: 

Salle à Manger de Première Classe - Harry et Gemma se sont assis à une table similaire à celle vers les fenêtres: 

Assiette de Première Classe: 


Les amuse-bouche du dîner sont des Canapés à l'Amiral, l'auteur a utilisé le menu du 14 avril car c'est plus facile d'en trouver des copies (car beaucoup de passagers l'avait encore dans leur poche de veste).

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