Première muse.
On m'a dit qu'il n'allait plus à l'école. Que parfois, on le croisait dans la rue, errer en traînant des pieds, s'appuyant sur un poteau et évitant les regards. Dis-moi, où es-tu passé ? Ou plutôt, que s'est-t-il passé ? Qu'es-tu devenu ? Cela fait si longtemps que nous ne sommes pas vus. Le collège est à côté, je marche souvent dans cette rue, mais je ne te croise plus. Paris est petit, le quartier est minuscule. Ici, tout le monde se connait. On croit échapper à nos vieux démons, les enfouir sous le sol pour ne plus qu'ils réapparaissent, mais je peux te dire que rien ne disparaît jamais vraiment. J'ai réussi à les effacer un peu, je ne les vois plus. Mais ils n'ont pas réellement disparu. Les saisons passent, je ne sais plus où tu es passé. Dis, quand nous reverrons-nous ? Il y a une année de rouge, d'orange derrière moi. Une année de coupures sur les bras, un passage à l'hôpital. Une année de prise de conscience, une année de rebondissements, mais aussi d'attente, d'observation, de bonheur. Tout était si mélangé et je ne m'aperçois que maintenant que je commence à parvenir à tout démêler. Rien n'a vraiment changé. Le collège a été démoli depuis, puis reconstruit. J'espère que tu sais au moins cela. J'espère que tu y es quand même allé, au début. J'espère que tu vas bien, malgré tout. Je suis tellement désolée. Je suis maladroite, je ne sais pas comment m'y prendre, je mélange les mots, les sentiments. Tu me disais que tu étais seul. Je me souviens que tu étais tombé au sol. Qu'ils te frappaient, parfois. J'étais impuissante, tu sais. J'ai toujours été impuissante.
Je suis tellement désolée.
Toutes ces ombres que je fuyais m'ont finalement retrouvée. Dans ma bouche, j'ai gardé tous les secrets. Je passe toujours sur les chemins du désir, j'éprouve toujours ce qu'il ne faut pas éprouver, en plus fort. Je vis intensément ; et je pleure toujours sans pouvoir m'énerver. Je n'ai pas vraiment changé. Rien n'a vraiment changé. Ici, un peu de neige est tombée - elle n'est pas restée longtemps. L'as-tu seulement vue ? Le confort de la maison n'est plus confortable ; de longues nuits blanches se déroulent encore et je garde les yeux fermés. Un peu plus de liberté, peut-être. Nous sommes toujours à la recherche de la vraie vie, la véritable vie que nous aimerions mener. Les livres coulent entre mes doigts. Je me sens moins seule. Tu ne me manques pas, mais ton absence m'inquiète. Je ne trouve plus mes vieux démons mais je te cherche parfois encore. Où es-tu ?
Quel est cet endroit où, dans les ombres confuses, les démons et les anges se mélangent ?
J'ai compris que je ne pouvais pas moi-même chasser les démons des autres.
Tu étais ma muse, une toute petite muse, de roux et de vert, une muse si fragile. Je n'ai même pas pu te dire au revoir. Je suis tellement désolée.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top