l'ivresse des profondeurs

Malgré ma danse légèrement décousue, je me sentais bien. Allégé, soulagé, débarrassé de la charge qui habituellement me faisait courber l'échine, enchanté de sa présence à mes côtés, comme fasciné. À travers le voile de nos mouvements, la salle pris l'aspect d'un tableau de Monnet. Le temps s'écoulait à une allure presque visqueuse. Puis mon champs de vision autrefois paysage devint portrait, le sien. Un regard planté dans le mien, un visage parsemé de beauté. J'étais si bien, mon corps flottait dans une étendue d'eau infinie et je me laissais couler, sans réfléchir, sans conséquence, sans même penser à respirer. Je me noyais dans sa compagnie.

Elle m'appelait, m'enjoignait de la rejoindre. Elle me semblait toujours plus loin, toujours plus inaccessible. Alors je nageais dans sa direction, je sombrais dans les abymes de sa présence jusqu'à ce qu'elle fut à quelques millimètres de moi. Au milieu de la piste de danse, je la tenais dans mes bras. Ses frêles épaules étaient maintenant mon seul point d'amarrage. Je n'avais toujours pas repris mon souffle et je n'avais fais que couler, sombrer encore, toujours plus loin en sa compagnie. Je ne voulais pas m'arrêter. J'avais si peur de la laisser et ne plus jamais la revoir. Si peur qu'elle s'enfuie, qu'elle s'en aille, suivant les courants et les bancs de poissons. Je sentais mes mains, ces lâches, glisser de ses épaules. Je tentai alors de les remonter et les logeai au creux de sa nuque. Mes doigts se hissèrent un à un et vinrent envelopper ses joues. Je ressentais à présent le poids de l'eau, la pression qu'elle exerçait sur mon crâne. Je me sentais si bien et pourtant un sentiment brûlant, presque urgent m'oppressait. Mon coeur criait à mes oreilles et les défiait de rougir. Puis elle planta à nouveau son regard dans le mien. En moi, une foule prodigieuse de mots se bousculèrent pour atteindre cette fille que mes paumes protégeaient jalousement. Les uns rebondissaient contre les parois de mon crâne, les autres rugissaient dans mes tympans. Cette cacophonie infernale ne voulait cesser, ne faisait que s'intensifier.

Mon crâne semblait peser des tonnes et m'entrainait toujours plus bas dans les abysses, jusqu'à ce que j'atteigne le point de non-retour; Une sorte d'implosion, d'euphorie.
C'est à cet instant que je fus le plus lucide, que toute hésitation me quitta. C'est à cet instant même qu'une solution se démarqua face à cette cascade de paroles qui tentait d'échapper.
C'est précisément à cet instant que je fus envahi par l'ivresse des profondeurs et que mes lèvres, faute de savoir que prononcer, choisirent de s'ancrer aux siennes.
Elles scèllerent ainsi bien plus de promesses qu'un verbe ne pourrait jamais sous-entendre.

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