j'étais vert

J'étais lasse sûrement et fatigué peut-être. Mes yeux n'arrivaient plus à la lâcher et mes pensées à l'occulter. Je mourais d'envie de briser le pacte, de trancher notre silence à coup de compliments. Les mots les plus fous me frôlaient l'esprit et repartaient aussi vite que la raison les toisait.
La musique embaumait la salle. Elle secouait sa tête, les yeux fermés, la peau violette, bleue, parfois rouge et enfin jaune. Et moi, j'étais juste vert. Vert de tout ce qu'un autre aurait tenté à ma place mais que j'étais trop timide pour entreprendre. Alors je la regardais dans l'espoir de capter son attention, dans l'espoir d'une ouverture, d'une infractuosité dans laquelle je me glisserais et d'où je trouverais le courage de ne plus reculer. Les minutes passaient, un noeud se formait en moi. Les paroles et gestes que je n'osais laisser échapper se retrouvaient coincés dans mon abdomen, appuyaient sur mon Plexus.

Puis vint cette chanson, dont les paroles m'échappent. Le refrain parlait d'une chose indicible, la mélodie se jouait sur un ton sourd. Je me rappelle uniquement de l'émotion qu'elle dégageait. Ce type de sentiment qui fait mal sans vraiment blesser, qui vous rappelle quelqu'un ou quelque chose du passé. Au milieu de la chanson l'ouverture se dessina enfin et je trouvai la force d'entrer en contact. J'avais besoin d'une arme, quand une larme s'échappa. Son œil droit se mis soudain à briller. Je la remarquai, cette goutte insidieuse. Quelque chose s'activa en moi, un réflexe d'empathie. Je tendis la main, lentement. Elle tourna la tête en ma direction. J'atteignis doucement sa joue et glissai mon doigt sous son œil pour le sécher. Elle me souri fugacement. Mais cela me suffit, je ne pouvais ignorer ce sourire, aussi léger fût-il. Je déployai mon corps et quittai mon siège, pour me retrouver debout devant elle. Je tendis mon bras dans sa direction et bafouillai :

- Je... Enfin tu...

Son regard partit de ma main tendue, passa par le pli de mon coude, franchi mes épaules pour enfin croiser le mien. À ce moment mon souffle se bloqua dans ma gorge.
Je remis tout en question ; mon initiative, notre amitié, ma solitude.
Finalement, elle se mis en mouvement, recoiffa ses cheveux, élança sa main à la conquête de la mienne et en profita pour se lever.
Nous restâmes quelques instants face à face, lâches. La musique s'arrêta, puis changea. Je reculai, ses pieds suivirent les miens, et ainsi jusqu'à rejoindre la piste. À cet instant, la masse nous engloutit. Je me retrouvai acculé entre mille corps enflammés. Je ne m'arrêtai pas et me frayai un chemin. Ballotté en tous sens, je finis par atteindre le centre de la salle, me créant une bulle d'air.

Reprenant conscience de ce qui m'entourait, je remarquai cette pression au niveau de ma main. Elle ne m'avait pas lâché. Nous étions là, tous les deux, perdus au milieu de ce déluge, entourés de battements de coeur assortis au morceau qui passait.
Aussi confondu l'un que l'autre, nous nous observions. J'avais enfin franchis le barrage nous séparant, je m'étais fait une place dans son océan. Cela m'effrayait autant que cela me réjouissait. La sirène me faisant face semblait m'appeler, me chanter une mélodie doucereuse et tentatrice. Je décidai donc de m'immerger à sa rencontre. D'abord ma cheville se mit en mouvement, une jambe puis l'autre. Mes bras s'écartèrent de mon corps et suivirent le rythme. Je dansais. Elle le remarqua et je la vis hésiter. Un sourire naquit sur sa bouche, puis un rire osa la franchir. À mon plus grand soulagement, elle me rejoignit. Pour une fois, je ne réfléchissais plus, je me laissais porter par l'instant. Lorsqu'elle secouait la tête, ses cheveux s'emballaient et tentaient de fuir tout en zébrant son cou, ses épaules de leur rousseur flamboyante. J'admirais cela. Encore un instant.

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