Chapitre 11. - "Je t'aime depuis des milliers d'années"

Ethan s'étouffa, son visage devenant rouge.

-Quoi? Mais je ne l'aime même pas, c'est impossible!

-Tu n'en sais rien, lui rétorqua Ramiel, c'est parce que tu ne te souviens pas. Tu n'as pas encore retrouvé tous tes souvenirs. Tu as des vies entières à rattraper avant de pouvoir dire que tu ne l'aimes pas.

Il ne répliqua pas et se tût. Le jeune homme comprit que rien ne servait d'argumenter et que Ramiel s'entêterait à dire que lui et Jason étaient faits l'un pour l'autre (alors que ce n'était absolument pas le cas!) depuis la nuit des temps. À l'entendre parler, il n'y avait rien qu'il pouvait y faire. Inévitablement, il finirait par tomber amoureux comme dans toutes ses autres vies. Pourtant, Ethan était certain que c'était la première fois que quelqu'un daignait lui raconter cette histoire. Peut-être qu'en sachant cela il pourrait éviter que ça se produise? Ou au contraire, demeurerait-il impuissant face au destin?

-Quoiqu'il en soit, reprit Ramiel, tu as encore deux jours devant toi.

Etan fronça les sourcils.

-Deux jours? Répéta-t-il sans comprendre.

-Eh bien, le Triomphe se termine dans deux jours.

-Et alors? Il se passe quelque chose de particulier lors du dernier jour des festivités?

Il vit une nette exaspération traverser le visage du démon. À croire qu'il ne savait vraiment rien et qu'il fallait tout lui expliquer. Bon sang, ce n'était pas de la faute à Ethan s'il était tout nouveau dans ce monde et que personne ne lui avait rien dit!

-Le troisième jour du Triomphe, expliqua Ramiel avec un ton révérencieux, Luci... enfin Jason et toi êtes supposés accomplir la prophétie, vous unir pour assurer une victoire à nos troupes lors de la guerre qui se prépare. Le Seigneur sera invincible après cela.

Ethan se décomposa sur place, ses joues s'empourprèrent . Lui, coucher avec Jason? Jamais! Mais à quoi pensaient ces gens-là? Qu'il allait tranquillement accepter de coucher avec le diable en personne? Qu'importe ce qu'on pouvait dire, il ne l'aimait même pas! Pourtant, rien qu'à imaginer Jason nu, il sentit son bas-ventre se contracter. Il avait beau être un connard arrogant et narcissique, il fallait avouer que Jason était atrocement sexy! Quelque part, il aimerait bien lui arracher son foutu manteau et admirer chaque millimètre parfait de sa peau dorée.

-Quoi, mais je..., bredouilla-t-il.

-Qu'est-ce que tu lui raconte encore? Tonna une voix grave qui n'avait rien à faire avec le timbre de Ramiel.

Ethan se tourna lentement pour tomber directement face à face avec Jason qui fronçait les sourcils, visiblement pas d'une bonne humeur. Il se mordit la langue, puis recula de quelques pas, s'arrêtant juste avant de foncer contre le torse de Ramiel. Il était prisonnier entre les deux colosses.

-Tu es de loin mon meilleur combattant, Ramiel, poursuivit Jason dont le regard doré brillait, et mon meilleur ami et c'est pourquoi je t'ai demandé de surveiller cette porte : je ne t'ai jamais demandé de faire un brin de causette avec lui!

-Pardonnez-moi, mon Seigneur, s'excusa solennellement le démon en baissant la tête, un léger sourire planant discrètement sur ses lèvres.

-Qu'importe, le mal est fait maintenant! Qu'est-ce que tu lui as dis?

-Qu'avez-vous entendu?

-Je suis arrivé au moment où son visage, dit-il en pointant Ethan avec un sourire moqueur, devenait tout rouge parce que tu lui disais ce qui allait arrivé le dernier jour du Triomphe.

Et le visage d'Ethan devint encore plus rouge, si c'était possible. Jason afficha un air faussement déçu.

-C'était supposé être une surprise : tu as tout gâché.

Il soupira.

-Bon, maintenant, laisse-nous, je crois que nous avons des choses à nous dire.

Ramiel s'inclina.

-Bien, Seigneur.

Le démon à la langue de serpent tourna les talons. Ethan n'eut pas le loisir de le voir disparaître au fond du couloir, car Jason le repoussa à l'intérieur de la chambre et claqua la porte derrière eux.

-Alors, qu'est-ce que Ramiel t'a dit d'autre? Demanda-t-il, un pli d'énervement marquant son front. Il n'était rien supposé te raconter...

-J'aurais fini par l'apprendre, rétorqua le vampire, de lui ou d'un autre, ça n'a pas d'importance.

Jason serra le poing.

-Au contraire! Clama-t-il. Tu étais supposé te souvenir, petit à petit et prendre conscience de tout ça toi-même. Tu l'aurais sûrement mieux accepté que maintenant que tout t'a été donné tout cru dans le bec!

Les prunelles de l'homme virèrent au rouge sang. Ethan n'osa pas l'approcher. Il préféra se taire de peur que le démon sous l'emprise de la colère utilise ses pouvoirs pour le forcer à faire quelque chose qu'il ne voulait pas.

Jason serra la mâchoire et crispa les muscles : chacun de ses vaisseaux sanguins étaient sur le bord de l'explosion. Laissant échapper un cri de rage, il laissa son poing entrer de plein fouet dans le mur le plus proche. Sous la douleur qui le parcourut, sa colère retomba. Ses yeux redevinrent dorés et il haleta. Il prit une bonne inspiration, puis regarda Ethan. Merde, pourquoi devait-il être là? Pourquoi devait-il le voir comme ça, alors qu'il ne se contrôlait pas et qu'il perdait les pédales. Pourquoi devait-il voir le pire de lui-même?

-Tu n'as aucune idée de ce que je ressens, finit-il par lâcher. Je t'ai vu mourir un nombre incalculable de fois devant mes yeux en étant impuissant à chaque fois, je n'ai jamais pu y changer quelque chose. Je t'aime depuis des milliers d'années, Ethan, et quand je finis enfin par te retrouver, tu ne te souviens de rien et je suis le seul à souffrir. À chaque fois.

Jason serra les dents, tout aussi impuissant que lorsque son amant mourrait dans ses bras.

Pendant un instant, Ethan vit sous la carapace, il vit l'ombre d'un homme qu'il aurait pu aimer dans une autre vie. Après tout, Jason n'était peut-être pas si terrible...

-Jason..., murmura-t-il en s'approchant.

L'homme avait l'air brisé. Ses épaules bougeaient, alors qu'il lui tournait le dos et Ethan avait l'impression qu'il pleurait. Il posa une main dans le dos du démon pour l'apaiser. Il se déplaça lentement autour de Jason pour se retrouver face à lui. Il avait la tête baissée et Ethan ne pouvait pas voir son expression faciale.

-Jason..., répéta-t-il, légèrement inquiet de l'immobilité et du silence inhabituelle de son interlocuteur.

C'est à ce moment-là que Jason releva la tête. Ethan se figea. Le démon ne pleurait absolument pas. En réalité, il avait un grand sourire sur les lèvres et les yeux qui brillaient. Le vampire comprit une seconde trop tard qu'il s'était fait manipulé. Jason le plaqua à vive allure contre le mur derrière lui, tout près du trou qu'y avait fait son poing quelques minutes plus tôt.

-Je te jure, Ethan, que je n'ai pas attendu tout ce temps, toutes ces milliers d'années, pour repartir bredouille maintenant, dit-il à l'oreille du vampire d'une voix suave qui donna des papillons dans le ventre d'Ethan. Je vais te faire retomber amoureux de moi.

Dans un instant de lucidité, Ethan se dégagea de l'emprise du démon. Il ne savait pas ce qui lui avait pris de se sentir, même un instant, désolé pour le démon. Jason était absolument terrible! Et quel culot de dire qu'il pouvait le faire retomber amoureux! Il était frustré.

-Jamais! S'exclama-t-il.

Jason sembla n'avoir que faire de sa réponse. Il fit mine de regarder ses ongles.

-Préférablement, il faudrait que tu m'aimes d'ici deux jours, rajouta-t-il avec nonchalance. Ça rendrait les choses probablement plus agréables pour toi, car je n'ai pas l'intention de laisser passer cette occasion de te faire gémir de plaisir. J'ai attendu ça trop longtemps. Alors, tâche de te souvenir rapidement.

Jason se mit à bouillonner et chacun de ses muscles se banda.

-Espèce de...–

Il ne termina son insulte que la porte de la chambre s'ouvrit à la volée. Ramiel, visiblement essoufflé, se tenait dans l'embrasure. Jason se tourna vers lui.

-J'ai expressément dit que je ne voulais pas être dérangé! Puis merde, tu aurais pu cogner! J'étais en train de faire quelque chose d'important...

Ramiel secoua la tête.

-Mille pardons, Seigneur, mais une patrouille a trouvé un ange échoué près de nos frontières.

-Et alors? Pourquoi venir me dire ça? Vous n'avez qu'à en faire ce qu'on en fait d'habitude : amenez-le au marché, quelqu'un le voudra sûrement et à très bon prix.

-Je pense que vous devriez venir voir, Seigneur.

-Et pourquoi donc?

-C'est un Séraphin.