Ce jour là
J'ai écrit ce texte dans le cadre d'un DM de français dont le sujet était "Écrivez une nouvelle s'intitulant ce jour-là". Elle peut paraître un peu gnangnan mais... j'espère qu'elle vous plaira ^^
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Sept heures trois. Sept heures trois, c’est l’heure qu’affiche mon réveil en ce doux matin de 25 décembre. J’émerge à peine des brumes du sommeil, et je suis encore toute endormie. Avec les quelques capacités cognitives qui me reviennent peu à peu, je m’interroge sur ce qui a bien pu me réveiller aussi tôt alors que je n’ai pas cours. Pourquoi, mais pourquoi donc ai-je réglé mon réveil à cette heure là ? Je consulte le petit boitier posé sur mon lit une nouvelle fois, et un détail qui m’avait paru insignifiant jusque là me frappe. La date ! Mais bien sûr ! Comment ai-je donc fait pour oublier le matin de Noël ? Décidément je n’étais pas bien réveillée. Il ne m’en faut pas plus pour me faire sauter hors de mon lit et me précipiter dans la chambre de mon frère “Debout fainéant, allez dépêche-toi, c’est Noël !”. Je le secoue vivement, le sourire aux lèvres. Mon petit monstre se met d’abord à grogner, mais je vois à l’étincelle dans ses yeux que le message est passé, et c’est d’un seul et même élan que nous courons à la chambre de nos parents pour les réveiller à leur tour. Ils se plaignent eux aussi, même si c’est ma mère qui a le plus de mal à sortir du lit. Nous descendons donc tous les quatre et mon père allume les guirlandes du sapin, pour donner un air encore plus magique à la scène. C’est vrai qu’avec l’énorme paquet qui trône au milieu de la pièce je suis de plus en plus excitée. Après avoir échangé un regard complice, mon frère et moi nous ruons sur les cadeaux pendant que nos parents s’installent sur le canapé, l’air fatigué mais amusés devant notre joie enfantine. Je me rends compte avec grand plaisir que le paquet géant m’est destiné, et que, posé dessus, se trouve une belle enveloppe comme nous aimons en utiliser, ma mère et moi, pour écrire des petits mots. Je l’ouvre délicatement et lis avec émoi les quelques lignes tracées sur le papier à lettre couleur crème :
“Ma chérie,
je sais que tu en rêvais depuis longtemps, et il est vraiment important pour moi de pouvoir te l’offrir. J'espère que tu garderas toujours un beau souvenir de nos petits moments magiques passés à écouter tant de si jolies mélodies, et que nos coeurs resterons toujours unis par la musique, je t’embrasse tendrement, ta maman qui t’aime”.
Au fur et à mesure que j’avance dans la lecture de la carte, mon sourire s’agrandit car je commence à comprendre ce que pourrait être cet énorme cadeau. Je repose la lettre sur la table et me rapproche avec émotion du paquet. Avant de l’ouvrir, je jette un regard hésitant à ma mère qui m’encourage d’un sourire fatigué. Je commence alors à déchirer le papier, et lorsque je me rends compte que ce cadeau est celui dont j’ai rêvé pendant des années je ne me retiens plus et explose de joie. Devant moi se trouve le plus beau, le plus magnifique, le plus extraordinaire des pianos, l’instrument de musique qui m’a toujours envoûtée et dont j’ai tant voulu savoir jouer, afin d’émouvoir et de toucher les gens qui m’écoutent. Je retourne alors vers mes parents et saute aux bras de mon père en le couvrant de baisers et en rigolant comme une petite fille. Je me précipite ensuite sur ma mère, toujours allongée dans le canapé et la serre de toutes mes forces dans mes bras. Je ne remarque pas la grimace qu’elle retient lorsque je m’écarte ni la souffrance dans son regard, trop occupée que je suis à admirer le magnifique instrument qui trône au centre de la pièce et qui m’appartient désormais. Je me rapproche à nouveau du sapin pour découvrir un autre cadeau à mon nom, plus petit cette fois et me rends compte avec satisfaction qu’il s’agit d’un très joli siège pour mon piano. Mon père m’interrompt alors dans ma contemplation et me demande quel morceau est-ce que je compte jouer en premier. Même si je n’ai que de vagues notions de solfège, j’aimerais apprendre une bande-son de film ou quelque chose dans ce style… Ma mère me propose alors d’une toute petite voix de jouer une musique que nous adorons toutes les deux et qui est dans un de nos films préférés. Je ne remarque pas non plus à ce moment là la tension qui semble avoir figé son corps et son air douloureux, et je m’élance vers le piano avant de demander à mon père de m’imprimer la partition du morceau que nous avons choisi.
A partir de ce moment-là, et ce jusqu’au soir, je travaille des premières mesures de ma musique, un casque vissé sur les oreilles pour garder la surprise. Je ne m'aperçois donc pas que mon père passe coup de fil sur coup de fil et que ma mère ne bouge plus du tout. Le soir, mon frère me raconte comment il a réussi à tuer le boss du niveau 17 sur sa nouvelle console - décidément, mes parents ont été généreux cette année-, et je ne prête pas non plus attention au fait que mon père a réellement l’air désespéré. Un peu plus tard, toute excitée, je réclame l’attention générale et m’étirant comme le font les artistes, je m’installe devant le piano. Je commence à jouer, et me concentre un maximum pour faire plaisir à ma famille. A la fin de la page, je me tourne fière vers mes parents, mais lorsque ma mère me regarde en pleurant et en me murmurant qu’elle m’aime, mon Noël si parfait jusque là vire au cauchemar, et tout s’écroule autour de moi. Je n’arrive pas à comprendre ce qui se passe et je me sens perdue, déboussolée. Mais qu’avons nous donc fait pour en arriver là, pour mériter cela ? Soudain, dans un éclair de clairvoyance, tous les petis détails insignifiants et pourtants si révélateurs d’une tragédie de ces dernières semaines me reviennent en mémoire, frappants. L’air constamment inquiet de mon père, les fatigues répétées de ma mère, les visites chez le médecin de plus en plus fréquentes, sa faiblesse d'aujourd'hui… D’un coup, tout me paraît évident et je me sens tellement idiote de n’avoir rien vu venir, de n’avoir rien fait pour l’aider... Je me dis alors que rien n’est parfait, et que la vie ne donne rien sans reprendre quelque chose en échange. J’en ai la preuve, aujourd’hui lorsque ma mère ferme devant moi ses paupières pour la dernière fois, me laissant derrière elle un ultime cadeau. Je me mets alors à pleurer, effondrée de la perte de celle qui m’a élevée.
Depuis ce jour là, c’est la musique qui me fait vivre et qui me rapproche d’elle. Alors, maman, ce soir si je donne mon premier véritable concert dans la salle des fêtes de notre petit village, c’est grâce à toi. Saches que je vais leur interpréter ton morceau, notre morceau, et j’espère maman, oui j’espère que tu m’écoutes car ce soir je compte te rejoindre au septième ciel à travers la musique, alors si tu es là, passes me voir, afin que je puisse te dire encore une fois combien je t’aime. Je ne t’oublierais jamais.
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