Londres - quelques jours plus tard

Étendu sur son lit, Robin lisait pour la centième fois la si surprenante - selon le point de vue des grandes personnes tout au moins - dernière lettre de son grand père.

Il avait dû la lire plusieurs fois avec ses parents pour arriver à en reconnaître aisément les mots, lui qui avait appris à lire il y a si peu de temps encore, mais aujourd'hui il aurait presque su la réciter par cœur.

Et il en était le gardien. Son père l'avait solennellement fait jurer à tout le monde !

Dans son esprit d'enfant, tout ça lui semblait pourtant parfaitement normal, et il ne comprenait pas pourquoi les grands en avait fait toute une histoire. Surtout sa mère qui en parlait encore presque en chuchotant, comme si elle craignait qu'on la prenne pour une folle.

Personne ne devait en parler à quiconque d'autre ça non ! Mais de toute façon lui n'avait pas prévu d'en parler à qui que ce soit. C'était son secret. A lui et celui de son papi aussi.

Le petit garçon savait que c'était vrai. Il l'avait vu dans son rêve.

L'homme de brume qui essayait de faire disparaître la joie de tous ceux venus pour le combattre. Son grand-père qui redevenait cet enfant espiègle, courageux et moqueur grâce à ses amis. Et grâce à Robin aussi.

La première fois, il avait eu du mal à faire comme son grand-père lui avait dit. Il se sentait tellement triste. Il avait lutté, et lutté encore pour retrouver le sommeil en songeant à la meilleure façon de terminer cette histoire. Et il s'était réveillé plusieurs fois encore durant cette même nuit, avec toujours les mêmes images en tête.

Mais les fois suivantes il n'était plus tout seul.

Il avait raconté son rêve à sa cousine Rachel - de 10 ans son ainée - en lui faisant jurer de ne rien dire, et celle-ci l'avait aidé à trouver un dénouement heureux. Elle appelait peut-être leur grand père « le petit garçon » parce que c'était trop dur pour elle, mais il savait qu'au fin fond de sa petite tête elle le voyait comme lui le voyait.

Ils en avaient parlé plusieurs fois depuis, en mettant peu à peu leurs frères/sœurs et cousins/cousines respectifs dans la confidence. Et plus il refaisait ce rêve, plus la fin en était heureuse. L'homme de brume disparaissait et tout le royaume retrouvait ses couleurs, sa vie. Le village était reconstruit et les enfants y jouaient à se faire peur, ou à être le chef, détenteur de la terrible « potion ».

La lettre que Robin ne quittait presque jamais, son précieux trésor, était l'ultime cadeau de son grand-père et son dernier avertissement aussi, en quelque sorte.

Il n'arrêterait pas de rêver ça non ! Ni de croire à l'incroyable !

Mais l'enfant ne savait pas comment le remercier, ni comment lui montrer qu'il continuerait à jamais d'être dans son cœur cette personne invincible et immortelle. Il le dirait sûrement à ses propres enfants un jour. « Je devrai trouver une maman avant. Beurk ! ce serait dégoutant ! », se dit-il.

Perdu dans ses réflexions, il finit par s'endormir, la lettre posée tout contre lui.

La solution lui vint le lendemain matin, lorsque son père parla avec sa mère, son oncle et sa tante de ce qui devait être écrit sur la pierre sous laquelle se reposait son grand-père. Aucun d'entre eux n'avait réussi à proposer, sur le moment, une solution qui convienne à tout le monde, ou en tout cas c'est ce que le petit garçon avait cru comprendre.

Trop banal, trop pompeux – il ne voyait pas ce que ça voulait dire - ...bref trop nul pour son papi ! Et c'est pour ça qu'encore aujourd'hui elle ne comportait rien, si ce n'était son nom, son prénom, sa date de naissance et la date du jour où il était parti.

Lorsqu'il osa soumettre son idée, celle-ci fut accueillir par un silence qu'il crut de mauvais augure.

Il s'apprêtait à trouver quelque chose à dire, n'importe quoi pour se justifier, quand son père s'exclama, hilare :

— Mais oui ! C'était tellement évident. Pourquoi nous n'y avons pas pensé avant ! Et ça ne choquerait personne. Après tout, papa était un grand enfant et il a toujours dit à qui voulait l'entendre qu'il adorait ce livre. Vous savez tous pourquoi maintenant d'ailleurs, ahah !

Ah Robin, mon garçon, tu nous sauves la vie et tu ne pouvais pas trouver meilleur hommage pour ton grand-père !

La discussion continua un peu, les grandes personnes s'énervèrent puis rigolèrent et le petit garçon n'y compris pas toujours grand-chose, mais en retint l'essentiel : son idée avait plu, et c'est celle qui serait retenue à l'unanimité.

Quelques jours plus tard, il se rendit avec toute sa famille là où la pierre était dressée. Celle-ci, qui marquait l'endroit précis comme un X sur une carte de pirate, semblait maintenant comme illuminée par les quelques lettres qui avait été ajoutées à ce caillou lisse et gris juste avant leur venue.

Tout le monde resta là en silence pendant plusieurs minutes, si bien qu'à un moment l'attention de Robin se détourna de l'objet de leur visite et que son regard vagabonda alentour. Il vit alors la petite boule de lumière de son rêve sur une branche d'arbre tout près.

Au départ, il pensa que c'était juste un rayon du soleil, mais en regardant plus attentivement il la vit se déplacer discrètement - ses longs cheveux aux couleurs changeantes flottant au vent -, comme si elle cherchait à mieux voir ce qui était écrit. Et c'est encore après quelques instants qu'il distingua l'ombre derrière elle.

Ce n'était pas une ombre effrayante, elle lui paraissait même amicale en fait, et celle-ci semblait sourire en lisant à son tour les quelques mots.

Quand il comprit qui était présent avec lui et sa tribu, Robin eu un bref instant l'envie de le dire à tout le monde mais, sans un mot, l'ombre lui fit comprendre qu'il ne fallait pas. Que ça aussi ça devait rester secret, pour le moment au moins.

Après quelques instants encore, Jack et sa sœur finirent par donner le signal du départ en silence, sans voir ce que Robin avait vu.

Le petit garçon, en s'éloignant, jeta un dernier coup d'œil là où il avait vu ces deux personnes venues tout droit du « pays là-bas », comme lui avait dit son grand père.

Il distingua très nettement l'ombre s'élever dans les airs, très vite suivie par sa lumière.
Ce pouvait-il qu'elle lui ai fait un clin d'œil ? « non, j'ai dû rêver », se dit le petit garçon.
Et pourtant, il était presque certain d'avoir vu son œil (« rose ? ») disparaître puis réapparaître.
La petite lumière fit briller une ultime fois le dernier cadeau de l'enfant à son grand-père, en passant devant cette phrase si chère à leur cœur à tous :

« Tous les enfants, à une exception près, grandissent »

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