Episode 01 - 1/2
Episode 1 - ARTEMIS
[Liyanne]
Mon sac de cours passé en bandoulière, je m'aventure dans les allées de Place Laurier.
Petit point géographique, Place Laurier est le centre commercial qui se trouve à l'entrée de Québec, lorsqu'on passe par la rive Sud. Ouais, un peu trop complexe pour les personnes qui ne vivent pas ici. En bref, c'est l'endroit où tout le monde va faire ses courses. Et comme j'habite juste à côté, je ne fais pas exception. Je soupire pour essayer de me calmer, mais le nombre incroyable de personnes me met mal-à-l'aise. De mon mieux, je tente de ne pas regarder autour de moi et me dirige vers le Forever 21. En essayant de me faire la plus petite, je me faufile vers le rayon des robes. J'aimerais trouver un petit quelque chose pour la fête d'anniversaire que m'ont organisés mes nouveaux "parents". J'aimerais qu'ils ne me trouvent pas trop bizarre, comme les derniers. Et comme tous ceux d'avant. Avec un petit soupir, j'attrape le cintre d'une tenue qui semble plutôt jolie.
- Bonjour Mademoiselle ! Je peux faire quelque chose pour vous ?
Je me force à sourire en entendant la vendeuse et relève lentement la tête vers elle. Lorsque je croise son regard, tous mes muscles se détendent. Elle est seule.
- Non, c'est bon, je vais trouver. Merci quand même.
Elle me fait un sourire et part s'occuper des autres clients, qui ne sont pas dans mon champ de vision. Je soupire de soulagement. En fait, j'aime bien les vendeuse du Forcever 21, parce qu'elles sont plutôt jeunes, alors pour elles, une fille aux yeux violets et avec une mèche, ça ne les surprend pas. Avec un sourire détendu, j'attrape la robe et file vers les cabines d'essayages. Pile poile la bonne taille ! Quelques minutes plus tard, à peine, je sors victorieusement de la boutique et me dirige en vitesse vers la sortie. Rien de bizarre ne s'est produit ! C'est étrange de le dire comme ça, mais c'est assez rare pour que je le souligne.
En sortant du grand centre commercial, je réalise que j'ai parlé trop vite. Mon regard croise les yeux verts d'une fillette de onze ans qui marche avec sa mère. Mon corps se fige, tandis qu'un long frisson me parcoure la colonne vertébrale. Non ! Je ferme les yeux, mais la sensation de froid qui se répand en moi me force à les rouvrir. Je tremble d'appréhension. A côté de la petite se tient un garçon. Un étrange garçon emmitouflé dans une longue cape noire. Il me fait dos, mais ne tarde pas à se retourner. Son regard glacé vient immanquablement se planter dans le mien, comme une provocation. J'entendrais presque les mots qu'il m'a adressé quelques années auparavant.
" Tu ne peux pas la sauver, elle est à moi, désormais. "
J'essaie de détourner le regard, mais j'en suis incapable. Le regard bleu de l'étrange garçon me garde prisonnière. Lentement, pourtant, il détourne la tête et recentre son attention sur l'enfant. Elle a lâché la main de sa mère. Elle s'aventure sur la route. Je ferme les yeux et les cris retentissent. Tout autour de moi, les gens commencent à courir vers le corps de l'enfant, étendu au milieu de la chaussée. Je n'ai pas besoin d'ouvrir les yeux pour savoir qu'elle est morte. Pourtant, le même froid que plus tôt m'incite à regarder la scène. Devant moi, sur la route, le garçon s'est penché sur le cadavre. D'un geste tendre, il balaie l'air au-dessus d'elle et récupère la forme bleutée qui se libère de son entrave physique. Seule, au milieu de la foule, je vois la Mort emporter l'âme de l'enfant.
Les frissons de culpabilité et de chagrin qui me parcourent me figent sur place. J'essaie de lever un pied pour bouger, rentrer chez moi, ou juste changer de position, mais j'en suis incapable. C'est toujours comme ça lorsque j'assiste à une mort. Au bout de longues secondes, je finis par inspirer un grand coup et je récupère enfin l'usage de mes muscles. Lentement, je mets le cap sur mon chez-moi. Mes nouveaux parents adoptifs doivent m'attendre. Je soupire et chasse vivement l'image de l'enfant de ma tête. Vous vous direz sans doute que je suis affreuse et que je ne compatis pas pour cette petite, mais de un, je ne la connaissais pas, et de deux, j'ai tendance à attirer la Mort alors des scènes comme celle-là, j'en ai vu des dizaines. En arrivant devant chez moi, j'essaie de chasser tout résidu de la peur et de la culpabilité qui m'ont parcourus lorsque j'ai vu la Mort. J'aimerais que mes nouveaux parents adoptifs ne prennent pas peur au bout de seulement deux mois. Pour le moment, je m'entends assez bien avec eux, et j'aimerais que ça reste le cas jusqu'à ce que je puisse emménager seule. Alors lorsque je passe la porte, j'affiche mon plus beau sourire.
- Bonjour Etienne ! Bonjour Amanda !
J'ai du mal à les appeler Papa et Maman, mais ils ne m'en tiennent pas rigueur.
- Salut Liyanne. Tu as passé une belle journée ?
J'acquiesce en entrant dans le salon. Etienne est assis sur le sofa, un journal à la main, comme tous les soirs. Amanda, quant à elle, lit un livre. J'aime la simplicité de mes deux nouveaux parents.
- Quelqu'un t'a appelé aujourd'hui, c'était une dame. Elle a laissé son numéro et elle aimerait que tu la rappelle demain.
Intriguée, je me contente de hocher la tête.
- D'accord, je vais aller faire mes devoirs dans ma chambre.
Amanda sourit à mon initiative de jeune étudiante travailleuse et m'encourage d'un clin d'oeil. Une fois dans ma chambre, je me plante devant le miroir et soulève mon T-Shirt. Sur ma hanche, à droite, ma tache de naissance brille faiblement. Je grimace. Je déteste ce truc qui ressemble plus à un tatouage qu'à une vraie tache de naissance. En forme de rose des vents à huit branches, dont les quatre diagonales sont plus petites, elle est traversée d'un traits violet au niveau de la branche qui pointe vers l'Est. Je frissonne en la voyant doucement cesser de luire. Je vous le jure sur ma tête, ce truc est 100% naturel. Je ne me suis jamais fait tatouée. Ma tache de naissance reflète bien le reste de mon corps, d'ailleurs. Je suis née avec des yeux violets, et une mèche de la même couleur traverse mes cheveux au niveau de la frange. J'ai bien essayé de la couper, mais la couleur ne fait que se déplacer à chaque fois. A mon âge actuel, presque 18 ans, ce n'est pas vraiment problématique. N'importe qui peut se faire teindre les cheveux, acheter des lentilles et se faire tatouer. Mais quand j'avais 8 ans, c'était déjà un peu plus étrange. C'est une des choses qui m'a forcé à changer constamment de famille d'accueil, quand j'étais plus jeune. Maintenant, c'est plus calme, je déménage moins souvent. Les raisons pour lesquelles ont me renvoie à l'orphelinat, c'est plus parce que j'ai une attitude bizarre en public. On me croirait presque agoraphobe. Et puis, quand je vois la Mort, je manque toujours de faire un malaise.
Je soupire et rabat mon vêtement. Ma vie a l'air bien compliquée, mais en général, c'est assez tranquille. Je suis une bonne élève, je vais à l'école tous les jours, sauf le week-end, évidemment, j'ai un petit job... Enfin, si on exclut que je suis adoptée et que je vois la Mort, je suis plutôt normale, comme fille. Bon ! Je n'ai pas menti tout à l'heure, j'ai vraiment des devoirs à faire ! Détendue, je m'installe à mon bureau et commence mon devoir de français. C'est d'ailleurs sur ce maudit truc que je travaille toute la soirée, et sur lequel je finis par m'endormir.
Le lendemain, je suis réveillée par Amanda et Etienne, qui me hurlent "Bon anniversaire". Je leur souris et prends délicatement le petit déjeuner de rois qu'ils m'ont préparés. Nous mangeons ensemble dans ma chambre et ils m'amènent un cadeau.
- Qu'est-ce que c'est ?
Je demande en secouant délicatement la petite boite. Amanda me fait signe de l'ouvrir et j'obtempère. A l'intérieur du paquet, je trouve un magnifique collier dont le pendentif représente une rose noir avec un centre d'améthyste.
- C'est modeste, je suis désolée, mais on ne voulait pas être trop envahissant en t'offrant quelque chose d'énorme.
Je souris et passe le collier à mon cou.
- C'est vraiment splendide, merci beaucoup !
Dans un geste spontané, je les enlace. Etienne sourit, mal-à-l'aise, mais me serre aussi dans ses bras. Amanda, quant à elle, m'embrasse sur le front. Lorsque je les relâche, mon "père" me tapote la tête.
- Allez, tu as cours aujourd'hui, il faut que tu te prépares.
Avec un sourire complice, mes deux "parents" sortent de ma chambre. Une fois seule, je saisis le pendentif entre mes doigts. C'est la première fois qu'on m'offre un aussi joli cadeau. Une larme roule sur ma joue et je l'essuie rapidement, émue. La journée s'annonce splendide !
D'un bond, je me lève, enfile mon uniforme, me coiffe et ramasse mes affaires. Un rapide coup d'oeil à mon réveil et je peux souffler. Il me reste encore une bonne demi-heure à traîner ici avant que mon bus passe. J'en profite pour filer dans la cuisine, où se trouve le téléphone. Sur un petit bloc-note, un numéro de téléphone est inscrit avec à côté, la note suivante : "Pour Liyanne". Je ne reconnais pas le numéro, mais ce doit être un prof, ou la bibliothèque qui m'appelle pour une réservation. Plus ou moins intriguée, je compose le numéro et approche le combiné de mon oreille. C'est une voix féminine qui répond à l'appareil.
- Bonjour, à qui ai-je l'honneur ?
Le timbre sévère de sa voix me surprend et j'en suis légèrement intimidée.
- Heum... Bonjour, je suis Liyanne. Vous avez essayé de me contacter hier, je crois.
Il y a comme un silence, puis la voix de la femme s'adoucit.
- Oui ! Liyanne ! Excuse-moi, j'attendais un autre appel. Je suis Sofia, ravie de pouvoir de te parler. Tu as une minute devant toi ?
Je souris, rassurée.
- Je dois partir dans une demi-heure, je suppose que j'ai le temps.
Il y a de nouveau un étrange silence, puis elle continue.
- Je préférerais te voir en personne. Tu es libre ce soir ?
Quoi ? Je fronce les sourcils, méfiante.
- Je ne vous connais pas.
Elle soupire, comme agacée.
- Je comprends très bien, mais c'est important. Tu peux choisir le lieu et l'heure, et amener qui tu veux. L'important est qu'on puisse parler.
Je jette un coup d'oeil vers le salon. Etienne parle avec sa femme. Puis je me met à réfléchir. Je pourrais demander à mon "père" de m'accompagner. Je suis sûre qu'il comprendra.
- Je peux au moins savoir pour quelle raison vous voulez me voir ?
La femme attend quelques secondes avant de répondre.
- Secret gouvernemental.
Je me renfrogne. Quelle amusante plaisanterie.
- Ce soir, 17h00, à Place Laurier, devant le second cup. Ca vous va ?
Je l'entend soupirer, et je perçois un certain soulagement.
- Si tu me laisses te payer le souper.
J'ai un petit sourire.
- J'amènerais mon père, mais si vous avez envie de payer pour deux, ça me va. Au revoir, Madame Sofia.
- A ce soir Liyanne.
Puis je raccroche. Quelle drôle de conversation. Et dire que j'ai rendez-vous avec cette mystérieuse personne ce soir. Gênée, je me dirige vers le salon et raconte ce qui vient de se passer à Etienne. Méfiant, il accepte tout de même de m'accompagner. Nous nous donnons rendez-vous devant une autre boutique, pas très loin du café où je dois rejoindre la femme. Après ces quelques précisions, je pars vers mon lycée, rassurée. Je ne me ferais pas tuer ce soir, en théorie.
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Le soir venu, je me dirige vers le point de rendez-vous avec Etienne. Une boule s'est formée au creux de mon ventre et mes jambes tremblent légèrement. Pourquoi j'ai accepté de rejoindre cette femme !? Je dois être complètement tarée ! Ou suicidaire ! Je regarde à droite à gauche. Si je devais mourir dans les prochaines minutes, la Mort devrait se tenir près de moi. Comme il n'y a personne, alors c'est bon ? Je vais vivre ? Un frisson me parcoure et je me fige. Rien... Ouf ! La peur me fait frissonner sans que ce soit le signe que la Mort rôde dans les parages. Je souris. Tout moment où je ne croise pas ce monstre emmitouflé dans une cape noire est un moment heureux de plus dans ma vie. Une vague de soulagement me parcoure et je me dépêche de rejoindre l'intérieur du centre commercial. Mon "père" est à l'heure et m'attend justement là où nous nous sommes donnés rendez-vous. Avec un sourire jovial, il me demande comment s'est passée ma journée et ce que je pense de cette femme. Mes deux réponses sont évasives, mais il s'en contente. Ensemble, nous nous dirigeons vers le café. J'ai peur de ne pas reconnaître mon interlocutrice, mais coup de chance, il n'y a qu'une seule femme assise dans le petit café. Même si je suis complètement apeurée, je réussis à afficher un sourire cordial sur mes lèvres.
- Bonjour Madame Sofia. Je suis Liyanne, ravie de faire votre connaissance.
La femme lève les yeux vers nous. Son regard critique me détaille de haut en bas sans la moindre gêne. Après quelques secondes, elle semble satisfaite et me tend la main.
- Tout le plaisir est pour moi.
Son regard se tourne alors vers mon père. Je vois bien qu'elle est contrariée de sa présence, mais elle essaie de ne pas trop le laisser paraître.
- Vous devez être son père. Je suis contente de voir que votre enfant sait prendre ses précautions. Je suis consciente qu'un tel rendez-vous aurait pu s'avérer risqué pour une toute jeune adulte.
Courtoise, elle nous invite à nous asseoir et j'en profite pour la détailler. Ses cheveux noirs sont retenus dans un chignon stricte, qui s'accorde parfaitement avec ses petites lunettes, derrière lesquelles se cachent un profond regard vert. Cet air strictement professionnel, pourtant, contraste avec sa tenue banale. Un haut beige aux épaules découvertes accordé à un jeans bleu pâle. Pour être franche, vu sa voix, et sa tête, je m'attendais au tailleur serré et à la jupe grise. Vous voyez le genre ? Bref. Avec un sourire, elle nous offre un café (que je ne touche pas, j'ai horreur du café), et commence à poser des questions sur le travail de mon père. Enfin, pas des questions intrusives ou indiscrètes, juste des questions de politesse pour essayer de démontrer qu'elle s'en tape pas totalement. Puis finalement, vient le moment où je l'interrompt pour lui poser une question.
- Pourquoi vouliez-vous me voir, au juste ?
Sofia me fait un regard satisfait, comme si elle attendait seulement que je lui pose sa question. Puis, elle prends une mine grave et sort une carte de son sac.
- Excusez-moi, Etienne, mais je dois m'entretenir seule avec votre fille. Maintenant qu'elle est majeure, je suppose que ça ne devrait pas poser de problème.
Mon père adoptif regarde la carte et ses yeux s'écarquillent. Stressée, je regarde à droite à gauche, pour m'assurer que la Mort ne traîne pas dans le coin, puis je jette un œil au petit truc plastifié. Apparemment, elle travaille pour les services secrets et pour le gouvernement.
- Qu'est-ce que c'est que cette histoire !?
Etienne a froncé les sourcils et regarde la femme avec méfiance. Aussitôt, elle claque des doigts et deux colosses s'avancent vers nous.
- Excusez-moi, monsieur, mais mieux vaut que vous vous éloigniez.
Une vague de panique me parcourt et je me lève d'un bond. Un frisson me parcoure et je me mets à trembler. Non, non, non ! Ce n'est vraiment pas le moment ! Soudain, je sens une main douce et chaleureuse se pose sur mon épaule.
" Tu ferais mieux d'écouter cette femme. "
Je me fige et mes yeux s'écarquillent. Des sueurs froides me parcourent et je suis sur le bord des larmes tant ma terreur est grande. Il est là, Il est juste derrière moi... La pression de sa main me force à me rasseoir. Sofia affiche un petit sourire satisfait et mon père adoptif est entraîné plus loin. Une fois que nous sommes seules, elle attire mon café vers elle pour le boire.
- Je sais que tu n'y toucheras pas.
Je ne réponds rien. Tous mes muscles sont tendus à l'extrême, tellement que j'en ai mal. Cette femme ne m'inspire plus du tout confiance.
- Qu'est-ce que vous me voulez ?
Mon ton agressif ne la surprend même pas et elle se contente de reposer la tasse et de pointer un point derrière moi.
- Il est là ?
J'écarquille une nouvelle fois les yeux. Comment sait-elle !? La main, qui jusque là reposait sur mon épaule, se retire doucement. La Mort s'avance lentement et vient se placer à côté de moi.
" Dis-lui que je suis là pour elle. "
Je ferme les yeux et secoue la tête. Il ne peut pas être là pour elle ! Comment diable pourrait-elle bien mourir !?
" Dis-lui. "
Sa voix autoritaire fait naître des frissons dans mon dos, les mêmes qui me forcent à rouvrir les yeux pour contempler la mort lorsqu'elle frappe. Ma bouche s'ouvre et je me met à bégayer.
- Il... Il est là pour vous.
Sofia sourit de plus belle, et j'ai de plus en plus peur. Avec un regard taquin, elle vient enrouler une mèche de cheveux autour de son doigt.
- Vraiment ? J'aimerais bien voir ça. Mais là n'est pas le point. Tu as été dure à retracer, avec tous ces changements de familles. Je suis contente d'avoir enfin réussi à te trouver.
A côté de moi, la Mort fronce les sourcils et un petit sourire s'insinue sur ses lèvres. L'air se fait de plus en plus rare, et je dois me concentrer pour bien respirer. Ce n'est qu'après quelques longues secondes que je peux répondre convenablement à cette folle.
- Qu'est-ce que vous me voulez à la fin ? Comment avez-vous su pour...
Je jette un regard à ma droite mais ne finit pas ma phrase. Le dire à voix haute serait comme reconnaître que je ne suis absolument pas normale. La femme en face de moi se penche vers l'avant.
- J'ai d'abord écouté les rumeurs, puis j'ai demandé à quelqu'un de confirmer que tu avais bien un Don.
Alors que je suis sur le point de m'exclamer que c'est absolument n'importe quoi, elle pose son doigt sur mes lèvres et continue.
- Vois-tu, tu n'es pas la seule à avoir quelques petites particularité. Il existe d'autres personnes, comme toi, qui sont rejetées par la société à cause de leur différence.
Je fronce les sourcils. N'importe quoi !
- Vous racontez des conneries ! Les gens qui voient des fantômes sont bons à être internés.
Elle a un petit rire de gorge.
- Comme toi, je suppose ?
Il n'y a rien à redire. Pourtant je tente maladroitement de m'en sortir.
- Ça n'a jamais nuit à qui que ce soit. Ni à moi-même.
Sofia sourit et se réinstalle confortablement dans son canapé.
- Oui, oui. Enfin, là n'est pas le point. Il existe un endroit où les gens comme toi peuvent travailler pour le bien des autres, et je veux que tu viennes avec moi pour rejoindre ces gens.
Je me lève d'un bond, prête à prendre mes jambes à mon cou, mais encore une fois, la main de la Mort me force à me rasseoir. Non mais pour qui il se prend lui !?
...
Pour la Mort, vous me direz. Moi non plus, j'ai pas trop envie de lui chercher des noises alors je vais me tenir tranquille.
- Pourquoi je dirais oui ?
Elle hausse les épaules.
- Parce que ton pays, non, le monde, a besoins de toi. Et puis, tu pourras rencontrer des gens qui te ressemblent.
Je baisse les yeux. Elle semble sérieuse, et sa carte ne semble pas être fausse. En plus, les gardes du corps qui ont emmené Etienne portaient des badges comme on en voit dans les films. Mais est-ce que ces quelques éléments font de cette folle une personne de confiance ?
- Ils sont où, ces gens ?
Mine de rien, je vois les épaules de Sofia se détendre. Son sourire se change et elle semble soulagée.
- Avant que tu puisses les rencontrer, je dois te présenter à ton futur patron, si tu acceptes le job. Je te donnerais de plus amples informations quand nous serons à Washington.
Je ne dis rien, béate. Pendant quelques instants, je reste la bouche entrouverte, puis je me mets à faire le poisson. Il me faut quelques secondes pour me reprendre.
- A Washington !?! Mais c'est aux Etats-Unis ! Et puis ça consiste en quoi exactement ce travail !?
Les questions se bousculent dans ma tête depuis le début de cette rencontre, mais là, ma tête vient juste d'exploser ! Putain mais elle folle aussi ! Je vais pas me ramener aux Etats-Unis pour un job dont j'ignore tout ! J'suis majeure, pas conne ! Sofia doit voir la panique monter en moi, puisqu'elle pose une main -qu'elle veut- réconfortante sur mon genou.
- Je te dirais tout une fois là-bas. Ne t'en fais pas, le billet et le logement te sont offerts. Je t'accompagnerais.
La main de la Mort se resserre sur mon épaule.
" Dis-lui qu'elle ferait mieux d'appeler quelqu'un d'autre, tout de suite. "
Je suis de nouveau prise de frisson et je hoche la tête.
- Je... Il dit que vous feriez mieux d'appeler quelqu'un d'autre pour m'accompagner. Tout de suite.
Méfiante, elle fronce les sourcils, mais sort tout de même son téléphone. Je la vois pianoter sur son écran, puis elle remet le petit objet à sa place.
- Voilà. Si je venais à mourir, ce dont je doute, quelqu'un d'autre viendrait te prendre demain à 14h00, chez toi. Sur ce, bonne soirée Liyanne.
Sans même me serrer la main ou quoi que ce soit, elle se lève et se dirige vers ses gardes du corps. Lorsqu'elle s'est un peu éloignée, je vois la Mort sourire. Lentement, une grande faux apparaît dans sa main et il se dirige vers Sofia. Je me mets à trembler, signe que sa mort est imminente. Encore une fois, je ne me trompe pas. En quelques secondes, sa vie la quitte en même temps que sa tête roule au sol, tranchée au niveau de la nuque par l'arme menaçante de la Mort. Je ferme les yeux.
Puis je chasse son image de ma mémoire.
Les gardes lâchent mon "père" et se ruent sur le corps. Je lance un regard en biais à Etienne, qui a les yeux écarquillés, comme tous les touristes qui passaient par là. Des larmes commencent à rouler sur mes joues. C'est fichu. Ils vont me mettre à la porte, c'est sûr. Prise de tremblements, je réussis tout de même à me lever et je me rue vers la sortie. Bon sang ! Pourquoi ça devait tomber sur moi ? J'essaie d'essuyer mes larmes, mais de nouvelles n'arrêtent pas de venir rouler sur mes joues.
Au moins, la Mort a disparu.
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Lorsque le soleil se lève, le lendemain, je passe la porte de ma "maison". Etienne et Amanda ne sont pas là, mais ils ont laissés un mot sur la table. Je le lis distraitement, les yeux rouges à force d'avoir trop pleuré.
" Liyanne, si tu es rentrée à la maison, appelle Amanda sur son portable. Nous t'avons cherchés partout et nous nous inquiétons pour toi ! Nous savons que ce qu'il s'est passé t'a fait peur, mais nous sommes là pour toi. "
Je souris timidement en lisant ce message. Ils ne me prennent pas pour une extra-terrestre !? Ravie, je saute sur le téléphone et contacte Amanda. Le soulagement perceptible dans sa voix me fait chaud au coeur. D'une voix encore tremblante, je lui raconte, en partie, ce qu'il s'est passé la veille et je lui avoue avoir passé la nuit dehors, sans dormir, seulement à marcher en quête de quelque part où aller. Elle me rassure en me disant qu'elle comprend et elle me conseille vivement d'aller dormir. J'accepte et raccroche.
Lorsque j'entre dans ma chambre, mon lit me tend les bras. Ses couvertures chaudes sont tellement tentantes que j'en oublie que je n'ai rien mangé la veille et que j'ai terriblement faim.
Quelques heures plus tard, vers 13h00, c'est ma "mère" qui me réveille. Elle m'a apporté un croissant et un chocolat chaud. Émue, je la remercie et engouffre mon dîner.
- Merci d'être aussi compréhensive.
Elle me sourit sans rien répondre et m'embrasse le front. En sortant de ma chambre, son regard se fait plus lointain.
- Tu ferais mieux de te préparer, si quelqu'un vient réellement te chercher dans une heure.
J'acquiesce. Elle a raison. Si le collègue de feu Sofia pointe vraiment le bout de son nez, je ferais mieux d'être prête à son arrivée. J'ai beau être choqué de la mort de la femme d'hier, cette histoire de boulot avec des gens comme moi m'intéresse tout de même. En m'habillant, je repense à ce qu'il s'est passé la veille. C'était la première fois que je voyais la Mort tuer quelqu'un. D'habitude, les gens que je vois mourir sont écrasés par des voitures, tués par accidents, enfin, des trucs comme ça. Je ne pensais pas que la Mort pouvait prendre de force les âmes de personnes. Je m'imaginais un truc d'équilibre et de justice. D'ailleurs, pourquoi diable a-t-il assassiné Sofia !? Elle ne lui a rien fait ! A part douter du fait qu'elle allait mourir ! Mais quoi de plus normal, en même temps ?
Plongée dans mes réflexions, je ne vois pas l'heure passer et je sursaute quand la sonnette de l'appartement retenti. Rapide comme l'éclair, je vais ouvrir la porte avant Amanda ou Etienne.
- Vous êtes bien Liyanne ?
Je détaille l'homme en face de moi. Grand, à l'allure jovial, il m'inspire confiance. Je serre la main qu'il me tend.
- Oui, et vous êtes ?
Il sourit, son regard bleu pétillant de malice.
- Johnson, ravi de te rencontrer. Notre vol est dans 15 minutes, alors nous sommes un peu pressés. Tu es prête ?
Je hausse un sourcil, surprise.
- Je.. Je n'ai pas besoin d'amener quoi que ce soit ?
Il sourit de plus belle.
- Non, tout te sera fourni par notre agence.
Je hoche la tête et me tourne vers Etienne et Amanda, qui me regardent depuis le salon. Encourageants, ils me font signe d'y aller. Apparemment, quelqu'un doit leur avoir parlé, parce que leur confiance est louche. Pourtant, je ne m'en formalise pas et suit Johnson en dehors de l'immeuble. Sa voiture de sport noir me fait sourire. Avec ça, nous serons à l'aéroport en moins de deux. En plus, ce n'est pas très loin.
Comme je le prévoyais, nous arrivons à l'heure pour prendre l'avion. Alors que je me dirige vers la classe économie, l'homme qui m'accompagne m'attrape le bras et me conduit vers... La Première Classe !?!? Non mais il est cinglé ! J'ai jamais voyagé en première classe, moi ! Pourtant, malgré que je tire comme une folle sur mon bras, Johnson ne semble pas s'inquiéter et me pointe nos places. C'est étonnamment spacieux et ça a l'air tout a fait confortable. Une fois que je suis assise à côté de lui, il sort de sous son siège un petit cartable plein de papiers.
- Maintenant que nous sommes en route, je vais pouvoir t'expliquer un peu plus en profondeur ce dans quoi tu viens de t'embarquer.
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