V- Souvenir

Ma chute semble à la fois interminable et brève. Le temps paraît se distordre et s'amuser avec mon esprit. Retarder ma chute ou l'accélérer n'est qu'un jeu pour lui.

Mais ce qui m'inquiète le plus, ce n'est pas ce jeu enfantin mené par le Temps, non, ce qui me rend anxieuse, c'est la fin de ma chute, le choc brutal que je vais ressentir en retournant dans le passé. Mon passé. La roue du temps s'est figée, et je le vois, qui me regarde avec ses yeux malicieux. Posé sur ces immenses rouages, il m'observe ce lutin espiègle, je flotte devant lui, et mes yeux semblent figés dans les siens.

Soudain, un sourire narquois naît sur son visage. Le mécanisme du temps s'anime à nouveau, mais de plus en plus vite, ma chute s'accélère, tout devient flou,.......le temps recule, se rapproche de ce souvenir...........

Puis plus rien. Le noir complet.

Le décor s'installe lentement. Un grand palais de marbre, entouré d'immenses nuages immaculés, un endroit bien familier. Éloigné de tout. Aucune ondes négatives ne semblent percer cette douce couche de paisibles nuages endormis qui contrastent avec la pénombre de ces cieux. 

"Mon regard scrute tous les détails de la porte de ce château.... Tant de souvenirs d'enfance resurgissent, de ce monde serein, un monde d'anges.....

Je me décidai enfin à rentrer dans cette citadelle des cieux, encore plus immense à mes yeux, puisque je me retrouvais dans mon corps d'enfant, à l'âge où mes délicates ailes blanches étaient revêtues d'un fin duvet de plumes.

Je marchai donc dans ce long couloir, où quelques pâles rayons de lune venaient éclairer mes pas. Au moindre bruit je me figeai car, à cette heure-ci je ne devais être nulle part que dans mon lit, entraînée par de merveilleux songes. Mais tous les enfants, qu'ils soient anges, démons, ou encore humains ont déjà échappés à la surveillance de leur parents la nuit pour explorer le monde qui prenait vie la nuit.

Je crus voir passer une ombre, entendre un bruissement, je me retournai de peur de voir un de ces démons imaginaires qui effraient les enfants le soir. Un grand frissonnement me prit. Et si ces légendes étaient vraies? Non, les démons ne peuvent venir ici, n'est-ce pas ? .... Mais face à ce sombre corridor, tout me paraissait possible. 

L'angoisse monta peu à peu dans ma gorge, me paralysant le corps,...Je ne fus qu'une proie face à ces nocturnes cauchemars, seul l'accueil chaleureux des bras réconfortants de ma mère pouvait chasser ces monstres fictifs.

Soudainement, l'adrénaline coula dans mes veines, et je pus courir vers la chambre de ma mère, j'imaginais déjà sa respiration tranquille et sentais son parfum enivrant...Maman...

Je me raidis. Une voix provenait de l'autre coté de la cloison. Non deux. Impossible, ma mère était toujours seule le soir. Ma main s'avança vers la poignée de la porte, mais elle s'immobilisa d'un coup. Des bruits de lutte. Des cris de douleur. 

Mon œil glissa derrière la serrure, mais ne put rien voir à travers l'obscurité ambiante de la pièce. 

À nouveau mon bras s'approcha de la porte, l'entrouvrit sans faire de bruit, et je pus observer la scène sans me faire voir. La première chose qui me frappa fut le liquide étalé en flaque au sol, il avait une jolie couleur pourpre. Je ne compris pas tout de suite quelle était la source de cet étang écarlate. J'étais surtout affolée de voir, baignant dans cette mare rougeâtre, le corps de ma mère, affublé de coups. 

Une voix me fit sursauter, une voix rauque et rêche, qui ne ressemblait en rien à la voix cristalline des anges,... C'était celle d'un démon. Il s'approcha de maman, et, l'empoignant par le cou, lui répétait sans cesse la même question. Il semblait chercher quelqu'un, parler d'une personne. Il la malmenait tellement que ses ailes perdaient leurs plumes lentement. A peine se posaient-elles sur le sol, qu'elles revêtaient une couleur grenat et perdaient toute essence de vie.

Je retins un sanglot. Ma gorge me brûlait, les larmes coulaient le long de mes joues, et s'écrasaient lourdement au sol. Trop tard... Son regard croisa le mien et il me sembla un instant que sa lueur animale disparut... avant de réapparaître plus intensément. Un sourire étrange apparut sur son monstrueux visage. Il semblait avoir trouvé ce qu'il cherchait. 

Mon angoisse ne cessait de grandir, me paralysant devant cette pièce, et le démon se rapprochait lentement de moi, comme pour éviter que je m'enfuie. Derrière lui, au sol, ma mère  me disait dans ses derniers soupirs de partir. Son visage était sanguinolent, et de nombreux hématomes parsemaient sa peau si blanche et fragile. L'azur de ses yeux perdit son intensité et ils se refermèrent délicatement pour ne plus jamais s'ouvrir. 

Le monstre me dit une phrase qui me délivra de mon engourdissement et qui resta gravée dans mon esprit : 

-" Et bien, tu ne reconnais pas ton père ? "

Ces quelques mots suffirent pour que je prenne la fuite le plus loin possible, je voulais partir loin, dans un monde où je ne pourrais plus le voir. Il ne pouvait pas être mon père. Je le refuse. 

Assise dans un coin de ce palais, je pleurais. Mes larmes apaisaient un peu mon esprit sans réussir à me faire oublier ce que j'avais vu. Trop de choses que pouvaient supporter un enfant."

Ainsi donc j'étais la fille de Satan ? Car oui, c'était bien le plus puissant des démons qui s'était trouvé en face de moi. Une partie de moi est donc un monstre ? C'est donc pour cela que je n'ai cessé de contrôler inconsciemment mes émotions. Les chaînes qui la retiennent sont trop fragiles, trop anciennes, et le moindre choc pourrait aboutir aux pires catastrophes possibles. Je me souviens maintenant de la promesse que j'avais faite après cette terrible nuit. La promesse de ne jamais laisser cette énergie maléfique s'emparer de moi. C'est depuis cette nuit que cette entité est enfouie au plus profond de mon âme, scellée, je l'espère, à jamais. 

Je me lève et marche dans la pénombre. Revenons en à cet endroit. Que s'est-il passé pour que j'arrive ici dans cette prison noire ?  Je redoute ce que je vais découvrir dans ce dernier souvenir, le dernier, celui qui, j'espère, pourra me sortir de là. 

Le dernier souvenir...

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Bon alors cela fait longtemps que je galérais à l'écrire ce chapitre, d'où le temps que j'ai mis à le poster. Normalement l'histoire se finit dans un chapitre, plus un épilogue. Je tiens vraiment à m'excuser pour le retard et j'espère du coup que ce chapitre vous a plus.

Ah, j'oubliais, merci beaucoup pour les 100 vues, ça me fais vraiment plaisir. 

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