Chapitre 37
Une glace et une partie de jambes en l'air étaient probablement la meilleure manière de terminer nos congés.
Serge passe encore la soirée avec moi mais il rentre ensuite car il commence très tôt et ne veut pas me réveiller à l'aube. Puisqu'il n'a pas Elena pendant trois semaines, nous pourrons nous voir presque tous les soirs.
Je reprends le travail avec enthousiasme, heureuse de retrouver ma routine. Les 3C rentrent épanouies et bronzées, avec chacune un petit cadeau pour moi. Un savon à la lavande de la part de Capucine, un bocal d'olives de Caro et Charlotte, quant à elle, me rapporte une bouteille de rosé immonde, pour qu'on puisse se refaire un apéro comme en vacances. Elles me racontent la fin des vacances avec force détails, comme pour me faire regretter mon retour, mais ça ne marche pas.
Serge a pu avoir les jours libres pour faire le pont du 15 août et nous partons comme prévu tous les deux en Belgique où nous passons un très bon séjour, sans dispute. Je fais plus attention à mes paroles depuis son amère réflexion. Je pense souvent à ce que Charlotte m'a dit un soir, qu'il fallait que je donne aussi et je m'investis totalement dans notre relation. Nous passons quatre ou cinq nuits ensemble par semaine et ce rythme nous convient bien. J'ai un peu le cœur serré de me dire que cela prendra fin au retour d'Elena, mais je profite en attendant. Il la récupère le temps du week-end pour couper le long mois d'août puis la petite repart deux semaines chez sa maman et ne rentrera que juste avant la rentrée
Une seule chose me turlupine cependant. Même si les choses se sont quelque peu améliorées, ce n'est quand même pas la panacée au lit, à tel point que je manque parfois d'enthousiasme.
Je finis par me confier à ma meilleure amie, un soir où nous buvons un verre. Bien que nous soyons très proches, nous n'avons pas l'habitude d'aborder notre vie sexuelle, en tout cas pas si ouvertement. Mais c'est la première fois que je rencontre ce type de problème, et je ne sais comment réagir, j'ai besoin de ses conseils.
J'attends que nous ayons bien entamé notre cocktail pour aborder le sujet. Caro est assez réservée, je sais que ce ne sera pas sans peine mais c'est la seule à qui je me vois avouer ça. Capucine est proche de Serge, ça ne se fait pas, et Charlotte trop cash, j'ai peur qu'elle ne comprenne pas mon attitude.
— Caro, j'ai un petit souci avec Serge, j'aimerais bien t'en parler...
— Bien sûr, à quel sujet ?
— Hum... c'est un peu compliqué... au lit.
— Ah. Je t'écoute.
— Eh bien, c'est comme s'il n'y avait pas d'alchimie entre nous. Pourtant on s'entend bien dans la vie de tous les jours, vraiment bien même. Il est tendre, gentil, très doux. Mais dès qu'on est au lit, il y a un truc qui ne va pas, et je n'arrive pas à savoir quoi...
— C'est-à-dire ? Je ne comprends pas, sois plus claire.
— Caro...
— C'est toi qui veux qu'on en parle, Lou. Je ne peux pas t'aider si je ne pige pas le problème.
Je soupire et chuchote :
— Il ne me touche pas là où je voudrais, ou comme je voudrais. Ce n'est jamais le bon rythme... ce n'est pas nul mais j'ai toujours la sensation qu'on passe à côté.
— Mais tu... enfin, tu as... ?
— Bah, pas vraiment non. Du plaisir, on va dire que oui, mais un orgasme, non.
— Et par rapport aux autres ?
— Eh bien disons qu'avec Bat c'était correct, mais c'était le premier, on était jeunes. Avec Thomas, c'était tout simplement merveilleux, l'osmose parfaite. Et Matthieu était une bête de sexe, alors forcément, c'est pas évident de passer après eux. Quant aux amants de passage, c'était variable, mais juste une nuit, alors...
— Est-ce que tu as essayé d'en parler avec lui ?
— Oh mais oui, fastoche. Coucou, Serge, je t'aime bien, t'es adorable mais t'es nul au pieu.
— On peut aborder les choses autrement, non ? Peut-être essayer de lui glisser pendant l'acte quelques indices de ce que tu aimerais...
— Je ne sais pas Caro, c'est pas facile à dire et il est hyper susceptible, j'ai vraiment peur qu'il le prenne mal, surtout que ça fait des mois que je simule. Et puis, je ne sais pas si ça peut s'arranger, j'ai pas l'impression que c'est un souci de technique, on dirait plutôt qu'on n'est pas compatibles. Tu sais, comme un parfum que tu adores mais qui vire sur ta peau.
— Je ne sais pas quoi te dire, Lou. A part ça, tu es heureuse avec lui ?
— Oui, vraiment.
— Bon, je vais te raconter un secret. Deux, en fait. Alors déjà, Clem ronge ses ongles.
— Oui, je sais.
— Mais ce que tu ne sais pas c'est que ça m'horripile. Genre vraiment. Il a toujours ses doigts dans la bouche, j'ai envie de lui mettre des tapes sur les mains. Je ne comprends pas qu'il ne puisse pas s'en empêcher. Et il a des espèces de moignons dégueulasses et tous rouges, ça me dégoûte.
— A ce point ?
— Oui. Et surtout, mais ça il faut que tu me promettes de ne le dire à personne : il met des slips kangourou.
— Quoi ?
J'éclate de rire.
— Chut, Lou, promets-moi.
— Juré, je ne le répéterai pas. Mais Caro ! Qui met encore ça à notre époque ?
— Ben, Clément. Il dit que ça le maintient mieux... Enfin bref. Ce que je veux te dire, Lou, c'est que tout le monde a des défauts. Le prince charmant n'existe pas. Il faut juste que tu saches si tu peux accepter ces défauts, si tu peux vivre avec ou si ça risque de vous séparer. Moi, par exemple, je n'aurais pas pu faire ma vie avec un type immature. C'est pour ça que j'ai quitté Kader. Alors oui, je déteste voir Clem se ronger les ongles, je dois supporter la vue de son engin moulé dans un slip horrible mais à côté de ça, il m'apporte tellement que je peux oublier ces défauts. Après, la satisfaction sexuelle, c'est autre chose, c'est une des bases du couple.
— Oui, mais je crois que tu as raison. Pour Serge, je peux passer outre.
— Tant mieux, c'est qu'il est vraiment important pour toi. Et je suis convaincue qu'en plus, avec beaucoup de délicatesse, ça peut s'améliorer.
— J'espère que tu as raison.
Mon téléphone vibre à cet instant et je regarde la photo qui s'affiche sur l'écran. Un sourire étire mes lèvres, je la montre à Caro.
C'est un MMS de Serge. Une photo d'une brosse à dent neuve trônant à côté de la sienne dans le gobelet de sa salle de bain.
J'ai investi, tu viendras moins chargée à l'avenir ;-)
Un pas après l'autre. Je crois que cet homme-là vaut vraiment le coup.
✨✨✨✨✨
L'absence d'Elena est aussi l'occasion de présenter Serge au reste de la bande. Nous nous réunissons juste avant son retour, chez Capucine et Thibault. Il pleut et mon amie a cuisiné une daube provençale pour nous rappeler le Lubéron et le soleil.
L'ambiance est conviviale, joyeuse. Serge n'est pas trop perdu, puisqu'il est en terrain familier. Il a déjà rencontré Charlotte une fois, et accroche tout de suite avec Caro et Clément.
Nous n'avons pas passé une soirée tous ensemble depuis les vacances et je suis toute contente d'être si bien entourée. Nous sommes vendredi soir, je travaille le lendemain mais j'ai prévu des affaires pour dormir chez lui et aller directement bosser.
Nous reparlons des vacances, évoquons de bons souvenirs, et les garçons n'épargnent aucune anecdote à Serge qui rit. Nous passons à des sujets plus graves au cours de la soirée, politique et faits de société. J'ai peur quand Charlotte se lance dans un monologue sur la privation du droit à l'avortement et évidemment, ça ne loupe pas, elle finit par mentionner Thomas et son formidable investissement au sein de la célèbre ONG. Je vois le visage de Serge se fermer immédiatement. Je lui prends la main et lui souris doucement mais la contrariété ne le quitte plus. Les autres ne semblent pas s'apercevoir de son changement d'attitude, pourtant, je le sens tendu le reste de la soirée.
Après avoir pris congé, nous marchons jusqu'à chez lui en silence. Il ne m'adresse pas un mot et je comprends qu'il rumine encore. Il déverrouille la porte, ôte ses chaussures et va jusqu'à la cuisine où je le regarde se servir un verre d'eau avec des gestes brusques.
— Serge... Tu as besoin de parler ?
— Je ne supporte pas d'entendre parler de ce type ! gronde-t-il en tapant du poing sur le plan de travail de la cuisine.
Je sursaute, stupéfaite par sa rage soudaine. Déjà, c'est la première fois que je le vois en colère, ensuite je n'en comprends vraiment pas la raison.
— Calme-toi... je tente, avec un geste d'apaisement mais il l'esquive.
— Tu es fâché contre moi ?
— Non.
— On ne dirait pas.
Ses épaules se relâchent, ses traits perdent un peu de leur raideur.
— Je suis désolé, Louise, ce n'est pas après toi que j'en ai, mais tu n'imagines pas combien ça me rend fou que tout le monde fasse comme si de rien n'était. Charlotte parle de lui comme d'un saint, après ce qu'il t'a fait, je trouve ça vraiment déplacé !
— Comment ça, ce qu'il m'a fait ?
— T'abandonner pour partir faire le tour du monde avec une autre, ce n'est rien, peut-être ?
— Euh non, mais ce n'est pas tout à fait ce qui s'est passé. Déjà, il m'a proposé de partir avec lui et c'est moi qui ai refusé de l'accompagner, et ensuite je l'ai quitté, je lui ai dit de faire ce qu'il voulait pendant son voyage. Je ne peux m'en prendre qu'à moi-même s'il a rencontré Jeanne.
C'est la première fois que j'avoue cette version de l'histoire, qui est pourtant la vraie. Heureusement que mes copines ne sont pas là pour entendre cela. Serge est complètement calmé à présent, dans ses petits souliers.
— Effectivement, c'est assez différent de ce que j'avais cru comprendre. Mais pourquoi tu lui en veux autant alors ?
Bonne question. Comment lui dire que Thomas était mon âme-sœur. Qu'encore aujourd'hui je pense que je n'aimerai personne comme je l'ai aimé lui et que ma colère n'est que le reflet de mon désespoir ?
— Bah, je ne lui en veux pas vraiment. Je n'éprouve que de l'indifférence à son sujet, mens-je
— Quand même, Louise, ce mec, je ne le sens pas. Je ne le connais pas, c'est vrai, mais il ne me plait pas. Et même si c'était involontaire, il t'a brisée et ça je ne pourrais pas le lui pardonner.
Il écarte doucement les mèches autour de mon visage, ses yeux plantés dans les miens.
— Serge... on va le revoir. Il fait plus ou moins partie de ma famille maintenant, même si ça m'ennuie plus qu'autre chose, et de la bande d'amis aussi. Il va venir s'installer à Metz mais si ça devient sérieux entre nous, tu seras amené à le rencontrer, et peut-être à le voir de temps en temps...
Il prend mon visage dans ses mains, et sa bouche se promène partout sur mes joues, mon front, ma mâchoire.
— Sérieux entre nous ? Je crois que c'est déjà sérieux, Louise, souffle-t-il entre deux baisers. Et j'espère bien que ça va le devenir davantage.
Je ne réponds rien et m'abandonne dans ses bras. C'est sans doute la meilleure des choses à faire pour noyer la hache de guerre, ou enterrer le poisson, à ce stade je ne sais plus trop.
Je ne crois pas aux signes. Le destin, tout ça, pour moi, ce ne sont que des conneries. Pourtant, un peu plus tard, juste avant de dormir, quand je sors mon téléphone de mon sac à main pour programmer mon réveil, je vois que j'ai reçu un sms d'un numéro inconnu.
De +33607422832 : Bonsoir Louise, comment vas-tu ? Charlotte m'a donné ton numéro, j'espère que tu n'es pas fâchée. Je remonte à Metz dans trois semaines, le week-end du 9 et 10 septembre pour des visites d'appartements et j'aurais aimé te parler de quelque chose. Serais-tu d'accord pour un dîner ? A bientôt, Tom.
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