Chapitre 36
— Lou, tu es bien sûre que tu ne veux pas rester ? Tu es certaine ? s'inquiète Caro.
Les filles m'ont accompagnée toutes les trois et nous sommes sur le quai de la gare d'Aix.
— Je ne comprends pas pourquoi tu pars, j'étais sûre que tu resterais et que tu rentrerais avec nous. On n'a même pas visité le château de Lourmarin ! Et Nîmes ! Et le musée du savon !
Capucine a les larmes aux yeux. Je sais que je les déçois mais je n'ai plus envie. Le moment a perdu de sa grâce, de sa magie.
— Allez les filles, c'était prévu comme ça à la base, de toute façon.
Charlotte reste silencieuse. Elle semble peinée mais ne dit rien.
— Mais tu as dit toi-même que personne ne t'attendait à Metz. A quoi ça sert de rentrer si c'est pour être seule ?
— Parce que j'en ai besoin Capou. Je vous aime, mais j'ai besoin d'être un peu seule. Tu sais, je suis une vieille fille maintenant, j'ajoute en souriant.
— Mais c'était bien...
— C'était génial, c'est pour ça que je pars, avant de commencer à devenir chiante et vous pourrir la fin de vos vacances. Et puis, ce n'est pas tout à fait vrai que personne ne m'attend. Mon frère et Solène sont là, et Serge rentre dans quatre jours.
— Tu vas me manquer, pleurniche Capucine en se pendant à mon cou.
— Remets-toi, on se voit la semaine prochaine.
— C'est pas pareil.
J'embrasse mes amies à tour de rôle et monte dans mon wagon. Je trouve ma place et leur fait coucou par la fenêtre. Heureusement, le train ne tarde pas à se mettre en branle. Enfin seule.
Je change de gare à Paris en me maudissant d'avoir pris autant d'affaires, ma valise pèse une tonne et c'est un cauchemar dans les escaliers des stations de métro.
J'arrive à Metz en début de soirée et m'offre le luxe de prendre un taxi de la gare à chez moi, bien qu'il n'y ait que trois kilomètres. Je n'ai plus la force de marcher.
Trois factures, un relevé de compte, une carte de mes parents, une autre de ma copine Marion, et des kilotonnes de pub. Bienvenue chez moi.
Je n'arrive pas à savoir si je suis triste ou heureuse d'être rentrée. Je me sens soulagée mais mes amis, nos soirées me manquent déjà. Je vais à la fenêtre, ouvre le velux et me concentre sur les bruits de la ville. Le calme de mon appartement me parait soudain oppressant. J'ai quitté une maison bourdonnante au milieu de la campagne pour un appartement vide au sein de la ville.
Il n'y a rien dans mon frigo, mais je n'ai pas faim de toute façon. Je m'affale sur le canapé et allume la télévision, zappe quelques instants sans prêter vraiment attention à ce qui se déroule sur l'écran. Aucun intérêt, j'éteins. Je prends le livre acheté à la gare de l'Est car j'ai épuisé mon stock au cours de la semaine passée mais je ne parviens pas plus à me concentrer sur ma lecture. Je soupire profondément en me dirigeant vers l'armoire à pharmacie de la salle de bain. Ça va être un soir Xanax. J'avale mon comprimé et vais me coucher pour une nuit sombre et sans rêves.
Je me lève tôt le lendemain matin. J'ai dormi neuf heures et me sens requinquée. Nous sommes mardi, mais puisque j'ai passé la journée d'hier dans les transports, je peux effectuer mon rituel du lundi aujourd'hui.
Je me mets au sport, mais les excès de la semaine dernière se font sentir, et j'écourte ma séance.
Le petit déjeuner en ville est plus plaisant. Nous sommes le vingt-cinq juillet et il y a peu de monde, il fait beau. Je m'achète une revue en passant et trouve une place au soleil sur une terrasse quasi-déserte.
Je passe ensuite saluer les filles à la boutique et fais un peu de lèche-vitrine, puis quelques courses à la superette avant de rentrer défaire ma valise.
Les jours suivants se passent dans la monotonie. Je vais dîner le mercredi soir chez mon frère et Solène, rends visite à Mathilde qui a donné naissance à un petit Hugo, mais je m'ennuie ferme, sans pour autant regretter mon retour. Je n'aurais pas pu rester.
Enfin, Serge rentre le vendredi en fin de journée et son ex récupère Elena le samedi matin. Quand il sonne à ma porte peu avant midi, je saute dans ses bras. Il écrase sa bouche contre la mienne, passe ses mains dans mes cheveux.
— Tu m'as tellement manqué, Louise...
Je frémis en pensant à la dernière personne qui a prononcé ces mots. Il va falloir que je lui en parle.
Le temps est maussade aujourd'hui, nous décidons de rester chez moi. Il m'offre mon cadeau d'anniversaire, une magnifique machine à expresso, je suis folle de joie. Je le laisse ensuite me raconter ses vacances à Cap Breton, je lui relate les miennes. La piscine, les siestes à l'ombre du figuier, le marché le matin, les apéros à n'en plus finir...
— Et puis, Charlotte a eu une drôle d'idée... Samedi, elle a fait venir Thomas.
— Thomas ? Est-ce que je comprends bien ?
— Oui, je le crains.
— Mais, pourquoi ? demande-t-il un peu agressivement.
Je lève les mains en signe d'impuissance.
— Parce qu'il n'habite pas loin, et que ça reste leur ami. Je n'étais pas enchantée mais que veux-tu ? Je ne pouvais pas vraiment refuser...
— Et ça a été ? Je veux dire, tu l'as bien vécu ?
— Oui, je l'ai simplement ignoré, mens-je. Il ne représente plus rien pour moi, je te l'ai dit.
Je garde le reste sous silence, bien que je n'aie rien à me reprocher. Je ne me vois quand même pas raconter à mon petit ami que j'ai passé la nuit avec Tom, mais qu'on a rien fait d'autre que tremper nos pieds dans l'eau en discutant. Pourtant Serge semble crispé par ce que je lui ai raconté, ses sourcils sont froncés. Je tente de l'apaiser.
— Je suis désolée, je ne voulais pas te contrarier en parlant de lui, mais tu as insisté pour qu'on se dise tout...
— Hum. Tu as raison mais ça m'agace que tu aies dû revoir ce sale type.
Là, c'est lui qui m'agace. Il ne sait quasiment rien sur Thomas, je n'aime pas qu'il le juge. J'évite pourtant de m'embarquer là-dedans avec lui parce que je ne suis pas toute blanche, alors le mieux est encore de changer de sujet.
— Allez, on l'oublie celui-ci, il n'a rien à faire entre nous. On mange et on se fait une expo au Pompidou, ça te dit ?
Je fais mine de me lever mais Serge me retient. Il pose sa main sur ma joue et m'embrasse avec beaucoup de tendresse.
— Louise, tu es merveilleuse.
Depuis que nous sommes ensemble, c'est la première fois que je ne travaille pas un samedi, et nous profitons comme il se doit de nos deux jours ensemble. Après le musée, nous rentrons préparer un plateau télé que nous dégustons en regardant un DVD. Le temps est plus clément le lendemain et nous prenons un brunch sur une terrasse du centre-ville avant de nous promener longuement le long du plan d'eau. Il y a des familles qui piquent-niquent, des jeunes qui bronzent, des sportifs qui courent ou font du vélo. Une vieille dame avec ses deux petits-enfants nourrissent les canards, la petite fille poussent des hurlements de joie à chaque fois qu'un des oiseaux saisit un morceau de pain détrempé dans son bec.
— Est-ce que tu as toujours envie que l'on parte tous les deux ? me demande Serge un peu timidement alors que nous déambulons main dans la main.
— Oui, mais je ne peux plus poser de jours, les filles sont en congés à tour de rôle. Je ne serai libre que le week-end du quinze août, David ferme la boutique le lundi pour qu'on fasse le pont. Il pense que ça ne sera pas rentable de rester ouvert de toute façon, il n'y aura personne à Metz.
— Je vais essayer de m'arranger pour avoir ces deux jours. Tu sais où tu aimerais partir ?
— Pas du tout, je n'y ai pas encore réfléchi.
— Moi si. Que dirais-tu de la Belgique ? Bruges, Ostende, Damme, Knokke-le-Zoute ?
— La mer du Nord et des moules-frites, tu sais faire rêver une femme, lancé-je d'un ton léger.
— Oh, désolé, je pensais que ça te plairait, grogne-t-il, vexé. Il paraît qu'il y a de très beaux coins.
Je l'arrête et l'enlace.
— Je t'embête, enfin. Bien sûr que ça me tente. Je trouve même que c'est une super idée.
— Alors, pourquoi tu dis ça ?
Je rêve, il est vraiment fâché.
— Pour te taquiner. Allez, c'était une blague facile, tu ne vas pas faire la tête pour ça quand même... Tu ne serais pas un peu susceptible ?
— Ce qu'il y a, Louise, c'est que parfois, tu es vraiment cassante et je ne sais jamais si tu es sérieuse ou pas.
Je suis à la fois irritée par sa réaction que je juge exagérée, et triste de l'avoir peiné. J'hésite entre m'excuser et l'envoyer bouler mais je choisis finalement d'être raisonnable, je n'ai pas envie de me disputer avec lui pour des broutilles. Je ressers mon étreinte, prends ses bras pour entourer mon dos.
— Allez Serge, ne fais pas la tête... excuse-moi... Je te promets que je me ferai pardonner en rentrant, j'ai déjà plein d'idées... chuchoté-je à son oreille.
— Hum, tu crois que tu vas m'avoir comme ça... bougonne-t-il, mais je sens qu'il se détend légèrement.
— Et si je t'offre une énorme glace, là, tout de suite ?
Là, il rit franchement.
— Une glace et la promesse d'une belle partie de jambes en l'air ensuite, tu es la femme idéale, je ne peux pas rester fâché !
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