Chapitre 33
La journée du samedi passe à toute vitesse, comme toujours, et bien que rompue, je dédie ma soirée et une partie de la nuit à terminer ma valise. Il y aura une machine à laver sur place et je n'ai prévu que de rester une semaine mais j'ai toujours tendance à prendre trop de choses, j'ai envie de porter en vacances toutes les robes et tenues légères que je ne peux pas revêtir ici, à cause du temps ou parce qu'elles sont inappropriées au travail. Je procède donc en deux étapes. Je prépare ma valise en avance une première fois en y mettant ce qui me fait plaisir, puis au bout de quelques jours, je ressors tout et en étale le contenu sur mon lit. C'est là en général que je m'aperçois que je n'ai pas besoin de huit robes pour sortir, ni de treize tops, même si je me change deux fois par jour.
En soupirant, je range quelques vêtements, je dois être raisonnable, au moins jusqu'à ce que ma valise ferme. Il faut aussi penser aux chaussures, ceintures, sac à main. J'envie ces filles qui peuvent se trimballer tout l'été avec une paire d'espadrilles et un sac, moi, j'ai besoin que chacune de mes tenues soit assortie. C'est ridicule, je le sais bien, surtout pour aller au fin fond de la campagne provençale. Je parviens à ne garder qu'une paire de sandales noires, une beige, des talons hauts au cas improbable où on sortirait et des tongs. Puisque je vais en porter une paire pour le voyage, je peux ajouter une paire de compensées. Un sac à main et deux beaux cabas de toile où je pourrais plus facilement mettre crème, eau, lunettes et livre si on va se promener. Je complète l'ensemble avec ma veste en jean.
Je suis heureusement plus rapide pour préparer ma trousse de toilette dans laquelle je glisse aussi quelques bijoux. Sept livres, je compte bien passer mes journées à bouquiner et je ferme enfin ma valise en m'asseyant dessus.
Il est plus de vingt-trois heures et je dois encore faire un peu de rangement et de ménage. J'aime que mon appartement soit impeccable quand je pars. C'est déjà bien assez déprimant de rentrer de vacances, autant arriver dans un environnement propre et agréable.
Je programme mon réveil très tôt le lendemain, nous avons prévu de prendre la route vers cinq heures pour éviter les embouteillages.
Tout le monde est déjà là quand je descends. Zoé et Théo sont bien réveillés malgré l'heure matinale, tout excités par le départ. Capucine semble désespérée et tente de négocier avec Clément pour qu'ils échangent les places, mais le compagnon de Caro, pas fou, refuse.
- Peut-être quand tes enfants feront la sieste, si les filles me cassent les oreilles. Mais pour le moment, pas moyen !
Nous convenons de nous arrêter pour un petit déjeuner tardif après avoir passé Lyon.
- On essaye de tenir sa vessie les filles hein. Et si on s'arrête, c'est moins de cinq minutes pour ne pas perdre ensuite trois heures dans les bouchons.
Je prends place à l'arrière de la Seat Leon de Clément, à côté de Charlotte et nous démarrons.
Bercée par la musique de Moriarty, je ne tarde pas à me rendormir.
Le trajet se déroule plutôt paisiblement.
Nous nous arrêtons pour une pause pipi à Dijon -merci les enfants, je n'ai même pas eu besoin de réclamer- puis un café croissant après avoir contourné Lyon, vers dix heures trente.
Le trafic est chargé, la circulation dense mais nous arrivons néanmoins à progresser assez vite. Il nous reste deux-cent cinquante kilomètres, et nous décidons en chœur de ne plus nous arrêter. Nous déjeunerons à notre arrivée.
Charlotte a pitié de sa sœur, et convaincue par le fait que les enfants auront droit à un DVD sur leur lecteur portable, elle se joint à elle dans le monospace Volkswagen pour terminer le voyage. Thibaut, trop heureux, s'installe avec nous, à côté de Clément.
Enfin, nous arrivons à Pertuis peu avant quinze heures, tous affamés. Nous dénichons au centre-ville une pizzeria qui accueille notre grand groupe, puis remontons dans la voiture jusqu'à la maison.
J'adore découvrir de nouveaux endroits et j'ai hâte de voir à quoi ressemble le lieu de nos vacances. Je ne suis pas déçue. C'est une jolie bâtisse en pierres, entourée d'un grand jardin arboré avec une piscine. L'extérieur est très bien entretenu et je me vois déjà passer mes après-midi en maillot, livre à la main. C'est le grand luxe pour nous, je ne veux même pas imaginer combien nous aurions payé pour un tel bien si nous étions passés par une agence de location.
L'intérieur est plutôt rustique, mais vaste et bien aménagé. Une grande entrée carrelée dessert une cuisine en chêne et une immense pièce de vie. Je note qu'il n'y a pas de télévision, c'est parfait. La cuisine et le salon s'ouvrent sur la terrasse où une longue table attend nos repas entre amis. Je me sens tout à coup très heureuse, presque émue d'être là. J'imagine déjà nos interminables soirées à table, avec nos verres de rosés qui se remplissent plus vite qu'ils ne se vident. Ces moments, où on meurt de froid avec nos jambes à l'air et notre gilet trop fin sur les épaules, mais auxquels on n'a pas envie de mettre un terme pour aller se coucher. On voudrait que ça ne finisse jamais. Je repense à nos vacances entre amis. Cette année de camping à Saint-Cyr. Nous avions tant ri. C'est si loin, et ça m'avait tellement manqué.
Il y a aussi un bureau en bas, et une salle de douche. A l'étage, nous trouvons cinq chambres et deux salles de bain, exactement ce qu'il nous fallait. Nous laissons de bon cœur la suite parentale à Capucine et Thibaut, puisque c'est grâce à eux que nous sommes là, mais en négociant tout de même que leurs enfants utilisent leur salle de bain privée. Caro, Clément, Charlotte et moi nous partagerons la seconde.
Je choisis la plus petite chambre, mais elle a une vue imprenable sur le jardin et la piscine. C'est une pièce assez sommaire. Un lit et un chevet, une commode en cérusé. Même pas d'armoire. Tant pis, j'accrocherai mes robes avec celles de Charlie.
Chacun prend un moment pour se reposer et ranger ses affaires et les garçons vont faire quelques courses pour le dîner pendant que Capucine douche les enfants. Ils sont épuisés et ils dînent de tomates cerise et de reste de pizza de midi, que Capucine avait emporté par précaution. A dix-neuf heures trente ils sont tous les deux aux pays des rêves et quand Clément et Thibault arrivent avec cacahouètes, chips et bières, nous sommes prêtes pour l'apéro et le début des vacances.
- Bon, fait la maman Caro en sortant un petit carnet. Je vous propose qu'on mette tout de suite au point quelques règles.
- Ah non, Caro, commence pas ! On est crevés là, râle Charlotte.
- Oui, mais ça prend cinq minutes et ce qui est fait n'est plus à faire. Et puis comme ça, on commence tout de suite sur de bonnes bases demain.
Mon amie brune lève les yeux au ciel et se contente de se resservir un verre de vin.
- Alors, déjà, reprend Caro, on pourra faire la liste des menus, au moins des premiers jours...
- Barbecue, taboulé et salade de tomates, crie Clément. Sa compagne lui jette un regard noir, mais il n'y prend pas garde et continue de se marrer, un peu éméché.
- On passe à table à treize heures et vingt heures. Ça vous va ? On n'est pas obligé de manger là si on a envie de faire quelque chose de son côté mais on essaye de prévenir au moins deux heures avant que celui qui cuisine ne le fasse pas pour rien. On va instaurer deux groupes, deux filles et un garçon avec une liste de tâches à faire. J'ai déjà écrit : courses, cuisine, vaisselle, ménage, est-ce que quelqu'un voit autre chose ?
- C'est pas des vacances, c'est un goulag, grogne Thibault.
C'est vrai que Caro a un peu refroidi l'ambiance avec sa manie de tout vouloir planifier. Je prends néanmoins sa défense.
- Allez, faudra bien les faire ces corvées, alors si on est organisés ça va nous éviter des engueulades non ? Je propose un groupe avec Caro, Thibaut et Cha, et le second, Clem, Capou et moi, comme ça il me semble que les personnalités sont bien réparties, ça vous va ?
L'assemblée acquiesce mollement, hormis Caro qui m'adresse un beau sourire reconnaissant. Nous parvenons tout de même à négocier de terminer les menus et le planning le lendemain.
Personne n'a la force de préparer un repas, ni même de manger, et les pizzas de quinze heures nous ont assez callés pour que nous ne nous contentions que de quelques biscuits apéritif en guise de dîner.
Chacun vide son verre et nous débarrassons la table avant de rejoindre nos chambres en baillant.
J'attrape Capucine, avant qu'elle ne monte les escaliers.
- Merci, merci Capou, dis-je en la serrant dans mes bras.
- Mais je t'en prie, c'était une belle opportunité, je n'y suis pas pour grand-chose. Et puis tu m'as déjà remerciée, répond-elle, surprise.
- Non, je voulais dire, merci d'avoir insisté, de m'avoir un peu forcé la main. Si tu ne l'avais pas fait, je serais restée chez moi, seule, et je l'aurais regretté. Je suis vraiment heureuse d'être ici avec vous.
- Moi aussi je suis heureuse que tu sois là, Loulou. Ça va être génial, tu vas voir.
Mon amie me caresse doucement la joue et y dépose un petit bisou avant de me souhaiter bonne nuit.
Je m'assois sur mon lit en attendant que les autres aient fini de se brosser les dents et regarde les livres que j'ai apportés. L'un est déjà bien entamé. Il y a de tout, plusieurs styles différents. Le dernier Vargas, La vie devant soi de Romain Gary, un livre de poche en promo, choisis au hasard, En attendant Bojangle d'Olivier Bourdeaut, un roman d'Amélie Nothomb que j'avais envie de relire, un vieux Douglas Kennedy, et le tome III des Vernon Subutex qui vient juste de sortir.
Je caresse doucement les ouvrages. Il n'y a rien que j'aime faire. Je n'ai pas de passion. Je n'ai pas de talent. Certains jouent de la guitare, nagent à la perfection, cuisinent pour se détendre ou cousent leurs propres vêtements. Moi, je ne sais rien faire. Je pratique un peu de sport pour me garder en bonne condition physique et me défouler, mais pas vraiment par plaisir. J'apprécie d'écouter de la musique aussi, mais la seule chose que j'aime, que j'aime vraiment, c'est lire.
J'enfile un jean à la place de ma chemise de nuit et attrape la couverture de laine trouvée dans le dernier tiroir de la commode. Il n'y a plus de bruit, tout le monde semble s'être endormi. Je descends doucement et tire un des transats sur la terrasse, seul point éclairé, puis m'y installe sous la grosse couverture avec un de mes bouquins pour lire jusqu'à ce que mes yeux se ferment. Je me réveille quand le jour se lève et vais me glisser dans mon lit pour achever ma nuit.
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