Chapitre 20
Mon frère et Solène ont prévu d'aller chez mes parents le dimanche suivant avec mon neveu, j'en profite pour me joindre à eux et m'inviter à déjeuner.
J'ai mes clefs et entre sans sonner. Je trouve ma mère dans la cuisine, comme toujours.
— Bonjour ma chérie, fait-elle en m'embrassant. Tu en as une belle robe ! Et tes cheveux, tu les as coupés ? C'est joli cette coupe.
— Mais non Mamoune, ils sont comme d'habitude.
— Ah bah je ne sais pas, t'es jolie ma puce.
C'est bien ma maman. Elle essaie toujours d'en faire trop.
— On mange sur la terrasse, ça te dit ? Le premier déjeuner dehors de l'année. Il faudra sans doute garder un petit gilet mais il y a du soleil, autant en profiter.
— Oh oui, je suis enfermée toute la semaine, ça me fera du bien de prendre l'air. So et Nico sont dehors ?
— Hum, Solène n'est pas venue finalement. Elle a besoin de se reposer. Le petit dort dans sa nacelle au salon et ton père et Nicolas sont dehors, ils lavent le salon de jardin.
Je sens la contrariété dans le ton de ma mère, perçoit son désaveux. Pourtant, je comprends Solène. Voilà sept semaines qu'elle n'a pas fait une nuit entière, ça ne me choque ni ne m'étonne qu'elle préfère passer quelques heures à se reposer, lire ou même regarder la télé sans bébé sur les bras au lieu de se coltiner sa belle-famille. Pour moi, Nico et Loris sont là, c'est le principal.
Je passe jeter un coup d'œil à mon futur filleul qui dort paisiblement dans son drôle de petit lit. Il a les bras levés dans son sommeil et déjà un poing en l'air, comme un révolutionnaire. Ça promet. Sans s'éveiller, il fait bouger sa mâchoire et ses lèvres, comme s'il cherchait à téter, puis il reprend le cours de ses rêves. C'est adorable.
Je rejoins ensuite les autres dehors pour leur dire bonjour. Nico est en train de savonner les chaises et mon père les rince au tuyau d'arrosage.
— Bonjour ma belle, murmure mon papa en glissant des bises sur les joues. Tu as maigri non ?
— Non Papoune, pas depuis la semaine dernière. Salut frangin !
— Ah ben quand même, la main d'œuvre ! fait mon frère en faisant mine de me passer son éponge.
— Rêve Nico, réponds-je en l'embrassant. Je vais plutôt aller aider maman en cuisine.
— Toi en cuisine ? Ça va pas non ? J'te jure Loulou, laisse-moi y aller et aide papa, ça vaut mieux pour tout le monde.
Je lui tire la langue et retourne dans la cuisine. Il flotte une délicieuse odeur dans la pièce. Ma mère termine de préparer les entrées.
— Rôti ?
— Epaule d'agneau et légumes de printemps.
— Tu es la meilleure.
— Oui, ça te changera des horreurs que tu ingurgites à longueur de temps. J'en ai fait plus, tu prendras un plat avec les restes.
— Oui Mamoune. Bon, qu'est-ce que je peux faire ?
— Rien, rien...
— Mais si, dis-moi. C'est quoi ça, l'entrée ? Je peux m'en occuper.
— Non, ça va aller ma puce.
— C'est bon, je ne vais pas vous empoisonner. Tu m'expliques comment faire et je suis tes consignes à la lettre. Du chèvre chaud, ça ne devrait pas dépasser de mes capacités.
Le regard vigilant de ma mère pointé sur mes gestes, je réussis à étaler le pesto maison sur les toasts, et à glisser un petit picodon frais sur chaque morceau de pain avant d'enfourner le tout. Je dresse ensuite le couvert sur la terrasse.
Comme la plupart des enfants, Loris a le sens de l'à propos et se met à pleurer au moment où nous nous apprêtons à passer à table.
— Laisse, je m'en occupe, dis-je à Nico qui soupire.
Je vais le chercher et prends contre moi la petite masse rouge et hurlante. Je le berce quelques instants mais les cris ne diminuent pas.
— Nico, il a faim non ? Ou il faut le changer ? Pourquoi il pleure comme ça ?
— Parce que c'est un bébé ! brame mon frère depuis le jardin.
Ma mère arrive à mon secours et lui prépare son biberon.
— Couvre-le, Loulou, on lui donnera son lait dehors, il a besoin de vitamine D ce petit.
Je garde Loris dans mes bras et lui donne son biberon pour que mon frère puisse profiter d'un repas tranquille. Je ne le vois pas aussi souvent que je le souhaiterais et je suis contente de m'occuper de lui. Il se calme dès la tétine de silicone glissée dans la bouche et boit goulûment son lait presque d'une traite. Repus, il se love ensuite contre moi et j'ai l'impression de sentir battre son petit cœur contre le mien. C'est émouvant d'avoir une petite vie comme ça, posée sur la poitrine, vulnérable. Ça doit être quelque chose d'être parent, de devenir responsable de la vie de quelqu'un. Il sent la crème pour bébé et l'odeur m'apaise. J'ai l'impression que je pourrais rester des heures avec mon neveu contre moi –tant qu'il ne pleure pas en tout cas- mais mon père qui a terminé de manger réclame son petit fils et je me résous à le lui confier pour attaquer moi-même mon déjeuner refroidi.
— Bon, on a enfin fixé la date du baptême, s'exclame Nico tout content. Ce sera dimanche dix-huit juin, j'espère que vous êtes libres. Sinon annulez ! On a loué une petite auberge pour la journée, mais on fait juste ça entre nous, la famille proche. Lou, tu peux inviter Caro, ça me ferait plaisir qu'elle soit là.
— Je verrai avec elle, je te confirmerai.
— Mais Nico, tu invites les oncles et tantes quand même ? Parce que Dominique va me faire un cinéma pas possible si...
— Oui Mamoune. Bien sûr. Tata Dominique et les autres oncles et tantes, les grands parents même les cousins – cousines. Ça va être Noël en juin. De toute façon, du côté de Solène, il n'y aura pas grand monde, juste ses parents, son grand père et son cousin, le futur parrain.
— Alors ça y est, vous avez réussi à joindre le cousin fantôme ? demande-je, moqueuse.
— Pfff oui, quelle histoire ! Enfin, c'est So qui gère ça, moi je ne le connais même pas ce type. C'est une histoire compliquée, une sorte de marginal. Elle ne l'a pas vu depuis des lustres je ne sais pas pourquoi elle tient tant à ce que ce soit lui le parrain. Mais c'est un beau gosse, il paraît, ajoute-t-il avec un clin d'œil dans ma direction.
— Pourquoi tout le monde veut-il me caser avec cet inconnu, c'est dingue ! En plus un marginal ? Franchement ça donne envie !
— Qui sait... c'est peut-être le prince charmant ?
— Le prince charmant j'ai déjà donné.
J'ai prononcé les mots sans agressivité, mais Nico se mord les lèvres, mes parents baissent la tête.
Je force sur mon ton enjoué pour désamorcer le malaise.
— Bon, et sinon il y a des choses à prévoir ? Un petit discours peut-être ? Et un cadeau ? Ça offre quoi une marraine ?
— T'en fais pas, on a le temps de s'occuper de ce genre de choses. Réserve ton dimanche, c'est tout.
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