Bonus : Un an plus tard : un week-end à la montagne




Voici un petit bonus surprise écrit pour ma participation au concours "La plume de cristal".

J'espère que cela vous plaira :)

Bonne lecture !









— Allez Lou, ça va être super sympa, on y sera tous ! Et ils annoncent plein de neige pour le mois de février !

— Je ne peux pas, Capou, réponds-je pour la troisième fois, patiemment. Impossible de fermer la librairie le samedi. Au pire, on vous rejoindra pour la journée de dimanche.

— Mais c'est pas pareil... gémit-elle, à l'autre bout du fil. S'il te plaît...

— A ce stade, c'est du harcèlement, je note, tranquillement.

— Mais on n'est plus jamais réunis tous les sept ! Et puis, je te rappelle que la dernière fois que je t'ai suppliée de venir, on a passé des vacances géniales.

— Tu parles bien de celles où je suis partie avec cinq jours d'avance parce que vous aviez invité Tom ?

— Oui, bah ça va, maintenant que vous êtes à nouveau ensemble, tu ne risques plus ce genre de plan de la part de Charlie. Bon, tu viens alors ?

— J'en discute avec lui et je te redis, mais ne te fais pas trop d'illusions.

— Trop coool ! Tu vas voir Loulou, on va s'éclater ! crie-t-elle en raccrochant.

Je l'imite, pas certaine qu'on accorde la même signification à « pas trop d'illusions ».

Près de moi sur le canapé, Thomas lève la tête de son livre.

— Qu'est-ce qui se passe ?

— Capucine a réservé une maison d'hôtes dans les Vosges pendant les vacances d'hiver, et elle veut qu'on y aille tous pour le week-end. Elle ne pige pas qu'on ne peut pas fermer un samedi.

— Pourquoi ?

— J'en sais rien, elle ne s'imagine pas ce que ça repr...

— Non, je veux dire, pourquoi on ne pourrait pas fermer un samedi et les accompagner ?

— Parce que c'est notre plus gros chiffre de la semaine, le jour où on a le plus de monde. Franchement Tom, que Capou ne comprenne pas, passe encore, mais toi, tu bosses avec moi, tu devrais savoir ça !

— Je le sais, mais c'est pas si grave. C'est dans quoi, un mois ? Si on met une affiche à la porte, les clients s'organiseront autrement, et puis, pendant les vacances, on a moins de monde quand même. Et surtout, moi aussi je veux aller à la neige.

— Tom... c'est pas raisonnable...

— On n'a qu'une vie. Allez Babe...

Il me regarde avec ses grands yeux bleus, son regard candide, son sourire de gosse auquel il sait que je ne peux rien refuser. De toute façon, Tom et Capucine contre moi, je n'ai aucune chance.

Le jeudi soir, l'avant-veille du départ, alors que je rejoins Tom chez lui en fin de journée, je le trouve surexcité dans son salon, bottes de neige aux pieds, bonnet sur la tête et masque sur les yeux, entouré d'un monticule de vêtements et d'accessoires de sport d'hiver.

— Mais c'est quoi tout ça ? je m'exclame, effarée.

— Nos nouvelles affaires de ski ! Regarde j'ai pensé à tout : parkas et pantalons, vas-y essaye-les, bonnets, sous gants en soie –ça tient bien chaud- et chaussettes en laine, sous-pull thermo-je-sais-pas-quoi, tour de cou, j'ai tout ! Même une luge ! Et des après-ski, les tiens étaient tout abîmés. T'as vu, c'est bien ? Ils te plaisent ?

— Mais... mais... on ne part que deux jours !

— On va pas aller dans la neige en jean ! Perso, j'ai tout donné en 2010 quand je suis parti, et ton matériel est complètement démodé.

— Mon pantalon de ski est démodé ? raillé-je. Oh le drame, je ne vais pas être branchée sur les pistes !

— C'est pas ça, mais ceux qu'ils font maintenant sont bien plus confortables et plus chauds, touche un peu ça ! Je t'ai pris gris, j'ai bien fait ?

— Tom, dis-je en fronçant les sourcils, combien as-tu dépensé ?

Il élude ma question du revers de la main. Thomas a cette particularité de faire des économies de bouts de chandelle sur certains points, rouler dans une vieille voiture pourrie, et d'un autre côté, dépenser une somme folle pour un équipement qu'on ne réutilisera peut-être jamais.

— On s'en resservira, affirme-t-il, comme s'il lisait dans mes pensées. Ce n'est pas perdu, on pourra repartir au ski tous les ans si on veut.

— Tu es au courant qu'on ne part pas une semaine dans les Alpes, mais un week-end faire des bonhommes dans les Vosges ?

— C'est pas grave, comme ça on a tout. Juste au cas où.

L'une des raisons qui font que je suis si amoureuse de Tom, c'est sa capacité de s'enthousiasmer d'un rien. Conciliante, je m'approche et observe les vêtements qu'il me tend. Effectivement, pas grand-chose à voir avec mon antique matériel, acheté d'occasion en brocante quand j'étais étudiante et fauchée. Ses yeux brillent de joie quand il me voit sourire devant la parka en plumes, bien plus seyante que mon vieux blouson pelé. Je l'enfile, lui pique son bonnet que je place sur ma propre tête et me blottis dans ses bras.

— T'es complètement fou, mais t'es le meilleur des amoureux !

✨✨✨✨✨

Le jour du départ, nous nous retrouvons tôt le matin sur un parking pour faire la route ensemble, il y a trois heures de trajet pour gagner les sommets vosgiens. Tom gare son antique Clio et nous prenons place à l'arrière de la Seat de Clément, bien plus confortable et équipée de pneus neige, tandis que Charlotte s'insère tant bien que mal entre les deux sièges auto de Théo et Zoé, dans le monospace de Thibaut et Capucine.

— Même pas besoin de mettre ma ceinture, grommelle-t-elle à l'intention de son beau-frère qui s'installe derrière le volant, même si tu freinais brusquement, aucune chance que je bouge, coincée comme je suis !

C'est Caro, comme toujours, qui s'est chargée de toute l'organisation. Elle a recherché les meilleurs spots où aller avec les enfants, a réservé les cours de ski des petits, les forfaits des grands et loué le matériel en ligne. Nous arrivons en fin de matinée à La Bresse, le domaine skiable du massif vosgien, sur un parking bondé. Nous déjeunons rapidement de sandwiches que nous avons pris soin d'emporter avant d'enfiler combinaisons et tenues de ski. Même dans mon ensemble neuf, j'ai l'impression d'être un troll des neiges avec mes moon-boots et ma parka rembourrée. Mes copines ont heureusement le même look que moi, il n'y a que Charlotte qui, comme toujours, garde du style, même en vêtements de ski. Elle porte un pantalon imperméable framboise écrasé, et un anorak d'un blanc éclatant, bordé de fourrure. Pas de ridicule bonnet à pompons, elle se contente d'un bandeau polaire assorti qui retient sa crinière brune en arrière et d'une paire de lunettes griffée.

Arrivés au bord des pistes, nous commençons par déposer à l'EFS Zoé et Théo qui partent pour la première fois pour deux heures d'initiation, puis Thibault et Clément embrassent leur compagne respective.

— A tout à l'heure, Mamour.

— Profite bien, mon cœur.

— Comment ça, à tout à l'heure ? Vous ne venez pas avec nous ? m'étonné-je

— Sûrement pas, décline Caro, le ski, le monde, les fesses mouillées, le froid, ça va aller.

— Haha et moi je suis trop heureuse à l'idée d'avoir deux heures pour moi en pleine journée, c'est pas pour les gâcher à faire du sport, rigole Capucine. Je vais plutôt me coller au soleil, boire trois chocolats chauds à six euros en discutant avec ma copine, sans derrière à essuyer ou qu'on me coupe la parole.

Charlotte, Tom, Thibault, Clément et moi abandonnons donc les deux autres, au bord de l'extase sur leur transat pour récupérer les forfaits et nous diriger vers le magasin de location de ski où Caro a réservé l'équipement pour nous, puis abordons les pistes. La dernière fois que j'ai skié, c'était à mes dix-sept ans, en colo, et la fois d'avant en CM2 – classe de neige avec Mme Toussaint, la maîtresse- je me restreins donc aux pistes bleues avec Thibault, débutant complet, tandis que Tom, skieur aguerri comme n'importe qui ayant passé toutes ses vacances d'hiver dans les plus belles stations suisses s'avance vers la seule piste noire disponible sur le domaine, évidemment suivi par Charlotte et Clément.

Je réapprivoise doucement les sensations de glisse et de vitesse, mais j'en ai rapidement assez. La piste est très chargée en ce samedi, il y a du monde partout, des skieurs qui me frôlent, des gamins de moins d'un mètre qui avancent bien mieux que moi sans tomber. Je ne me sens pas à ma place, et ça m'agace. Je reste un moment sur le côté, à regarder Thibault descendre en chasse neige comme je lui ai montré, à deux kilomètres par heure, en poussant des petits gloussements de joie, et je me demande si je ne vais pas aller rejoindre mes copines pour boire un café sur une chaise longue quand un énième skieur s'arrête près de moi, dans une grande glissade. Je me retourne brusquement, énervée, pour  lui signifier ma façon de penser, et tombe nez à nez avec mon amoureux qui me sourit.

— Tom ! Qu'est-ce que tu fais là ? Tu n'es pas avec les autres ?

— Charlotte et Clément sont en haut, je n'avais pas envie de te laisser seule ici. Je reste avec toi.

— Mais tu vas t'ennuyer, et c'est blindé de monde. Ne t'en fais pas, je me débrouille.

— Ce n'est pas ce que je vois, murmure-t-il, un peu moqueur. Viens, je t'emmène sur une piste rouge.

— Pas question, je ne maîtrise pas assez bien, et rouge c'est trop facile pour toi. Va les rejoindre.

— Ecoute Babe : de un, je suis un excellent professeur, et de deux, la seule personne avec laquelle j'ai envie de partager ce moment, c'est toi. Allez, suis-moi, et fais-moi confiance. Bon, et puis, la piste noire, je l'ai descendue deux fois, je vais pas passer mon après-midi à faire la même chose.

Nous prenons ensemble le tire-fesse en direction de la piste Gaby Currien, et j'aperçois lors du trajet de montée, au loin,  Clément et Charlotte en grande difficulté pour descendre leur piste noire. Ça me rassure de me dire que je ne serai pas la seule à avoir galéré sur mes skis ce soir.

Arrivés en haut, je constate qu'il y a beaucoup moins de monde, et les skieurs sont plus expérimentés donc davantage respectueux des autres sportifs sur leur chemin. Tom est effectivement un excellent professeur et il a un énorme avantage : il sait comment me prendre. Avec beaucoup de douceur et de pédagogie, il m'aide à prendre suffisamment confiance en moi pour que je gagne en vitesse et en audace. Au final, nous enchaînons quatre autres parcours, et ce n'est que lorsque le soleil commence à baisser que je retourne à la réalité et me rend compte qu'il est dix-sept heures passées.

Nous terminons bien vite notre dernière descente en amoureux et rejoignons les autres en bas au point de rendez-vous.

Épuisée, ankylosée, ma Charlotte n'a plus si fière mine dans sa combi rose, pas plus que Clément à l'air, plus mort que vivant. Caro et Capucine sont au contraire fraîches comme la rosée, à l'instar de Thibaut et des enfants, enchantés de leur après-midi.

Sur le parking, nous enlevons rapidement nos vêtements de ski trempés avant de montrer en voiture, direction la maison d'hôtes que Caro a réservée pour tout le monde. Impossible de louer un chalet pour une nuit seulement en plein milieu des vacances scolaires, et Capucine et Thibault n'étaient pas chaud pour un hôtel, qui les empêchait de profiter de leur soirée, une fois les petits couchés. Quand Caroline est tombée sur cette annonce, elle n'a pas hésité une seconde et nous comprenons pourquoi quand Christiane, notre hôtesse, nous ouvre la porte. Nous pénétrons dans un vestiaire chauffé avec un antique poêle à bois, bordé de bancs où nous enfilons les pantoufles proposées par Christiane, et où nous pouvons laisser les vêtements de ski pour les faire sécher. Son époux, Jean-Luc vient nous accueillir à son tour et nous invite à entrer dans le reste de la maison, tout simplement magnifique, alliant le mobilier traditionnel vosgien en bois et une décoration assez contemporaine. L'immense pièce à vivre où nous entrons est composée d'une cuisine moderne, d'un grand coin repas avec une longue table et d'une cheminée autour de laquelle sont disposés fauteuils, poufs et gros coussins moelleux. A l'étage, une mezzanine disposant d'une télévision, d'une bibliothèque et de jeux de société dessert cinq chambres dont quatre que nous avons louées.

— Vers quelle heure souhaitez-vous que nous servions le dîner ? nous demande aimablement Christiane. Le couple qui loue la cinquième chambre dîne à l'extérieur, vous serez donc entre vous.

Capucine élabore mentalement un calcul savant incluant le temps nécessaire aux quatre douches de la famille, mis en relation avec la durée du repas et y ajoute l'heure idéale du coucher des enfants qui sont rompus et répond, avant qu'aucun d'entre nous n'ait eu le temps d'ouvrir la bouche :

— Dix-neuf heures trente, ce serait parfait !

— C'est noté ! Je vous propose de nous retrouver ici quinze, vingt minutes avant pour vous offrir un apéritif maison.

Enchantés, chacun se dirige vers sa chambre et Tom et moi découvrons une belle pièce, meublée de bois clair, et surtout, disposant d'une petite baignoire dans la salle de bains adjacente. Au sourire que m'adresse Tom, je comprends que nous avons eu la même idée, une excellente idée d'ailleurs, me dis-je quelques minutes plus tard, quand je me glisse dans l'eau brûlante et m'adosse à son torse. Ses bras enserrent mes épaules, ses jambes les miennes et je pourrais m'endormir tant je suis bien, juste là contre lui.

Presque à regret nous finissons par sortir de la baignoire, et nous rhabillons, enfilant chacun un jean et tandis que j'opte pour un pull fin, Tom choisit un de ses sweats à capuche d'éternel adolescent, réservés désormais aux « soirées à la cool ».  Nous ne faisons bien évidemment pas l'impasse sur les pantoufles de notre hôtesse.

— Heureusement que je n'ai pas prévu une belle robe, ça aurait fait tache, rigolé-je.

— Et moi j'ai déjà les pieds en feu, soupire Tom qui marche d'habitude pieds nus, été comme hiver.

— Enlève-les, on n'est quand même pas obligé de les porter.

— Mais si, Babe, le folklore !

Entre les enfants, les activités et les jobs de chacun, c'est assez rare que nous soyons réunis tous les sept, neufs avec Zoé et Théo. Nous sommes donc tout heureux de nous retrouver à la même table ce soir, d'autant plus que nous sommes servis par Christiane et Jean-Luc, et que donc, pour une fois, personne n'a à se lever.

Pour l'apéritif, Jean-Luc nous fait découvrir une spécialité locale, une coupe de crémant, dans laquelle nous ajoutons une cuillère de confiture de myrtille ou de sureau selon les goûts. Le couple nous sert ensuite un velouté de courge butternut, puis un plat de lasagne au munster qui nous étonne, nous inquiète, mais finalement nous régale après cette journée passée au grand air. Les enfants ont droit au traditionnel menu steaks hachés – pâtes au beurre qu'ils avalent sans moufter, le regard vide de toute énergie. Après une mini glace, Capucine et Thibault montent les coucher, et redescendent, léger comme l'air. Nos hôtes servent ensuite le dessert, fondant au chocolat et glace, nous proposent thé, café et infusions puis s'éclipsent en direction de la petite maison attenante où ils vivent, nous recommandant de profiter des espaces communs.

Alors que nous nous dirigeons vers la cheminée où un feu brûle toujours, Charlotte monte quelques instant dans sa chambre et redescends avec deux bouteilles et des gobelets en plastique dans les bras.

—  Ça, c'est pour fêter notre soirée réunis, fait-elle en déposant le champagne sur la table basse, et ça, c'est si on a envie de quelque chose de plus fort ensuite.

Une bouteille d'amaretto rejoint la première, sous les acclamations des garçons.

— Génial Charlie, tu assures !

— Pour demain, qu'est-ce que...

— Ah non Caro, commence pas ! Pause ce soir !

— Mais si on veut profiter de la journée, il faut bien s'organiser... et vous n'avez pas voulu que je le fasse avant !

— Luge pour tout le monde, ça convient ? la coupe son compagnon.

— Parfait ! s'exclame Charlotte.

— Au top ! confirme Tom.

— Super ! ajoute Capucine.

— Bah, c'est bien beau, mais il faut trouver où, parce que si on veut de belles pistes...

Thibault saisit son téléphone, pianote quelques secondes et montre l'écran à tout le monde.

— Le grand ballon. Ça vous va ? Bon, on l'ouvre cette bouteille ?

Tout le monde hoche la tête, même Caro qui boude un peu.

— Un jeu, ça vous dit ? propose Clément, adepte du trivial poursuit.

— D'accord pour un times up, mais d'abord on boit un coup, contre Capucine en tendant son verre à sa sœur qui le remplit de liquide pétillant.

Au final, nous n'aurons pas fait de jeux. La bouteille de champagne vidée, nous avons attaqué la suivante, en nous rappelant, entre deux fous-rire, nos meilleurs souvenirs ensemble. C'est sûr que cette soirée en fera partie. Nous n'allons nous coucher qu'au retour du couple de la cinquième chambre, pour ne pas les déranger en faisant du bruit.

— Tu te souviens, de la dernière fois où on est allés à la neige ensemble ? chuchote mon amoureux quand je m'allonge près de lui.

— Oui, Tom.

Face à moi, son regard bleu plongé dans le mien, il caresse doucement les mèches autour de mon visage.

— C'était nouvel an 2010, la dernière nuit qu'on a passé ensemble, avant de se séparer.

— Je m'en rappelle, et ce ne sont pas de bons souvenirs. Mais la journée d'aujourd'hui, c'était merveilleux. Ce moment ensemble sur les pistes, cette soirée tous ensemble... ça rattrape le désastre d'il y a neuf ans.

— Je dirais que c'est un peu le cas de cette dernière année, non ?

J'acquiesce, alors qu'il m'embrasse doucement. Je me retourne, cale mon dos contre son torse, il me prend dans ses bras, et, le nez dans mon cou, murmure, tout doucement, avant de sombrer dans le sommeil.

— Je n'ai jamais été aussi heureux que maintenant.

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