Prologue

Aïko_nsr

À toutes celles et ceux dont la magnificence de l'imagination n'a su se trouver un temps et une place, cette histoire vous est dédiée.

───※ ·❆PROLOGUE❆· ※───

Il était une fois, un monde vivant quelque part entre ciel et mer, où résidaient toutes sortes de créatures bannies de nos rêves les plus doux. Un endroit méconnu. Un peuple s'épanouissant au milieu de la désinvolture la plus méprisable, infâme et immorale, ainsi que dans la plus charnelle des magnificences. L'insomnie n'est guère à éluder lorsque l'on tombe entre les crocs d'un habitant de ce peuple, les paupières doivent rester vivement ouvertes, ou la pire des ombres n'hésitera pas à vous enlacer éternellement.

Ce monde portait le nom d'Oxstrea, là où aucun songe mirifique n'était synonyme d'utopie.

Ce soir-là, la nuit avait dressé sa belle robe étoilée sur le royaume. Pas un bruit ne vint entraver le doux sommeil de la nature. Pas une seule brise ne vint glisser ses doigts dans le dessein de créer de grandes vagues trapues, et pas une seule créature à cinq jambes ne veillait dans la montagne. Même le lac d'Hojvik, qui servait de laie, était d'un calme émérite. Personne n'y circulait, car, plus loin, à travers les feuilles des arbres et la surface du lac, battait une tempête qui ne portait sur lui qu'un chaos impitoyable.

Dans ce royaume pourtant habitué aux malfrats sanguinaires, venaient de battre des ailes aussi noirs qu'un ciel éteint. Ils avaient été mis au monde depuis quelques jours à peine, et voilà qu'ils portaient déjà sur eux le poids d'un lourd choix.

Qui allait devenir le future grand Roi d'Oxstrea ?

Ici, nulle règle n'obligeait au premier né à devenir celui que le peuple acclamerait. Non, dans ce monde, la magie décidait.

C'est alors qu'un rythme balancé et aussi écrasant qu'un dernier battement de cœur se mit à fendre le silence. Les baguettes frappant les peaux étirées des tambours provoquaient des sons réguliers, résonnant dans ce dôme sous un ciel obscurcit.

TOUM. TOUM TOUM. TOUM.

Jamais la cadence n'allait s'adoucir.

Une femme était assise sur un trône. Un trône fabriqué avec les branches les plus anciennes et sacrées des arbres vénérés d'Oxstrea.

— Ils sont tous arrivés, Majesté, chuchotait un homme dans son oreille.

Elle parcourut la salle de son regard où figurait une étincelle jaune pétillante. Elle se leva ensuite, sa carrure imposa le silence, mélangeant mépris et autorité. Lentement, elle s'approcha d'une cage et l'ouvrit. Un corbeau battait férocement des ailes, désireux de fuir ce cauchemar qui lui pendait au bec.

Une main empoigna la bête qui tentait par tous les moyens de blesser celle qui le tenait. La souveraine palpait de ses cinq doigts l'oiseau— ornant tous des ongles aussi pointus et longs que les griffes du corbeau—après avoir trouvé l'endroit qu'elle convoitait, ses griffes s'implantèrent dans le buste de l'animal. Il hurlait à la mort, frappant de ses ailes l'air autour de lui mais très rapidement, après une fouille expérimentée, le corps du corbeau tomba au sol. Il y avait un trou béant, là où son cœur lui avait été sauvagement arraché.

Entre les doigts de la reine, un petit cœur battait rudement. Le sang rouge dévalait sa chair d'une blancheur semblable à la fourrure d'un ours polaire, et dont les veines noires y transperçaient leur nuance d'une facilité déconcertante.

— Votre futur Roi est né, annonça-t-elle, élevant sa voix aussi haut que pouvait être le ciel d'Oxstrea. La couronne, ainsi que l'alliance des Quartum Regnum ne s'est jamais sentie aussi fragilisée qu'en ce jour depuis la mort de votre ancien Roi Azarus. Mais aujourd'hui, le cœur d'Oxstrea décidera du prochain monarque, celui qui nous guidera vers la prouesse éternelle !

Un silence pesant s'abattit dans la vaste salle, où les yeux s'abaissèrent tristement, pleurant des morts certaines. Lorsque sa voix retrouva de son assurance, chaque paire d'yeux se releva, ne voulant pas montrer une mauvaise faiblesse qui nierait à l'image d'un peuple fort. Ne pas regarder sa reine dans les yeux signifierait qu'un sentiment d'adynamie pousserait vers un manque de confiance. Et, ici, seuls les traites n'osent pas regarder leur Souverain droit dans les yeux.

— Mais moi, Verena Ox, en attendant l'âge adulte de mon enfant, je vous fais la promesse de guerre lorsque nos ennemis marcheront sur nos pas, et la grâce lorsque vos actions dénuées de réflexions verront un chemin propice à la clémence. J'invite désormais les quatre Gardiens à se joindre à moi, et prêter serment à la couronne d'Oxstrea.

Des quatre coins différents du dôme se frayèrent un chemin lesdits Gardiens. Ils se saluèrent puis rejoignirent le trône.

— Moi, Moros, Gardien du Royaume des esprits, prête allégeance et fidélité à la couronne d'Oxstrea, ainsi qu'à l'alliance des Quartum Regnum.

Un homme vêtu d'une longue tunique noire, et portant un masque posa son genou au sol. Il prit dans ses mains squelettiques la dent de requin et la coupe qu'on lui tendait. Très rapidement, il se taillada la paume et déversa trois gouttes de son sang dans la coupe en or.

— Moi, Vidaar, parla un autre, Gardien du Royaume des forêts, prête allégeance et fidélité à la couronne d'Oxstrea, ainsi qu'à l'alliance des Quartum Regnum.

Celui-ci était d'une grandeur à faire pâlir. Sa peau n'était pas faite d'un épiderme, mais plutôt de bois de chêne. Il ne portait aucun accoutrement sur lui car sa nature lui permettait de faire pousser de la mousse sur chaque endroit de son choix. Il posa un genou au sol, agrippa la dent de requin de ses doigts en forme de branche, il fendit ses écorces, d'une difficulté monstrueuse. Son sang ruisselait tel une rivière dans la coupe.

— Moi, Eira, Gardienne du Royaume des montagnes, prête allégeance et fidélité à la couronne d'Oxstrea, ainsi qu'à l'alliance des Quartum Regnum.

Ce fut une femme aux joues bleues qui attrapa cette fois la dent et qui se la planta dans la paume. Ses cheveux— si on pouvait y voir des brins de poiles— étaient formés par des cristaux, et ses lèvres étaient peintes par une couche de neige blanche. Des flocons décoraient chaque bout de chacun de ces cils, et ses yeux étaient d'une transparence tel qu'on y voyait aucune pupille.

La dent fut par la suite offerte aux mains d'un homme dont les écailles brillaient d'une lueur verdoyante. Ses lèvres retroussées laissaient apparaitre des dents aussi aiguisées que la dent de requin qu'il tenait dans sa main.

— Moi, Hoak, Gardien du Royaume des mers, prête allégeance...

Ses paroles se suspendirent dans les airs, résonnant dans le dôme, cognant contre chaque fenêtre et fouettant les oreilles de ses complices.

Hoak leva ses yeux vers la reine, qui ne daignait point montrer sa vulnérabilité. Il grinça des dents, serra l'objet tranchant pendant que la queue accrochée au bout de sa colonne vertébrale se mouvait d'une lenteur alarmante.

— Je prête allégeance et fidélité à la couronne d'Oxstrea, et à cette foutue alliance des Quatre Royaumes.

Hoak pencha sa tête sur le côté, toujours pas décidé à faire offrande de son sang.

— Et j'espère ne pas le regretter, reprit-il en grinçant des dents, vous devez savoir que les mers regorgent de monstres plus assoiffés les uns que les autres. Faites un pas de travers, et je les lâcherai dans vos forêts et vos montagnes.

Verena eu un léger rictus, elle qui tenait encore le cœur battant du corbeau entre ses griffes.

— Ne te fait pas de soucis Hoak, tes subordonnés seront accueillis comme des rois dans ce royaume.

Hoak donna de son sang, puis la coupe fut remise aux mains de Verena, qu'elle leva aux yeux de tous.

— Le cœur d'Osiris doit mourir pour donner vie à un nouveau monarque !

Suivant ses paroles, elle laissa l'organe plonger dans la coupe et se mélanger au sang des quatre Gardiens. Puis, elle se dirigea vers le berceau, ou ses deux fils, aussi silencieux que le lac d'Hojvik, dormaient paisiblement. Elle zieuta ses enfants, ces deux petites merveilles, puis renversa la totalité de la coupe sur leurs visages. Seul le cœur de l'oiseau restait à sa place, au fond de la coupe.

Verena observa les visages ensanglantés de ses deux fils, patientant qu'un rien ne se produise. Elle le souhaitait au plus profond de son cœur, avoir mis au monde des jumeaux avait contraint la couronne à choisir le plus méritant.

La légende racontait que le sang du corbeau devenait aussi blanc que de la neige lorsque le roi ou la reine était choisi. Si le sang ne se blanchissait pas, alors l'enfant n'était pas destiné à régner sur Oxstrea.

Le sang restait rouge sur les visages de ses fils. Peut-être que les deux n'étaient pas les élus. Peut-être qu'elle devait patienter et subir une nouvelle grossesse. Sauf que le roi était mort, et que ces deux enfants étaient les dernières créatures à porter du sang royal en eux. La reine ne portait que ce titre grâce à l'alliance qui entourait son annulaire.

Soudain, une odeur de cuivre emplissait le royaume comme une brume tapissant les murs d'une forêt. Le sang rouge ne prit aucunement une pigmentation alpestre. Sur l'un des visages de ses enfants, le sang devint noir, il bouillit jusqu'à moisir et devenir une croute.

Le futur Roi avait été choisi, et pourtant, Verena savait. Elle savait ce que cette couleur sombre et cramoisi signifiait. Oxstrea était en danger, il fallait tuer cet enfant, ou le mal en personne règnerait sur ce monde.

Tuer son propre enfant ? Verena Ox en était incapable. C'est pour cette raison qu'elle employa sa magie, et rendu le sang rouge sur le visage du jumeau d'un blanc presque aveuglant. Lui, cet enfant, n'avait pas été choisi, et pourtant, c'est lui que le peuple acclama lorsque la reine le prit dans ses mains pour venir le présenter aux yeux de tous.

Tandis que les convives festoyaient, elle demanda à Darios une unique faveur : celle d'envoyer le véritable Roi loin d'Oxstrea, dans un monde où il ne pouvait pas exercer de son autorité impure, et où il allait pouvoir vivre dans une ignorance saine.

La seule marque d'amour qu'elle laissa à son enfant fut un baiser sur son front etun pendentif où elle grava le nom qu'elle choisit pour lui, ainsi qu'un symbolecirculaire. Ce serait le seul souvenir qu'il aurait d'Oxstrea, car dans lemonde des humains, Morten Ox serait contraint de vivre comme l'un d'eux, sans jamais connaître sa véritable nature. Pourtant, dans un monde rempli de créatures fascinantes, il en serait leur roi.

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