Chapitre 9

Aïko_nsr

───※ ·❆CHAPITRE 9❆· ※───
A N E Z K A

— Et y'a aussi des lutins à Oxstrea ? Parce qu'encore, les ogres, c'est lourd et grand, donc assez facile à abattre. Mais les lutins...

Il tiqua sa langue contre son palais en donnant un coup de pied dans un cailloux.

— C'est vachement intelligent cette merde ! Sa court vite et leurs rires diabolique ! Tu as déjà vu Harry Potter ? Je suppose que non, à moins que les Elfiah adorent les lutins de Cornouailles... Il y a des télévisions chez vous ? Ou même du réseau ?

Ma main bouscula son dos lorsqu'il avait ralenti sa marche.

— Pas de là que j'ai beaucoup de fan qui attendent de mes nouvelles, mais j'aimerais au moins effectuer une dernière transaction bancaire, un petit virement de 10 dollars au Golden Night, que je nommerais « pour les dédommagements ».

Une bestiole passa proche de mon oreille, je fouettais l'air de ma main en ronchonnant.

— Je suis vraiment heureux de faire cette promenade avec toi Clochette, je me sens requinqué, prêt à affronter la vie ! surjouait le noiraud.

— Tu ne veux pas te taire ? soufflai-je d'agacement.

— Quoi ? Sérieux ! Tu veux vraiment que je me taise alors que je me sens au meilleur de ma forme ? Tu ne sais pas ce que tu raterais si je devenais silencieux.   

Ça faisait un quart d'heure que l'on marchait dans cette forêt, et pas une seule seconde n'était passée sans que la nature ne fasse entendre ses murmures. Il parlait constamment. L'unique action que je lui avais demandée était de nous ramener là où il m'avait trouvé pour la première fois. Désormais, nous marchions dans une forêt aux arbres partiellement nus et à la terre sèche.

Papa me disait souvent, lorsqu'il parlait de notre don, que la nature des humains et la nôtre était très proche, mais lorsque que je piétinai sur ce sol froid, écrasant parfois des morceaux de choses loin d'être naturelle, je ne vis que des différences. C'était assez contradictoire avec les dires de mon père. Cette nature semblait triste, les branches pointaient vers le sol, et un bon nombre d'entre eux étaient morts. Je n'avais jamais vu autant d'arbre mort de toute ma vie, et écraser ces branches sans vie me déchirait le cœur.

— Alors, est-ce qu'il y des lutins dans vos forêts ?

— Non.

Sincèrement, je ne savais pas ce qu'était un lutin.

— Nous voilà sauvé ! s'écria Morten en riant de joie. Et des dragons ?

Pour la première fois depuis le début dans notre expédition, un mot sortant de sa bouche avait réussi à attirer mon attention.

— Comment tu sais pour les dragons ?

Morten se retourna violement, si je n'avais pas levé les yeux à temps, mon nez aurait rencontré son épaule avec joie.

— Attends, y'a vraiment des dragons ? s'inquiéta-t-il en plissant ses paupières.

Ses yeux sombres abaissé sur mon visage me fixèrent avec appréhension.

— C'est une légende que l'on raconte, mais ce n'est pas sûr qu'ils existent vraiment. Enfin... Avant ils existaient, avant notre ère. Aujourd'hui, cette race se serait éteinte, apparemment...

Il pinça ses lèvres en fermant ses yeux, une moue de déception s'installa sur son visage.

— Quel dommage, j'ai toujours rêvé de devenir aussi fort qu'Harold avec Krokmou...

Ma main venait de le pousser, celle qui était libre, pas celle qui tenait l'arme qu'il avait utilisé contre moi. J'avais assez observé toutes ces personnes empoigner cette chose pour savoir qu'il me suffisait de tirer sur la tige qui dépassait en dessous. J'avais sous-estimé les armes humaines, qui n'étaient pas configurées comme les nôtre. Il s'était moqué de nos arcs, car lui n'avait qu'à tirer sur cet objet pour le laisser blesser son adversaire. C'était simple. Chez nous, l'arc était manié par les Gaerilah, et pas par n'importe qui. 

— Oh et !

Morten cessa à nouveau d'avancer. Je soupirai en me frottant les yeux.

— C'est vrai que les fées ne peuvent pas mentir ?

S'il parlait des Elfiah, il avait pensé juste.

— Oui, nous ne sommes pas capables de proférer de fausses informations.

Même de derrière, je pouvais imaginer son sourire narquois.

— Et donc charmante Clochette, qu'est-ce que tu penses de moi ?

Je n'avais même pas à penser aux mots qui pouvaient le définir, car ils vinrent telle une pluie d'étoile sortant tout droit de ma bouche.

— Tu es insupportable, mesquin, une abomination odieuse et pénible. Maintenant rappel toi bien que je sois incapable de mentir.

Le noiraud se détournait face à moi et se mis à marcher à reculons.

— Mise à part ça, aucun compliment à m'offrir ? On m'a souvent dit que j'avais de belles mains, tu ne trouves pas ?

Le noiraud leva ses mains vers moi, dont les deux poignets étaient rejoints par le tissu de ma robe que j'avais déchiré pour le tenir tranquille. Et effectivement, ses mains était parfaitement taillé dans la pierre. Il avait de longs doigts veineux, parfois on y voyait des cicatrices, mais rien de tel n'attira mes yeux. 

— Elles sont élégantes oui, mais chez nous ça n'est pas un compliment. Seul ceux qui font partie de la famille royale ont des mains aussi propres. Tu n'as jamais du travaillé la terre, tu te sers chez les autres, c'est tout.

— La famille royale... Sont-ils beaucoup respectés chez vous ? se questionna Morten tout en marchant en arrière d'un pas très lent.

— Plus que les joyaux que nous cultivons dans nos terres.

— Je vois... Et les loups-garous y'en a à Oxstrea ? Les vampires je trouve ça assez classes, ils sont propres sur eux, mais les loups-garous ça me dégoût vraiment, et si ça existe je-

Il n'avait pas fait attention à la vitesse de mon mouvement qui venait d'arracher un nouveau lambeau de ma tunique blanche. Sans plus attendre, je passai le tissu entre ses lèvres bavardes et fis un nœud bien séré derrière son crâne. L'homme ne bougeait pas tandis que je le bâillonnai. Il me fixait avec amusement, alors je plaquai son arme au niveau de son torse et lui murmura sèchement un « avance ». 

Le tissu entre ses lèvres n'empêchait pas son sourire sarcastique d'être bien visible, ni ses yeux de me lorgner avec tant de réjouissance.

Nous passions plusieurs minutes dans un silence plaisant, où il me guida vers un bruissement d'eau qui devenait de plus en plus audible à mesure que l'on s'enfonçait dans ces terres mortes. 

Mon ventre se contractait à chaque pas que nous effectuions. J'avais peur, et je savais pourquoi. J'étais effrayée de retrouver le reste de mes frères et sœurs assassiné. Je ne voulais pas retourner auprès d'Okto, je les haïssais pour ce qu'ils avaient fait. Avoir brulé mon peuple n'était qu'une déclaration de guerre impitoyable et allait en sens inverse des pactes fait pour la couronne d'Oxstrea.

Okto devait être bannis, leur royaume n'était pas le bienvenu dans notre cercle. Et je m'apprêtais à leur offrir un être doté de puissant pouvoir, un don comme je n'en n'avais jamais vu. Il était puissant, redoutable, invincible.

Je savais pertinemment ce qu'Hoak voulait faire de lui. Il lui suffisait de trouver une personne ayant comme don de pénétrer une âme et lui voler ses racines. Hoak voulait le pouvoir de Morten, probablement pour régner de force lui-même sur Oxstrea. Voilà que je lui offrais de bon cœur son désir le plus abscons. Quelque part, je comprenais mon père, lui qui n'avait juré que par la protection des peuples, qui avait battis nos murs de protection et nous avait promis la paix. Il savait ce que Hoak voulait, et le prix à payer pour avoir refusé fut si horrible que ma gorge se noua et qu'un goût peu agréable se fraya un chemin contre ma langue.

Ma mère était morte pour éviter le massacre de notre peuple.

Thenaë était morte pour me protéger.

Je me détestais pour avoir salis leurs mémoires.

Pourtant, je ne cessais de voir le bon dans mes actions. J'allais trouver un moyen de sauver Oxstrea d'Hoak une fois là-bas, je le devais. Un Gaerilah protège son peuple jusqu'à donner son dernier souffle. D'abord, je libérerai ma famille, et ensuite je préviendrai les royaumes de la menace qui allait émerger des eaux.

Je jetai un regard furtif à cet être aux cheveux aussi noirs que l'accoutrement d'un Mist. Son aura dégageait une énergie sombre et déstructurante, en décalage total avec la tranquillité environnante. Il n'était rien d'autre qu'une anomalie dans ce paisible tableau naturel, un intrus au cœur de la quiétude.

Les rayons du soleil filtraient à travers les branches dénudées des arbres, projetant des ombres mouvantes sur le sol. Pourtant, même cette lumière semblait éviter Morten, comme si la nature elle-même ressentait son caractère dérangeant. Je sentis une tension grandissante dans l'atmosphère, comme si la nature retenait son souffle en anticipation de quelque chose d'imminent. Plus nous avancions, plus j'avais cette impression de connaître l'endroit. Cette petite dune de terre, ce lac, ces gros troncs aux branches biscornus. Ils étaient tous semblables à ceux qui longeait le lac d'Hojvik.

Le vent commença à souffler, agitant les branches des arbres avec une intensité croissante. Des nuages sombres s'amoncelaient à l'horizon, obscurcissant le ciel autrefois clair. La température chuta brusquement, faisant frissonner même Morten malgré son attitude bravache. Je passai mes mains contre mes bras et les frottai. Une sensation bizarre chatouilla mes pieds nus, ainsi que mon nez. Comme des picotements. Cette odeur, elle me disait quelque chose. Et cette terre, elle était rêche, comme si des milliers de cailloux se cachaient sous la nappe brune et humide.

Morten s'arrêta devant le lac, puis me fit un signe du menton vers le sol.

Juste sous mes yeux se trouvait un cercle de terre, de branche, et de feuille. Lorsque je m'agenouillai pour venir poser ma main dessus, la sensation immense d'une chaleur me prit les tripes. C'était ici, juste en dessus. Je ressentis la puissance de mon monde qui pulsait contre ma paume. Mes doigts glissèrent contre la terre humide, et c'était comme passé ma main dans de doux cheveux. J'aimais ce saisissement.

Mes yeux trouvèrent ceux du garçon qui avait le menton baissé vers moi.

— On dit que seules les Elfiah peuvent passer le portail, les autres se liquéfierait à la seconde où il le toucherait, ai-je annoncé.

Je ne pouvais pas lui mentir sur les risques mortels qui lui pendaient au nez. Je me fichais pas mal qu'il meurt en passant le portail, car pour tirer un don d'une âme, celle-ci n'est pas obligé d'être en vie, elle nécessite juste l'aide d'un Mist. Ces derniers avaient le pouvoir de raviver une âme quelque seconde, souvent ils étaient appelés pour soustraire des informations à ceux morts sur des champs de batailles, pour soutirer un élément crucial. Parfois, uniquement pour dire un dernier mot à ceux que l'on aimait.

De ce fait, même Hoak n'avait pas hésité à me répéter qu'avoir Morten mort ou vivant ne lui importait pas, tant que son âme était intacte. Et pourtant, même avec l'annonce d'une mort certaine, Morten ne prit pas peur. Au contraire, j'avais réussi à faire naître une flamme ambrée dans ses iris. L'idée d'être confronté à la mort lui plaisait à ce point ?

Rapidement, je revins à ma position initiale, rangeant son arme dans mon corset, et posa mes deux mains au sol. Je fermai les yeux tout en laissant cette énergie émerger du sol et s'infiltrer dans mes veines. Mes ongles s'implantèrent dans la terre à mesure que mon sang pulsait dans mon cœur, le faisant battre avec force. Je me souvins de mon état après avoir traversé pour la première fois cette brèche. J'étais restée inconsciente de nombreuses heures, et la faiblesse avait envahi chacun de mes muscles. Je n'étais pas forcément prête à ressentir de nouveau cette impuissance, je ne devais pas puiser toute mon énergie à ouvrir ce portail et en garder pour le voyage.

Une présence à mes côtés m'empêcha de me concentrer pleinement. Morten venait de s'agenouiller tout proche, son corps touchait presque le miens. Son regard visualisait le sol, ses sourcils étaient tellement froncés qu'ils étaient sur le point de se rejoindre.

— Je ne vais pas réussir si tu te colles à moi, dis-je sans le regarder.

L'ébène soupira difficilement en roulant des yeux, puis s'écarta uniquement de deux ou trois centimètres. En réponse, un souffle s'échappa par mon nez et mes paupières se fermèrent de nouveau. Une nouvelle énergie s'installa au creux de mes enrailles, qui fut vite stoppé par le son d'une musique très peu agréable. Morten sortit un objet de sa poche sans prendre la peine de se relever. Il jeta un regard dessus, et le tourna dans ma direction.

Sur cette chose était inscrit le prénom de Riley avec un dessin d'une tête de mort et d'un pouce dirigé vers le bas. Puis, il me pointa du doigt le tissu qui l'empêchait de communiquer.

— Faire taire cette chose, lui ordonnai-je avec mépris.

Morten plongea ses yeux dans les miens et pencha lentement son visage sur le côté, comme il aimait le faire dès qu'une chose l'irritait. Soudain, mon cerveau semblait bruler.

Tu sais que je n'ai qu'à penser pour que tu me libères, murmura la voix de Morten au fond de mes oreilles.

Il n'avait pas ouvert la bouche. Aucun son ne s'était échappé de ses lèvres, et pourtant, ses paroles avaient atteint mon cerveau avec tant de facilité. 

Qu'est-ce qu'il y a Clochette ? On dirait que tu n'aimes pas le son de ma voix à l'intérieur de ton crâne, c'est vexant...

Ni une ni deux, je passai mes mains autour de ses épaules pour venir défaire le nœud qui aurait dû l'empêcher de parler. Non, je n'aimais pas le sentir en moi, à l'intérieur de ma tête, à chuchoter de cette manière qui disait qu'il était capable de tout, et que même bâillonné, il était dans la capacité de me provoquer. Une fois le tissu loin de ses lèvres, il me souriait tout en approchant l'objet de son visage.

Il laissa une voix féminine parler, ou plutôt pleurer, se fondre contre sa joue. Était-ce un moyen de communication humaine ? Comme une lettre ? Je pouvais reconnaitre la voix de Riley, elle était furieuse, même si je n'entendais ou ne comprenais pas un seul mot de ce qu'elle disait.

— Riley, je suis très occupé en ce moment-même, ébruitait Morten sans jamais me quitter des yeux. Un pays imaginaire m'attend.

Il décala l'objet de son visage et le rangea.

— Alors Clochette, tu me l'ouvres ce portail ou tu as perdu les clés ?

Je le lorgnai avec tant de dédain que son unique réaction fut d'agrandir son sourire immortel. L'instant d'après, mes mains se crispèrent contre la terre humide et dès lors ou les images de mon peuple me vinrent à l'esprit, comme le visage de mon père, ou encore celui d'Enok, je sentis mon esprit enragé chercher une branche à laquelle s'accrocher. Rapidement, le sol se mit à trembler, une brume vaporeuse se glissa sur mes genoux et mes bras. Je sentis la chaleur de mon corps se dissiper peu à peu lorsque j'entrais en état de transe. Des étincelles jaillirent, dansant dans l'air comme des esprits pressés de rejoindre leurs ancêtres. La brume, dès lors ou elle toucha Morten, se transforma en un brasier vorace, dévorant tout sur son passage. Le feu se propagea rapidement, embrasant les branches, les feuilles et la végétation environnante dans un tourbillon de flammes dévastatrices.

Ce n'était pas normal, aucun feu ne s'était engendré lors de ma venue dans ce monde. Pourtant, le portail était bien présent, et l'unique brume présente ressemblait à de la braise, une fumée qui aurait embrasé des heures durant. Mais il y avait bien là la brèche qui nous mènerait à Oxstrea.

Un vent virulent fouettait nos visages et qui semblait provenir de ce trou béant creusé dans le sol, un vent qui nous hurlait dessus et nous disait de rester loin. Il semblait vouloir nous insister à ne pas traverser la braise. J'étais inquiète de ce qui nous attendait à notre arrivée, mais je l'étais bien plus pour la santé de ma famille. Alors je me levai et Morten fit de même. Il semblait être troublé par le feu qui nous entourait, ses yeux cherchaient les flammes qui comme un appel, attirait son attention.

— Tu veux apprendre de ton passé, et avoir des réponses concrètes à toutes les questions que tu te poses ? lui criai-je à travers le vent et les flammes.

Morten avait du mal à me trouver dans cette tornade d'étincelle, des voix semblaient lui hurler dans le coin des oreilles, et des mains semblaient le tirer par le bras vers ce que je venais d'ouvrir. Il résistait. Il était méfiant.

— Alors sautes !

Ses respirations frénétiques et rapides n'étaient pas contrôlées. Il avait perdu son sourire, ce fut la première fois que je le voyais aussi perdu, et résistant.

Morten se rapprocha doucement du portail lorsque des lianes se mirent à traverser la braise et à s'accrocher à ses chevilles pour le forcer à accélérer le pas. Il allait céder, je le voyais fermer les yeux et prendre une grande bouffé d'air. Tout à coup, il se nourrissait des flammes qui brulaient ses vêtements, il prenait plaisir à ressentir le chaos tout autour de lui. Puis, au moment où il allait sauter, ma voix fouetta les flammes.

— Morten !

Il ouvrit ses yeux, qui étaient d'un noir tellement intense qu'un frisson de terreur me fit trembler une unique seconde.

— Au cas où le portail ne te tue pas, ai-je conclu après avoir sorti son arme de mon corset puis après avoir tiré la languette vers moi.

Une balle en plomb explosa et traversa son épaule. Morten eu un mouvement de recul, piétinant sur lui-même, et fini par tomber en arrière. Son dos ne rencontra pas le sol, il tomba dans le portail encerclé par le feu.

Il me fallut moins de trois secondes pour accourir sur la brèche et sauter. L'unique chose qui m'accueillit dans ce tunnel sans fond fut des morsures brulantes et le cri puissant des entrailles d'Oxstrea.

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