Chapitre 5
Aïko_nsr
───※ ·❆CHAPITRE 5❆· ※───
M O R T E N
Il était difficile de ne pas se poser des questions. Je n'étais pas du genre à douter, à vouloir en savoir plus sur les autres, à part quand il s'agissait de trouver des informations importantes pour du pognon. En ce qui me concernait, je me fichais pas mal d'apprendre de mon passé. J'avais été retrouvé au milieu d'un champs un matin par un agriculteur partant faire sa récolte de maïs. Dans le berceau, il avait trouvé un enfant baigné dans du sang séché, et noir. Un unique pendentif m'avait été légué par celui ou celle qui m'avait abandonné à la naissance. Puis, c'est tout.
Voilà à quoi se résumait mon histoire.
J'aurais pu être curieux, vouloir trouver des réponses, savoir qui étaient mes parents, pourquoi j'avais du sang noir sur le visage, et pourquoi m'avoir orné le cou d'un collier avec un prénom ainsi qu'une gravure comme unique vêtement.
La réponse était que j'avais peur d'en savoir plus sur mes origines. Depuis mon enfance, des évènements plus incongrus les uns que les autres ne cessaient de me poursuivre comme une satané merde sous une semelle. J'attirais les ennuis avec tant de facilité. J'aimais cette sensation brutale d'entrer dans l'ombre et de devoir surprendre la lumière du jour en lui ôtant chacun de ses rayons. J'avais peut-être un problème, non, je savais que j'en avais un. J'étais le problème. Je représentais une menace pour le monde, mais aussi pour moi-même. Cette soif de destruction allait finir par faire des dégâts tôt ou tard, c'était inévitable. C'était écrit en moi, visible dans mon esprit, sensible dans mes veines.
Mais, cette alternative-là, je ne l'avais vu dans aucun de mes songes.
J'avais désormais l'opportunité d'en connaître plus à mon propos grâce à cette femme. Avais-je encore peur, maintenant que j'avais le fruit du savoir à ma disponibilité ? Eh bien, je l'aurai pensé. Or, ce n'était pas le cas. Cette femme n'était pas le monstre aux cornes biscornus que j'avais imaginé rencontré lorsque mon châtiment d'avoir été mis au monde allait enfin s'abattre sur moi. Elle n'était pas monstrueuse, du moins, c'est ce que je pensais.
Je n'aimais pas forcément l'idée de faire d'elle mon otage, et pourtant, me voilà à fermer la porte à clé de mon appartement. Je posai la femme sur la table de la salle à manger, car mon canapé était submergé de mallettes ouvertes, dévoilant des fusils d'assauts, des munitions, des chargeurs de rechange ainsi que de plus petits flingues.
La protection était plus que nécessaire lorsque on est recherché par des chasseurs de prime, et je n'allais pas ranger mon appartement pour son confort.
Inquiet qu'elle puisse s'enfuir par une fenêtre, je pris le soin de fermer chaque volet, et d'enclencher chaque alarme.
Après ça, je revins dans le salon, totalement plongé dans la pénombre, aussi calme que ne l'était les battements de mon cœur. Ma main se posa sur l'interrupteur, dévoilant parfaitement le corps allongé sur la table rectangulaire. L'ampoule au-dessus de ma tête grésillait, tout en projetant une lueur jaunâtre dans toute la pièce. Lentement, j'avançai vers elle en essayant de marcher le plus discrètement possible, comme si je voulais profiter de son sommeil encore quelque instant. Puis, une fois que nos corps furent dans un espace bien restreint, je posai mes paumes de mains contre le bord de la table et laissa mon poids faire pencher mon corps en avant.
Elle dormait si profondément.
Mes yeux se posèrent sur ses vêtements singuliers sortit tout droit d'un conte de fée, comme cette robe marronne au tissu souple, et très peu symétrique. Elle tombait sur ses genoux comme des cordes. Des mains avaient construit cette robe, des mains qui ne se préoccupaient pas du regard de la société. Cependant, le sang qui tachait la créativité de cette robe la rendait bien moins innocente. Sur cette robe se trouvait un corset bien élaboré, c'était presque un chef d'œuvre naturelle crée à partir de fines branches toutes entrelacée entre elles, formant un motif complexe. Ses pieds étaient nus, salit par la terre. Sur son corps entier était peint une décoration presque splendide. Comme chaque fleure, ou chaque feuille, un réseau sanguin marroné traçait sa peau un peu partout. On aurait pu penser à des tatouages représentant des branches d'arbres, assez fines et longues, mais cela ressemblait davantage à des tâches de naissance. On aurait dit que son corps avait été taillé parmi la végétation. C'était une fleur. Même une rose à côté d'elle ne valait pas la peine d'être observée.
Ses cheveux roux, bouclés, et longs dévalaient de la table et pendait comme un être sans âme dans le vide.
Je me rapprochai un peu de son visage, pliant mes coudes pour faciliter mon approche. Ses oreilles étaient percées à plusieurs reprise, laissant y traverser des bijoux en or. Elles étaient pointues. Merde alors, ses oreilles pointaient vers le ciel comme des satellites !
Mes paupières se plissèrent, voulant comprendre comment cette chirurgie esthétique pouvait être si remarquablement réaliste.
Ses cils bruns. Ses sourcils foncés et fins. Son nez rebiquant, petit. Sa bouche colorée d'un rose naturelle. Ses tâches de rousseurs posant un voile étoilé sur son visage. Ses pommettes hautes. Tout n'était que pureté. Cette femme ne remontait pas de l'enfer, c'était inconcevable. Alors pourquoi ce maudit papillon m'avait mené à elle ?
Bien décidé à en voir plus, ma main quitta le rebord de la table pour l'approcher de son épaule dénudée. J'hésitai à la toucher. En avais-je peur ? À quoi je m'attendais exactement ? Qu'en touchant le symbole, un portail s'ouvre sous mes pieds, m'entrainant dans un monde qui ne pouvait être que l'enfer ?
Mon index effleura la spirale. Une vibration trembla dans mon corps entier. Aucun portail ne s'ouvrit, juste mon foutu téléphone qui sonnait à l'intérieur de mon blouson.
Je le pris en main en m'écartant de la table, sans jamais laisser mon regard roder autre part que sur la belle endormie. L'écran affichait un numéro inconnu. Après un bref moment d'hésitation, je décrochai.
— Morten, c'est Elijah.
Une grimace déforma mon visage pourtant paisible avant qu'il ne m'appel.
— Je suis occupé, l'informai-je.
— C'est d'accord, dit-il lourdement. Tu reviens bosser au Golden Night, et je t'aide à trouver la source qui te veut.
— Combien ? demandai-je froidement.
— Combien ?
— Putain me fais pas répéter, je sais très bien que ta protection à un prix !
— Aucun. Tout du moins, je ne veux pas d'argent.
— Alors qu'est-ce que tu veux, Elijah ?
— Ta parole. Je veux que tu me promettes que tu travailleras uniquement pour moi, et pour personnes d'autre.
Je réfléchis un instant, mordillant ma lèvre pour m'éviter d'accorder ma confiance trop tôt.
— Pourquoi ? Tu as peur que je trouve mieux ailleurs ? Tu sais très bien que j'en ai rien à foutre du fric, tu sais encore mieux pourquoi je fais ce que je fais. Tu sais que c'est bien plus profond, bien plus addictif.
— Je le sais, Morten. Tu es une perle rare Morten, et beaucoup l'on comprit. Tu n'es pas uniquement recherché pour qu'on te coupe la tête, mais aussi pour t'utiliser, comme arme. Cela n'a jamais été mon cas. Tout ce que j'ai toujours fait pour toi, c'est de te protéger.
— Tu me penses incapable de pouvoir me gérer seul ?
— Je pense que tu as besoin d'un guide. Je t'ai vu grandir, je sais que ce qui vie en toi n'est pas un reflet de ta personnalité. Je sais ce que tu vaux vraiment, et le Golden Night sera toujours ta maison. Alors, tu en dis quoi ?
Il ne lui avait pas fallu longtemps pour craquer.
Revenir travailler au Golden Night n'était pas vraiment dans mes projets. J'avais certes, la protection d'Elijah, mais j'étais contraint à suivre son règlement. J'étais payé à lui servir des têtes tranchées sur des plateaux d'argent, alors que je préférais les couper sans avoir aucun ordre.
Au moment où j'allais lui informer de ma décision, un mouvement m'interpella. Un frisson avait traversé le corps de la rousse, réveillant dangereusement chacun de ses muscles. Son nez se plissa, sa bouche s'entre-ouvrit légèrement, et ses doigts agrippèrent le tissu déchiré et ensanglanté de sa robe.
Elle se réveillait petit à petit.
— J'en dis que j'ai besoin d'y réfléchir.
Je coupai la communication alors que la voix d'Elijah résonnait encore dans le cellulaire. Je rangeai le téléphone dans ma poche et fis un pas en avant, vers cette source vivante qui se mouvait lentement, sortant d'un long cauchemar qui avait paralysée son corps.
Puis, elle se mit à trembler. Des secousses la bousculait dans tous les sens, frappant sa tête contre la table, faisant crisper ses doigts et battre ses jambes. J'accouru vers elle, posa ma main à l'arrière de son crâne pur éviter qu'elle se l'ouvre, et leva son menton en l'air. Elle devait avoir du mal à respirer. Ce sang lui appartenait peut-être. Était-elle déjà blessée au cerveau ?
Elle papillonnait des cils, en ouvrant sa bouche pour aspirer l'air, sauf que ses poumons semblaient être bloqué par quelque chose. Je m'écartai à nouveau pour aller fouiller dans les tiroirs de la cuisine. Je devais trouver un objet assez large pour le lui mettre dans la bouche afin qu'elle évite de se mordre la langue. J'attrapai un couteau de cuisine, qui avait un manche assez large et long. Je n'allai pas fouiller plus loin et me m'empressa de revenir vers elle. Aussi surprenant que cela pouvait l'être, la jeune femme avait terminé sa crise. Elle ne tremblait plus. Uniquement ses paupières se bataillaient pour s'ouvrirent. Son visage se raidit lorsque ses pupilles rencontrèrent premièrement la lumière de l'ampoule juste au-dessous d'elle. Elle referma aussitôt les yeux.
Moi, je n'avais pas bougé d'un centimètre. J'étais tout proche d'elle, cessant de respirer pour ne pas attirer son attention.
Elle tourna sa tête sur le côté, difficilement, comme si sa tête était enchainée à cette table. Elle papillonna une nouvelle fois des cils, et ouvrit doucement ses yeux. Ils s'encrèrent dans les miens avec tant de puissance que je me sentis obligé de relâcher mon souffle.
Ses yeux étaient d'un vert si intense. Personne sur terre ne portait de tels iris. Un vert si clair, si brillant, si profond. Une lumière vivace naissait dans ses yeux à chaque fois qu'elle les fermait et les ouvrait.
Je n'avais toujours pas bougé.
L'inconnue m'analysa silencieusement, passant en revue mon visage, puis mes habits, avant de bloquer son regard sur ce qui pendait au bout de mon bras. Je tenai encore ce couteau dans ma main, où la lumière frappait contre la lame en métal, mettant en avant sa manière particulière d'être bien aiguisée. Elle écarquilla les yeux puis brusquement, son dos se leva de la table, ses pieds se posèrent sur le sol. En moins de deux secondes, elle était sur ses deux pieds.
La vitesse de son action lui provoqua des vertiges, elle tanguait de gauche à droite en essayant de tenir en équilibre. Ses yeux roulaient, elle n'était pas encore bien réveillée.
Interpellé par la manière qu'elle avait de se tenir, je marchai vers elle sauf qu'elle recula sans hésiter une seule seconde et d'un geste presque instinctif, elle roula sa main vers sa hanche pour sortir un objet coincé quelque part par-là, que je n'avais absolument pas remarqué.
C'était une dague blanche. Ça ressemblait à une dent de requin, enroulée d'une ficelle au niveau du manche, ou quelques cristaux étaient enfuie dedans.
— Eh... Tout va bien... soufflai-je en levant mes mains en l'air, voyant qu'elle avait été effrayée par le couteau que je tenais fermement dans l'une de mes mains. Je ne voulais pas te faire de mal, je voulais juste t'aider, OK ?
Sa dague était levée à niveau de son visage. Elle se battait contre ses tremblements et son corps qui n'arrivait à suivre la cadence de son cerveau. Ses cheveux cachaient une partie de son visage, ses yeux verts de la couleur d'un jade ne fixèrent que moi. Sa quiétude avait totalement disparu, laissant place à une bête sauvage, totalement perdue.
— On va tous les deux poser notre couteau au sol, d'accord ?
Lentement, je m'abaissai, mais elle, elle ne fit rien. Elle me regardait faire sans être décidée de se débarrasser de son arme.
— Très bien... Je suis le seul à le poser alors... ai-je murmuré, agacé par son mutisme et son manque de coopération. Écoute, je ne vais rien te faire. J'ai juste des questions à te poser, et après tu pourras partir retrouver ta secte de Robin des Bois.
Elle fronça ses sourcils, lorgnant mes lèvres lorsqu'elles avaient laissé échapper ma phrase. Après m'être redressé, j'inclinai mon visage, observant ses traits du visage qui ne savaient pas comment réagir. Elle était à la fois effrayée, mais souhaitait me montrer avant tout la force et la détermination qui animait ses yeux ainsi que son corps entier.
— Qui es-tu ? demandai-je d'une voix qui ne voulait pas paraitre tendre.
Mon but n'avait pas été de l'effrayer. J'avais complètement raté mon coup.
Elle garda le silence, zieuta mon torse jusqu'à trouver quelque chose qui l'a fit enfin réagir. Mon pendentif. Ses yeux vinrent se braquer sur le motif. J'attrapai le collier entre mes doigts, et le leva sous mon menton.
— Tu sais c'est quoi ? Tu sais ce que ce symbole signifie ?
Elle ne me répondit pas, agrémentent sérieusement ma colère.
— J'ai vu le même symbole sur ton épaule, alors ne va pas me dire que ne sais rien. Sois-tu parles, soit je te fais parler. Je te conseille de me dire immédiatement ce que tu sais, car mes pratiques ne vont pas te plaire.
Entre ses mèches rousses, ses longues oreilles réagissaient à mes paroles, elles bougeaient, s'abaissant et se levant.
Et encore, elle garda le silence.
— Tu ne veux rien me dire ? braillai-je alors qu'un sourire mauvais apparu au coin de mes lèvres.
Je ne savais jamais taire ce côté-là de ma personnalité, celui avide de violence. Mon corps s'avança vers elle, sauf qu'elle traça l'espace libre entre nous avant que je n'aie le temps d'effectuer un pas de plus. Sa dague levée en l'air, ses pieds nus poussant contre mon carrelage et ses yeux rempli d'une flamme brulante m'apparurent tel une météorite que je ne pouvais pas éviter. La femme sauta mais son pied glissa sur la matière lisse du sol, elle se rattrapa et lança son bras dans ma direction. Bien décidé à arrêter cette chose de rugir comme un lion dans mon salon, j'empoignai son bras, la tira d'un seul coup vers moi, et la fit pivoter pour qu'elle soit dos à moi. Sa dague lui échappa des mains et glissa contre le sol. Elle grondait de colère sans jamais former des mots.
— Je te laisse une dernière chance, dis-je en passant mon bras autour de son cou, posant ma main cotre son crâne pour effectuer une pression plus puissante. Qui es-tu, et d'où vient ce symbole ?
Son corps bien plus petit et fin que le mien gigotait dans tous les sens, essayant de s'échapper de mon emprise. Elle me donnait des coups de coudes et des coups de pieds. Je mentirais si je disais qu'elle n'avait pas de force, et que ses coups ne me faisaient pas mal. Au contraire, elle savait se battre, et savoir qu'elle avait une opportunité de me le prouver alimentait mon agacement. Je n'avais pas le temps pour ça.
— Non ? Très bien... On ne pourra pas dire que tu te sois laisser faire...
Je pressai d'un seul coup mon avant-bras contre mon biceps, qui encerclait la tête de la jeune femme. Elle paniqua, enfin confrontée au réel danger que je représentais. Il fallait instaurer les limites dès à présent, car je voulais qu'elle parte d'ici le plus vite possible. Alors, j'écrasai son cou pour lui couper la capacité de respirer. Je tenais comme ça une bonne trentaine de seconde, en sentant ses coudes se planter dans mon abdomen, ses doigts griffer mes bras, les faisant saigner, et ses pieds écraser les miens.
Lentement, ses attaques diminuaient à mesure qu'elle sombrait à nouveau dans un sommeil. Ses poumons demandèrent à se remplir d'air, mais je ne lui laissais pas ce privilège.
Je n'étais pas là pour être le gentil, même si elle ne faisait partie d'aucune mission, cette femme n'allait recevoir de moi que de l'agressivité.
Elle se débattait une dernière fois, puis son corps lâcha, s'écroulant entièrement contre moi. Mon bras quitta son cou pour venir à nouveau la porter. J'ignorai le temps qu'elle allait passer dans les vapes, un temps qui m'étais précieux et que je ne pouvais pas accorder à la fixer dormir en attendant qu'elle se réveille. Alors je l'emmenai dans ma chambre, la déposa dans mon lit, passa la couverture sur son corps désormais calme. Je passai en revu son physique étrange une dernière fois avant de fermer la porte à clé, et de fourrer cette dernière dans la poche de mon jean.
Je regagnai le salon puis vins à décaler les mallettes du canapé au sol pour poser mon séant dessus. Un soupire long et chaud s'évada de mon corps. Cette journée avait été longue. J'étais épuisé.
Ma main attrapa le paquet de clope sur la table basse, ainsi que mon ordinateur. J'allumai les deux. L'écran illumina mon visage tandis que la fumée créa un nuage au-dessus de l'ordinateur. Les seuls mots que j'écrivis sur mon clavier furent les noms de certaines légendes qui pourraient expliquer l'existence de cette chose qui dormait dans mon lit.
Et la seule réponse qui suivit ma recherche fut la putain de fée Clochette.
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