Chapitre 17

Aïko_nsr

───※ ·❆CHAPITRE 17❆· ※───
A N E Z K A

Le petit corps d'Enok se faufilait entre les jupes et les pieds de tables des convives. Il n'avait pas cessé de me répéter qu'il souhaitait voir l'ouverture des festivités. Lui, qui avant, était trop jeune pour participer à ça, avait aujourd'hui la possibilité de le voir de ses propres yeux.

Chaque année, à cette même période, nous célébrions Astris, une fête nocturne en l'honneur des constellations, et notre harmonie avec la lune. Elle était l'une de nos célébrations la plus importante avec le solstice d'été, ce jour où nous remercions la nature des dons qu'elle nous offrait, ainsi que de la protection de la forêt. Ce jour était spécial, on le considérait comme un tournant important pour nos peuples, qui permettait aux plus jeunes de se lier avec la nature, et au plus âgée, de la remercier.
   
Astris était différent. Les enfants étaient rarement conviés, et se fêtait toujours dans le village dans lequel j'avais grandi. Mais, il avait brulé, alors cette année, Astris se fêtait ici même, invitant tous les Elfiah de chaque peuple à nous rejoindre, et rester éveiller jusqu'au premières lueur du soleil.

Je tentai de rattraper Enok avant qu'il ne commette un dégât. La foule autour de l'estrade devenait de plus en plus dense à mesure que le temps dans le sablier s'écoulait. Le discourt habituelle allait débuter, suivis d'un spectacle offert pas nos danseurs les plus talentueux, ainsi qu'eux pouvant manier toute sorte de source lumineuse possible. J'avais accepté qu'Enok témoigne de cette prestation, et le voilà à gambader au plus proche de la scène. Sauf moi, bien plus grande, j'avais du mal à me frayer un chemin sans devoir m'excuser lorsque je bousculais des épaules.

Je vis mon petit frère se mettre à quatre pattes afin de passer entre la première rangé, mais j'attrapai de ma poigne ses vêtements pour le faire reculer. Une femme venait presque de lui marcher sur la main, et ce fut à temps que je réussis à le remettre sur pied.

— Enok ! Je n'ai pas dit oui pour que tu t'enfuis tout devant ! On va déranger ceux qui attendent depuis longtemps.    

Enok me regarda avec des yeux fatigués, comme s'il voulait me dire qu'il était agacé, et certainement pas d'accord avec moi.    

— Tu monteras sur mes épaules, ça te va ?    
Mais Enok continuait de bouder. Il refusa lorsque je lui demandai de me suivre, et de rejoindre Zemya dans le fond de la salle. Il refusa tout mouvement, et lorsque je tentai de le prendre dans mes bras, Enok s'enfuit de nouveau.    

— ENOK ! Revient ici tout de suite ! quémandai-je en lui poursuivant.    

Malgré son petit gabarit, ce garçon était très rapide, et surtout, il aimait se cacher. Peut-être même que je l'avais dépassé sans y prêter attention. Il y avait beaucoup trop de monde, et de mes yeux, je ne pouvais pas avoir accès au sol, toutes ces grosses robes bouffantes que l'on sortait uniquement pendant l'Astris me coupait tout visuel de ce qui serpentait au sol. Enok était malin, et le retrouver parmi cette foule n'allait pas être une tâche facile.    

— Anezka ?    

Une main s'enroula autour de mon poignet, me forçant à rester sur place. Le corps de Ze'ev était presque compressé contre le miens, car la foule ne cessait de se resserrait à mesure que le temps défilait.    

— Tu n'aurais pas vu mon frère, Enok ? le questionnai-je dans l'espoir qu'il me le pointe du doigts, là maintenant.    

Il secoua sa tête, faisant trembler ses bouclettes. Il portait une veste blanche, boutonnée jusqu'en dessous du menton, et brodé d'un fil vert, créant des motifs divers et soigné. Sur son visage, une fine couche de peinture doré traçait des ondulations au niveau de ses tempes, remontant jusqu'en haut de son front, tel un diadème qui ne comportait aucune pierre.    

La plupart d'entre nous s'était vêtus de leur plus beaux accoutrements. Les femmes ornaient de beaux bijoux sur leurs bras, ainsi que dans leurs coiffes généreuses. Et pour beaucoup, de la peinture décorait les zones visibles de leur corps, qui, souvent, se trouvait être le visage, et la nuque.    

— L'ouverture va bientôt commencer, m'annonça-t-il, un large sourire peignant le bas de son visage rond. Je suis content que tu sois là, Anezka !    

Sa voix s'intensifiait, comme pour être sûr que je puisse l'entendre parmi ce brouhaha. Mes yeux divaguèrent dans cette salle, qui se trouvait à six mètres sous terre. Ici, nous nous trouvions dans un espace protéger du village, dont le plafond n'était fait que des branches des arbres qui se tenaient au-dessus du sol. Des centaines de chandeliers pendaient, faisant bruler des flammes qui ne risquaient pas de s'éteindre, car elles étaient alimentées par une source magique. La salle avait été joliment décoré à l'occasion, pourtant, la seule chose qui me préoccupait était la disparition d'Enok.   

— Tu es jolie ce soir ! cria Ze'ev près de mon oreille, et comme appelé à l'ordre, mes yeux s'implantèrent dans les siens. Enfin... Tu l'es tous les jours, pas que ce soir ! Mais ce soir, je veux dire... Hum... Elle est sympa ta robe.    

Mon regard s'abaissa vert cette simple robe couleur crème que je portais sur moi. Elle n'égalait en rien face à celles de toutes ces femmes, mais ce fut la seule qui était à ma taille. Jyok avait eu la gentillesse de me prêter une des robes de sa femme. Je me souvenais l'avoir vu l'a porté lorsque j'étais encore enfant, le jour où son fils était devenu Gaerilah. Puis, cette femme était décédée d'une maladie incurable, même la magie de ma mère n'avait rien pu faire pour soigner ses maux.    

J'avais attaché mes cheveux dans une natte ébouriffé, car aucun de mes cheveux n'avaient voulu coopérer pour une coiffe un peu plus sophistiquée. Alors j'y avais inséré des anneaux dorés, ainsi que des Jacinthes sauvage, qui perlaient dans mes cheveux comme des gouttes d'eaux qu'on ne pouvait sécher.    

— Merci, dis-je en lui accordant un sourire complice. Tu es mignon également dans cette tenue !     Le mot que j'avais employé pour le décrire semblait le déranger. Je le surpris à froncer les sourcils en bombant du torse, comme pour montrer une certaine virilité qui lui manquait.    

— Lylbiah, et bienvenu à tous ! Je vois que l'ouverture de l'Astris est un grand succès cette année ! s'éleva une lourde voix, faisant taire toutes les autres.    

Un homme se tenait sur l'estrade, les mains posées sur ce garde-corps en bois, le menton baissé vers nous. Sur sa tête reposaient des bois de cerfs. Des poils étaient apparents au niveau de son front, en frome de petits triangles, et son nez était assez plat pour nous faire comprendre que cet homme n'était pas n'importe qui.   

— Je sais que vous vous attendiez à voir Vidaar, là où je me tiens, mais il m'a demandé de le remplacer ce soir pour qu'il puisse profiter lui-même de ce spectacle, déclara-t-il.  Alors ne décevons pas notre Gardien et offrons-lui le plus beau des cadeaux !    

La foule, souvent débordante d'excitation, leva les mains pour saluer en retour.    

— Mais, avant que le sablier ne sonne le début des festivités, laissez-moi me présenter. Je suis Teirus, petit fils d'Ezio, et fils d'Enoha.    

Ma surprise fut grande. Il faisait partie de la famille royale. Teirus était le cousin de Nakarin, seul prétendant de la couronne d'Oxstrea.    

— Vous n'êtes pas sans savoir que mon père est un Elfiah, alors je me sens honoré de me trouver aujourd'hui devant nous, mon cher peuple, la veille même de l'Astris !    

Mes yeux quittèrent un instant l'estrade pour venir analyser les murs. Une tache au milieu de ces statues sculptées dans le bois m'alerta. Non, ce n'était pas une tâche, mais uniquement Enok qui avait grimpé sur les statues pour avoir une meilleure vue d'ensemble. Je fus soulagée de savoir qu'il ne s'était pas perdu, et pus reporter mon attention sur Teirus.    

— Alors, avant que nous fêtions le dernier cycle de la lune et que le soleil ne se couche pour nous offrir la vue des constellions, chantons Medah Salom et veillions à ce que cette journée représente la sagesse de nos cœurs !    

Tous en chœur, nous prononcions les paroles de Medah Salom, une chanson dédiée à la lune et ses cycles. Une pluie de lumière s'échappait du plafond, donnant à cette endroit un charme presque illusoire. On aurait dit qu'une étoile venait d'exploser sous terre, des milliers d'étincelles se déposèrent sur nos visages et cheveux, nous drapant d'or d'argent. Et lorsque la chanson fut terminée, et que le sable dans le sablier cessait de se déverser, des Elfiah se mirent à taper contre des peaux de tambour. Il en fallait six. Six, comme le nombres d'heures où la lune se trouvait seul dans le ciel.    

Un premier coup résonna dans toute la salle, devenu désormais aussi silencieuse que pouvait être un félin en proie de chair fraiche.    

Puis un second, et un troisième. Tous avaient un impact important à l'intérieur de mon corps, mon cœur pulsait plus fort et plus vite. À la fin de ces six coups, nous n'aurions plus qu'une journée avant le début de l'Astris, qui annonçait aussi aux promis de pouvoir se prosterné devant nos astres, et espérer la santé ainsi que la fécondité. Les couples s'unissaient tous le même jour, durant le dernier cycle de la lune, car il était important pour eux que les astres dont la lune, puissent être témoin d'un amour réciproque et leur offrir ensuite, une promesse de pouvoir enfanté. Nous étions, quelque part, tous des enfants d'Astris.   

Lorsque le quatrième coup frappa, cette fois-ci, la foule sursautait en se détournant. Un coup venait aussi de s'abattre contre la grande porte de l'entrée, close. Lors du cinquième coup, un nouveau frappement suivi ceux des tambours, et la porte vibra. La terre s'effritait par endroit, et des fissures apparaissaient sur les murs de terre. Nous nous écartions au mieux de l'entrée, tous apeurés. Certain portait leur main à leur bouche pour éviter des cris de terreur de s'échapper, et d'autre se portèrent à leur cœur, comme pour s'assurer qu'il n'allait pas exploser au prochain coup.    

Prochain coup qui venait de frapper. Le sixième.    

La porte de la grande salle sortit de ses gonds et s'effondra face au sol, nous baignant dans une vague de poussière qui nous fit tousser et cligner des yeux. Une fois que j'eus assez frotter mes paupières qui ne cessaient pas pour autant de me bruler, mon dos se dressa, visualisant cette porte à plat. Ma bouche s'ouvrit légèrement lorsque j'aperçu un corps allongé au-dessus de la grande porte, l'Elfiah semblait peiner à respirer. Nous l'étions tous, sauf que lui, il ne me semblait pas au meilleur de sa forme.    

Au milieu de cette tornade de poussière et de terre sèche, une silhouette apparue lentement. Sa grandeur et ses larges épaules m'étais familier. Il tenait dans sa main une bouteille de Tremiol, une autre variante de la plante Amolikk que l'on utilisait pour soigner, mais aussi pour se droguer. Le Tremiol était un alcool puissant. Ses pas indéterminés et sa tête qui se balançait dans tous les sens me prouvèrent qu'il avait déjà dû consommer une bonne partie de la bouteille. Lentement, la poussière autour de lui se dissipa. Morten poussa vulgairement le corps de l'Elfiah d'un coup de pied, et une fois le chemin devant lui libre, il entra dans la salle en titubant, buvant des gorgées de Tremiol accompagné de mouvant lent.    

Quand son corps entra dans la lumière, la boue sur ses vêtements et son visage nous apparurent. Il en était recouvert de la tête au pied, laissant presque derrière lui une trainée de gadoue qu'il était le seul à causer, car tout autour de lui, les Elfiah étaient recouvert de paillettes dorées, vêtue de robes époustouflantes, peinturé de symboles diverses mais magnifiques. Et ça, Morten s'en rendit compte assez rapidement.    

Il s'arrêta d'avancer, fit un tour sur lui-même, zieutant les fêtards de la tête aux pieds, puis s'égosilla haut et fort :     

— Zut, je crois que je suis pas dans le thème cette année. C'est quoi ? Le festival de Rio ?    
Il faillit trébucher avec ses propres pieds.

— Qu'est-ce qu'on célèbre ce soir ? Parce que j'ai une folle envie de danser ! dit-il en posant une main contre son dos, qui craqua lorsqu'il l'inclina vers l'arrière. Rester assis plus de vingt-quatre heures m'a donné des vers dans le cul, vous permettez ?

Morten venez d'attraper une main parmi la foule, et la tira à lui. Il fit tourner sa cavalière avec fluidité, sans jamais la prendre dans ses bras. Il s'amusait simplement à la faire tourner, tenant sa main au-dessus de sa tête. Les tambours avaient cessé de résonner, leur rythme solennel brisé par l'interruption de cet individu.    

— Lâchez ma femme ! hurla soudainement un homme, qui fit un pas vers eux, l'expression sévère.    Une moue agacée rempli le visage de Morten.    

— Ça va, je ne compte pas la déshabiller ! Enfin sauf si vous me le demandez, lis-je sur ses lèvres quand il s'approcha de l'oreille de la femme.     

Celle-ci le repoussa et retourna auprès de son mari, visiblement choquée par cet échange physique.    

Maintenant seul, le noiraud bu une nouvelle gorgée, sauf qu'une idée lui traversa l'esprit, l'empêchant pleinement d'avaler correcteur le liquide.    

— Oh non, pardon, c'est vrai... reprit-il en toussotant, ayant avalé de travers son alcool. Où sont mes manières, j'en oublie même de vous dire bonsoir.    

Grossièrement, il leva ses bras à l'horizontal, puis décida d'en placer une contre son ventre, prêt à faire une révérence, tandis que l'autre tenait sa bouteille qui se déversa maladroitement par terre.   

— Comment on fait ça déjà, ah oui !    

Il retira sous les yeux inquiets des invités sa main de son ventre, fixa sa bouteille, puis fronça les sourcils, comme s'il se demandait ce que cette chose faisait là. Puis, d'un geste las, il balança la bouteille derrière lui, qui éclata en morceau, faisant reculer tous ceux se tenant trop proche de lui. Des murmures soucieux passèrent de bouche en bouche. Morten, se fichant pas mal des avis du peuple, plaqua ses deux paumes de mains l'une contre l'autre, les frottant vulgairement, tout en lâchant sarcastiquement :

— Lylbiah mes chers amis !     Cette fois, la foule entière se mit à répondre face à son comportement. Il venait de désobliger tout un peuple.    

Ma main était pressée contre ma bouche. Qu'est-ce qui lui prenait ? Était-il devenu fou ?     

— Qu'on le ramène dans sa cage ! venait de dire quelqu'un parmi la foule, éveillant des approbations par-ci, par-là.    

— Quoi ?! Je fais l'effort de parler votre langue, connard ! cracha Morten. Enfin, vrenkal.    

Il réussit une nouvelle fois à créer une vague de stupeur tout autour de lui.     

— Toutes mes excuses, reprit-il, un air de faux regret peignant son visage. On ne m'a pas appris que des bons mots. La faute à qui hein... Où tu te caches Clochettes !    

Sa voix s'était soudainement pulvérisée à travers la salle, si bien qu'elle réussit à me faire trembler. Lorsque Morten entra dans cette foule, droit sur moi, mon premier instinct fut de reculer, puis de me cacher derrière quelqu'un de grand, voir même de m'accroupir.    

Il ne devait absolument pas me trouver, je ne voulais pas être complice de la tournure catastrophique que venait de prendre l'ouverture de l'Astris.    

— Putain mais laissez-moi passer ! rouspéta Morten.    

Je poursuivis ma recherche d'échappatoire, sauf que les corps face à moi n'était rien d'autre qu'un mur. Nous étions si entassés qu'il était impossible de se frayer un chemin.    

Finalement, je m'avouai vaincu. Morten me trouva bien trop rapidement, une colère rageuse monta en moi lorsque les Elfiah laissèrent finalement de l'espace.    

— La voilà ! Clochettes ! rugit-il. En chair et en os ! Elle est ma professeure de langue Elfique personnel, j'en ai de la chance !    

Une ronde se forma autour de nous. Une sueur froide perlait contre mes tempes.   

— Morten, arrête ça tout de suite, ébruitai-je faiblement, m'éloignant le plus possible de lui.     

— M'arrêter ?    

Il ria. Ses sourcils s'arquèrent.    

— Clochettes, voyons... Je n'ai même pas encore commencé.    

Un nœud se forma au creux de mon estomac lorsque ses yeux se remplirent dangereusement de noir, et que le jaune qui encerclait ses pupilles devint lui aussi charbonneux. Des taches noires apparaissaient au niveau de son cou, comme si le sang qui circulait dans ses veines n'était plus rouge, mais aussi sombre qu'une ombre.    

J'avais déjà vu ce regard et ces tâches. Le don de Morten se réveillait, et il n'était pas encore prêt à le contrôler. Alors, aussi soigneusement que possible, je limitai la distance entre nous.    

— Si tu continus, ils t'enverront dans les Limbes immédiatement.    

— Qu'il m'envoient, je suis déjà un Déserteur de toute manière.     

Mes lèvres se pincèrent. Qui lui avait parlé des Déserteurs ? Mon cœur se serra à la pensée qu'il puisse se sentir comme un des leurs. Non, Morten n'était pas un Déserteur, il n'avait aucune idée de ce qu'étaient ces monstres.   

Deux hommes arrivèrent derrière lui, ils passèrent leurs mains autour de ses bras et l'un d'entre eux lui souffla : Hadem.   

Ne bouge plus.     

Morten avaient les pieds cimenté au sol, il était désormais dans l'impossibilité total de s'échapper, ou de riposter, et ce manque de contrôle de son corps le mis dans une rage folle. Etant donné qu'il ne pouvait à peine tourner sa tête, le cou de Morten ainsi que son visage prirent une couleur rougeâtre, ses veines sombres prêtent à exploser.    

— Qui es-tu pour te croire permis d'une telle bravoure ?   

Teirus apparu au milieu de ce vacarme, sa robe trainait derrière lui telle une branche d'arbre dont les feuilles étaient trop lourdes pour qu'elle se maintienne bien droite. Sa trainer était par ailleurs faite de motif de feuille de chêne, marron et orangé, tel qu'était la couleur de ses cheveux longs et de ses yeux. Les bois qui pendaient de son crâne cherchaient tous à s'entremêler et trouver la meilleure issue vers le haut. Une unique barbe décorait son menton. Ses poiles de la couleur du cuivre brillait sous chaque rayon lumineux, nous indiquant qu'il était bel et bien le fils d'Enoha Ox, unique sœur d'Azarus, notre Roi qui a péri en guerre contre les Déserteurs.    

Morten était le seul à ne pas regarder Teirus de la même manière que nous le faisions. Il était rare d'avoir des Ox parmi nous. Il était rare d'en voir un, tout simplement. Teirus habitait dans le Cœur d'Oxstrea, il s'entraînait auprès de Nakarin Ox et partageait ses mêmes ambitions. Teirus avait dans ses projets de devenir le prochain Gardien de nos forêts, et, comme le Roi, Oxstrea choisissait nos Gardiens parmi nos volontaires. Et Teirus était un très bon candidat.   

— Qui es-tu toi pour cracher sur ma bravoure ? exprima Morten avec lenteur et indifférence.    

— Teirus Ox, neveu de la Reine. Dois-je te prouver mon sang royal d'une autre manière, peut-être plus... sanglante ?     Le visage de Morten se métamorphosa. Lui qui n'avait jamais pris mes paroles concernant la famille royale au sérieux se voyait actuellement intéressé par l'annonce de Teirus.    

— Un Ox... souffla le noiraud, un léger sourire amer au coin des lèvres. Alors ils sont bien réels, ce n'est pas une légende. Combien êtes-vous en tout ? Je serais curieux de connaître l'étendu de cette misérable famille.    

Morten avait craché ces derniers mots, et l'instant d'après, Teirus se retrouvait devant lui, une dague sous son menton. Les bois de Teirus frôlaient le visage de Morten, caressant même certain de ses cheveux. L'individu n'avait pas cillé, même si son corps était pétrifié à cause de la magie, aucune once de peur ne passa dans ses yeux. Cette indifférente suffi à agacer Teirus, qui, d'un geste sec et soigné, trancha le bras de Morten. Une entaille perçait sa peau, aussi grande que l'était ma main, et saignait abondement, tachant sa chemin sal d'un rouge sombre, presque marron.    

— Respect ma famille, et peut-être que je te respecterai aussi, toi qui pensais pouvoir battre un peuple entier seul... Pathétique.     
Morten avait la mâchoire serrée, il n'était cette fois-ci pas indifférent face à la douleur. Teirus avait eu le résultat qu'il cherchait.    

— Seul ? répéta Morten, entre ses dents.    

De la sueur perlait de son front, ainsi que sa lèvre inférieure se battait contre des tremblements violents, poussé par la douleur, ou bien de la colère.

— Oh non, détrompe-toi primo, j'ai été assez fou pour inviter une Okto.   

Mon visage se leva en même temps que celui de Teirus, et comme tous ceux présent dans cette salle. Une femme se tenait debout sur une estrade, une main accrochée contre une corde relié à un rideau. Lorsqu'elle tira dessus afin de s'élancer dans les airs, le rideau rouge s'ouvrit en deux en y laissant apercevoir une haute scène et ses artistes qui n'attendaient qu'à faire battre le cœur des convives. Sauf qu'aucun d'eux n'avaient dû entendre la folie qui régnait dans ce public, alors les musiciens et les danseurs commencèrent à jouer et danser, sans se préoccuper du reste.    

Tandis que sur scène, un spectacle se jouait, la femme venait d'atterrir les pieds au sol et n'hésita pas à se battre avec les premiers Gaerilah qui tentèrent de l'arrêter. Les coups étaient lancés, atterrissant sur des mâchoires et des côtes. Elle se battait à la perfection, comme tout Okto, elle avait été entraînée dès son plus jeune âge à faire partie d'une horde.    

Teirus s'était éloigné de Morten, et son arme, salit par le sang assombrit du noiraud, était désormais dirigée vers cette Okto. La foule autour était devenue un vrai sanctuaire de cris et de frayeur. La musique tragique et dynamique n'arrivait pas totalement à surplomber la salle, mais assez pour que les musiciens ne se rendent compte de rien.    

Ma première pensée alla vers mon frère Enok. Il était toujours perché sur cette statue de bois, s'y agrippant au gré de sa vie. Ses oreilles plissées vers le sol et ses yeux larmoyants me firent bondir de ma place. Je devais mettre Enok à l'abris de cette mutinerie.    

Des corps me busculèrent, certains tombaient à mes pieds, mais seule la peur les animait, aucun ne portait sur eux une entaille équivalente à celle de Morten.    

Et alors que je me tenais à quelques mètres d'Enok, un coup de tonnerre s'abattit à l'intérieur même de la salle, faisant trembler les murs, et décrochant de la terre du plafond :    

— CESSEZ CE VACARME !    

Ce n'était pas l'orage qui s'était introduit sous le sol, là où nous nous trouvions tous, mais une voix qui avait sa même ampleur, car plus personne ne bougeait, plus personne ne parlait, et plus personne n'osait respirer.    

Sur la scène, les violons lâchèrent leurs dernières notes de musique, à en hérisser les poils des plus indulgents, et les danseurs perdirent leurs sourires et leurs pas de danse.    

Sur l'estrade même se tenait un être bien plus petit que n'importe qui ici, et peut-être bien de la même taille qu'Enok. Ses oreilles très longues et son crâne dégarni me firent comprendre qu'il s'agissait de Po, le médecin du village.    

— Ne vous ai-je donc rien enseigné au sein de mon village ? De mes forêts ? N'avez-vous donc point appris que le sang n'est pas un prix ? dit-il en regardant cette fois Teirus, et son arme dégoulinante de sang. Ne vous donnerais-je pas assez ? Souhaitez-vous que comme les Okto, allions bruler des peuples Tuzak ?    

La salle resta plongée dans un lourd silence.    

— Rien ne sert de décider pour les Limbes, dit-il finalement, en descendant lentement de l'estrade, marche par marche.    

Les Limbes... Non...

On ne pouvait pas l'envoyer dans les Limbes, Hoak finira par le retrouver, et aura ce qu'il a toujours souhaité : le pouvoir.   

Je m'apprêtai à hurler pour me faire entendre, et leur empêcher de faire une grave erreur, mais l'aspect de Po qui changea me cloua le bec. D'un seul coup, il gagna en grandeur, dépassant n'importe qui dans cette salle. Ses bras s'allongeaient, ainsi que ses jambes, ses vêtements se déchiraient un à un tandis que des branches d'arbres poussaient de partout comme pour lui former une seconde peau. Bientôt, son corps entier ne serait recouvert que de cette matière. Ses yeux s'enfoncèrent plus profondément dans son crâne et ses yeux prirent une lueur jaune qui étincelait, de la même sorte que nos lucioles le faisaient. Ses racines serpentaient sur son crâne garni de feuille et de petites fleurs en tout genre, laissant tout de même apercevoir la pointe de ses longues oreilles.   

Vidaar. Le Gardien des forêts.    

Nous nous mîmes tous à poser une main sur l'autre, comme une feuille tombant délicatement sur un sol, sans jamais y faire aucun frottement. Notre geste collectif eu l'effet d'un nouveau souffle pour moi, je m'autorisais enfin à respirer.   

— Je pensais que ce jeune garçon avait sa place ici, reprit Vidaar en continuant de descendre les marches. J'ai même eu de la peine pour lui ! Une si jeune créature avec un si grand pouvoir... Mais parfois, l'âme de la personne déteint sur son pouvoir, et le rend sale. Et lorsqu'un pouvoir et dirigé par une mauvaise âme, un seul endroit lui est destiné. Les Limbes.   

— Non ! Attendez ! hurlai-je du fond de la salle.    

Je n'avais pas su me taire. L'urgence de la situation m'avait poussé à abandonner Enok pour rejoindre le centre de la salle. En m'approchant, les invités s'écartèrent en me lançant des regards curieux et parfois bêcheur.   

Vidaar se tenait en bas des marches, il n'avait pas rejoint ce petit groupe de personne qui contenait Teirus, deux autres Gaerilah, ainsi que Morten. Moi, je me tenais désormais entre eux, ne sachant pas exactement si m'approcher de Vidaar était une bonne idée, ni même de ce groupe qui tenait Morten en otage.

— J'ai... J'ai un marché à vous proposer.

Ma voix s'était élevée une nouvelle fois, faisant trembler mes propres lèvres. Je n'étais plus maître de mon corps. Tout ce qui me poussait à agir était de savoir mon père enfermé sans réel raison au sein du Cœur d'Oxstrea. Et si je ne le sortais pas de là, Hoak le retrouvera.   

— Faites de moi une Gaerilah, laissez-moi entrer dans le Cœur d'Oxstrea et parler directement avec la Reine au sujet d'Hoak et de ses intentions. Morten n'y ai pour rien dans cette histoire, Hoak ne souhaite qu'extraire ses pouvoirs et faire un coup d'état. On doit prévenir la Reine, et le renvoyer ensuite chez lui, conclus-je en regardant Morten.    

Je le sentis se battre intérieurement contre cette force qui le maintenait sur place, glaçant ses muscles et ses os. Teirus, lui, me fixai avec dédain, certainement pas intéressé par ma proposition. Et derrière eux se trouvait Ze'ev, ses yeux étaient grands ouverts. Ze'ev n'avait jamais apprécié l'idée de me voir un jour parmi les guerriers Elfiah, et son visage transpirant me confirma qu'il n'avait toujours pas changé d'avis.    

— Nous ne devons pas l'éloigner de notre protection, repris-je, cette fois tournée vers le Gardien des forêts. L'envoyez dans les Limbes serait une grosse erreur. Hoak serait prêt à tout pour le retrouver, il serait capable d'y envoyer son peuple entier pour le repêcher.   

— Pourquoi ne pas le renvoyer maintenant dans l'autre monde, s'éleva une voix dans mon dos, qui appartenait à nul autre qu'au cousin du prince héritier. Hoak ne pourra pas l'atteindre là-bas. Et nous mettrons la fille sous haute sécurité jusqu'à ce que la Reine décide de la sentence du peuple de la mer.    

Le visage de Vidaar ne laissait rien apercevoir. J'ignorai ce qu'il pensait de tout cela, j'ignorai même s'il m'avait réellement écouté, car il longea le mur en inspectant son peuple, et lorsqu'il se remit à parler, il mit en même temps fin à mes interrogations.    

— Non, ce n'est pas cette fille et son don qui nous pose problème. Pourquoi Hoak irait se mettre en danger en se confrontant aux Elfiah, s'il peut atteindre son père, doté du même pouvoir.     Mes lèvres se celèrent. Il savait. Il savait qu'il n'était pas mort.    

— Mais, Darios Rivee est mort, s'indigna une personne.   

— Non, Darios est encore vivant, et elle sait où il se trouve, répondit Vidaar.   

— Darios est un traître ! Il a laissé mourir mon peuple !    

— Mon fils est mort par sa faute, il s'est fait exécuter par un Okto juste devant mes yeux car Darios à refuser de créer ce portail !    

Mon ventre se noua. Je savais que mon père n'était pas vu comme un héros, et qu'il avait laissé mourir mon peuple, dont ma mère, pour ne pas laisser entrer Morten dans notre monde. Je ressentais tout comme eux une certaine rage face au choix de mon père, mais j'étais aussi convaincu qu'il avait une raison de ne pas agir. Mon père savait certaines choses au sujet de Morten, tout comme Hoak en savait autant, et cela avait entraîné la mort d'une vingtaine d'Elfiah.    

— Darios devait bien avoir ses propres raisons de refuser, parla Vidaar, comme si ses pensées étaient orientées dans le même angles que les miens, des raisons que l'on doit ignorer.    

Lui aussi lança un regard à Morten, qui avait gardé ses yeux courageux ancrés dans ceux du Gardien.    

— Hoak est notre seul et unique ennemi, c'est pourquoi j'invite cette courageuse Elfiah à suivre la voie de ses croyances, et à se battre ici-même pour obtenir le titre de Gaerilah !   

Mon cœur tomba à mes pieds. Vidaar venait d'accepter. J'allais passer le test, comme je l'avais toujours rêvé.     

La seconde d'après, les mains de Vidaar s'allongèrent pour atteindre le sol avec violence, en réponse face à ce choc, d'autre branches et tronc d'arbres naissaient du sol, surprenant les convives en les obligeant à se coller contre les murs. Les racines s'entremêlèrent entre eux, joignant une taille approximative à celle du Gardien. Les racines firent le tour de la salle, emprisonnant une belle partie d'entre nous. Vidaar ordonna à tout le monde de quitter ce cercle, ce qu'ils firent en passant entre les branches, puis quémanda :   

— Que le combattant entre dans l'arène !    

J'étais seule dans cette arène faites de branche jusqu'à ce que Teirus y entre.    

— Non, pas toi Teirus, l'arrêta Vidaar. Les membres de la famille royal ne peuvent pas participer à ce genre de combat. Endrik, appela-t-il.   

Les branches d'arbres étaient assez espacées pour me laisser voir chaque visage, y compris celui de Jyok qui devint livide.    

— S'il vous plait, pas mon fils, s'écria le vieux monsieur en se frayant un chemin vers le Gardien, qui impassible face à la situation, regagna l'estrade pour avoir une meilleure visibilité.    

— Auriez-vous peur pour lui ? se moqua Teirus.    Jyok avait le souffle lourd.   

— Non, c'est plutôt pour elle que j'ai peur.    
Un sourire amusé se dessina sur le visage de Teirus.    

— Les enfants doivent payer pour les crimes de leurs parents, laissez votre fils s'en charger.    

À ses mots, mon corps se raidit. Devant moi, Teirus, bien que rejeté par Vidaar pour le combat, observait la scène avec un sourire suffisant, son regard dédaigneux me fixant comme une proie facile. Il n'avait pas apprécié que j'interrompe son grand moment, et encore moins que j'ose lui faire de l'ombre, car à sa place, ce fut Endrik qui se faufila dans l'arène. Son apparence contrastait avec celle de son père.

Endrik était jeune, robuste, son corps marqué par les épreuves et les entraînements intenses des Gaerilah. Son regard était sombre, empreint d'une détermination froide, une froideur qui ne se laissait pas facilement troubler par l'émotion. Il était grand, ses épaules larges, et son allure trahissait une certaine aisance, presque une fierté non dissimulée. Il savait que je ne faisais pas le poids face à lui, moi qui n'avais jamais vraiment reçu d'entraînement.

— Endrik, je t'en prie... murmura Jyok, sa voix se brisant, mais son fils ne montra aucun signe d'hésitation.

Endrik plongea son regard dans le mien, et je sus à cet instant que j'allais devoir me battre de toutes mes forces. L'arène s'était refermée sur nous deux, les branches formant une barrière impénétrable, empêchant toute fuite. Le silence était total, chaque souffle, chaque mouvement devenait perceptible. La tension atteignait son apogée.

Vidaar, dominant la scène depuis l'estrade, leva sa main en signe de commencement.

— Que le combat commence, dit-il d'une voix résonnante.

Endrik ne perdit pas de temps. Sa main s'écrasa contre le sol, invoquant son pouvoir, qui fit apparaitre une épée sculptée dans de l'acier. Endrik avait le don de pouvoir donner à la nature tout ce qu'il souhaitait, et de pouvoir ensuite les invoquer quand il le voulait. Cette épée était son arme fétiche, il avait combattu avec elle depuis des années. Elle avait tranché de nombreuses têtes, la mienne allait probablement être la prochaine, sauf si je déclarais forfait. Le combat se terminait lorsqu'un des deux combattant abandonnait le combat, ou qu'un des deux meurt, s'il n'avait pas le courage d'abandonner.

Je n'en avais pas le courage, c'est bien pour ça que Jyok avait peur pour moi, car il savait que jamais je ne déclarerai forfait. Il savait que je souhaitais plus que tout être une Gaerilah, et que je préférais mourir pendant le test ultime plutôt que de vivre avec le fardeau d'avoir abandonné, et qui plus est, face à Endrik. J'allais venger ma sœur, qui n'avait jamais su le battre.

Il s'élança vers moi avec la vitesse et la précision d'un prédateur, son poing brandissant son épée vers mon visage. Il poussa un cri féroce lorsque j'esquivai de justesse sa première attaque, écrasant son épée contre le mur en bois de la cage. Je piétinai en arrière, les mains moites et les jambes tremblantes. Endrik arracha son arme du tronc et accouru de nouveau vers moi, cette fois, je ne fus pas assez rapide, et son épée trancha mon flanc. Je tombai au sol en me prenant les pieds dans ma robe, qui prit une teinte rouge dû à la coupure. Ma blessure n'était pas grave, ce n'était qu'une égratignure, mais je saignais tout de même, et ça, le public l'avait remarqué.

— Anezka ! m'appela une voix, c'était Ze'ev, accroupi, les mains enroulant les branches d'arbres de l'arène. S'il te plait ne fais pas l'idiote et abandonne ! Tu n'as aucune chance face à Endrik ! Il est meilleur que toi, meilleur que qui compte !

Ses yeux bleus me supplièrent d'avoir un peu de bon sens et de l'écouter. Au lieu de ça, une rage brula le bout de mes doigts, qui atteignirent le corset de la robe de couleur clair, jusqu'à arracher la première couche qui écrasait mes côtes et ma poitrine, j'attrapai ma dague et coupa la jupe qui retombait désormais contre mes cuisses. Je donnerais toutes mes pièces à Jyok pour rembourser la robe de sa femme. Elle était magnifique, mais pas utile pour un tel combat.

Je balançai les tissus arrachés plus loin derrière moi. Mes yeux rencontrèrent ceux de Ze'ev, qui ne savait plus quoi ajouter face à ma conviction, car il comprit que cela ne lui servirait plus à rien de parler. J'avais pris ma décision depuis bien longtemps. Endrik était peut-être fort, mais il fallait simplement que l'un d'entre nous déclare forfait, je n'avais pas à le tuer, juste à le pousser à se retirer du combat.    

Endrik ria face à ma détermination, et fut une fois de plus le premier à s'avancer. Son épée battait l'air à chaque fois que j'esquivais ces attaques. Je ne voyais en revanche aucune opportunité de m'approcher et le blesser. Endrik savait se tenir à l'écart pour protéger son corps. Son épée lui servait aussi de bouclier, il fallait alors que je me concentre dessus, et non sur lui.    

Alors c'est ce que je fis.    

Dès qu'il approchait son arme de moi, je le forçais à avancer, encore plus encore, en espérant qu'il finisse rapidement par en avoir marre de courir et se tenir à l'écart de moi. Arrivera un moment où il abandonnera sa technique, et ce moment-là sera ma plus belle opportunité.    Nous fîmes au moins trois fois le tour de l'arène, lui qui ne cessait de marcher sur mes pieds en brandissant son épée et la tirer à moi, et moi, qui le fuyait. J'étais très forte pour lui échapper, de ce fait, il ne réussit pas à me blesser davantage. Et, enfin, Endrik s'agaça. Il devenait de plus en plus impatient, souhaitant voir ce combat prendre fin, le guerrier brisa l'espace entre nous et l'instant même où il se trouva assez proche, mon bras frappa son poignet, d'une telle violence qu'il lâcha son épée. L'arme au sol, je la pris en main et la balança le plus loin possible.    

Le voilà désarmé.    

Le regard enragé d'Endrik me glaça le sang. Moi qui jusque-là avait été à l'abris de ses coups violent, étais désormais à sa merci. Il n'avait plus que ses poings, et cette nouvelle ne me plaisait finalement moins que je ne l'avais espéré.     

Le guerrier retira sa veste de bal d'un geste rapide, il fit craquer ses doigts et sa nuque, avant de se jeter une énième fois sur moi. J'en avais fini de fuir, maintenant, j'allais me battre aussi. Endrik me flanqua un premier coup de poings dans la mâchoire, assez fort pour me faire reculer et voir des un voile flou un instant. Un goût de sang se répondit contre ma langue, que je crachai en essuyant du dos de ma main ma bouche.     

— Oups ! Désolé, j'y suis allé trop fort pour toi ma jolie, se moqua-t-il en secouant sa main qui semblait être engourdi après la collision contre mon os.   

— On en reparlera quand tu m'auras vraiment cassé la mâchoire, répondis-je en serrant fermement le manche de ma dague.    

Cette fois-ci, ce fut moi qui me jetai sur lui. Je m'élançai muni de toute la rage que j'avais pu accumuler. Ma dague était fermement serrée dans ma main, et je visais son visage, espérant que ce coup serait décisif. Mais Endrik, ce maudit guerrier, esquiva mon attaque avec une facilité déconcertante. Avant même que je ne puisse comprendre ce qu'il se passait, son poing s'abattit sur moi, encore, avec une force brutale. Malgré mes tentatives d'atteindre son visage, il était constamment le premier à m'atteindre, et me blesser. Jusqu'au moment où sa puissance me projeta en arrière, percutant durement le mur de l'arène. Mon dos heurta les branches tordues, et je sentis l'air me manquer un instant.

La douleur pulsait dans tout mon corps, mais ce n'était rien comparé à la sensation d'impuissance qui commençait à s'infiltrer en moi.

Comment pouvais-je le vaincre ? Endrik était trop fort, trop rapide, et j'étais épuisée. Non. Je ne pouvais pas abandonner maintenant. Je ne pouvais pas échouer. Pas après être arrivée aussi loin. Pas avant d'avoir vengé ma famille.

Je luttais contre la douleur pour me relever, mes forces commençaient à m'abandonner. Juste au moment où je pensais que tout était perdu, je sentis une main ferme agripper ma manche. Mon visage se détourna et mes yeux percutèrent ceux de Morten, surprise de voir qu'il n'était plus sous l'influence de la magie, je m'apprêtai à lui demander comment il s'en était libéré mais il parla avant moi :

— Arrête de viser son visage, murmura-t-il, sa voix douce mais autoritaire. Il est beaucoup trop grand pour toi, Clochette. Mets-le à genoux devant toi, je sais que tu en es capable.

Je restai un instant dubitatif par ses paroles. Morten croyait en moi ?

Ses mots prirent finalement racine en moi, créant une nouvelle détermination. Morten avait raison. Je ne pouvais pas simplement affronter Endrik de front, pas avec sa taille et sa force. Je devais être plus maligne.

Je respirai profondément et me remis sur mes pieds, malgré la douleur lancinante qui parcourait tout mon corps. J'observai Endrik attentivement, analysant chacun de ses mouvements, cherchant le moindre signe de faiblesse, mais il était encore en pleine forme, aucun signe de fatigue n'était visible.

Endrik chargea, son poing levé, prêt à m'asséner un nouveau coup. Souhaitant le surprendre, je laissai son attaque se faire, esquivant à peine son bras. Dans cet axe, le poids du guerrier était basculé vers l'avant, concentré dans son poing uniquement. Alors, j'abattis ma jambe avec toute la force que je pouvais rassembler, et visa son genou. Le choc résonna dans mes os, je sentis un soulagement intense lorsque je vis Endrik vaciller, son équilibre brisé. Il s'effondra lourdement sur ses genoux, le souffle court.

Il tenta de se redresser, mais je ne lui en laissai pas l'occasion. Ma paume de main frappa sa tempe. Profitant de son désarroi, je me précipitai pour lever ma dague, que je plaçai contre sa gorge. Mon bras tremblait sous l'effort et l'émotion, mais je maîtrisai mon geste. La lame traça une fine ligne sanglante sur sa peau, une égratignure juste assez profonde pour qu'il comprenne : j'avais gagné. Je n'avais pas besoin de plus. Le message était clair, net, et indiscutable.

Endrik me fixa, ses yeux noirs, verts, remplis d'une colère impuissante. Il ne bougea pas. Je me redressai lentement, ma respiration haletante, le cœur battant à tout rompre, alors que le silence tombait sur l'arène. Les branches et les racines qui nous entouraient commencèrent à disparaître, se rétractant dans le sol. Je restai debout, droite, malgré la douleur, malgré la fatigue, malgré tout. Vidaar descendit lentement de son estrade, son regard perçant posé sur moi.

Il s'arrêta devant moi, ses yeux lumineux, puis leva une main en signe de salut.

— Anezka, pour ton courage, ta détermination et ta maîtrise du combat, je te déclare officiellement Gaerilah !   

Les mots résonnèrent dans l'air, et un murmure d'approbation s'éleva parmi la foule, tel un rugissement triomphal. Je sentis mes jambes vaciller sous le poids de l'émotion, mais je refusai de flancher. J'étais une Gaerilah. J'avais gagné.

Thenaë, je l'ai fait. Tu m'entends ? Je vais te venger.

Mon cœur battait encore fort dans ma poitrine, mais cette fois, c'était la fierté et la joie qui en étaient la cause.

Vidaar pris ensuite mon bras entre ses doigts en bois, et commença à tracer un dessin qui ne  laissait aucune trace derrière son passage. Mais, lorsqu'il l'approcha de sa bouche et souffla dessus, une couche de poussière quitta soudainement mon bras, révélant le dessin exact qu'il avait tracé sur ma peau. La marque officielle des Gaerilah. Celle que Thenaë avait toujours rêvé d'avoir.

C'était un dessin complexe, entrelaçant des formes géométriques comme des rectangles et des traits parallèles. Ce symbole représentait tout simplement la vue qu'un oiseau pourrait avoir de nos forêts. Ce symbole représentait une carte du monde Elfiah, comme pour ne jamais oublier qui nous devions protéger. Ce n'était pas seulement les Elfiah, mais aussi la nature, et tout ce qui s'y trouvait.Et désormais, rien ne pourrait plus m'arrêter de protéger les miens.

Après un bref discours, Vidaar laissa sa place à Teirus, qui annonça haut et fort :

— Que les fêtes d'Astris commencent !

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top