Chapitre 13
Aïko_nsr
───※ ·❆CHAPITRE 13❆· ※───
A N E Z K A
Face à nous, la forêt s'étendait à perte de vue. Les hautes herbes et ces larges troncs d'arbres m'informèrent que l'on avait parcouru le plus difficile. Nous marchions depuis la tombée de la nuit, et désormais, le soleil ne tarderait pas à nous faire l'offrande de son plus beau spectacle de lumière. Lorsque les rayons flottaient comme des graines de pissenlit dans l'air, et qu'ils effleuraient la surface des feuilles, les rendant presque translucides, les oiseaux et autres créatures à plus de six pattes, sortaient de leurs nids et habillaient la forêt de leurs corps poilus.
J'avais l'habitude de voir la forêt s'éveiller lorsque je suivais Thenaë se rendre à ses entraînements. Parfois j'étais distraite par la beauté de la nature, bien plus souvent que je n'aimerais l'admettre.
Les pétales violettes de ces tiges qui atteignaient une hauteur vertigineuse s'inclinaient presque vers nous sous le poids de l'eau qui était bloqué à l'intérieur. Avec un peu de chance, elles n'allaient pas se vider au-dessus de nos têtes.
La main d'Enok tenait la mienne, son petit visage rondelet ne cessait de se détourner vers l'arrière, jetant des coups d'œil vers l'être qui était devenu aussi silencieux qu'un Gaerilah perché en haut d'une branche. Il était intrigué par Morten, il le zieutait sans se rendre compte qu'il attirait la foudre de l'homme aux yeux noirs et jaunes. Enok n'avait jamais vu d'autre être que les Elfiah, puis récemment, les Okto faisaient aussi partit du panier. Morten n'avaient pas nos oreilles, ni la douceur de nos pas. Il était lourd quand il marchait, et son regard ignorait où se poser. Il donnait un coup de main aux herbes qui lui barrait la route, et pestait silencieusement lorsqu'une petite fourmi lui tombait sur le visage.
Il avait cette chose qui lui pendait aux lèvres et qu'il ne lâchait en aucun cas. J'ignorai ce que c'était.
Devant nous, Zemya piétinait rapidement. Elle aussi ne m'avait pas adressé un seul mot depuis qu'on avait quitté la barque. Ce n'était pas le moment pour moi de tenter une approche, Zemya devait être encore en colère contre le monde entier. Elle ne pardonnera jamais Okto pour ses crimes. Elle ne pardonnera jamais mon père pour avoir assassiné sa mère et sa sœur, et ne me pardonnera jamais de l'avoir laissé aux mains d'Hoak.
Zemya a toujours eu un comportement assez distingué des autres. Elle n'aimait pas particulièrement venir cueillir des champignons avec nous, ou voir le soleil se lever, ni même entendre les histoires des dragons qui veillaient sur nous. Elle, ce qu'elle aimait par-dessus tout, c'était être seule. Plus elle grandissait, moins je la voyais sourire, et s'émerveiller comme tout adolescent Elfiah de son âge devrait l'être.
Je savais aussi que les derniers évènements ne l'aideront pas à aller mieux. Dans ma tête, tout commençait à se mélanger.
Avais-je eu tort de revenir sauver ce garçon ?
Je m'en serais voulu si je ne l'avais pas fait. Et savoir qu'Hoak souhaitait contenir ses pouvoirs m'avait définitivement convaincu de faire demi-tour. Il avait vendu mon père à la garde royale, alors Hoak n'aura pas ce qu'il souhaite. Je devais à tout prix cacher Morten de ce malfrat et sortir mon père de ce pétrin. Pour ça, j'avais un plan. Il me suffisait juste de faire mes preuves devant Vidaar.
Une boule se forma au fond de mes entrailles en imaginant la grande carrure de notre Gardien s'élever devant moi, et me fixer uniquement. Enok senti que quelque chose n'allait pas, immédiatement, des jacinthes sauvages poussèrent à mes pieds.
Il savait qu'elles étaient mes préférées de toutes.
M'agenouillant à leur hauteur, mes doigts vinrent toucher les pétales mauves et épaisses qui se courbèrent vers le sol. J'aimais les cueillir et les faire sécher afin de les emmêler ensemble dans une couronne de fleurs. Elles avaient une forme si particulière, et une odeur si forte que dans mon village, on me sentait arriver avant même de me voir.
Enok avait les oreilles qui trémoussaient lorsqu'un Melkree roda près de nous, mon frère avança discrètement vers lui et se mit à le caresser, avant de lui suivre un peu plus loin.
Doucement, je tirai sur la fleur en fermant mes paupières. Lorsque je détournai mon visage, je vis le noiraud pas loin de moi, il se trouvait là, adossé contre un arbre, les bras croisés et le visage fermé.
— Approche, lui dis-je sans le lâcher du regard.
Il zieuta un instant la jacinthe que je tenais entre mes doigts.
— Y'a aussi des plantes de là où je viens, j'ai pas besoin d'un cours de botanique.
Je restai impassible face à son refus, et lui demanda une seconde fois, de manière plus douce :
— S'il te plait, approche.
Quelque chose en lui le poussa à prendre une grande respiration, il fuyait mon regard tandis que son dos quitta l'arbre. Après quelque pas, son corps passa à mon niveau, dans cette position, il ne me paraissait pas trop à l'aise, alors il posa ses genoux au sol et soupira.
— Tu sais ce que c'est, lui demandai-je en offrant la fleur à sa vue, belle et vive de couleur.
— Une plante.
— C'est une Hyacinthoides non-scripta, une jacinthe sauvage. C'est l'une des fleurs les plus répandu, l'ai-je informé en approchant ma main de la sienne. Souvent, on ne prend pas soin de ce qu'il y a de prépondérant. Lorsque l'on marche sur une de ces fleurs, on se dit que ce n'est pas du gâchis, car la forêt en est remplie.
Morten se laissa faire lorsqu'une de mes mains se posa sur la sienne, et l'ouvris. Je penchai la mienne et laissa la jacinthe glisser dans sa paume.
— Je pense que l'on devrait apporter plus d'attention à ce qui nous entourent constamment, ce qui colore notre quotidien, car si cette lueur nous quitte, que nous restera-t-il ?
Je baissai les yeux sur la fleur mauve, puis vint à les lever, croisant le regard attentif de Morten, je sentis les prochains mots se perdre au fond de ma pensée. Le cercle fin et jaune qui entourait sa pupille noire brillait d'une intensité presque éthérée. Ses cheveux épais et longs étaient tirés derrière ses oreilles, et pour les quelques mèches plus courtes, elles lui collaient aux temps, mélangées avec sa sueur que la chaleur d'ici procurait. Son nez bossu, et ses mâchoire visibles rendaient son physique atypique, facilement irascible.
Je n'avais pas remarqué que ma main s'était abaissée. Le doux impact de mes doigts sur les siens me ramenait à la réalité, cessant instantanément mon observation, je me raclai la gorge et baissa le regard.
— Cette fois, je t'emmène à la rencontre d'un peuple bien différent des Okto, repris-je. Chez nous, le respect et la sagesse prône. Tu dois apprendre certaines de nos coutumes, ou on ne daignera pas te regarder, ni même t'accepter auprès de nous.
Il resta silencieux. Son visage, pour une fois, ne démontrait aucun signe d'amusement, ou de fatigue mentale. Il était concentré sur ma voix, et sur la fleur qu'il tenait.
— Je veux que tu poses ton autre main sur celle-ci, et que tu fasses des mouvements circulaires, ai-je expliqué en lui montrant le mouvement à faire. Mais fais attention à ne pas écraser la fleur, elle ne doit jamais se froisser, en aucun cas.
Morten fronça légèrement les sourcils, ses yeux cherchant une trace de moquerie ou de piège dans mon regard. Hésitant, il finit par obéir. Il posa délicatement sa main libre sur l'autre et commença à faire des mouvements circulaires. Je pouvais apercevoir la tension dans ses épaules et la méfiance présente sur son visage envers ce je lui demandais. Dès qu'il ouvrit sa main, nous fixions la jacinthe, qui ressemblait maintenant plus à une boule écrasée qu'à une fleur délicate.
Je soupirai intérieurement, sentant la frustration monter en lui.
— Soit délicat, c'est important de montrer de la douceur, l'informai-je en cueillant une nouvelle fleur pour l'échanger avec l'ancienne. La légèreté est essentielle dans ce geste.
Il recommença le mouvement, cette fois en veillant à ne pas écraser les pétales fragiles, effleurant la fleur avec une délicatesse nouvelle.
— Maintenant, répète après moi, dis-je à voix basse, observant son visage se durcir.
Morten leva ses yeux avec lassitude, ne souhaitant me montrer que ce côté désintéressé.
— Lylbiah.
Il fixa mes lèvres, puis répéta de manière rapide ce que je venais de lui dire.
— Lybiah.
— Non, tu ne le prononce pas de la bonne manière.
— Je l'ai prononcé comme toi.
— Alors tu ne m'as pas bien écouté. Lylbiah, répétai-je en essuyant d'articulé avec soin.
— Lylbiah.
— Donne un peu plus de légèreté dans ton intention, il ne faut pas se sentir agressé par ce simple mot. Répète-le encore.
— Lylbiah.
— Encore.
— Lylbiah.
— Maintenant, tu dois exercer ce frottement de main en exprimant le mot.
Morten grogna d'agacement en se levant.
— Aller, c'est bon. Je suis pas une putain de marionnette.
À mon tour, je me levai en le regarder avec fermeté.
— Ne sous-estime pas ce simple geste, il fait partie de notre plus grande marque de respect. Si tu veux qu'on t'accepte parmi nous, alors tu dois apprendre à te-
Il me coupa brusquement, la colère brulant dans ses iris.
— Mais merde, je ne veux pas être accepter par votre... peuple de lutin ! Je me fou royalement de votre marque de respect, je suis juste venu ici pour trouver des réponses, point finale.
Je fis un pas vers lui lorsqu'il recula instinctivement.
— Et ces réponses, tu les as trouvés ?
Le silence tomba lourdement entre nous, seulement interrompu par le bruissement des feuilles autour de nous.
— Hoak est peut-être un terrible marchant, mais c'est un Gardien. Il sait beaucoup de chose. Que t'a-t-il révélé ?
Morten resta silencieux, ses traits se durcirent, ses yeux évitant les miens. Avant qu'il puisse répondre, un hurlement perça l'air. Enok, quelque part entre ces hautes herbes, s'égosillait de terreur.
Comme tiré par une centaine de main, j'accouru vers les cris en poussant ces énormes feuilles face à moi.
— ENOK !
Ces cris me guidèrent jusqu'à lui. À mesure que je m'enfonçais dans la jungle, la peur me gagnait. Dès que mes yeux se posèrent sur un garçon aux cheveux rouge et aux bas trop grands pour lui, je me faufilai entre deux vestiges faites en pierre et l'agrippa par les épaules.
— Enok ! Nom d'un Elfiah sans oreille, qu'est-ce qui c'est...
Autour de nous se trouvait tout un champ vide de verdure. Il n'y avait plus aucun arbre, plus aucune herbe, et pas un seul insecte. La terre était brulée, mais ce n'était pas le pire. Il y avait surtout des dizaines de corps calcinés au sol, ils étaient méconnaissables, ayant totalement brulé pour la plupart d'entre eux.
— ...passé ici...
Je n'avais pas remarqué la présence de Morten près de nous. Il n'hésita pas à entrer dans ce cercle en cendre pour venir s'accroupir près d'un corps. Zemya nous avait aussi rejoint, je lui demandais de bien vouloir ramener Enok sur le chemin et de nous y attendre, ce sur quoi elle m'a répondu d'un hochement de tête.
Lentement, et avec précaution, je piétinai entre les ossements, le cœur lourd et la respiration coupée. Qui étaient-ils ? Des Elfiah ? Le peuple de la mer avaient-ils de nouveau massacré les notre ?
Je sentai mes membres trembler à mesure que les corps se multipliaient, des larmes menaçaient de couler de mes yeux, rendant ma vision floue.
— Qu'on-t-il fait à mon peuple, soupira ma voix dans un hoquet de souffrance.
Morten se leva et se tourna vers moi, un collier salit par les cendres pendait à ses doigts.
— Non, cette fois, il s'agit de mon peuple, venait-il d'exprimer, son regard posé sur le mien. Josh Fisher, c'était un boxeur du Golden Night. Il était là le soir où je t'y ai amené, et il faisait partie de ceux que tes lianes ont embarqué dans la brume.
Q... Quoi ?
— S'ils sont tous carbonisé, c'est qu'ils n'ont pas supporté ton portail magique.
Le garçon lâcha le collier et la plaquette en argent retrouva son propriétaire. En passant près de moi, Morten exprima pas loin de mon visage une phrase qui me rendis aphone :
— Alors, Clochette, tu penses toujours que si quelqu'un doit souffrir, c'est qu'il le mérite ? À ton avis, le méritaient-ils, eux ?
Ce pique m'allait droit au cœur.
Ce jour-là, j'avais perdu mes repères. J'étais entrée dans un endroit où les gens se battaient jusqu'à perdre la vie. Je n'avais pu me résoudre à laisser cet homme mourir sous les coups d'un autre, alors j'avais grimpé sur ce tas de sable dur, dans l'unique espoir de lui apporter un peu d'aide. De là, tout c'était enchainé d'une rapidité effrayante. Les spectateurs autour de moi avaient bondit de leurs chaises en dégainant des objets de guerre, un par un, ils avaient voulu m'attraper, et me tuer. Je n'avais fait que répondre par la même attaque.
La peur et la rage qui m'avaient animé engendra en moi une nouvelle source d'énergie, que je n'avais jamais ressenti au paravent. Pour la première fois, j'avais ouvert un portail en laissant les monstres des entre deux mondes se nourrir de mes offrandes. Bien sûr, leurs corps n'avaient pu supporter une telle force, et s'étaient décomposés avant même de toucher notre terre.
Mon pouvoir était grand, dévastateur, et ça, je l'avais ignoré toute ma vie. Était-ce pour cela que papa n'avait jamais voulu m'apprendre à l'utiliser ? Avait-il eu peur que je ne sache pas me contrôler ? Me pensait-il capable d'envoyer mourir toute une troupe incompatible avec notre monde ?
Il avait eu raison. Car savoir que ces corps sans vie étaient dans cet état par ma faute me rendait malade.
Morten n'était plus le seul à ignorer l'étendu de ses pouvoirs. Nous étions désormais deux à devoir apprendre à les contrôler, avant qu'on ne finisse par vouloir me les extraire aussi.
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