7. Mensonges
Le visage d'Ugo se décomposa, littéralement. Derrière lui se trouvait une petite blonde très mince, avec de grands yeux bleus. Elle ne correspondait pas à mon style de fille, mais elle était plutôt mignonne. En revanche, elle semblait n'avoir aucune confiance en elle. Sa voix était à peine audible et on avait l'impression qu'elle allait partir en courant au moindre geste brusque. Malgré son manque d'assurance, elle répéta :
"Monsieur Mercier, j'aurais juste besoin de vous parler...cela fait longtemps que je ne vous ai pas croisé au collège et...
-Mathilde, pas maintenant." Répliqua Ugo sèchement, sans même lui faire face.
Je ne m'étais pas trompé, elle était bien au collège. Je n'approuvais pas du tout le comportement d'Ugo avec cette jeune fille. Il était vraiment dur envers elle.
Mathilde, puisqu'elle s'appelait ainsi, baissa les yeux et déglutit avec difficulté. Elle tenta tout de même une dernière approche. Je soupirai quand je la vis ouvrir la bouche pour parler à nouveau. Connaissant Ugo, cela n'allait pas lui plaire.
"Je suis désolée mais je voudrais vraiment que l'on parle de la dern...
-Bordel, Mathilde pas maintenant ! Je te l'ai déjà dit je ne veux plus en entendre parler. Je suis occupé là, au cas ou tu ne l'aurais pas remarqué."
Il pivota et la regarda droit dans les yeux. Il baissa la voix, pour que les tables alentour ne profitent pas de leur conversation.
"Je ne veux plus jamais que tu reparles de cela, c'est clair ? C'est oublié, c'est du passé et ça n'a jamais existé."
La pauvre Mathilde avait les larmes aux yeux. Tout tremblante, elle rejoignit ses amies qui la firent sortir du bar immédiatement.
Ugo se retourna finalement vers moi. Il avait l'air gêné. Je pensais avoir tout à fait compris ce qui venait de se passer. Si tel était le cas, mon meilleur ami s'était bien moqué de moi avec son discours moralisateur. Je voulus d'abord m'en assurer.
"Tu m'expliques là ?"
Ugo passa la main dans ses cheveux, ne sachant sûrement pas quoi me répondre. Il finit par me dire :
"Ce n'est pas exactement ce que tu crois, Erwan...je...euh comment dire..."
Je laissai Ugo s'enfoncer dans son explication douteuse puis je lui demandai :
"Donc toi, tu serais plutôt en manque ou en retard mentalement ?"
Il ouvrit de grands yeux puis se mit à rire. Je lui souris. Il paraissait soulagé que je ne lui demande pas de justification. Il n'avait pas de compte à me rendre après tout et je n'avais certainement pas de leçon à lui donner.
En revanche, la façon dont il avait traité Mathilde ne me plaisait pas du tout. Il fallait au moins que je lui dise de calmer le jeu avec elle.
"En plus d'être un menteur, t'es un bel enfoiré avec elle. Que s'est-il passé pour que tu lui parles comme ça ?
-Oui enfin après c'est un peu plus complexe que ça en a l'air. Mathilde s'est enflammé et a cru qu'il y avait quelque chose de sérieux entre nous. Mais pour moi..."
Il se frotta le menton puis reprit.
"Comment dire ça clairement sans passer pour le salaud sans cœur...disons que moi je n'avais pas de vrais sentiments pour elle. Je ne l'ai pas utilisé, je ne savais juste pas qu'elle m'aimait.
-Oui mais elle a quatorze ans, Ugo. Elle avait cru trouver un homme mature qui l'aimait. Elle pensait sûrement avoir trouvé le grand amour. Elle a dû vivre un sacré ascenseur émotionnel."
Ugo soupira. Il savait que j'avais raison.
Alors il retourna la conversation à son avantage. C'était toujours ce qu'il faisait quand il se sentait mal à l'aise ou pris au piège.
"Mais dis moi, toi, comment fais-tu pour être aussi calé à ce sujet ? Ce ne serait pas toi qui te ferais une élève, des fois ?"
Devant mon silence, il sourit triomphalement. J'admettais que le coup du "je connais quelqu'un qui..." pour ne pas dire qu'il s'agissait de moi n'était pas très fin.
"J'en étais sûr ! Dès que tu m'as parlé du soit disant prof de français, j'ai su qu'il y avait anguille sous roche."
Je soupirai et me mordis l'intérieur des joues. Étais-je si transparent et peu subtil que cela ?
Ugo reprit un air sérieux et me dit d'un ton solennel :
"Fais pas le con, Erwan. Tu as Laura et les petits. Tu ne peux pas tout gâcher pour une petite lycéenne qui ne pique pas les yeux. C'est vraiment dur de construire quelque chose comme tu l'as fait. J'ai été témoin à ton mariage, je suis parrain de Lyna...je le vois bien, tu as une famille idéale. Alors s'il te plaît ne fiche pas tout en l'air, pour une lubie passagère."
Je ne pouvais pas m'empêcher d'être déçu. Une part de moi espérait qu'Ugo m'encourage à persévérer avec Cassandre. Ugo était le genre d'hommes qui ne se préoccupaient de rien, qui ne pensaient pas à l'après, qui satisfaisaient leurs envies immédiates.
"Mais toi, tu ne l'as pas fait peut-être ?"
Ugo ne quittait pas ce masque de fer et m'expliqua, comme à un enfant :
"Moi c'est différemment. Je n'ai personne dans ma vie. Pas de femme, pas d'enfant. Ma maison n'est même pas à moi, je suis encore locataire.
Toi tu es vraiment adulte, tu as des responsabilités, tu es mari et père de famille, alors ne déconne pas."
Je soupirai et me pris la tête dans les mains. Ugo me donna une tape amicale et rit de bon cœur.
"Et oui vieux ! C'est pour ça que je ne me suis jamais engagé !"
Il était presque dix-neuf heures quand je quittai le Bosphore, sans Ugo qui avait repéré une jolie serveuse et qui tenait absolument à lui donner son numéro. C'était sans aucun doute un infatigable séducteur.
Les enfants étaient déjà à table quand je rentrai chez moi. Laura était assise avec eux et les questionnait sur leur journée d'école. Pour faire bonne figure devant Lyna et Maël, je les embrassai comme d'habitude ainsi que Laura. Elle avait l'air très froide. Je me doutais bien qu'elle allait vouloir discuter et que cette fois je n'aurais pas d'échappatoire.
Les enfants finirent de manger et Lyna ne cessait de parler de ce nouveau garçon dans sa classe.
Laura débarrassa la table, tandis que je luttais avec Maël pour qu'il se brosse les dents. Comme tous les soirs, il faisait de la résistance. Mais il finit par obéir et se dirigea vers la salle de bain en traînant des pieds. Lyna, déjà fin prête pour aller au lit, faisait méticuleusement son cartable.
En clair, cette soirée ressemblait à n'importe quelle autre de mes soirées. Pourtant, je ne parvenais pas à me sortir de la tête que mon meilleur ami avait eut une relation avec une élève. Au final, cela n'avait pas l'air si grave. Même si Mathilde en souffrait, personne n'avait réellement payé les conséquences de cette histoire. Mais pourrais-je tromper Laura ? Je ne pensais pas. Même si ma routine me pesait, nous avions vécu trop de choses ensemble pour que je la trahisse de la sorte. Cependant, Cassandre était autre chose qu'une vulgaire maîtresse qu'on prenait et qu'on jetait ensuite. Je n'avais même pas spécialement envie de coucher avec elle. Pas encore en tout cas, je n'allais me lancer dans des pronostics hasardeux. Pour l'instant, je la trouvais juste unique. Enfin, je ne savais pas vraiment mais il y avait ce petit quelque chose de particulier que je ressentais quand j'étais avec elle. Je n'aurais pas su définir quoi exactement.
Ugo avait parlé d'elle comme d'une "lubie passagère", mais je ne pouvais pas ressentir tout ça juste pour une lubie.
"Erwan, va embrasser les petits, ils t'attendent."
Laura me sortit de mes pensées. Je réalisai qu'il ne restait plus qu'elle dans le séjour. Les enfants étaient déjà dans leur chambre. J'avais dû être trop absorbé pour le remarquer. Devant l'air agacé et autoritaire de Laura, je ne bronchai pas. Je me levai et rejoignis Lyna et Maël dans leur chambre.
Je bordai Maël et l'embrassai rapidement. Alors que je me penchais au dessus de ma fille pour lui souhaiter bonne nuit à son tour, elle me chuchota :
"Papa...vous allez divorcer avec Maman ?"
Je me redressai, surpris. Je fronçai les sourcils puis souris à ma fille et lui répondis sur un ton rassurant :
"Mais non ma chérie, nous n'allons pas divorcer. C'est juste qu'on est pas d'accord sur certaines choses, ça arrive à tout le monde. Ce n'est pas pour cela qu'on ne s'aime plus."
Lyna ne parut pas convaincue et m'expliqua :
"Oui mais tu sais ce soir, comme tu n'étais pas rentré à la même heure que d'habitude elle avait l'air fâchée. J'ai cru qu'elle allait pleurer aussi."
Comment Laura pouvait-elle se mettre dans des états pareils pour une heure de retard ? En plus, à être aussi démonstrative devant les enfants, elle les inquiétait. Je souris à ma fille et caressai ses cheveux.
"Ne t'inquiète pas ma puce, tout va bien."
J'éteignis en suite la lumière et descendis dans le salon. Laura était assise sur le canapé, les bras croisés. Cette fois, c'était moi qui lui en voulais. Elle faisait peur aux enfants avec ses sautes d'humeur et ses coups de sang pour des motifs aussi futiles.
Je m'assis dans le fauteuil en face d'elle. Elle me dévisagea sans rien dire. Elle semblait très en colère. Sincèrement, je ne comprenais pas pourquoi. Autant qu'elle soit directe. J'avais mal au crâne et je n'avais pas envie de m'éterniser sur des choses qui n'en valaient pas la peine. J'avais déjà suffisamment de problèmes ces derniers temps. Alors que j'ouvrais la bouche pour lui demander d'être brève, Laura prononça une phrase lourde de reproches et d'amertume :
"Erwan, qui est Cassandre ?"
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