21. Promesses
J'appuyai sur la sonnette de la maison de mes beaux-parents. Je me rappelai alors. Il s'agissait à présent uniquement de la demeure de ma belle-mère. Je pensais que le père de Laura avait eu beaucoup de chance de mourir avant de perdre sa fille.
Je pénétrai dans la cour de la maison familiale. Je frappai à la porte et entrai sans attendre que l'on m'ouvre.
La sœur de Laura, Emma, tenait Maël dans ses bras. Elle le posa à terre et mon fils courut vers moi. Je me baissai et il vint se blottir dans mes bras. Je le serrai de toutes mes forces. Maël me chuchota à l'oreille :
"Je voudrais voir Maman, Papa..."
Je serrai mon fils plus fort et lui répondis, sur le même ton :
"Je sais mon chéri, je sais."
Je reposai mon fils et me dirigeai vers Emma. Elle resta raide, devant moi, froide comme le marbre. Puis, comme au ralenti, elle posa sa main sur mon épaule. Je me sentais affreusement mal. Je me doutais bien de ce qu'elle devait penser. Elle avait perdu sa sœur par ma faute. Elle n'avait pas forcément tort. Je voulus lui dire combien je regrettais mais elle me coupa d'un geste de la main et dit :
"C'est inutile, Erwan. Il est trop tard maintenant. Ne t'excuse pas ou quoi que ce soit, cela ne changera rien et ne ramènera pas Laura."
Je soupirai et étreignis Emma. Je m'étais toujours plutôt bien entendu avec elle mais je savais que tout était fini dorénavant.
La sœur aînée de Laura posa son front sur mon épaule puis recula d'un pas et croisa les bras.
"Ma mère est dans le salon avec Lyna." M'informa t'elle en désignant la pièce d'un mouvement du menton.
Je pénétrai dans la pièce lumineuse qu'était le salon de mes beaux-parents. L'endroit était gigantesque. Je trouvai effectivement ma belle-mère assise sur un petit banc devant le piano avec Lyna. La musique que jouait ma fille me retourna de l'intérieur. Wind's wreck. C'était une mélodie que Laura jouait souvent quand nous avions un piano. À l'époque je trouvais ce morceau vraiment beau et profond.
Mais aujourd'hui, le son qui s'échappait de l'instrument me semblait brumeux, affreusement mélancolique et s'apparentait à une longue complainte.
Ma belle-mère leva les yeux du clavier quand j'entrai dans la pièce. Elle ôta doucement les petites mains de Lyna des touches noires et blanches et lui chuchota :
"Ton papa est là."
Lyna descendit du banc et se dirigea vers moi. Je me baissai et la pris dans mes bras. Elle me serra mollement. J'avais la sensation que ma fille était une poupée de chiffon entre mes bras. Je reculai mon visage pour pouvoir la regarder dans les yeux. Ses beaux yeux bleus étaient sans expression. Je lui murmurai :
"Ma chérie, je sais que tu souffres beaucoup, je sais que tu m'en veux et je te comprends. Je sais que Maman te manque et à moi aussi, énormément. Mais il faut qu'on soit forts, c'est ce qu'elle aurait voulu."
Ma gorge se serra quand le doux visage de Laura s'afficha dans mon esprit. Je savais que j'en demandais beaucoup à Lyna, surtout que je n'arrivais pas moi-même à ne pas laisser transparaître mes émotions. Ma fille blottit à nouveau sa tête dans mon cou. Je lui embrassai le sommet du crâne et la reposai à terre.
Je jetai un coup d'œil à la mère de ma femme. Celle-ci me toisait, le regard dur. Je demandai à ma fille :
"Va avec Tata et Maël le temps que je parle avec Mamie, s'il te plaît. Nous resterons ensemble ensuite, je te le promets."
Lyna se retourna vers sa grand-mère puis quitta la pièce en silence.
Une fois que ma fille fut sorti, ma belle-mère me lança :
"N'essayez même pas de m'expliquer. Je sais que vous êtes persuadé que vous n'y êtes pour rien mais tout cela c'est de votre faute. Mon enfant, ma petite fille m'a été enlevée à cause de vous. Vous savez ce que cela fait ? Non, vous n'en avez aucune idée. Laura vous était vouée corps et âme et tout ce que vous avez réussi à faire c'est à la faire souffrir ! Pendant douze ans, tout ce que vous avez fait l'a fait souffrir !"
Je voulus interrompre la mère de Laura, lui dire que c'était faux, mais elle poursuivit sans même me laisser prononcer un mot.
"Vous l'avez abandonnée il y dix ans, lâche que vous êtes, sombrant dans l'alcool et laissant ma fille seule alors qu'elle avait perdu son enfant. Puis vous avez recommencé il n'y a pas un mois ! Et maintenant vous l'avez guidée jusqu'à la mort après l'avoir trompée ! Je l'ai toujours su que vous alliez ne nous apporter que de la souffrance mais je ne pensais pas que vous iriez jusqu'à m'arracher l'une de mes raisons de vivre !"
La vieille femme se laissa tomber sur le banc du piano et fondit en sanglots. Je contractai les mâchoires. Si elle n'avait pas perdu son mari et sa fille en un laps de temps très court, je lui aurais clairement dit ma façon de penser.
Ma belle-mère, prostrée sur son siège, continuait à me cracher des horreurs. Ma colère se transforma alors en peine et en honte. Malgré moi, une larme parcourut ma joue, roula jusqu'à mon menton pour aller s'écraser sur le carrelage froid du salon. La mère de Laura le remarqua et me glissa :
"C'est trop tard pour nous faire ce numéro. Vous ne pouvez pas réparer ce que vous avez fait."
Je serrai les poings et me jurai que c'était la dernière fois que je pleurais ou même que je montrais mes vrais sentiments devant quelqu'un comme elle.
Je quittai rapidement le salon. La mère de Laura avait raison sur un point. Quoique je fasse, rien ne pouvait changer ce qu'il s'était passé.
Emma lisait une histoire à mes enfants sur un petit canapé dans le hall. Je m'approchai de ma belle-sœur et lui glissai à l'oreille :
"On peut rentrer à la maison ?"
Emma fronça les sourcils et se mordit la joue, signe qu'elle réfléchissait ou qu'elle hésitait, tout comme le faisait Laura. Puis elle me répondit à demi-mots :
"Oui, il s'est écoulé 24h, tout a été nettoyé. C'est ce que nous avait dit les flics en tout cas."
Comme j'allais me redresser, elle ajouta :
"Mais vous devriez rester Erwan, au moins quelques jours. Je pense qu'il serait préférable pour toi et surtout pour les enfants, après ce que vous avez vécu enfin...tu vois ce que je veux dire."
Je dis mine de considérer sa proposition mais je connaissais déjà pertinemment la réponse. Je savais qu'il serait dur de retrouver la maison et tous les souvenirs qui y sont attachés. Mais je trouvais encore plus nocif pour nous trois de rester ici. Les enfants étaient vraiment perturbés et le malheur de leur grand-mère ne pouvait pas leur être imposé. Je voulais qu'un adulte qui sache se maîtriser les garde. Pas que je sois infaillible, mais je pensais pouvoir prendre sur moi avec Lyna et Maël, je leur devais cela.
"Non, c'est gentil mais je ne pense pas que ce soit une bonne solution." Répondis-je enfin.
"Lyna, Maël, allez embrasser votre grand-mère et la remercier, nous y allons."
Mes enfants interrogèrent leur tante du regard, qui leur sourit. Ils se dirigèrent alors sans un bruit vers le salon. Je me laissai tomber à côté d'Emma.
"Je ne sais pas comment nous allons nous en sortir, comment je vais les aider." Laissai-je échapper.
Emma resta silencieuse. Mais que pouvait-elle dire ? Elle était aussi impuissante que n'importe qui. Il n'y avait rien de pire que ce sentiment. L'impuissance.
Maël revint le premier, ses yeux d'ordinaire toujours brillants, vides de toute expression. Lyna le rattrapa rapidement et je vis à la rougeur de ses yeux qu'elle avait pleuré.
J'embrassai Emma, pris Maël dans les bras et Lyna par la main. Je sortis ensuite rapidement de la demeure, sans me retourner, et fis monter mes enfants en voiture.
Quand j'ouvris la porte de la maison, Lyna s'avança lentement et s'approcha de la salle à manger. Elle observa le sol, détaillant le moindre millimètre carré du parquet. Puis elle leva les yeux vers moi et planta son regard dans le mien. Je ne pus même pas soutenir le regard plein de détresse de ma fille et pris Maël dans mes bras pour le faire entrer.
Cela faisait maintenant plus d'une heure que j'étais assis dans le canapé, fixant le mur d'en face. Je savais que je devais me remuer. Mais je n'y parvenais pas. Je savais que je ne pouvais pas me laisser aller au désespoir comme ça parce que j'étais tout ce qu'il restait aux enfants. Mais j'avais l'impression d'être en face d'un obstacle insurmontable.
Il était presque dix-neuf heures trente quand on sonna. Il pleuvait toujours mais la nuit était tombée et les ténèbres régnaient dans la pièce.
Je me levai lentement et me dirigeai vers la porte. En ouvrant, je découvris Ugo, trempé de la tête aux pieds. Sans que j'ai le temps de comprendre, il me prit dans ses bras. Je fus surpris au départ, il n'avait jamais fait ce genre de choses. Puis, à nouveau malgré moi, je fondis en larmes.
"Je suis vraiment désolé, Erwan." Prononça t'il.
Je tentai de me ressaisir rapidement et invitai Ugo à entrer. Il déposa un sac en papier sur la table et déclara :
"J'ai apporté de quoi manger, je me suis dis que vous n'y penseriez pas forcément."
Je le remerciai du bout des lèvres. Il demanda ensuite :
"Je peux appeler les enfants ?"
J'acquiesçai. Ugo interpella Lyna et Maël du bas de l'escalier. Mon fils arriva en moins d'une minute et vint s'asseoir à table. Lyna, en revanche, ne descendit pas.
Je voulus monter mais Ugo me dit :
"Laisse-moi y aller Erwan, si tu veux bien. Reste avec Maël, lui aussi a besoin de toi."
Je ne protestai pas et donnai à Maël une boîte de nuggets. Il me sourit et commença à manger sans un mot. Je regardai mon fils. Me pardonnera t-il un jour ? S'en souviendra t'il au moins ? Oui, sans aucun doute.
C'était absolument injuste qu'un enfant ait à subir cela. Tout ça pour une histoire qu'il ne connaissait pas et dans laquelle il n'était impliqué à aucun moment.
Lyna finit finalement par descendre, sa main tenant celle d'Ugo. Ses mâchoires étaient serrées et je vis qu'elle avait pleuré. Elle vint s'asseoir à table et remercia Ugo pour le repas.
Nous mangeâmes dans un silence pesant, chacun de nous se débattant avec ses propres pensées.
À la fin du repas, les enfants allèrent directement se coucher. Alors que je ramenais Maël de la salle de bains, j'entendis Ugo parler à Lyna dans sa chambre.
"Tu me promets alors d'essayer de faire ce qu'on a dit ?"
Un silence suivit la phrase de mon meilleur ami. Je m'arrêtai dans le couloir pour entendre la suite.
Ugo insista :
"Hein ma chérie, tu as compris ce que je t'ai dit tout à l'heure ? C'est très important Lyna. Ce sera difficile au début mais c'est très important pour vous trois."
Une poignée de secondes s'écoula puis Lyna répondit :
"Oui parrain, je te promets."
Je me remis en marche et entrai dans la chambre. Ugo se redressa et embrassa Lyna et Maël pour leur souhaiter une bonne nuit. Je fis de même et fermai la porte de leur chambre.
Ugo et moi redescendîmes et nous installâmes dans le canapé. Nous restâmes un certain temps silencieux face à l'autre, cherchant comment aborder le pire des sujets. Ugo finit finalement par me dire :
"Je n'y ai tout simplement pas cru au début. Quand j'ai vu ça hier...je...j'avais l'impression de rêver, que cela ne pouvait pas être vrai."
Ma gorge se serra. Je racontai à mon tour :
"Quand je suis rentré, j'ai vu Cassandre qui se tenait devant moi. Elle ne ressemblait pas du tout à celle qu'elle était. Ses traits étaient si creusés et il lui manquait des doigts. Ensuite, je me suis aperçu qu'elle portait les vêtements de Laura et qu'elle était tachée de sang."
Ma voix tremblait et je fis des efforts pour articuler :
"C'était son sang, Ugo ! Il y en avait partout ! Et puis je l'ai vue. Elle était attachée à une chaise. Elle était si pâle mais si belle. Si tu savais comme elle était belle...je n'arrive pas à me dire qu'elle n'est plus. Comment cela a t'il pu arriver ? Notre vie allait être si parfaite."
Je repris ma respiration.
"Et à l'hôpital j'ai appris que Cassandre se faisait soigner. Tu te rends compte qu'on la soigne ! J'aurais dû la tuer, j'aurais tout simplement dû la tuer. Elle ne mérite pas de vivre. Comment a t'elle pu m'arracher Laura si elle m'aime vraiment ? Comment a t'elle pu me faire autant de mal si elle m'aime ? Ce n'est pas de l'amour. Elle ne peut pas aimer, c'est un monstre."
Ugo posa sa main sur mon épaule, pour que je me calme et dit :
"Mais c'est fini Erwan, elle va passer sa vie en prison. Elle sera enfermée pour toujours dans une cellule et ne causera plus de tort à personne."
Je repris mes esprits, je me sentais quelque peu apaisé, ou bien vidé de mes émotions en tout cas. Mes idées me semblaient plus claires. Je haussai un sourcil à la remarque d'Ugo et affirmai :
"Je ne parlerais pas si vite si j'étais toi. Cela fait longtemps qu'elle aurait dû être attrapée et cela n'a jamais été le cas. Pourquoi ? Parce qu'elle est intelligente et qu'elle a une volonté à toute épreuve. Mais sois assuré d'une chose. Si jamais, pour n'importe quelle raison et de n'importe quelle façon je la revois, je ne poserais pas de question. Je la tuerais."
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¡ Holà !
Cela faisait un bon moment que j'avais pas publié mais j'avoue que j'écris surtout quand j'en ai vraiment le temps c'est à dire pendant les vacances. Donc voilà je publie enfin ! Je voulais vous dire que je suis désolée parce que pour l'instant Erwan est vraiment en mode repli sur lui-même et qu'à lire c'est peut être chiant pour certains (mais à écrire aussi je vous rassure 😂). Mais je me disais que quand même le mec vient de perdre sa femme, il a vu le corps et tout donc il peut pas "avoir la super pêche" comme dirait un certain homme politique (désolée la primaire me monte à la tête 😅).
Enfin voila bisous ! 💕
Ps : la musique dont je parle dans le chapitre est en lien ! Voilà le nom de l'interprète et le titre ci-dessous :
~~Crédits :
Myuuji-Wind's wreck~~
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